Je
reviens aujourd'hui , 15 août ,sur la vie et le combat de la « petite
Germaine », Germaine MARTENS la dirigeante charismatique des ouvrières de la FN.
J'ai en effet complété ma connaissance de la vie de cette « femme de tête » par une nouvelle rencontre, un matin ensoleillé de juin, en bord de Berwinne, avec son petit fils Armand BORSU et son épouse Yvette MERVEILLE , en compagnie de Marie Thèrèse COENEN.
Le
but est aussi de rédiger et publier une biographie de cette
militante ouvrière communiste , un peu oubliée, afin de sceller
dans le marbre son apport au mouvement ouvrier et syndical.
Je
les avais déjà rencontré le 16 février 2016 ,avec mon ami,
collègue blogueur, Hubert HEDEBOUW, à l'occasion du
défilé commémoratif des enfants des écoles pour le
cinquantenaire de la grève .
Et
j'écrivais alors dans « ROUGEs-FLAMMEs » , sous
le contrôle d'Armand :
« Lui,
Armand BORSU, est le petit fils de Germaine Martens la « petite
Germaine » une des dirigeantes de cette célèbre grève des
femmes qui portait le slogan « à travail égal, salaire
égal »..
Comme c'est sa grand mère qui l'a élevé, on peut dire qu’il l'a bien connue.
Comme c'est sa grand mère qui l'a élevé, on peut dire qu’il l'a bien connue.
Elle,
Yvette MERVEILLE, son épouse, issue d’une famille de résistants
de Bressoux, a bien connu aussi la grand-mère de son mari.
Merveille
de « facebook » dans ce cas-ci, puisque c'était suite à
la lecture de mon blog « ROUGEs - FLAMMEs » que
ces contacts ont pu se nouer.
Mon
unique but ici est de mettre en lumière et de faire connaître cette
figure incontournable de la grève de 1966, qu'a été Germaine ,
un peu évoquée dans l’exposition « femmes en colère »
au moyen d’une photo de groupe et d’ une petite séquence vidéo
d’archive dans laquelle elle chante et harangue la foule. »
J'ai
aussi, depuis, dépouillé quelques journaux , « Combat»
et aussi « la Voix du Peuple « de janvier à juin 1966 .
Hebdo du PC pro chinois, dit aussi « grippiste » il avait
publié un reportage sur chaque assemblée des femmes en grève à
« La Ruche », ce qui apporte quelques détails
intéressants sur « Germaine pendant la grève » et
permet de découvrir aussi quelques photos inédites.
J'ai
donc retravaillé – complété mon blog. Nous dirons que c'en est
la 2ème édition , revue et corrigée .
GERMAINE
RACONTEE PAR SON PETIT FILS
Germaine
est née en 1907 à, Seraing, fille de Jean MARTENS et Marie THIRY.
A. BORSU, petit fils de GERMAINE, à l'expo "Femmes en colère" |
Jean MARTENS, a travaillé pendant 40 ans comme mineur de fond dans les charbonnages du Many et des Six- Bonniers à Seraing.
Armand se souvient des taches bleues sur la peau des mains et du visage de son bisaïeul que lui avaient laissé des blessures mélangées à la poussière de charbon.
Marie
THIRY était ménagère , militante du Parti Communiste à Seraing,
et aussi comédienne de théâtre wallon, et plus tard présidente
d'un club de pensionnés.
Jeune
fille, Germaine habitait à Seraing, avec ses parents et ses deux
frères aînés.
Après
l'école primaire, et le 4ème degré primaire jusqu'à ses 14 ans,
il lui fallut travailler.
Elle
aurait commencé à la FN en 1925...
« C'est
l'exemple de sa mère, avec son charisme de comédienne, son univers
du théâtre wallon, qui a dû rendre la jeune Germaine sensible à
la condition féminine, et peut être sans doute aussi sa place de
fille cadette avec deux grands frères »
, pense Yvette .
Mariée,
elle s'installa avec son mari et leur petite fille Denise , qu'elle
eut à 18 ans, à Saint Nicolas lez Liège , rue de Montegnée ,
dans une petite maison de 2 pièces plus cave, en location sociale,
dans une cour en U de 8 maisons de mineur, contiguës, avec les
toilettes à l'extérieur.
Il
était auteur – compositeur et accordéoniste enregistré
d'ailleurs à la SABAM .
Les soirs du vendredi au dimanche, il jouait de l'accordéon chez Carpay rue Souverain Pont à Liège mais aussi sur la Batte à Liège dans la salle de danse à « l'Aurore » qui servait de local du parti communiste.
Les soirs du vendredi au dimanche, il jouait de l'accordéon chez Carpay rue Souverain Pont à Liège mais aussi sur la Batte à Liège dans la salle de danse à « l'Aurore » qui servait de local du parti communiste.
En
semaine, il travaillait comme magasinier au grand magasin Waxelaire (
devenu Grand Bazar, place saint Lambert) puis il fut engagé comme
réviseur de pièces à la FN, jusqu' à son décès à 65 ans, à la
veille de sa pension.
C'était
Germaine qui faisait tourner la boutique, qui s'occupait des finances
du ménage et prenait toutes les décisions.
En
1945, naissait son petit fils , Armand. C'est elle qui
allait l'élever ; elle avait 38 ans.
En 1952,elle décida d'acheter une maison, et ils déménagèrent rue des Bons Buveurs – une adresse qu'on n'oublie pas !- dans une maison plus grande – tout en hauteur (3 pièces + grenier) avec cuisine-cave, une serre et un petit jardin.
En 1952,elle décida d'acheter une maison, et ils déménagèrent rue des Bons Buveurs – une adresse qu'on n'oublie pas !- dans une maison plus grande – tout en hauteur (3 pièces + grenier) avec cuisine-cave, une serre et un petit jardin.
« Très
fière de son émancipation financière, avec deux traitements
d'ouvriers, et désireuse de s'affirmer socialement, elle fut une des
premières dans le quartier à acheter un poste de télévision, que
les voisins venaient regarder par la fenêtre à rue .
Elle
ne manquait jamais de profiter des billets gratuits ou à tarif
réduit à la SNCB, pour nous offrir une journée à la mer ;
plus tard, une fois la maison remboursée, c'est elle qui réservait
une semaine de vacances à la mer dans une petite pension de famille
.
A
nous deux, précise
Armand,
« ma grand mère et moi; mon grand père, que nous appelions
« papa Rutten » ne nous accompagnait jamais et en
profitait pour multiplier les prestations musicales ».
En
1957 , suite au décès de sa maman, Marie THIRY, la famille
accueillit pendant quelques années Jean MARTENS , le papa de
Germaine .
« En
1961, toujours dans cet élan d'émancipation et de conquête
sociale, Germaine poussa mon grand père à acheter une petite
voiture (DAF automatique, de 600 cc)pour se rendre ensemble au
travail évitant ainsi les trajets en bus qui prenaient une heure à
l'aller, une heure au retour .
Et
aussi pour se ménager quelques heures de sortie au vert dans les
Ardennes ..
Armand
RUTTEN ne le regretta pas, car il adorait piloter sa petite
auto(matique) pour nous mener manger une truite ou une entrecôte à
Hotton ou Remouchamps.
Car
Germaine était aussi une bonne vivante !»
En
1966, l'année de la grève, le mari de Germaine , né en 1900 ,
mourut, sans avoir encore touché sa première mensualité de pension
de retraite, et sans voir le mariage de son petit fils , Armand avec
Yvette...
Germaine
menait la dure vie des ouvrières d'usine à la F.N. elle faisait la
pause 8-17h.
Au temps des trajets en tram, elle quittait la maison à 7h du matin et rentrait à 6h du soir.
Au temps des trajets en tram, elle quittait la maison à 7h du matin et rentrait à 6h du soir.
Peu
de temps pour s'occuper du petit fils qui, après ses devoirs,
dressait la table et pelait les pommes de terre pour le souper, avant
que ses grands parents arrivent.
Mais assez de temps et d’énergie pour s'occuper en maîtresse femme de l'essentiel : faire en sorte qu’Armand comprenne l'importance de l'école.
Pour lui, être un bon élève, si possible le meilleur, cela allait de soi, il le devait bien à sa grand mère, qui travaillait dur pour lui.
Mais assez de temps et d’énergie pour s'occuper en maîtresse femme de l'essentiel : faire en sorte qu’Armand comprenne l'importance de l'école.
Pour lui, être un bon élève, si possible le meilleur, cela allait de soi, il le devait bien à sa grand mère, qui travaillait dur pour lui.
Son
instituteur, un éveilleur et émancipateur le suivait
particulièrement comme un fils qu’il n’avait pas eu.
Germaine remua ciel et terre afin qu’Armand obtienne les bourses d’études nécessaires pour réussir à l’école moyenne puis à l’école normale d’instituteurs.
Il faut dire qu’à l’époque des « golden sixties », la F.N. accordait des bourses aux enfants du personnel, permettant ainsi aux enfants méritants de la classe ouvrière de s'émanciper par les études et de trouver du travail.
Germaine remua ciel et terre afin qu’Armand obtienne les bourses d’études nécessaires pour réussir à l’école moyenne puis à l’école normale d’instituteurs.
Il faut dire qu’à l’époque des « golden sixties », la F.N. accordait des bourses aux enfants du personnel, permettant ainsi aux enfants méritants de la classe ouvrière de s'émanciper par les études et de trouver du travail.
Germaine
était une grand mère sévère, pas une grand mère gâteau - câlin;
ce n'est qu'avec ses arrière petits enfants , une fois pensionnée,
qu' elle se laissa aller.
Germaine
était « femme-machine » et travaillait dans les dures
conditions imposées par les patrons aux ouvrières considérées
comme une main d'oeuvre à bon marché taillable et corvéable à
merci : les rythmes infernaux, le bruit, l'huile et la crasse.
Armand
se souvient qu'une fois rentrée à la maison, elle devait extraire
avec une pince à épiler les limailles de fer piquées dans ses
doigts.
Un
jour, elle a été ramenée en ambulance avec deux doigts sectionnés
par la machine !
Malgré
cet accident elle a vite repris le travail.
Ce qui lui a valu toute sa vie une petite pension d'invalidité ... et 2 doigts en moins,
Ce qui lui a valu toute sa vie une petite pension d'invalidité ... et 2 doigts en moins,
A la FN son groupe, fête une pensionnée (Germaine 1ère à g.) |
ainsi, quand elle avait fini son quota de pièces, elle allait souvent aider les femmes enceintes à terminer leur production et combien de fois n’a-t-elle pas fourni des pièces à sa vieille collègue et amie Juliette quand celle-ci était souffrante.
Elle
embrigadait les autres pour aider des gens en difficulté ;
elle aida aussi des femmes ( certaines battues par leur mari) à
entrer à la FN.
Elle fut ainsi de plus en plus respectée et avait l'estime de tous et toutes, même si parmi les femmes des jalousies et des mesquineries naissaient de temps à autre.
Elle fut ainsi de plus en plus respectée et avait l'estime de tous et toutes, même si parmi les femmes des jalousies et des mesquineries naissaient de temps à autre.
Respectée
aussi par ses chefs pour son autorité, son caractère et son sérieux
au travail , elle était ainsi devenue en quelque sorte, la
porte parole, une déléguée officieuse qui intervenait auprès des
contremaîtres, aussi bien lorsqu'une compagne n'était pas bien
,qu'en cas d'approches malveillantes.
Elle
a ainsi tissé autour d'elle un réseau collectif de solidarité qui
n’a rien à voir avec la recherche d'avancement ou de promotion et
bien loin du « chacun pour soi » égoïste.
Germaine
était aussi active dans son quartier : elle réunissait des
copines ménagères de Saint Nicolas, pour les aider à prendre leur
sort en main.
Elle
était très sensible à la condition des femmes, et était par
exemple favorable à la liberté de l'avortement.
Pour
Yvette, c'est aussi par choix délibéré de femme, qu'elle a gardé
toute sa vie son nom « de jeune fille » MARTENS .
Germaine
était communiste, abonnée au « Drapeau Rouge » - qu'on
ne trouvait pas en kiosque.
Armand se souvient avoir lu le « DR » à la maison, d’abord pour ses B.D. et puis pour ses articles.
Armand se souvient avoir lu le « DR » à la maison, d’abord pour ses B.D. et puis pour ses articles.
Elle
participait chaque fois au 1er mai en se définissant comme
« combattante des tranchées »
GERMAINE et ses camarades à la fête de "La Voix du Peuple" sept1966 |
Elle
était athée : pas de baptême, de communion, de mariage à
l'église, ni de sacrements lors de son dernier voyage à 89
ans.
Cela
ne l'empêchait pas de lire « la Bible », parce qu'elle
voulait savoir ce qu'on y disait ;« Jésus
a été le premier communiste sur Terre, c’est d’ailleurs pour
cela qu’il a été crucifié!» disait
elle.
« C'était
une rassembleuse et une meneuse,, et quand la grève a éclaté, cela
a été une activité intense quotidienne », raconte Armand .
Une
rassembleuse qui sensibilisait ses camarades d’atelier, les
réunissaient à la cantine, dans sa maison de la rue des Bons
Buveurs ou dans quelques salles réservées par l'avocate communiste
Cécile Draps qui animait ces réunions.
Une
meneuse qui mobilisait ses militantes et qui était en tête des
manifestations.
Germaine,
la femme de terrain, était très fière de cette relation militante
avec Cécile considérée comme l’intellectuelle (une fierté
partagée d'ailleurs - NdlR)
Aux portes de la FN :de face,avec un paquet de journaux,l'avocate militante CECILE DRAPS |
Elles
sont allées un peu partout, dans la région liégeoise, chez
Schréder à Ans, chez Englebert et aux ACEC de Charleroi.
Germaine
était très fière de cette collaboration, soutenant une grève de 3
mois.
Le résultat final fut modeste (avec une augmentation de deux francs cinquante de l’heure). S’il n’améliora guère les 3 années de fin de carrière de Germaine, il eut son importance pour les plus jeunes.
Ce fut surtout une victoire symbolique pour toutes les femmes.
Le résultat final fut modeste (avec une augmentation de deux francs cinquante de l’heure). S’il n’améliora guère les 3 années de fin de carrière de Germaine, il eut son importance pour les plus jeunes.
Ce fut surtout une victoire symbolique pour toutes les femmes.
Par
la suite, en famille, à table, elle entonnait volontiers leur
chanson adaptée :« Le travail , c'est la santé »
Elle était fière d'avoir été à la FN.
Elle
s'est toujours considérée comme communiste : « Communiste...
chinoise » disait elle.
Très
vite, après sa pension en 1968, elle a eu des problèmes
respiratoires et a dû être soignée en sanatorium mais elle a vécu,
jusqu'à 89 ans, fidèle à ses convictions, fière de l'action des
femmes de 1966.
Elle
a été enterrée au cimetière de Saint Nicolas, aux côtés de son
mari.
Armand, son petit fils insiste :
« Ce qu'elle a fait là, déclencher et mener cette grande grève des femmes, ce n'était pas pour elle – elle était à 2 ans de la pension, elle avait peu à y gagner -, mais bien pour les autres, pour les jeunes, qu'elles aient davantage de justice et de considération »
Armand, son petit fils insiste :
« Ce qu'elle a fait là, déclencher et mener cette grande grève des femmes, ce n'était pas pour elle – elle était à 2 ans de la pension, elle avait peu à y gagner -, mais bien pour les autres, pour les jeunes, qu'elles aient davantage de justice et de considération »
C’est
une grande émotion partagée que de retranscrire ce témoignage qui
m'a permis de mieux connaître la « meneuse de 1966 »,
que j'avais entraperçue un dimanche de mars 66 à Bruxelles et qui
pour moi était un nom enfoui dans ma mémoire.
Femme
du peuple, d'une famille ouvrière, elle a placé au dessus de tout
les valeurs collectives de solidarité, d'entraide et de justice.
Elle
n'a jamais cherché les honneurs, ni à devenir une star dont la
« photo » serait arborée partout.
Elle
n'a pas été nommée « officier de ci ou de ça », n' a
pas été lauréate de tel ou tel prix ; elle n' a pas cherché
à trouver bénéfice de son action dans telle ou telle promotion ,
elle n' a pas de rue ou de place à son nom... .
Rebelle,
elle n' a jamais été du côté du manche...
Ouvrière
communiste, dirigeante naturelle de la grève, elle avait quasi été
oubliée.
Pourtant, quel bel exemple de vie et de combat que celui de la camarade GERMAINE !
Pourtant, quel bel exemple de vie et de combat que celui de la camarade GERMAINE !
Merci
à Armand et Yvette de nous l'avoir fait découvrir.
GERMAINE
DANS LA GREVE :
L'image
de GERMAINE (écrite, car il n' y a pas de photo de ce moment ) la
plus symbolique, c'est la description du débrayage du 9 février
1966, retranscrit dans le livre de Marie Thèrèse COENEN
« C'est
une ouvrière du grand hall, la vieille Germaine qui donne le ton .
Elle fait un drapeau d'un balai et d'un chiffon rouge et entraîne
ses compagnes derrière elles ; « Tap dju, tap dja, on z'a
assez rigolé d'nos autes. »
Il
y a aussi la fameuse vidéo (*)présentée lors de l'exposition
« Femmes en colère », qui reprend des extraitts du
magnifique film « FEMMES MACHINES » de
Marie Anne Thunissen- 1996
Il
y a aussi les interventions en assemblée: L'IHOES et « Mémoire
orale » ont aussi mis en ligne des extraits d'intervention à
« La Ruche », ici l'assemblée du 3 mars.
http://memoire-orale.be/audio/Sarolea_AG03mars06_Germaine.mp3
http://memoire-orale.be/audio/Sarolea_AG03mars06_Germaine.mp3
En tête des manifestantes de l'usine à « La Ruche » le 17 février, on ne peut se tromper, c'est bien elle « la meneuse », qui a lancé l'action avec ses camarades les plus proches, la militante derrière laquelle toutes se rassemblent.
En
assemblée, le 17 février, elle déclare :
« Je
travaille depuis 1925. Un délégué m'a dit « tu vas être
pensionnée, ne te mêle pas de ça ». et bien , jusqu'à mon
dernier souffle, je me battrai !
Sans
les femmes, les hommes seront vite au chômage. Continuons, car le
patron est plus près de ses millions que nous ; On nous a
assez trompées, nous sommes en grève, continuons ! »
« Dés
le début, nous nous sommes rendus compte que les dirigeants
syndicaux ne voulaient voulaient pas de cette grève...
Dés
la première assemblée, alors qu'ils [...]venaient de se se faire
traiter de « VENDUS » par toutes les ouvrières, ils
annonçaient que seules les grévistes syndiquées pourraient y
assister.
C'est
sur ce fait précis que la formation d'un Comité d'Action a été
décidée....
Nous
nous sommes réunies à plusieurs ouvrières après l'assemblée .
Nous
avons stencilé un premier tract ... La grève avait démarré grâce
à l'unité active de TOUTES les ouvrières, syndiquées ou non
syndiquées.
On
n'avait pas demandé aux ouvrières si elles étaient syndiquées ou
non pour faire grève .
On
n'avait pas à le leur demander pour participer aux assemblées.
Dans
ce tract nous avons demandé à nos camarades de se réunir avant
l'assemblée et d'y entrer toutes ensemble, syndiquées et non
syndiquées .
Ce
fut notre première action et notre premier succès . »
(« Rencontre
avec les grévistes de la FN » Union
des Femmes – n°3 juin 1966)
Le
3 mars, est constitué un Comité de grève de 29 ouvrières,
qui inclut des membres du Comité d'Action, dont bien sûr Germaine
Martens. En assemblée, Germaine salue l'unité ouvrière : «
Camarades, je suis en contact depuis 9h moins quart avec plusieurs
camarades des deux sections syndicales. D'après leur parler, nous
sommes toutes ensemble. Donc, camarades, nous voulons ce nous avons
demandé .Avant de partir en grève, nous avons réfléchi dans le
temps, ce n'est pas un coup de tête... Donc, camarade, si vous êtes
d'accord avec moi, on continue. »
13 mars 1966, Bruxelles : rassemblement de l'Union des Femmes |
le 21 mars : ... « la parole est alors donnée aux grévistes ; sur l'air des lampions, l'assemblée réclame celle qu'elle considère comme une de ses dirigeantes , notre bonne camarade Germaine. Visiblement émue, elle rappelle que « la revendication n'est qu'un minimum auquel les femmes ont droit, et qu'il faut lutter jusqu'au bout !
Le
24 mars , elle est , avec un groupe de Herstal, grévistes des
ACEC et de la FN aux portes des ACEC à Charleroi pour appeler à
la solidarité.
Le
28 mars , « une camarade italienne vient excuser la
camarade Germaine, malade et déclare : »Elle n'a pas
pu être avec nous aujourd'hui et je voudrais que , pour lui marquer
notre attachement et notre confiance, nous l' applaudissions et
la salle d'ovationner debout notre camarade »
Le
15 avril – 8ème assemblée des ouvrières :après des
remarques désobligeantes sur les groupes extérieurs d'un
secrétaire de la Centrale FGTB - « il y des farfelus
intellectuels, qui n'ont jamais sué auprès de vous et dont le coeur
n' a jamais vibré à l'unisson avec le vôtre » - la salle
réclama notre camarade Germaine, qui , vivement acclamée
lorsqu'elle vint au micro, déclara
Quant
à moi, je suis membre de l'Union des Femmes, et de plus, je suis
fière d'être communiste. »
Le
25 avril,
elle est évidemment avec ses camarades du Comité d'Action et du
comité de grève , à la tête des travailleuses, dans la grande
manifestation de Liège. Place Saint Paul, lors du meeting de
conclusion, plusieurs ouvrières demandent Germaine à la tribune.
En vain.
Le
5 mai , c'est
l'assemblée qui vote la reprise du travail à bulletin secret par
1320 OUI contre 205 NON. Beaucoup de femmes sont absentes -près de
la moitié. Quelle a été à cette dernière assemblée la position
de Germaine ? A t elle demandé le report du vote ou s'est elle
prononcé contre ? Pas de trace tant qu'à présent, et « la
Voix du Peuple », dont elle avait rejoint le parti , restera
silencieuse à ce sujet...
On
ne peut pas dire que Germaine Martens, qui a été en quelque sorte ,
avec ses camarades, une lanceuse d'alerte sur les discriminations des
femmes au travail, ait « dirigé la grève » , mais en
tout cas, elle a été la" leader" des ouvrières, et a fait tout ce
qui était possible , dans le rapport de force donné , pour les
mener à la victoire.
INTERVIEW
DE GERMAINE MARTENS - 1975 ( extraits)
« Nous
sommes parties en grève pour obtenir « A travail égal,
salaire égal »
Les
syndicalistes nous le promettaient depuis plus d'un an, mais nous
n'avions rien vu venir.
L'article
119 du Traité de Rome , déclaration de principe du Marché Commun,
obligeait les états membres à payer aux femmes le même salaire
qu'aux hommes , pour un travail égal .
Et
cela pour janvier 1965 au plus tard.
Mais
à l'usine, la femme la mieux payée en décembre 65 gagnait 5 francs
de moins que n'importe quel manoeuvre masculin.
C'est
pourquoi nous avions comme revendication 5 francs d'augmentation pour
toutes : cela unifiait tout le monde, et nous obtenions ainsi
l'égalisation avec les salaires masculins les plus bas.
Quand
nous avons reçu notre feuille de paie du mois de janvier 66, et
qu'on a vu que l'augmentation n'y était toujours pas, nous avons
compris qu'il fallait arrêter nos machines.
Nous sommes allées dans tous les ateliers et nous avons poussé sur les boutons pour arrêter la production. »( C'était le mercredi 9 février 1966 – NdlR)
Nous
avons appelé à une réunion générale . Quand toutes les
femmes ont été dans la salle , les délégués sont venus et nous
leur avons dit qu'il fallait satisfaction pour nos salaires.
Ils
nous ont répondu : « Attendez, on va discuter avec
les patrons .»
Nous
avons répondu : « Non, nous avons attendu assez
longtemps ! Nous vous donnons 8 jours ; si dans 8 jours,
nous n'avons pas eu satisfaction, nous partons en grève. »
Et
nous sommes retournées à nos machines bien décidées à faire
ainsi .
Et
8 jours après, nous sommes retournées en assemblée ; et comme
il n' y avait toujours rien, nous sommes parties en grève
[...]
Nous
étions quelques femmes à nous voir souvent à l'usine dans les
groupes ( les unités de production) et aux toilettes .
On
parlait politique comme les hommes . Une femme qui a travaillé des
années à l'usine fait aussi bien de la politique qu'un homme. Elle
connaît mieux la politique, car c'est elle qui a le porte monnaie
pour vivre , et l'homme ne l'a pas !
On
nous parlait de l'égalité ses salaires depuis des mois et des mois.
Comme
on ne voyait rien qui changeait, nous parlions beaucoup de grève
entre nous, et avec les ouvrières.
Nous
étions connues des ouvrières depuis des années ; je parlais
dans toutes les assemblées syndicales et je poussais les autres à
parler.
C'est
nous qui avons arrêté les machines et appelé toutes les ouvrières
à la réunion . J'en ai même battu une qui ne voulait pas
arrêter.
On
ne s'appelait pas Comité d'Action à l'époque, mais nous étions
vraiment un groupe d'ouvrières qui agissions ensemble.
Quand
la grève a été déclenchée, nous avons pris le nom de
Comité d' Action ...( le
CA sera créé le lundi 21 février NdlR)
[...]
Nous
avons été aux ACEC HERSTAL et chez SCHREDER et nous les avons fait
partir en
grève par solidarité .
grève par solidarité .
Nous
avons été souvent aux ACEC de CHARLEROI, qui sont partis en grève
.
Nous
avons été dans tout CHARLEROI, avec le micro, pour appeler à la
solidarité.
A
chaque assemblée, nous avons réclamé avec les ouvrières une
manifestation à Liège. Nous avons obligé le syndicat à la faire,
et nous avons montré qu'après 11 semaines de grève, les ouvrières
n'avaient rien perdu de leur courage et de leur enthousiasme... »
« Interview
de Germaine » dans « La Parole au Peuple n°15 janvier
1975
un vrai travail de reporter : visite , interview , rédaction , illustration .Et tout ça avec coeur et intelligence .Bravo et merci de l'avoir un peu fait connaitre .Je pense que c'est un bel hommage
RépondreSupprimertrès émouvant ! , article bien complet , merci de la faire "revivre " Yvette
RépondreSupprimerDans le cadre d'une série radiophonique consacrée à la RTBF à des "grands discours de l'histoire", j'aimerais y ménager une place à la petite Germaine et aux grévistes de la FN. J'aimerais donc recourir à votre expertise... J'ai lu avec grand intérêt votre article. Vous parlez du mot de grève que la petite Germaine a lancé : "Cela a assez duré, on sort". Puis-je vous demander comment on le disait en wallon? Elle aurait donc bien dit ça le 9 février 1966, en même temps que l'autre phrase que vous citez "Tap dju, tap dja, on z'a assez rigolé d'nos autes"? Pour le coup, je ne connais pas le wallon (je suis d'origine picarde). Que signifie "Tap dju, tap dja"? Merci pour votre attention!
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