lundi 13 décembre 2021

HOMMAGE Á CÉCILE DRAPS - ADIEU, CÉCILE, NOTRE CAMARADE ET MERCI!

 

Avec les résidents de sa Maison de repos, elle participe aux Olympiade des seniors,
 et ...passe au JT du  23/05/2018


Une des dernières fois que, avec Annie mon épouse, nous avons rencontré Cécile, c’était le 5 juillet dernier, à l’occasion de son anniversaire. Elle nous attendait et avons bavardé, dans le jardin ensoleillé de Sainte Monique, autour d’une coupe.
Elle était, il est vrai, un peu énervée par notre habituel retard : « Je sors ce soir, nous confie-t-elle, et je dois encore me préparer ». En effet, elle était, dernière actrice des réseaux de soutien au FLN algérien encore en vie, invitée à la réception de l’Ambassade d’Algérie pour la fête de l’Indépendance.
Tout un symbole : les astres s’étaient alignés pour que l’Algérie, pour l‘indépendance de laquelle elle avait donné le meilleur d’elle-même, proclame sa victoire le jour de ses 30 ans !

 L’ALGÉRIE, UNE DES PLUS BELLES PAGES DE LA SOLIDARITÉ INTERNATIONALISTE

Diplômée en Droit de l’ULB en 1954, elle réalisera au fil des mois que, à 100km de Bruxelles, la France dans sa guerre contre le peuple algérien, torturait et exécutait, comme les nazis pendant la guerre.
Son mari Lucien Pary et elles rejoignent, fin des années 50, les réseaux de soutien au Front de Libération Nationale algérien, ce Front du Nord regroupant des dizaines de militants de l’ombre, écrivant ainsi, après les Brigades Internationales en Espagne, une des plus belles pages de solidarité internationaliste de l’histoire contemporaine en Belgique.
« Cécile avait mis le pied à l’étrier dans les causes politiques grâce à son confrère belge André Merchie. Par son intermédiaire, elle avait intégré le Collectif des avocats du FLN placé sous la res­ponsabilité de Ali Haroun, qui est alors membre du Comité fédéral du FLN », précise l’historien Paul-Em­manuel Babin qui a étudié en profondeur cette période.
Le Collectif des avocats belges du FLN, dont le chef de file était Maître Serge Moureaux décédé le 25 avril 2019, comptait, dans ses rangs les avocats Marc de Kock
Avec l'avocat Serge Moureaux, à l'époque du collectif de défense des
militants algériens.
                                                                            
commémoration du 60e anniversaire de l'assassinat
de Akli Aïssiou- ULB mars 2020
avec PE Babin et Ali Haroun)
 André Merchie et Cécile Draps.
Elle plaide en France et même à 2 reprises en Algérie.

 Période déterminante pour elle,  d'engagement intense quotidien,  non dénué de risques, qu’elle relativisait, avec sa constante modestie, en faisant remarquer que « les inculpés algériens, détenus en France ou en Algérie, eux, risquaient souvent la peine capitale" ».

En 1963, l’indépendance de l’Algérie ayant été proclamée, ils décident avec Lucien de partir en Chine où lui travaillera à l’agence de presse « Chine nouvelle » et elle, pendant un an, à Radio- Pékin.
Une personnalité forte et entière, l’engagement total dans le collectif d’avocats de défense des militants algériens, l’immersion d’un an dans la Chine de Mao et dans les grands débats idéologiques des années 60 - elle les a en effet suivis de près, puisqu’elle en lisait les textes en français à Radio Pékin – voilà les deux sources qui allaient forger l’inébranlable engagement politique de Cécile pour le restant de ces jours. Toute sa vie, à travers tous les retournements de l’histoire, elle se réclamera des principes du communisme.

Je l’ai personnellement rencontrée, pour la première fois un soir de 1964. Á son retour de Chine, elle avait rejoint le Parti communiste, prochinois, 
fondé par Jacques Grippa.
Elle y jouera, alors un rôle de discrète pionnière dans le développement de la solidarité avec le Vietnam, grâce aux contacts vietnamiens qu’elle nouera dans des réunions internationales à Budapest et à Tokyo.
Manifestation à Florennes contre la présence d'une base américaine
A l’origine d’un appel de soutien aux combattants du Front National de Libération du Sud Vietnam, regroupant des personnalités aussi diverses que, le syndicaliste Jacques Yerna, le dirigeant JGS, Georges Dobbeleer, le communiste Henri Glineur, le sculpteur Frans Masereel, le peintre Roger Somville et Camille Huysmans, elle sera aussi la cheville ouvrière, à la base, d’un Comité liégeois de solidarité avec le peuple vietnamien, dont, assez fière, elle me parlera encore 50 ans plus tard :  "C’étaient de vrais membres, 
qui payaient une cotisation, avec des « vrais » militants ouvriers et intellectuels, avec de  « vraies » alliances politiques, notamment avec le Parti Wallon des Travailleurs ". Elle brocardait ainsi les organisations dites de masse, qui n’étaient qu’une façade du parti grippiste.

Cela lui vaudra d’être sévèrement critiquée par son Bureau Politique, pour avoir osé faire alliance avec des « trotskistes ».
Cette anecdote illustre une de ses plus grandes qualités : son indépendance d’esprit.
Chargée de défendre les militants du parti, parfois dans des affaires des plus difficiles, elle ne supportait pas qu’on lui impose à la dernière minute des oukases dans sa ligne de défense décidée.
La militante Cécile Draps, si elle était disciplinée, n’a jamais été ni un petit soldat ni un béni oui-oui ; elle a toujours voulu penser avec son propre cerveau et rechercher la vérité dans les faits.
C’est ainsi qu’elle fut exclue de son parti fin 1966 pour avoir, seule contre tous dans le groupe liégeois, refusé d’avaliser les charretées d’exclusion (Herz et Yvonne Jospa ,  Sam Herssens, Elena Hasard, Jacques Boutemy, Annie Thonon, Achille Van Turnhout, Susy Rosendor), qui pleuvaient dans son parti, sans avoir entendu les camarades mis en cause, notamment Maurice Delogne et Fons Moerenhout.

 

LA GREVE DES OUVRIÈRES DE LA FN 

« Nous les avons aidées à prendre possession de la rue »

 1966, avec la grève des ouvrières de de la FN, sera une autre année-charnière. Cécile s’était, en 1965, installée à Liège, y ouvrant son cabinet d’avocat, boulevard de Laveleye. Elle était militante du Parti Communiste Wallon (« aile » wallonne du PC-Grippa)


Les bons yeux discerneront, au 1er rang, Cécile, souriante au milieu des ouvrières
 de la FN en grève,( un paquet de journaux à la main)

« Nous n'étions qu'une poignée, mais nous avons été aux portes de l'usine tout au début de la grève des ouvrières » dit-elle en 2016, à l’occasion du 50e anniversaire de la grève.
Nous avons rencontré alors Germaine et ses camarades. Par la suite, nous nous sommes vues pour ainsi dire tous les jours.




Nous nous rencontrions chez Germaine à Saint Nicolas, rue des Bons Buveurs, avec ses camarades et c'est elles qui parlaient pour rédiger le texte des tracts du Comité d'Action, que nous imprimions. Nous les accompagnions aussi aux autres usines pour les diffuser, au nom du Comité d'Action.
J 'ai eu l'idée de faire une affiche, et c'est un ami, graphiste professionnel, Julien Dawlat qui l'a dessinée.
Il se fait que cette affiche – simple, belle, accrocheuse, - correspondait parfaitement à la revendication des femmes, qui s'en sont emparées.
Nous les avions collées sur des dizaines de panneaux et les avons amenées pour les manifestations. Et 3000 femmes dans la rue avec plein de panneaux avec la même affiche accrocheuse, ça impressionne !
Cela correspondait parfaitement aux besoins des femmes en grève de s'exprimer, et c'est ce qui en a fait l'affiche - symbole, restée dans l'histoire. »
« Je les ai accompagnées aussi à Charleroi, aux ACEC, je pense que c'était le jour du démarrage de la grève là-bas.

C'était vraiment ce noyau du Comité d'Action – une petite dizaine d'ouvrières - qui était l'âme militante de cette grève. C’étaient-elles qui étaient en tête des rassemblements et qui étaient reconnues par l'ensemble des ouvrières comme les leaders naturelles.
La rencontre entre les femmes du Comité d’Action et la poignée de militant(e)s du PCW -  Union des femmes, s'est faite, parce que nous étions là, militant(e)s engagé(e)s, enthousiastes et mobilisé(e)s 24h sur 24, et que nous avons répondu tout de suite et vite, au besoin qu'elles avaient d'exprimer leurs revendications , de les faire connaître , de les crier dans la rue , au besoin aussi d'étendre leur mouvement aux autres usines, alors que ceux- la mêmes qui auraient dû être à leurs côtés, freinaient des 4 fers.
En fait, nous les avons aidées à prendre possession de la rue (manifs répétées de l'usine à « La Ruche » pour les assemblées), qui était de fait le lieu de rassemblement et de mobilisation, puisqu'il n’y avait pas de piquets ».
voir sur la grève de la FN:

et  https://rouges-flammes.blogspot.com/2016/02/fn-herstal-le-9-fevrier-1966-la-lutte.html

LE SECOURS ROUGE ET LES PROCÈS OUVRIERS



« Il est évident que l’occupation est un élément de la grève, un fait de grève. Et si la grève est un droit des travailleurs, l’occupation en est un également »

« Á partir du moment où il existait une grève, les travailleurs

 n’avaient pas à obéir aux ordres de la direction »

Plaidoirie de Me Draps du 19/06/1972, en appel, au nom d’un travailleur licencié des Forges de Clabecq

En 1969-1971, les luttes ouvrières explosent en Belgique, avec comme événement-phare, la grève de six semaines des mineurs du Limbourg en janvier 1970. Des grèves ont lieu notamment à Caterpillar – Gosselies (décembre 1969, juin 1970), Leffe – Dinant et, dans la région bruxelloise aussi, à Citroën-Forest (novembre 1969, novembre 1970), Michelin à Leeuw-Saint-Pierre (février et juin 1970), Nestor Martin à Ganshoren (février 1970) et aux Forges de Clabecq (juin 1970).
Beaucoup de ces grèves connaissent une répression patronale particulièrement féroce et massive : 48 travailleurs sont licenciés à Michelin, 22 à Clabecq, 25 à Caterpillar, 66 à Citroën : plus de 150 en tout, la plupart pour « faute grave », donc sans indemnité de préavis ni allocation de chômage pendant plusieurs semaines ; la majorité d’entre eux sont des travailleurs immigrés.
Une riposte juridique de grande ampleur est dès lors nécessaire
   porter plainte devant les tribunaux du Travail, pour licenciement abusif, au nom des dizaines de travailleurs licenciés.
A      assurer la défense au pénal des travailleurs poursuivis pour rébellion lors d’interventions de la gendarmerie (Caterpillar)           
              porter plainte au pénal contre les nervis des milices patronales qui, armés,  ont agressé les grévistes ou les militants. ( Citroën, Michelin)
Autour de Cécile, de nombreux avocats sont dès lors mobilisés et, d’autre part, une structure politique militante est mise sur pied pour organiser la solidarité, l’information et la mobilisation : ce sera le Secours Rouge (1970—1973).
Cécile, avec Maurice Beerblock, Robert Fuss, Jacques Boutemy et d’autres en prennent l’initiative.

La ligne de défense est fondamentalement politique.
C’est une ligne de rupture avec l’ordre établi, basé sur la paix sociale, le droit de propriété des patrons, et les obligations hiérarchiques.
C’est la défense intégrale du droit fondamental et universel de grève, quelles que soient les accords de « paix sociale » Et, dans ce cadre, du droit pour les travailleurs de mener les actions inhérentes au droit de grève, occupation d’usine, piquets de grève, meetings, manifestation, affichage, etc. Le droit aussi, en temps de grève, de ne plus obéir aux ordres de la hiérarchie.

 Extrait de plaidoirie de Me Draps - 19/06/1972 – action en appel intentée par R. C. à la direction des Forges de Clabecq pour licenciement abusif.

« L’employeur ne peut prendre aucune sanction à l’encontre au grévis­te pour fait de grève. La jurisprudence établit que, dans l’applica­tion constitutionnelle du droit de grève, le travailleur doit être provisoirement tenu « hors discipline ».
« Messieurs, dans la mesure où ils sont « hors discipline », les ouvriers n’ont pas à obéir. Á partir du moment où il existait une grève, les ouvriers n’avaient pas à obéir aux ordres venant de la direction. Si les ou­vriers occupent les bâtiments et reçoivent l’ordre de les évacuer - alors qu’en fonction même du fait qu’ils sont en grève, ils ont le droit de le faire - ils n’ont pas à obéir, ils n’ont pas à évacuer, les lieux. »


Mais Cécile ne fait pas que plaider : elle s’empare aussi de la communication autour de ces procès, et la militante passe des prétoires aux salles de meeting pour expliquer, expliquer, encore expliquer.

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SECOURS R0UGE CHARLEROI.
                                    ATTENTION                                 ATTENTION
 
A TOUS LES TRAVAILLEURS DE LA REGION
6 JEUNES OUVRIERS DE CATERPILLAR PASSERONT EN CORRECTIONNELLE LE 15 JUIN 1971 A 9 H.  
Le S.R. organise une conférence le 14 juin à 19 H. au Café du Square, 36, Boulevard P. Janson à Charleroi.

La camarade Cécile DRAPS, avocat à la Cour d’Appel, prendra la parole sur
« Le Secours Rouge et le déroulement des procès en cours »

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Elle a sans conteste été la cheville ouvrière de la bataille politique et juridique contre la répression patronale et policière du « Mai ouvrier » belge.

Et aujourd’hui encore 50 ans plus tard, nombreux sont les militants, comme Hubert Hedebouw, Kris Hertogen, qui rendent hommage à son engagement politique à leurs côtés, devant le tribunal, étroitement lié à son très grand professionnalisme.

Moi-même, dans ces années 70, j’ai été défendu 3 fois, par Cécile devant les tribunaux correctionnels à Bruxelles et à Liège pour avoir résisté à l’arrestation policière, lors d’actions antiracistes ou antifascistes. J’ai été acquitté, ou, au pire, il y a eu suspension du prononcé.

ADIEU CÉCILE, NOTRE CAMARADE, ET MERCI …Dans les années 1970-1972, dans l’après mai 68, le bouillonnement des idées propre à toute période d’essor des luttes populaires, a conduit à une reconfiguration complète du paysage politique de la gauche radicale.

Échaudés par l’expérience négative du PC – Grippa, nous étions quelques- uns, dont Cécile, à refuser, au nom de la nécessaire implantation dans les masses, l’adhésion à une organisation autoproclamée avant-garde « marxiste -léniniste ».
En 1972, alors qu’en Flandre naissait AMADA, et qu’en Belgique francophone, une myriade de groupes plus marxistes-léninistes les uns que les autres se constituaient ou se perpétuaient, nous avons fondé, avec quelques dizaines de camarades, enfants de mai 68 et de la Révolution culturelle chinoise, un groupe « maoïste » autour du journal « La Parole au Peuple ».
Cécile, bien que surchargée de travail à son cabinet en était l’antenne liégeoise jusqu’à ce que, à quelques-uns, nous l’ayons rejointe pour former un groupe liégeois.
Jusqu’en 1977, quand la PAP cessa son activité, Cécile en était une militante assidue
Présente tôt matin aux portes de la FN pour distribuer un tract ou vendre le journal, elle trouvait le temps, aussi, malgré la fatigue de la journée, de plonger dans sa voiture, le soir, pour assister à l’une ou l’autre réunion.

 

J’ai de nombreuses années plus tard, en 2016, retrouvé Cécile à l’occasion du 50e anniversaire de la grève des ouvrières de la FN.
Elle avait en 2014 signé l’appel de nombreuses personnalités à soutenir les listes électorales PTB Go !
Que du bonheur ! Á chaque rencontre , non seulement, nous retrouvions une Cécile chaleureuse et bienveillante, pleine d'empathie, mais aussi une camarade, curieuse de tout et, avec son esprit vif et intelligent, avide d’échanges politiques.
L’activité du PTB était passée au crible avec une bienveillance parfois très critique…
Elle suivait sur son ordinateur portable, qu’elle avait réussi à plus ou moins domestiquer, les campagnes de Mélenchon ou les interventions de Raoul.
Nous nous échangions tel ou tel texte sur la Chine à laquelle elle était restée très attachée. « Mon point de vue est en train d’évoluer » disait-elle.
Nous avons aussi, avant le confinement, à quelques-uns, trié ses archives, qu’elle a confiées à l’Institut d’Histoire Ouvrière Économique et Sociale.
Fons Moerenhout et Suzy Rosendor nous rejoignaient alors, pour parler élections ou Venezuela ou d’autres choses.
Cécile adorait la politique, échanger sur la  politique, mais aussi faire de la politique !
Je dois avouer qu’elle a été, ces cinq dernières années, la personne avec laquelle je me suis trouvé le plus en symbiose au niveau des idées. Sa disparition va laisser un grand vide.
Je l’ai vue, après une période difficile faite de multiples hospitalisations, rassérénée et bien soignée dans sa maison de retraite Sainte Monique,  établissant tel ou tel lien culinaire avec des résidents, ou préparant une réunion sur les activités de la maison.
Je l’ai rarement vue se plaindre, alors que le corps souffrait et que le confinement en chambre avait cassé le moral.
Elle avait la modestie et la discrétion d’une grande dame, qui n’a pas besoin de parler d’elle pour rayonner.
Adieu Cécile, ma camarade, et merci pour tout ce que tu nous a apporté…

 mars 2020 :inauguration d'une plaque commémorative à Akli Aïssiou,
étudiant algérien assassiné à Bruxelles par les services français
avec Cécile Draps, Suzy Rosendor, P.E. Babin et des membres de la famille de serge Moureaux



lundi 25 octobre 2021

CHRONIQUES D'UNE GUERRE ANNONCÉE

 


Les 3 fascicules de "CHRONIQUES D'UNE GUERRE ANNONCÉE" sont à nouveau disponibles disponibles sur le net en pdf . 
Ces fascicules regroupent une sélection des articles de politique étrangère rédigés 
de 1933 à 1939 par E. PARISET, nom de plume de mon père Arthur TONDEUR (1908-1999) d’abord pour "Le Drapeau Rouge" hebdomadaire, ensuite pour "La Voix du Peuple" quotidienne.
Elles évoquent, les unes l’Espagne ou l’Éthiopie, les autres, l’Autriche et la Pologne, la Tchécoslovaquie et Munich, d’autres encore, la Chine, l’Albanie, tous pays victimes, dès 1931, des agressions de ce qui deviendra l’axe Berlin- Rome -Tokyo. 
Cela fait plusieurs années que ce projet de mémoire familiale me poursuit. La mise en ligne par la Bibliothèque Royale de la presse belge et de la presse communiste en particulier (en collaboration, pour ce cas précis, avec le CArCob) en facilite considérablement la réalisation. 
 
 Pour  équilibrer l'ensemble des articles de PARISET, en particulier pour assurer l'unicité de l'année 1938, les fascicules 1 et 2 ont été retravaillés et regroupés dans une même brochure de 132 pages : FASCICULE 1&2.
 
FASCICULE 3:
 
 
La version imprimée de l'ensemble est aussi republiée et peut être obtenue via le lien 
 
Le quatrième et dernier fascicule de ces CHRONIQUES sera consacré essentiellement à la Guerre d'Espagne.
Il peut être réservé via le même lien. 


lundi 23 août 2021

CHRONIQUES D'UNE GUERRE ANNONCÉE (3). E.PARISET - 1939 : ECHEC DU FRONT DE LA PAIX, ALBANIE, POLOGNE, LE "PACTE".

 



Ce troisième fascicule des Chroniques d'une guerre annoncée de E.PARISET regroupe les articles, écrits pour le quotidien La Voix du Peuple, traitant  essentiellement des évènements de 1939, qui ont directement précédé la IIe guerre mondiale. 
Les agresseurs de l'Axe Berlin-Rome et leur allié japonais, encouragés par la capitulation de Munich de septembre 1938 et l'abandon sans combattre de la Tchécoslovaquie, ont multiplié, en 1939,  leurs menaces, coups de force et agressions. 
Ils ont effacé complètement la Tchécoslovaquie de la carte par l'annexion de la Bohême-Moravie le 15 mars,  occupé la zone lituanienne de Memel le 20 du même mois, envahi l’Albanie le 6 avril, annoncé fin avril, à la face du monde, la prochaine agression contre la Pologne en hurlant leur détermination à récupérer la " Ville Libre " de Dantzig. 
Le tout cimenté par « le pacte d’acier » entre l’Italie et l’Allemagne.
En Extrême-Orient, le Japon, lié à l’Allemagne et l’Italie par le pacte anti-Komintern, attaquait, en mai 1939, à partir de l’état fantoche du Mandchoukouo, la frontière mongole défendue par l’Armée Rouge.

Seule, une "alliance de la dernière chance" (1), basée sur un traité tripartite politico-militaire de sécurité collective entre la Grande-Bretagne, la France et l' Union Soviétique, étendant les garanties de ces trois grandes puissance aux grands et petits États menacés d'agression ou de "changement de régime " aurait pu les faire reculer, et assurer la Paix. 
Les articles de Pariset présentés dans ce fascicule sont traversés, de la première à la dernière ligne, par cet espoir porté par le combat quotidien : la Paix en Europe et dans le monde par la sécurité collective.
Les négociations menées à cet effet entre Londres, Paris et Moscou, pendant six longs mois, de mars à août ,échouèrent; et le  23 août 1939, était signé à Moscou le pacte de non-agression germano-soviétique. 
 Des dizaines de milliers d’articles et de livres ont été écrits sur l’année 1939, les prémices de la guerre, les négociations des grandes et petites puissances européennes, le pacte germano-soviétique et son protocole secret, l’agression nazie en Pologne, les déclarations de guerre française et britannique, « la drôle de guerre », la résistance farouche et solitaire de l’armée polonaise, l’occupation soviétique de la Biélorussie et de l’Ukraine polonaises.
Ces écrits alimentent depuis 80 ans des polémiques ininterrompues, fondées sur des interprétations contradictoires des faits historiques ; la résolution récente du Parlement Européen sur « l’importance de la mémoire européenne pour l’avenir de l’Europe » en est une illustration (2).
Ce 23 août, devrait, selon les partisans de cette résolution, amalgamer dans une même condamnation,   les nazis et ceux qui, comme les partisans aux quatre coins du monde, parmi lesquels les communistes, et comme l'Armée Rouge, de Moscou à Stalingrad et Berlin, leur  résistèrent avec le plus de force et de succès, pour finalement les anéantir. 
En ce qui me concerne, la publication de ces chroniques, en ce 23 août, est ma contribution de militant au combat de notre temps contre les falsificateurs de l’histoire, qui voudraient les ranger dans le même tiroir, étiqueté « communisme=nazisme », que ceux qu’ils combattaient.
La lecture de ces chroniques de Pariset ne peut qu’inciter chacun à « rechercher la vérité dans les faits » et à profiter de l’accès diversifié à ces multiples recherches historiques, pour se forger sa propre opinion.

(1) C’est le titre d’un ouvrage d’un historien canadien qui analyse les rapports entre les hommes d’État et diplomates britanniques, français et soviétiques, acteurs des négociations d’un pacte de sécurité collective entre leurs trois pays et de leur échec, qui a induit la signature du fameux pacte de non- agression du 23 août 1939. S’y ajoutent les interférences des acteurs allemands, italiens, polonais et tchèques dans ces négociations. 
L’auteur livre son interprétation des évènements de 1939, à partir du dépouillement des archives diplomatiques et autres, et met en avant dans cet échec, la responsabilité écrasante, souvent occultée, des dirigeants occidentaux britanniques et français, sans nier une certaine impatience rigide dans le chef des dirigeants soviétiques.

Michaël J. Carley. 1939. L’alliance de la dernière chance Les presses de l’Université de Montréal septembre 2001   https://books.openedition.org/pum/17689?lang=fr
(2) Texte de la résolution : https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2019-0021_FR.html

Texte intégral en pdf -90 pages
1939 - CHRONIQUES D'UNE GUERRE ANNONCÉE (3). E.PARISET (1933-1939)
ECHEC DU FRONT DE LA PAIX, ALBANIE, POLOGNE, LE "PACTE" .


Le fascicule 3 est aussi édité  en version imprimée .
Pour le commander, cliquer sur le lien et remplir le formulaire ci joint:
Les fascicules 1 et 2 des Chroniques seront  réimprimés en septembre.




Table des matières - Fascicule 3
Arthur Tondeur, dit E. Pariset 5
Articles de E. PARISET 7
Espoirs de fin d’année 7
Menaces de guerres et d’exterminations des Juifs : le discours de Hitler à l’opéra Kroll 8
1939 — L’alliance de la dernière chance » 13
L’Albanie : un peu d’histoire 15
Articles de E. PARISET 20
Les agresseurs fascistes préparent fébrilement de nouveaux coups de force 20
La tension européenne s’aggrave rapidement 22
Les avions fascistes détruisent des villes, assassinent les femmes et les enfants 24
Les accords bilatéraux ne suffisent pas à garantir la paix. Il faut rétablir la sécurité collective 27
La Pologne : un peu d’histoire 29
Articles de E. PARISET 37
« Pologne toujours ! » 37
Monsieur Delbos à Varsovie 38
Nouvelle offensive contre la Société des Nations 40
La Pologne, isolée, aperçoit soudain le gouffre où l’a menée la politique de Beck 42
Le glaive hitlérien est levé sur la Pologne 44
La menace allemande sur Dantzig et la Pologne : Varsovie reste ferme 46
La Pologne s’oppose à l’annexion de Dantzig ; elle ne se laissera pas couper de la Baltique 49
Le Vatican prendrait l’initiative d’un nouveau Munich, pour forcer la Pologne à capituler 51
Le commissaire Potemkine accueilli à Varsovie 53
La provocation allemande de Kalthof à Dantzig 55
Sécurité collective contre les agressions 57
Articles de E. PARISET 59
La sécurité collective doit englober l’URSS         La paix est à ce prix 59
Le monde entier approuve le message du président Roosevelt 61
Retour offensif de la politique munichoise, renforcement de l’axe de guerre 63
Le gouvernement britannique instaure le service militaire obligatoire 65
Pas de paix avec les hommes de Munich ! 67
L’accord d’assistance anglo-franco-turc 70
Paul Langevin : « Trouver un langage commun contre le fascisme et la guerre » 73
La place de l’URSS dans le Front de la Paix (Réponses à « L’Écho de la Bourse » et à « La Dernière Heure ») 75
Le Danemark « socialiste » se prête au jeu de Hitler 79
Le pacte de non-agression germano-soviétique :  recherchons la vérité dans les faits ! 81
Articles de E. PARISET 82
Débandades dans le camp fasciste 82
Notre politique communiste n’a pas changé ; plus que jamais nous sommes contre Hitler 84











samedi 8 mai 2021

LA TCHECOSLOVAQUIE , MUNICH - CHRONIQUES D'UNE GUERRE ANNONCEE (2) - E. PARISET 1933-1939

 

Ce deuxième fascicule de « Chroniques d’une guerre annoncée » regroupe les articles écrits de 1936 à 1939 par E. Pariset, nom de plume de Arthur Tondeur (1), pour le quotidien « La Voix du Peuple », consacrés à la crise de Tchécoslovaquie et à la conférence de Munich en 1938.

Un demi million de praguois le 21 septembre 1938, dans la rue pour protester contre le plan anglo-français de Daladier et Chamberlain consistant à forcer le gouvernement tchécoslovaque à livrer à Hitler, sans combat,  30% du territoire et 1/3 de sa population, les fortifications de Bohême, une bonne part des ressources naturelles et des installations industrielles .


Texte intégral (96 pages)

 CHRONIQUES D'UNE GUERRE ANNONCEE fascicule2

A la demande de nombreux lecteurs, je vous propose aussi une version papier  imprimée , illustrée et reliée des fascicules 1 et 2  

 photo brochures.jpg

Pour commander les fascicules, cliquez sur le lien ci-dessous et renvoyez le formulaire.
N'oubliez pas de mentionner votre adresse e-mail.

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    Le 30 septembre 1938, Neville Chamberlain, Premier ministre de Grande Bretagne, Edouard Daladier, président du conseil français, Adolf Hitler, Chancelier du Reich allemand et Benito Mussolini, président du Conseil italien signaient les « accords de Munich », qui autorisaient le IIIème Reich à annexer les territoires de la République tchécoslovaque habités majoritairement par des « Allemands des Sudètes », et ce par occupation militaire dès le lendemain 1er octobre !

« Ce pacte de Munich constitua le tremplin des agressions futures » déclarait en 1946 le tribunal de Nuremberg. Et « Munich » est devenu dès lors synonyme de capitulation et de trahison de ses alliés.

Curieusement, alors qu’il se sont penchés récemment, en septembre 2019, sur     « l’importance de la mémoire européenne pour l’avenir de l’Europe » et sur les causes de la IIème guerre mondiale (2), les députés de la majorité du Parlement Européen sont restés muets sur cette question.

Munich tremplin des agressions futures ? L’annexion des Sudètes en octobre 38, Hitler à Prague en mars 39, des actes de guerre ? Circulez, il n’y a rien à voir ! 

On peut les comprendre, car ils devraient réexaminer le rôle de leur propre pays, de leurs élites et partis politiques - dont ils se proclament souvent les héritiers - dans la constitution de ce tremplin : en France et en Grande Bretagne, les Parlements ont approuvé Munich à de très larges majorités (3).

La Pologne et la Hongrie, d’autre part, ont participé avec empressement et sans scrupules au festin hitlérien et les nationalistes fascistes slovaques en ont profité pour proclamer leur « indépendance » sous protection du Reich.

Ils devraient aussi reconnaître que le seul pays européen à s’être opposé à Munich a été l’Union Soviétique, qui prônait des accords de sécurité collective et une conférence internationale de la Paix, mais avait été écartée de toute négociation, et qui, jusqu’au bout a assuré de sa fidélité au pacte d’assistance qui la liait à la Tchécoslovaquie.

Plus facile d’effacer une partie du film, de faire commencer le scénario le 23 août 39, date de la signature du pacte de non-agression germano-soviétique, et d’’établir ainsi une relation exclusive de cause à effet avec l’agression contre la Pologne le 1er septembre suivant.

C’est Clausewitz (4) qui disait pourtant : « La guerre n’éclate jamais de façon tout à fait soudaine, sa propagation n’est pas l’œuvre d’un instant. »


Outre le fait, bien sûr, de rendre hommage à mon père et à son courageux
engagement politique dans ces sombres années 30, je vois plusieurs intérêts à la publication de ces « Chroniques d’une guerre annoncée ».                                                     
D’abord de saisir l’approche des évènements en temps réel. Il est évidemment facile, en 2021, d’être « anti munichois », révolté par la livraison à l’ennemi de la Tchécoslovaquie. Cela semblait moins évident au moment - même, alors que les foules, et la presse acclamaient comme des "sauveurs de la paix" ceux qui avaient vendu leur allié pour un chiffon de papier.             De même, l’Union Soviétique, qui aura un rôle décisif dans la victoire de 1945, voyait, en 1938-39, ses propositions de paix ignorées par les Occidentaux, avant que, vainqueur décisif de la guerre antifasciste, elle ne soit glorifiée en 1945, pour aujourd’hui, être diabolisée ( en Occident) comme co-responsable, avec les nazis, de la guerre!                                      

    Ensuite de saisir la complexité des situations politiques qui ont engendré la IIème guerre mondiale. Celle-ci est souvent décrite en noir et blanc, comme une guerre entre les « bons » (en général les Anglo-saxons) et le « très méchant » (Adolf Hitler).          « La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens » ; cette formule de Clausewitz est parfaitement illustrée par les articles de Pariset, qui décortiquent en détail les contradictions entre tous les protagonistes, les nuances de leur évolution, les retournements d’alliance en fonction de leurs intérêts de classe et des rapports de force.                 Enfin de comprendre que, si l’histoire ne se répète pas, les grands fonda-mentaux des guerres contemporaines à l’époque de l’impérialisme restent les mêmes.                    Il y a toujours la course aux matières premières, aux ressources et aux nouveaux marchés. La Tchécoslovaquie avait une économie développée qui ne pouvait qu’intéresser un IIIème Reich conquérant, et sa domination par un « changement de régime » ouvrait grande la porte vers le bassin danubien et le pétrole roumain.

Pour ce faire, le recours fallacieux aux grands principes de justice et d’équité justifie les agressions et camoufle leurs véritables objectifs : « le droit des peuples à disposer d’eux- mêmes » était le prétexte au démantèlement de la Tchécoslovaquie, comme le droit d’ingérence peut l’être aujourd’hui.                                                                                                Avec un but final, le « changement de régime », l’agresseur provoque la subversion interne pour déstabiliser sa proie, présentant la victime comme le bourreau : c’étaient les Allemands des Sudètes qui étaient opprimés, maltraités voire torturés par l’affreux Monsieur Benes, président de la Tchécoslovaquie, le diable en personne, « homme des bolcheviks », et qui seraient libérés de leur esclavage par leurs frères de sang.                        Les agresseurs, comme l’axe Berlin-Rome Tokyo qui a multiplié dès 1931, aux 4 coins du monde, guerres, interventions et coups de force (dont celui de Munich), se proclament toujours d’ardents défenseurs de la paix et de la liberté. C’est en leur nom, qu’ils désignent depuis maintenant un siècle, leur ennemi irréductible : « le bolchévisme », le « péril rouge » ou demain, peut-être, on ne sait quel « axe du mal », allant de  Cuba socialiste et son allié vénézuélien au   « parti communiste chinois » , en y englobant au passage – guerre froide oblige- la Russie ex- soviétique !

« Hommes, je vous aimais ; soyez vigilants ! »(5)                                                           

[1] Arthur Tondeur (1908-1999) a été chroniqueur de politique étrangère à « La Voix du Peuple » de 1936 à 1939 (voir  https://rouges-flammes.blogspot.com/2014/05/arthur-tondeur-boma-1908-menton-1999.html)

[2] Voir sur la résolution du Parlement Européen Chroniques d’une guerre annoncée fascicule 1 p.3

[3] En France seuls les 73 députés communistes (rejoints par 2 autres) s’y sont opposés, et à Londres, la démission du ministre de la Marine, le vote négatif des travaillistes et l’abstention des conservateurs du groupe de Winston Churchill[3] ont sauvé l’honneur bafoué par la majorité conservatrice de Chamberlain.

[4] Carl von Clausewitz (1780-1831) général prussien ; auteur d’ouvrages sur la stratégie militaire.

[5] Dernière ligne de « Ecrit sous la potence » de J. Fucik (Seghers Paris 1947), dirigeant communiste tchèque, assassiné par les nazis eu juin 1943.



Texte intégral (96 pages)

 CHRONIQUES D'UNE GUERRE ANNONCEE- fascicule 2 TCHECOSLOVAQUIE- MUNICH



PARISET - 01/10/1938 VduP

Article de E. PARISET - Ils ont choisi le déshonneur, et ils auront la guerre.(1) La Voix du Peuple - 1/10/1938

L'équipe de La Voix du Peuple" 1937-
 1er à gauche Pariset (Arthur Tondeur)
Personne, espérons-le, ne se fait d'illusion sur la véritable portée de l'accord de Munich, pour parler clair. L'histoire de ces dernières années nous montre avec assez d'éclat que les capitulations ne font qu'augmenter l'audace et l'appétit des agresseurs, étendre et multiplier leurs exigences, resserrer leur union et consolider leurs forces.

Par ce fait même, elles affaiblissent les puissances et les forces de paix, ébranlent leur union, réduisent leur supériorité économique et militaire jusqu'ici écrasante.

Les capitulations, en augmentant les chances de succès du bloc fasciste, reconnaissent par là même le danger d'une guerre générale.

Il ne sera pas toujours possible, en effet, aux grandes puissances démocratiques de l'Europe occidentale de capituler…aux frais des petits Etats, leurs alliés, d'abandonner sans combat leurs positions avancées. De recul en recul, d'abandon en abandon, elles seront bientôt acculées à leurs derniers retranchements, qu'il leur faudra défendre dans des conditions désastreuses, alors qu'aujourd'hui l'affirmation claire et sans réserve de leur solidarité complète face aux entreprises de conquête des Etats totalitaires pourrait encore contraindre ces derniers, eux, à capituler sans combat.

 La réalisation, mardi, du bloc de la Paix(2) jetait déjà la division dans la Triplice guerrière Rome-Berlin-Tokyo. Le Japon affolé sentait venir sa défaite. L'Italie allait laisser tomber le IIIème Reich : selon une nouvelle répandue avec insistance et qui n'est pas démentie, le roi d'Italie s'appuyant manifestement sur l'opposition profonde du peuple italien à une guerre aux côtés de l'Allemagne, avait refusé de signer le décret de mobilisation préparé par Mussolini et déclarait, dit-on, qu'il abdiquerait en faveur du Prince de Piémont (3), plutôt que de voir son royaume entrer en guerre aux côtés de l'Allemagne contre la France... et la masse colossale du bloc démocratique. Des milieux très influents de la société italienne se rendaient compte, en effet, que c'était entraîner leur pays au désastre.

 Hitler, isolé, aurait-il mis à exécution ses menaces guerrières en Europe centrale ? Il est permis d'en douter, et l'on peut en tout cas affirmer avec certitude que, dans la pire éventualité, le Reich aurait été rapidement défait. Dans un cas comme dans l'autre, l'effondrement des dictatures totalitaires et des forces d'agression en serait bientôt résulté.

Une fois de plus, ils (4) ont voulu sauver le fascisme en sacrifiant la chair vivante des peuples libres…

Mais c'est précisément ça que n'ont pas voulu Daladier et Chamberlain, chefs de gouvernements par la grâce des financiers de la City et des 200 familles françaises. Une telle défaite du fascisme provoquerait, en effet, un essor impétueux du mouvement ouvrier, l'extension considérable des conquêtes sociales, la restriction et peut-être l'abolition, dans certains pays, des privilèges exorbitants du grand capital. Une fois de plus, ils ont voulu sauver le fascisme en sacrifiant la chair vivante des peuples libres, en lui abandonnant de nouvelles positions économiques et stratégiques, en ressoudant l'axe de guerre déjà fêlé, en ouvrant la voie pour très bientôt à de nouvelles et plus graves violences, en préparant pour les grands Etats démocratiques, après le déshonneur, une guerre désastreuse.

Est-il besoin de rappeler les étapes sanglantes qui nous y conduisent à pas

de plus en plus pressés, depuis la conquête de la Mandchourie par le Japon, en 1931 ?

 Au Mandchoukouo,(5) les militaires ont trouvé de nouvelles ressources économiques : du charbon, du fer, des graines de soja. Ils y ont trouvé des populations nombreuses où lever de nouvelles divisions, peu sûres sans doute, mais néanmoins renfort considérable. Ils y ont trouvé des positions stratégiques qui leur ont permis, il y a un peu plus d'un an, d'envahir la Chine du Nord et la Chine Centrale, d'occuper Shanghaï, d'en évincer les puissances étrangères, la Grande-Bretagne en particulier, et de s'attaquer même, sans succès il est vrai, à la grande Union Soviétique. Et l'on voit aujourd'hui les clans militaristes les plus agressifs forcer le général Ugaki (6) à démissionner et exiger une politique de violence à l'égard des grandes puissances intéressées en Chine et à l'égard de l'U.R.S.S., ce bastion de la paix, en même temps qu'une alliance plus étroite avec les agresseurs italien et allemand.

 En 1935, ce fut l'affaire d'Ethiopie.

 En sabotant l'application des sanctions à l'agresseur italien, en paralysant la résistance de l'Abyssinie, à qui furent refusées les armes nécessaires à sa défense, les gouvernements de France et d'Angleterre, non seulement sauvèrent le fascisme mussolinien d'un effondrement certain, mais lui assurèrent au coeur de l'Afrique des positions stratégiques formidables qui dominent l'Egypte et les communications impériales britanniques et françaises dans la Mer Rouge, En même temps, ces gouvernement» réactionnaires sapaient l’édifice pacifique de la S. D. N. et ruinaient la sécurité collective, garantie essentielle de la paix en même temps qu'ils provoquaient la formation de l'axe de guerre Berlin-Rome.

Comme il fallait s'y attendre, cette capitulation, ou plutôt cette trahison de la paix ouvrait la voie à une guerre plus vaste et plus sanglante : le 18 juillet 1936, éclatait en Espagne la rébellion franquiste organisée de commun accord par les nazis et les fascistes romains qui devaient la transformer bientôt en guerre d'invasion. Refusant toute assistance à la victime et toute sanction à l'agresseur, les gouvernements de Londres et de Paris inventèrent la « non-intervention », capitulant à nouveau devant l'agression.

 Le résultat est connu : l'Allemagne et l'Italie se sont assurés déjà, au détriment de l'Angleterre et de la France, la riche production de fer du Pays Basque et du Maroc, les pyrites et le cuivre d'Huelva et de Rio-Tinto, le zinc et le plomb des Asturies, l'huile d'olive d'Andalousie, etc., etc.

Installés au Maroc et au Cap Tarifa, elles tiennent Gibraltar sous le feu de leurs canons lourds ; à Majorque, elles dominent les routes impériales françaises vers l'Afrique du Nord ; sur les Pyrénées, de Saint Sébastian à Andorre, elles prennent la France à revers et créent un « troisième front au sud ».

En novembre 1936, le Japon se lie à l'axe Berlin-Rome par le « pacte anti-komintern »(7), tandis que   la S. D. N. déboute la République espagnole de ses légitimes requêtes et la renvoie devant le Comité de Londres dont on la tient écartée.

Les uns après les autres, les Etats membres de la S.D.N. se dérobent à. leurs obligations et se réfugient dans une neutralité » propice à l’agression.


Croit-on vraiment qu'on puisse sauver la paix en persévérant dans cette voie de capitulations honteuses ? Le moment viendra où il n'y aura plus moyen de reculer…La guerre sera devenue inévitable. Elle sera désastreuse.

 

Et c'est en mars dernier l'Anschluss, l'invasion de l'Autriche par la Reichswehr avec le consentement tacite des cabinets de Londres et de Paris. Le Ille Reich y trouve notamment le fer et le bois. L'armée autrichienne vient grossir la Reichswehr, la Tchécoslovaquie est prise dans l'étau hitlérien. L'axe Rome-Berlin devient une réalité géographique qui coupe l'Europe en deux et ouvre la Méditerranée à la puissance allemande. Le front des Alpes et le front du Rhin n'en font plus qu'un. L'axe projette son ombre sur la, Hongrie et la Yougoslavie

 

 En vain l’URSS dont l'aide généreuse a permis à. l'Espagne de tenir tête à l’assaut fasciste, propose-t-elle la réunion d'urgence d'une conférence internationale pour sauver la. Paix. Paris comme Londres la « laissent tomber ». En revanche, à Copenhague, les petits Etats du Nord-Ouest européen, proclament leur neutralité et ouvrent une brèche dans le front de la paix et réduisent pour l'agresseur hitlérien le risque d'un blocus.

Voici enfin l'affaire tchécoslovaque. On ne sait que trop quelle solution vient de lui être apportée et les lourdes menaces qu'elle contient peur la paix de l'Europe.

Croit-on vraiment qu'on puisse sauver la paix en persévérant dans cette voie de capitulations honteuses ?

Le moment arrivera forcément où les intérêts vitaux de la France et de la Grande-Bretagne seront en jeu. Le moment viendra où il n'y aura plus moyen de reculer ou de faire des concessions nouvelles. Mais à ce moment, si on laisse aller les choses jusque- là, la puissance des agresseurs sera tellement accrue, celle des puissances pacifiques tellement réduite, que l'union la plus étroite et la fermeté la plus grande ne suffiront plus à faire reculer la guerre. Il ne restera qu'une seule issue : le recours à la force.

 La guerre sera devenue inévitable. Elle sera désastreuse. Et l'on se tromperait étrangement en imaginant qu'il faudra, pour en arriver là, du train dont vont les choses, beaucoup d'années ou même beaucoup de mois. C'est pourquoi il est urgent de changer de méthode et de répondre à l'appel des Etats-Unis et de l'U.R.S.S. pour une conférence internationale qui rétablisse la paix sur les fondements stables du droit et du respect des traités.

 

PARISET - 01/10/1938


[1] Nous mettons cet article publié au lendemain de « Munich » en exergue de ce fascicule, tant il synthétise, en quelques lignes, l’ensemble de la période des années 30, et tant aussi il est prémonitoire : « La guerre sera devenue inévitable. Elle sera désastreuse »

[2] Allusion à l’appel à la réunion d’une conférence internationale lancé par le président Roosevelt le 28/09 et appuyé par l’Union Soviétique.

[3] Prince du Piémont : Humbert II de Savoie, prince de Piémont (1904-1983) fils du roi Victor Emmanuel III. Il épousera la princesse Marie-José de Belgique, sœur de Léopold III. Ephémères roi (et reine) d’Italie du 2 au 13 juin1946, date du référendum favorable à la proclamation de la république italienne.

[4] Daladier et Chamberlain

[5] Manchoukouo : « empire » créé de toute pièce par les envahisseurs japonais dans les provinces du Nord Est de la Chine de 1932 à 1945. Le dernier empereur de la dynastie des Qing, Pu Yi, déchu par la révolution de 1911 en Chine y fera office « d’empereur ». C’est le sujet du film « Le dernier empereur » de Bernardo Bertolucci.

[6]Général Ugaki (1868-1956) : général japonais, ministre de la Guerre, puis nommé premier ministre, en février 1937.Il ne put en fait jamais exercer ce poste, suite aux conflits entre clans plus ou moins nationalistes et militaristes au sein de l’armée.

Texte intégral (96 pages)

 CHRONIQUES D'UNE GUERRE ANNONCEE- fascicule 2 TCHECOSLOVAQUIE- MUNICH


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Table des matières

Article de E. PARISET - Ils ont choisi le déshonneur, et ils auront la guerre. La Voix du Peuple - 1/10/1938. 5

Introduction. 9

La Tchécoslovaquie - un peu d’histoire. 11

Articles de E. PARISET. 17

Un nouveau défi de Hitler aux puissances européennes. 17

Goebbels appelle à la guerre contre l’URSS, la Tchécoslovaquie….. 19

La Tchécoslovaquie, nouvelle Espagne ?. 22

Le véritable réalisme, c’est celui des Tchèques. 23

Contre la Tchécoslovaquie, l’appui de l’Italie fasciste paraît acquis au IIIème Reich. 25

La Tchécoslovaquie rappelle deux classes de réserve. 27

Calme et digne, Prague a voté pour la Paix. 29

Les Hess et les Goebbels n’ont qu’insultes et menaces à la bouche. Ils veulent anéantir la République tchécoslovaque. 32

Les pourparlers de Prague avec les nazis sudètes sont dans l’impasse. 35

Il ne faut pas que Mr Chamberlain puisse sacrifier la Tchécoslovaquie à son amitié pour Hitler 36

Préparatifs d’invasion : l’URSS répond. 41

Le chancelier de l’Echiquier renouvelle le vague avertissement de Chamberlain. 43

De Prague à Munich… 1938 – un peu d’histoire. 47

Articles de E. PARISET. 53

Premières conséquences de la capitulation de Munich. 53

La conférence de Munich n'est autre chose que l’assemblée constitutive du « Club des charcutiers ». 56

Le plan de Munich, la fascisation de l’Europe. 59

La « Paix de Munich » : La tension guerrière renait au sujet de la Russie subcarpathique. 61

L’asservissement de la Tchécoslovaquie et le « Drang nach Osten ». 63

Les Tchèques et les Slovaques serviront ils de chair à canon au IIIème Reich ?. 65

Le canon tonne à la frontière hongroise. C’est la « paix de Munich ». 67

…et de Munich à Prague – 1939 : un peu   d’histoire. 69

Articles de E. PARISET. 71

Hitler réalise son plan : la Slovaquie proclame son indépendance, le gouvernement de Prague démissionne ! 71

La Bohème et la Moravie sont incorporées à la Grande Allemagne. 74

La politique munichoise s’effondre. 77

Pour la honte de l’Europe, Hitler soumet les Tchèques à un humiliant statut colonial 79

Date terrible que ce mercredi quinze mars mil neuf cent trente- neuf ! 82

Attitude trouble de la Hongrie. 85

L’Union Soviétique propose une conférence immédiate des nations démocratiques. 86

Les atermoiements des Munichois mal repentis permettent à Hitler d’asservir d’autres peuples. 88

Le film de la semaine : agir vite pour le Front de la paix. 90