mardi 2 janvier 2018

GRANDES FIGURES DE CHEZ NOUS : A HUY , SUR LES TRACES DE JOSEPH (VICTOR) THONET (1883-1973), FILS DU PEUPLE (1)



Je vous invite aujourd'hui à faire la connaissance d'un homme politique, militant de la région de Huy , dont l'engagement de toute une vie me semble source d'inspiration
.

 JOSEPH (VICTOR) THONET, pionnier du mouvement socialiste à Huy , puis un des fondateurs du parti communiste, compagnon de prison en 1923 de Julien Lahaut et Joseph Jacquemotte, député permanent de la Province de Liège de 1936 à 1949 ( mandat interrompu de 39 à 44)
Dirigeant du Parti Communiste sous l'occupation nazie, il édite le journal clandestin de la Fédération de Huy Waremme du PC "L'Espoir" et ce dés novembre 1940.Il  exerça aussi  d'importantes fonctions d'organisation durant toute la guerre au sein du parti communiste clandestin.(1)
  Son souvenir est toujours présent chez les anciens, mais sa mémoire a été et est très largement occultée :
Il y a bien , quelque part , perdue sur les hauteurs de Huy, une bucolique avenue Joseph Thonet , dont on ne sait trop si elle a été  dédiée par  la Ville de Huy à JOSEPH (1883-1973) ou à son fils, VICTOR THONET (1914-1943) , lui aussi dirigeant du parti Communiste, combattant en Espagne des Brigades Internationales, commandant des Partisans armés, arrêté par la Gestapo et fusillé à 30 ans  par les nazis le 20 avril 1943 .(2)
Quant à nous , permettez que ce pauvre petit bout de rue, nous le dédiions dans notre devoir de mémoire , au père , au fils , à la fille Micheline, à la belle fille ,Mariette, femme de Victor,  toutes  grandes figures  de la Résistance de chez nous.

Indispensable devoir de mémoire donc , qui nous permet , par ailleurs de sortir de l'ombre le riche passé de luttes ,et de combats sociaux, culturels et politiques de notre région, dés la moitié du XIXème, siècle.
Et de partir sur ses traces à travers les vieilles rues de la ville...

Huy était à cette époque au centre d'une région très industrielle : les carrières et fours à chaux des vallées du Hoyoux, de la Meuse et de la Mehaigne, les fonderies (Nestor Martin, Porta, Dautrebande ,
Fondeurs Hutois, ) , les usines à zinc ( Corphalie , De Laminne ), les papeteries Godin, les ateliers mécaniques Thiry , les tôleries Delloye , les automobiles Springuel , la sucrerie de Wanze etc.
Ville éminemment ouvrière donc dans ses quartiers périphérique, mais aussi , bien sûr , dans ses beaux quartiers, « ville de millionnaires » de la bourgeoisie enrichie par la force de travail des premiers. Et toujours aussi, ville de la noblesse d'Ancien Régime tapie dans les dizaines de nobles demeures aux confins de la ville ( châteaux d'Ahin , de la Neuville , de Vierset etc. )

FILS DU PEUPLE

Joseph ( qu'on appellera aussi par son 2ème prénom Victor) Thonet est né à Huy le 2 janvier 1883 d'un père ouvrier de meunerie et d'une mère ménagère. Ils habitent rue Sainte Catherine à Huy.
Il perd sa mère à 3 ans . Son père travaille 11 heures par jour , de 5 h du matin à 6h du soir avec 1/2 jour de congé par semaine ,le dimanche après midi et 1 jour de vacances par an , le jour de la Sainte Catherine.
« Dans mon enfance, ce n'était pas la fête tous les jours à la maison... On mangeait un petit morceau de viande le dimanche . Le vendredi, de temps en temps , nous mangions du stockfish, le bifteck des pauvres ...
Le beurre était réservé à mon père pour ses tartines. Il nous en restait si peu que nous le grattions sur notre pain. Pour aller à l'école, nous étions chaussés de taloches , et ma soeur me confectionnait un bonnet avec des morceaux de drap.
Les privations et la misère préparent admirablement à la lutte contre le régime capitaliste... »(3)

Le quartier Sainte Catherine était un des quartiers ouvriers de Huy où étaient établies nombre d'entreprises, des fonderies, trois ateliers de construction et une boulonnerie, qui occupait gamins et gamines en bas âge.  « Quand l'inspecteur du travail venait, on les cachait dans des tonneaux à boulons... et le patron recevait son certificat de bonne conduite »
Les papeteries Godin occupaient aux portes de Huy et Marchin , entre Sainte Catherine et Fleury ,
1200 personnes dont nombre de femmes qui venaient de tous les villages avoisinants et qui avaient des conditions de travail et de salaire terribles. (Si un employé gagnait  90 f /mois, un ouvrier à peu près pareil , 2,25 à 3fr/jour, les femmes , elles gagnaient à peine la moitié 1,25 à 1,5 fr/jour ) En hiver, par mauvais temps, elle ne pouvaient pas rentrer et logeaient chez l'habitant dans des conditons d'hygiène et de salubrité terribles. »

A l'école primaire, il découvrira, à l'école d'application rattachée à l' Ecole Normale, avenue Chapelle, les mauvais traitements infligés aux élèves par certains maîtres particulièrement brutaux :coups de baguette, enfermement dans une armoire etc...
Dans la nouvelle école primaire de la Chaussée Saint Mort, au contraire, il trouvera une direction d'école de grande qualité et pleine d'humanité, et il y terminera ses cours primaires parmi les 3 premiers.
Mais , comme la plupart des fils de la classe ouvrière, il devra travailler dés ses 14 ans .Il sera employé aux écritures chez un avoué, ce qui lui fera découvrir, à travers les actes à recopier, « les dessous de la vie et les moeurs plutôt bestiales de notre humanité », ainsi que « l'hypocrisie de la bourgeoisie. »
Il suivra en même temps pendant 5 ans, en cours du soir, des études de dessin industriel à l' Ecole Industrielle de Huy .
collection M. Launoy
Détail  : Joseph Thonet raconte que, chaque année, il allait faire la vendange aux « Thiers de Statte » dans le vignoble de son patron; Huy, dont les coteaux étaient couverts de vignes était en quelque sorte considérée comme la capitale viticole de la Belgique.
Inondation Grand Place à Huy   Date inconnue
Moins agréable, Huy était soumise aux crues de la Meuse ou du Hoyoux . En janvier 1893, la rue de la famille Thonet , (Sainte Catherine ) fut transformée en torrent ; il y avait 1 mètre d'eau dans la maison . Catastrophe pour les pauvres gens , en plein hiver !
Son père, pour rentrer de son travail , dut faire le tour par la Sarte , redescendre par Gabelle et marcher longuement avec de l'eau jusqu'à la poitrine. Sa santé devait par la suite se dégrader irrémédiablement. Il mourra alors que Joseph avait à peine 14 ans.
Celui ci sera alors élevé par sa grande soeur et sa grand mère, dans de très grandes difficultés matérielles .

LES JEUNES GARDES SOCIALISTES ( JGS)

CONTRE LA CONSCRIPTION
A 14 ans, en 1897, Joseph Thonet adhère aux Jeunes Gardes Socialistes de Huy, ce qui allait déterminer le cours de toute sa vie.
Il y adhéra le jour de l'inauguration du nouveau siège de la boulangerie coopérative « Les Prolétaires Hutois »  rue de l'Industrie (aujourd'hui, rue de l 'Amérique)
Ils étaient 2 employés de bureau à oser s'afficher JGS, tant la mentalité petite bourgeoise poussait les petits employés à s'identifier à leur patron et à s'imaginer être un « moncheu » privilégié , alors qu'ils étaient en fait des miséreux en col et cravate, comme les ouvriers en sabots et blouson !
Les JGS avaient été fondés à Huy en 1894 et après 3 ans comptait déjà 100 membres.
Souvenirs de J Thonet (3)
Des sections JGS essaimèrent par la suite à Amay, Marchin , Vyle Tharoul, Modave, etc.
Ils étaient rattachés à la Fédération hutoise du POB.
Les JGS avaient été fondés en Belgique en 1890 , comme organisation de jeunesse intégrée dans le POB.
Leur premier objectif était la lutte antimilitariste , contre l'intervention de l'armée dans les grèves ouvrières et aussi bien sûr contre la conscription .
Chaque année, un tirage au sort désignait les conscrits qui devaient faire leur service militaire.
Les fils de familles bourgeoises pouvaient pour 1600 francs racheter leur mauvais tirage à un « remplaçant » . Ainsi, seuls les enfants de la classe ouvrière et de la paysannerie pauvre devaient partir à la caserne pendant 2, 3 voire 4 longues années.
A Huy, le jour du tirage, les Jeunes Gardes organisaient un cortège depuis l 'ancienne Maison du Peuple , rue des Foulons, jusqu'au Vieux Tribunal et distribuait leur journal antimilitariste « Le Conscrit ».
Ils organisaient aussi des « protestations officielles de jeunes qui refusaient de participer au tirage : Joseph Thonet raconte :
 « Je refusai aussi moi même de tirer mon numéro en déclarant :« Je proteste contre cette infâme loterie militaire » Les gendarmes m'empêchèrent alors de sortir et c'est le bourgmestre qui tira à ma place un mauvais numéro »

LE COMBAT DES IDEES :GAUCHE RADICALE, GAUCHE REFORMISTE .

La Jeune Garde Socialiste n'était pas seulement une organisation d'action , mais aussi un creuset d'éducation aux idées du socialisme .
Les réunions se tenaient tous les samedi soir avec chaque fois à l'ordre du jour une question de doctrine ou d'idéologie, par exemple un chapitre du Capital de Marx ( il en existait un seul exemplaire à Huy!), ou un livre «  Cent ans après ou l'an 2000 » de Bellamy ,sorte de voyage dans le futur , en l'an 2000 (!) , dans une société sans classes , ou un débat passionné sur un projet de construction d'un phalanstère.
Georges Hubin - député POB Huy de 1898 à 1946
Joseph Thonet , au sein des JGS ,fut touché pendant un certain temps par les idées libertaires et anima , au sein de la Maison du Peuple un cercle d'études libertaires, opposé qu 'il était à la politique par trop électoraliste et parlementariste du principal dirigeant POB de Huy ,le député Georges Hubin . Encouragé aussi par l'adhésion à cette gauche radicale de sections ouvrières privilégiant plus l'action directe que l'action parlementaire ( par ex, aux fonderies Laurent en Cherave)
Et ce , dans le cadre d'un certain renouveau des idées libertaires radicales après la trahison de la grève de 1902 par la direction du POB (voir plus loin)
Soumis à une virulente critique des « brebis galeuses qui semaient la division dans les consciences ouvrières »  par Georges Hubin, Thonet prit alors ses distances avec l'anarchisme militant pour étudier le « socialisme de lutte de classe », se rapprochant du marxisme
La création à Huy d'un cercle «L'  extension universitaire » contribua pour beaucoup au développement des idées progressistes dans l'avant garde hutoise , jeune et ouvrière. Cours et conférences donnés par des professeurs de l'ULB ou de l'Université Nouvelle abordaient sujets scientifiques , philosophiques et sociaux ( théorie de l'évolution, origine des mondes , espèces animales etc.)
Y assistaient jusqu'à des centaines de personnes dont des professeurs et intellectuels de la région, des ouvriers d'avant garde et... la plupart des JGS.
LE COMBAT CULTUREL : « LA PROLETARIENNE » , « LES ENFANTS DU PEUPLE »
"Nouvelle" Maison du Peuple  (1907) r. Griange




La Jeune Garde Socialiste fut aussi le terreau à partir duquel se développa une activité socialiste culturelle : « La Prolétarienne » , société de théâtre et de concerts , basée à la Maison du Peuple , montait des spectacles, aussi bien en wallon qu'en français. Quant aux concerts joués à salle pleine, , ils se terminaient souvent par un  bal au profit de la caisse d'entraide des JGS.
La section « Les Enfants du Peuple » de Huy regroupait 40 à 50 garçons et filles qui présentaient des spectacles de chansons et de théâtre .
Créée par un JGS, Jean Farcy ils mirent en scène par exemple, les principaux épisodes de la Commune de Paris. Elle organisait aussi des voyages à travers tout le pays et des représentations jusqu'à Paris, Cologne ou Amsterdam!

On le voit, la Jeune Garde Socialiste à Huy, comme dans la plupart des régions fut dans ces années d'avant guerre, une admirable école de la lutte de classe . 
"Nous étions comme les précurseurs des générations nouvelles .Nous y apprenions à combattre la routine , les préjugés, à nous retremper dans l'activité quotidienne de la lutte de classe.Nous regardions d'ailleurs beaucoup plus que d'autres vers l'avenir.
Nous y avions acquis par l'étude et la discussion un niveau de connaissance et de maturité politique qui n' existait guère en dehors de nous.Nous désirions devenir des socialistes conscients" (3)


1902  : GREVE GENERALE POUR LE SUFFRAGE UNIVERSEL 

Peinture : 'Louvain 1902', du collectif  Forces Murales, 1951 (Louis Deltour, Edmond Dubrunfaut, Roger Somville). Coll. Institut d'histoire ouvrière,
Avril 1902, le combat pour le suffrage universel se développe avec une intensité révolutionnaire dans tout le pays. Depuis 1893, la précédente grève générale, les citoyens sont soumis au vote plural: tous les citoyens -hommes de plus de 25 ans, ont le droit de vote, mais ceux qui – plus riches- paient plus d'impôts ou qui ont des titres de propriété, ou qui ont un diplôme supérieur ont droit à des voix supplémentaires : les ouvriers n'avaient qu'une voix, mais les bourgeois pouvaient cumuler jusqu'à 3 voix !
Dés lors , à l'occasion du dépôt d'une proposition de loi ( socialiste -libérale) portant révision de la constitution en vue du suffrage universel, les mouvements et manifestations ouvrières se déployèrent dans tout le pays.
Si le POB dans un premier temps appela au calme ,sans prendre la direction politique du mouvement , laissant l'initiative à ses branches syndicales, le gouvernement et la bourgeoisie préparaient leurs troupes, gendarmerie , police, garde civique ( milice bourgeoise en charge du maintien de l'ordre) , et même l'armée, à l'affrontement de classe.
Bruxelles 12 avril 1902 2 morts
La grève démarrée dans la région du Centre se répandit, avec un caractère insurrectionnel à Bruxelles, Gand, Anvers et dans tout le pays  pour rassembler 300000grévistes, le 18 avril.
La gendarmerie tira à Bruxelles le samedi 12 avril - 2 morts ! ; et à Louvain, le 18 avril, 6 ouvriers tombèrent sous les balles de la Garde Civique et 14 furent blessés !

Et à Huy ?
« Ce sont les ouvriers carriers de la vallée du Hoyoux et de la Mehaigne qui prirent l'initiative de la grève . En colonnes serrées , à plusieurs centaines, ils arrivèrent en ville pour entraîner dans le mouvement les travailleurs de la métallurgie et des autres établissements. Ils étaient tous armés d'un gourdin qu'ils portaient à l'épaule comme un fusil.
A cette époque,chez nous, c'étaient les carriers qui étaient à la pointe du combat...
Dans la région liégeoise, c'étaient les mineurs, ailleurs, c'étaient les métallurgistes.
La gendarmerie était mobilisée. Les pandores étaient à cheval et portaient encore leur bonnet à poils.
Arrivée à Regissa, la colonne de carriers se heurta à une brigade de gendarmes...
Les gourdins s'abattirent sur les gendarmes et les chevaux. En un clin d'oeil , les gendarmes furent désarçonnés...
Arrivés à la limite de la ville, chaussée des Forges, les carriers se heurtèrent à un commissaire de police , porteur de son écharpe tricolore : « Au nom de la loi, retirez-vous ! »
Les carriers s'emparèrent de l'écharpe, la hissèrent sur un gourdin et continuèrent leur chemin . »
Thonet, lui se joignit au cortège des carriers , venant de Moha, Huccorgne , Vinalmont , qui rejoignait Huy par la rue Entre - deux - portes et fusionna avec le premier cortège, chaussée des Forges.
Usines à Zinc de Corphalie
« Toujours en bon ordre et très disciplinés, ils se rendirent dans chaque usine  et engagèrent les travailleurs à se joindre à eux...
L'usine à zinc de Corphalie , et tous les établissements industriels fermèrent. La grève était générale. Huy comptait alors plus de 5000 ouvriers et ouvrières. » (3)

La grève dura près d'une semaine , émaillée d'affrontements au centre ville provoqués par la Garde civique qui mettait en joue les grévistes - en réaction, le domicile de son commandant particulièrement provocateur, rue Montmorency fut mis à sac!- ,émaillée aussi , d'actions radicales , menées par les JGS, comme le sectionnement de câbles téléphoniques.
Le député socialiste, Georges Hubin , élu en 1898, qui était à la tête des carriers à Regissa , fut lui condamné à 6 mois de prison ferme .
Mais le 20 avril 1902 , le Conseil Genéral du POB donnait l'ordre de reprise du travail, sans consulter les grévistes et malgré leurs nombreuses protestations.
En fait le Conseil National fondait sa stratégie sur l'alliance parlementaire avec le parti libéral., représentant la bourgeoisie « progressiste » , qui lui s'opposait à tout recours à l'action extra parlementaire des masses ouvrières. 
La grève de 1902 , si elle fut très radicale parmi les travailleurs se terminait donc par une débâcle :
« La classe ouvrière vaincue devait nécessairement subir une défaite électorale ; le découragement s 'empara de nos amis . Nos organisations politiques subirent un recul. Les syndicats recrutaient malaisément de nouveaux membres »
Maxime Steinberg , historien communiste, écrira :
« La conduite de la grève et plus encore l'ordre de reprendre le travail provoquèrent un vif mécontentement dans le parti, la colère même. Déçus et défaits, une partie des travailleurs se détournèrent des organisations socialistes. Le P.O.B. traversa une passe pénible : enfant pauvre du socialisme, le syndicalisme fut le plus éprouvé : les syndicats socialistes perdirent plus de 60 % de leurs effectifs déjà peu fournis. L'anarchisme pensa s'engager dans la brèche ouverte par la défaite. Moins d'un mois après la grève, alors que le ressentiment était grand dans les rangs socialistes, l'anarchisme put réunir à Liège, un « congrès révolutionnaire » qui fut, pour la première fois, un succès de participation « (4)

Rosa Luxembourg , la dirigeante et théoricienne marxiste allemande analysera sur le fond ce grand conflit social dans « L'expérience belge »  Neue Zeit, 1902 (5 )


LES COOPERATIVES
A 20 ans, Joseph Thonet , militant actif des JGS ,à la recherche d'un travail, vend au porte à porte les produits d' une société coopérative de semences et graines  « Les Campagnards de Tihange ». 
Créée à la fois pour permettre aux ouvriers qui cultivaient leur potager, et surtout, aux agriculteurs désireux de se libérer des fournisseurs de graines et semences qui s'enrichissaient avec ce commerce très lucratif.
collection Michèle Launoy
Joseph Thonet parcourt à pied la région de Huccorgne à Amay pour vendre au porte à porte: « J'étais heureux, je vendais des graines socialistes » écrit il.
Il devient ensuite, professionnellement secrétaire comptable mi-temps de la coopérative, en même temps que rédacteur au journal hebdomadaire du POB hutois : « Le Travailleur ».
Installée dans une grange de ferme à Tihange, la coopérative déménagea vite au centre de Huy, avec un magasin rue Sous le Château et un autre rue Neuve. Plus tard , c'est à la rue des Jardins que les bureaux et dépôts s'établiront. Thonet y travaillera jusqu'en 1920
L'occasion de nous pencher sur cette expérience oubliée des coopératives socialistes.
Dans la région de Huy , elles se sont développées dans différents domaines (6)
  • L'Imprimerie coopérative : fondée d'abord pour imprimer le journal local et échapper aux imprimeurs privés, elle élargit son activité à la vente de papeterie , à proximité de 6 établissements scolaires puis à la fabrication et la vente de sachets en papier. Véritable entreprise industrielle , elle occupe un vaste bloc d'immeubles au centre ville , en coin de rue, avec presses, machines à composer ,etc.
  • Les coopératives de distribution : boulangeries, épiceries, boucheries, vente de farines, beurres etc ; avec comme but de fournir à ses coopérateurs des produits avec ristourne et d'échapper ainsi aux prix imposés sur le marché .
    La plus importante fut  « Les prolétaires hutois » créée en 1892 par des ouvriers d'usine ; elle commença par vendre du café, de la chicorée, et du sirop.
    Ensuite, affiliée au POB, elle développa des activités de boulangerie, avec ateliers et bureaux avenue de l'Industrie ( av d'Amérique) ; elle fournissait ( à hauteur de 3000kg par jour) ses magasins à Huy , des succursales à Gives, Vinalmont, Nandrin et toutes les coopératives de la région.
  • Les coopératives de production : avec comme but - sans doute utopique - de substituer à une gestion capitaliste privée des moyens de production une gestion collective , coopérative , mais dans un environnement social et commercial dominé par le marché et la concurrence. Elles sont créées à l'initiative de militants socialistes des premiers noyaux syndicaux .
    On vit ainsi naître des carrières coopératives , des fonderies coopératives ( l'Union
    Métallurgique de Huy, affiliée au POB et les Fondeurs Hutois)
    Les Fondeurs Hutois auront une histoire mouvementée , signe de l'ambiguïté de cette forme coopérative : conflits entre le syndicat et la coopérative, transformation de celle ci en société anonyme ,comportement patronal de la direction « socialiste »( avec même en 1924 menace de lock out patronal dans une grève des métallos)
Joseph Thonet , dans ses souvenirs, détaille l'action de la gauche radicale, incarnée par les JGS, au sein des coopératives socialistes :
« Nous considérions ces institutions coopératives comme des organisations de lutte , mais également comme des exemples de ce que les travailleurs pouvaient faire en se groupant même dans le régime capitaliste . Nous avions décidé de luter contre la passivité le piétinement et l'hésitation des « vieux »qui avaient peur d'avancer et ... étaient réfractaires aux réformes progressistes tant ils avaient rencontré des difficultés pour réunir , sou par sou ,le petit capital de départ. »
20 ,rue des Jardins, L'ancien local des Campagnards de Tihange
Après avoir pris des parts de coopérateur et participé aux assemblées générales, ils entrèrent à quelques uns dans les conseils d'administration des « Prolétaire hutois", des « Campagnards de Tihange » de « l'Imprimerie Coopérative » de «  l'Union Métallurgique de Huy »

«  Quand je fus membre du CA du « Prolétaire Hutois », je proposai la suppression du travail le dimanche dans les magasins de détail , ce qui fut admis malgré une vive opposition des « vieux »
Les magasiniers étaient contents ; les clients firent leurs achats en semaine. La vente progressa en raison de la fidélité coopérative.
Deuxième mesure : alors que « les magasins fermaient tard le soir à 8h30, voire à 9 h, je proposai de les fermer progressivement à 6 heures du soir., ce qui fut réalisé.
Nous proposions aussi des augmentations de salaire , et le grand débat se fit sur les vacances annuelles.
Jusque là, les ouvriers n'avaient droit à aucun jour de vacances, alors que les bourgeois allaient « se reposer » 2 ou 3 mois à la mer ou à la Côte d'Azur.
C'est pourquoi , nous avions proposé au « Prolétaires Hutois » , puis dans les autres coopératives, 6 jours de congé par an , avec salaire payé pour les ouvriers et employés. »(3)

Les années passèrent .
Un temps secrétaire de la Fédération JGS de Huy Waremme , membre actif du POB, à ce titre , et comme administrateur de  coopératives, Joseph Thonet fut élu au Comité fédéral Huy Waremme du POB , devint secrétaire fédéral Huy Waremme , et puis trésorier fédéral, tout en se positionnant toujours comme un socialiste de combat .Jusqu'en 1920-21, il fut gérant des "Campagnards de Tihange"

 

A suivre : A HUY , SUR LES TRACES DE JOSEPH (VICTOR) THONET (1883-1973), FILS DU PEUPLE (2) :De 1914 à 1945, du POB au PCB

NOTES  
(1) Sur la biographie de Joseph Thonet :voir:
GOTOVITCH, José : "VictorThonet (1883-1973)", Bruxelles CArCOB 2016
http://www.carcob.eu/IMG/pdf/biographie_victor_thonet.pdf

(2) dans le bel opuscule "Livret promenade la petite histoire hutoise  pendant la Grande Guerre 14-18" (Centre culturel et Office du Tourisme)  http://www.bel-memorial.org/books/Livret_promenade_Huy_14-18.pdf
il semble que la confusion ait été faite , pour l' avenue Joseph Thonet ,entre le père et le fils. (date de naissance du père , date d'exécution du fils,  éléments de biographie mélangés...)






(3)Joseph Thonet :Mémoires et souvenirs, Bruxelles, s.d. 

1. Mon enfance ; 2. Mon adolescence; 3. Ma jeunesse; 4. Jeune Garde socialiste; 5.Les débuts du mouvement ouvrier dans la région hutoise; 6. Mon activité au sein du POB; 7/ Souvenirs de propagande socialiste;     8. Souvenirs d'autrefois; 9. 1914-1918;10. 1914- 1918 suite; 11. 1919; 12. Les  Amis de l'Exploité; 13. 1921; 14. Le premier appel du P.C.B.; 15. Mes prisons: à Forest en 1923; 16. En Cour d'Assises du Brabant du 9 au 26 juillet 1923; 17. Mes prisons: à Liège en 1930; 18. Mes prisons: à Liège en 1932; 19. La Cour d'Assises de Liège des 13 et 14 décembre 1933; 20. Mes prisons: à Namur en 1934; 21. La grève générale pour les congés payés en 1936; 22.Députation permanente de Liège; 23. La guerre de 1940-1945; 



(4) Maxime Steinberg:
"À l'origine du communisme belge : l'extrême gauche révolutionnaire d'avant 1914, Fondation Joseph Jacquemotte, 1985."
(5) Rosa Luxemburg : L'expérience belge Neue Zeit 1902
 
(6) Sur les coopératives et sur l'histoire du POB en région hutoise voir 
Rufin DION : Histoire du socialisme dans la  région hutoise 152 p 
 Imprimerie coopérative Huy  Date inconnue