jeudi 18 février 2016

FN HERSTAL 1966 : LA PETITE GERMAINE: PORTRAIT D ' UNE FEMME DE TETE A LA TETE DES FEMMES EN GREVE (2 ème éd.)

Je reviens aujourd'hui , 15 août ,sur la vie et le combat de la « petite Germaine », Germaine MARTENS la dirigeante charismatique des ouvrières de la FN.


J'ai en effet complété ma connaissance de la vie de cette « femme de tête » par une nouvelle rencontre,  un matin ensoleillé de juin, en bord de Berwinne, avec son petit fils Armand BORSU et son épouse Yvette MERVEILLE , en compagnie de Marie Thèrèse COENEN.
Le but est aussi de rédiger et publier une biographie de cette militante ouvrière communiste , un peu oubliée, afin de sceller dans le marbre son apport au mouvement ouvrier et syndical.
Je les avais déjà rencontré le 16 février 2016 ,avec mon ami, collègue blogueur,  Hubert HEDEBOUW,  à l'occasion du défilé commémoratif des enfants des écoles pour le cinquantenaire de la grève .
Et j'écrivais  alors dans « ROUGEs-FLAMMEs » , sous le contrôle d'Armand :
« Lui, Armand BORSU, est le petit fils de Germaine Martens la « petite Germaine » une des dirigeantes de cette célèbre grève des femmes qui portait le slogan « à travail égal, salaire égal »..
Comme c'est sa grand mère qui l'a élevé, on peut dire qu’il l'a bien connue.
Elle, Yvette MERVEILLE, son épouse, issue d’une famille de résistants de Bressoux, a bien connu aussi la grand-mère de son mari.
Merveille de « facebook » dans ce cas-ci, puisque c'était suite à la lecture de mon blog «  ROUGEs - FLAMMEs »  que ces contacts ont pu se nouer.
Mon unique but ici est de mettre en lumière et de faire connaître cette figure incontournable de la grève de 1966, qu'a été Germaine , un peu évoquée dans l’exposition « femmes en colère » au moyen d’une photo de groupe et d’ une petite séquence vidéo d’archive dans laquelle elle chante et harangue la foule. »

 J'ai aussi, depuis, dépouillé quelques journaux , « Combat» et aussi « la Voix du Peuple « de janvier à juin 1966 . Hebdo du PC pro chinois, dit aussi « grippiste » il avait publié un reportage sur chaque assemblée des femmes en grève à « La Ruche », ce qui apporte quelques détails intéressants sur « Germaine pendant la grève » et permet de découvrir aussi quelques photos inédites.
J'ai donc retravaillé – complété mon blog. Nous dirons que c'en est la 2ème édition , revue et corrigée .

GERMAINE RACONTEE PAR SON PETIT FILS

Germaine est née en 1907 à, Seraing, fille de Jean MARTENS et Marie THIRY.
A. BORSU, petit fils de GERMAINE, à l'expo "Femmes en colère"
La famille MARTENS , était originaire de Hasselt dans le Limbourg.
Jean MARTENS, a travaillé pendant 40 ans comme mineur de fond dans les charbonnages du Many et des Six- Bonniers à Seraing.

Armand se souvient des taches bleues sur la peau des mains et du visage de son bisaïeul que lui avaient laissé des blessures mélangées à la poussière de charbon.
Marie THIRY était ménagère , militante du Parti Communiste à Seraing, et aussi comédienne de théâtre wallon, et plus tard présidente d'un club de pensionnés.
Jeune fille, Germaine habitait à Seraing, avec ses parents et ses deux frères aînés.
Après l'école primaire, et le 4ème degré primaire jusqu'à ses 14 ans, il lui fallut travailler. 
Elle aurait commencé à la FN en 1925...
« C'est l'exemple de sa mère, avec son charisme de comédienne, son univers du théâtre wallon, qui a dû rendre la jeune Germaine sensible à la condition féminine, et peut être sans doute aussi sa place de fille cadette avec deux grands frères » , pense Yvette .
Mariée, elle s'installa avec son mari et leur petite fille Denise , qu'elle eut à 18 ans, à Saint Nicolas lez Liège , rue de Montegnée , dans une petite maison de 2 pièces plus cave, en location sociale, dans une cour en U de 8 maisons de mineur, contiguës, avec les toilettes à l'extérieur.
Le mari de Germaine, Armand RUTTEN , était un homme gentil et charmant.
Il était auteur – compositeur et accordéoniste enregistré d'ailleurs à la SABAM .
Les soirs du vendredi au dimanche, il jouait de l'accordéon chez Carpay rue Souverain Pont à Liège mais aussi sur la Batte à Liège dans la salle de danse à « l'Aurore »  qui servait de local du parti communiste.
En semaine, il travaillait comme magasinier au grand magasin Waxelaire ( devenu Grand Bazar, place saint Lambert) puis il fut engagé comme réviseur de pièces à la FN, jusqu' à son décès à 65 ans, à la veille de sa pension.
C'était Germaine qui faisait tourner la boutique, qui s'occupait des finances du ménage et prenait toutes les décisions.
En 1945, naissait son petit fils  , Armand. C'est elle qui allait l'élever ; elle avait 38 ans.
En
1952,elle décida d'acheter une maison, et ils déménagèrent rue des Bons Buveurs – une adresse qu'on n'oublie pas !- dans une maison plus grande – tout en hauteur (3 pièces + grenier) avec cuisine-cave, une serre et un petit jardin.
« Très fière de son émancipation financière, avec deux traitements d'ouvriers, et désireuse de s'affirmer socialement, elle fut une des premières dans le quartier à acheter un poste de télévision, que les voisins venaient regarder par la fenêtre à rue .
Elle ne manquait jamais de profiter des billets gratuits ou à tarif réduit à la SNCB, pour nous offrir une journée à la mer ; plus tard, une fois la maison remboursée, c'est elle qui réservait une semaine de vacances à la mer dans une petite pension de famille .  A nous deux, précise Armand, « ma grand mère et moi; mon grand père, que nous appelions « papa Rutten » ne nous accompagnait jamais et en profitait pour multiplier les prestations musicales ».
En 1957 , suite au décès de sa maman, Marie THIRY, la famille accueillit pendant quelques années Jean MARTENS , le papa de Germaine .
« En 1961, toujours dans cet élan d'émancipation et de conquête sociale, Germaine poussa mon grand père à acheter une petite voiture (DAF automatique, de 600 cc)pour se rendre ensemble au travail évitant ainsi les trajets en bus qui prenaient une heure à l'aller, une heure au retour .
Et aussi pour se ménager quelques heures de sortie au vert dans les Ardennes ..
Armand RUTTEN ne le regretta pas, car il adorait piloter sa petite auto(matique) pour nous mener manger une truite ou une entrecôte à Hotton ou Remouchamps. 
Car Germaine était aussi une bonne vivante !»
En 1966, l'année de la grève, le mari de Germaine , né en 1900 , mourut, sans avoir encore touché sa première mensualité de pension de retraite, et sans voir le mariage de son petit fils , Armand avec Yvette...

 Germaine menait la dure vie des ouvrières d'usine à la F.N. elle faisait la pause 8-17h.
Au temps des trajets en tram, elle quittait la maison à 7h du matin et rentrait à 6h du soir.
Peu de temps pour s'occuper du petit fils qui, après ses devoirs, dressait la table et pelait les pommes de terre pour le souper, avant que ses grands parents arrivent.
Mais assez de temps et d’énergie pour s'occuper en maîtresse femme de l'essentiel : faire en sorte qu’Armand comprenne l'importance de l'école.
Pour lui, être un bon élève, si possible le meilleur, cela allait de soi, il le devait bien  à sa grand mère, qui travaillait dur pour lui.
Son instituteur, un éveilleur et émancipateur le suivait particulièrement comme un fils qu’il n’avait pas eu.
Germaine remua ciel et terre afin qu’Armand obtienne les bourses d’études nécessaires pour réussir à l’école moyenne puis à l’école normale d’instituteurs.
Il faut dire qu’à l’époque des « golden sixties », la F.N. accordait des bourses aux enfants du personnel, permettant ainsi aux enfants méritants de la classe ouvrière de s'émanciper par les études et de trouver du travail.
Germaine était une grand mère sévère, pas une grand mère gâteau - câlin; ce n'est qu'avec ses arrière petits enfants , une fois pensionnée, qu' elle se laissa aller.
Germaine était « femme-machine » et travaillait dans les dures conditions imposées par les patrons aux ouvrières considérées comme une main d'oeuvre à bon marché taillable et corvéable à merci : les rythmes infernaux, le bruit, l'huile et la crasse.
Armand se souvient qu'une fois rentrée à la maison, elle devait extraire avec une pince à épiler les limailles de fer piquées dans ses doigts.
Un jour, elle a été ramenée en ambulance avec deux doigts sectionnés par la machine !
Malgré cet accident elle a vite repris le travail.
Ce qui lui a valu toute sa vie une petite pension d'invalidité ... et 2 doigts en moins,
A la FN  son groupe, fête  une pensionnée (Germaine 1ère à g.)
A souligner qu'elle a toujours donné personnellement l'exemple de la solidarité:
ainsi, quand elle avait fini son quota de pièces, elle allait souvent aider les femmes enceintes à terminer leur production et combien de fois n’a-t-elle pas fourni des pièces à sa vieille collègue et amie Juliette quand celle-ci était souffrante.
Elle embrigadait les autres pour aider des gens en difficulté ; elle aida aussi des femmes ( certaines battues par leur mari) à entrer à la FN.
Elle fut ainsi de plus en plus respectée et avait l'estime de tous et toutes, même si parmi les femmes des jalousies et des mesquineries naissaient de temps à autre.
Respectée aussi par ses chefs pour son autorité, son caractère et son sérieux au travail , elle était ainsi devenue en quelque sorte, la porte parole, une déléguée officieuse qui intervenait auprès des contremaîtres, aussi bien lorsqu'une compagne n'était pas bien ,qu'en cas d'approches malveillantes.
Elle a ainsi tissé autour d'elle un réseau collectif de solidarité qui n’a rien à voir avec la recherche d'avancement ou de promotion et bien loin du « chacun pour soi »  égoïste.

Germaine était aussi active dans son quartier : elle réunissait des copines ménagères de Saint Nicolas, pour les aider à prendre leur sort en main.
Elle était très sensible à la condition des femmes, et était par exemple favorable à la liberté de l'avortement. 
Pour Yvette, c'est aussi par choix délibéré de femme, qu'elle a gardé toute sa vie son nom « de jeune fille » MARTENS .

Germaine était communiste, abonnée au « Drapeau Rouge » - qu'on ne trouvait pas en kiosque.
Armand se souvient avoir lu le « DR » à la maison, d’abord pour ses B.D. et puis pour ses articles.
Elle participait chaque fois au 1er mai  en se définissant comme « combattante des tranchées »
GERMAINE  et ses camarades à la fête de "La Voix du Peuple" sept1966
Je découvre, dans « La Voix du Peuple » ( 01/04/1966) qu'elle adhéra au Parti Communiste Wallon («  prochinois ») le 25 mars 1966, après avoir été membre du parti (Parti Communiste) pendant 20 ans.  A cette réunion de remise des cartes, elle est présentée comme « petite-cousine de Julien LAHAUT » , ce qui assoirait l' idée que son engagement social et politique plongeait ses racines dans sa famille sérésienne.
Elle était bien sûr syndiquée à la FGTB- elle recevait le journal « Syndicats » - et affiliée à la FMSS.
Elle était athée : pas de baptême, de communion, de mariage à l'église, ni de sacrements lors de son dernier voyage  à 89 ans.
Cela ne l'empêchait pas de lire « la Bible », parce qu'elle voulait savoir ce qu'on y disait ;« Jésus a été le premier communiste sur Terre, c’est d’ailleurs pour cela qu’il a été crucifié!» disait elle.

« C'était une rassembleuse et une meneuse,, et quand la grève a éclaté, cela a été une activité intense quotidienne », raconte Armand .
Une rassembleuse qui sensibilisait ses camarades d’atelier, les réunissaient à la cantine, dans sa maison de la rue des Bons Buveurs ou dans quelques salles réservées par l'avocate communiste Cécile Draps qui animait ces réunions. 
Une meneuse qui mobilisait ses militantes et qui était en tête des manifestations.
Germaine, la femme de terrain, était très fière de cette relation militante avec Cécile considérée comme l’intellectuelle (une fierté partagée d'ailleurs - NdlR)

Aux portes de la FN :de face,avec un paquet de journaux,l'avocate militante CECILE DRAPS
Elles sont allées un peu partout, dans la région liégeoise, chez Schréder à Ans, chez Englebert et aux ACEC de Charleroi.
Germaine était très fière de cette collaboration, soutenant une grève de 3 mois.
Le résultat final fut modeste (avec une augmentation de deux francs cinquante de l’heure). S’il n’améliora guère les 3 années de fin de carrière de Germaine, il eut son importance pour les plus jeunes.
Ce fut surtout une victoire symbolique pour toutes les femmes.

Par la suite, en famille, à table, elle entonnait volontiers leur chanson adaptée :« Le travail , c'est la santé » Elle était fière d'avoir été à la FN.
Et dans sa famille, elle deviendra pour certain(e)s symbole de l'émancipation féminine.
Elle s'est toujours considérée comme communiste : « Communiste... chinoise » disait elle.
Très vite, après sa pension en 1968, elle a eu des problèmes respiratoires et a dû être soignée en sanatorium mais elle a vécu, jusqu'à 89 ans, fidèle à ses convictions, fière de l'action des femmes de 1966.
Elle a été enterrée au cimetière de Saint Nicolas, aux côtés de son mari.
Armand, son petit fils insiste :
« Ce qu'elle a fait là, déclencher et mener cette grande grève des femmes, ce n'était pas pour elle – elle était à 2 ans de la pension, elle avait peu à y gagner -, mais bien pour les autres, pour les jeunes, qu'elles aient davantage de justice et de considération »
C’est une grande émotion partagée que de retranscrire ce témoignage qui m'a permis de mieux connaître la « meneuse de 1966 », que j'avais entraperçue un dimanche de mars 66 à Bruxelles et qui pour moi était  un nom enfoui dans ma mémoire.
Femme du peuple, d'une famille ouvrière, elle a placé au dessus de tout les valeurs collectives de solidarité, d'entraide et de justice.
Elle n'a jamais cherché les honneurs, ni à devenir une star dont la « photo » serait arborée partout.
Elle n'a pas été nommée «  officier de ci ou de ça », n' a pas été lauréate de tel ou tel prix ; elle n' a pas cherché à trouver bénéfice de son action dans telle ou telle promotion , elle n' a pas de rue ou de place à son nom... .
Rebelle, elle n' a jamais été du côté du manche...
Ouvrière communiste, dirigeante naturelle de la grève, elle avait quasi été oubliée.

Pourtant, quel bel exemple de vie et de combat que celui de la camarade GERMAINE !
Merci à Armand et Yvette de nous l'avoir fait découvrir.

GERMAINE DANS LA GREVE :
L'image de GERMAINE (écrite, car il n' y a pas de photo de ce moment ) la plus symbolique, c'est la description du débrayage du 9 février 1966, retranscrit dans le livre de Marie Thèrèse COENEN
« C'est une ouvrière du grand hall, la vieille Germaine qui donne le ton . Elle fait un drapeau d'un balai et d'un chiffon rouge et entraîne ses compagnes derrière elles ; « Tap dju, tap dja, on z'a assez rigolé d'nos autes. »
Il y a aussi la fameuse vidéo (*)présentée lors de l'exposition « Femmes en colère », qui reprend des extraitts du magnifique film « FEMMES MACHINES » de Marie Anne Thunissen- 1996
                                                        (*)  vidéo "La Petite GERMAINE"
Il y a aussi les interventions en assemblée: L'IHOES et  « Mémoire orale » ont aussi mis en ligne des extraits d'intervention à « La Ruche », ici l'assemblée du 3 mars.
 http://memoire-orale.be/audio/Sarolea_AG03mars06_Germaine.mp3
 
En tête des manifestantes de l'usine à « La Ruche » le 17 février, on ne peut se tromper, c'est bien elle « la meneuse », qui a lancé l'action avec ses camarades les plus proches, la militante derrière laquelle toutes se rassemblent.
En assemblée, le 17 février, elle déclare :
« Je travaille depuis 1925. Un délégué m'a dit «  tu vas être pensionnée, ne te mêle pas de ça ». et bien , jusqu'à mon dernier souffle, je me battrai !
Sans les femmes, les hommes seront vite au chômage. Continuons, car le patron est plus près de ses millions que nous  ; On nous a assez trompées, nous sommes en grève, continuons ! »











Le 21 février, avec ses camarades, elle crée le Comité d'Action des ouvrières de la FN.
« Dés le début, nous nous sommes rendus compte que les dirigeants syndicaux ne voulaient voulaient pas de cette grève...
Dés la première assemblée, alors qu'ils [...]venaient de se se faire traiter de « VENDUS » par toutes les ouvrières, ils annonçaient que seules les grévistes syndiquées pourraient y assister.
C'est sur ce fait précis que la formation d'un Comité d'Action a été décidée....
Nous nous sommes réunies à plusieurs ouvrières après l'assemblée .
Nous avons stencilé un premier tract ... La grève avait démarré grâce à l'unité active de TOUTES les ouvrières, syndiquées ou non syndiquées.
On n'avait pas demandé aux ouvrières si elles étaient syndiquées ou non pour faire grève .
On n'avait pas à le leur demander pour participer aux assemblées.
Dans ce tract nous avons demandé à nos camarades de se réunir avant l'assemblée et d'y entrer toutes ensemble, syndiquées et non syndiquées .
Ce fut notre première action et notre premier succès . »
(« Rencontre avec les grévistes de la FN » Union des Femmes – n°3 juin 1966)
photo Voix du Peuple


Le 3 mars, est constitué un Comité de grève de 29 ouvrières, qui inclut des membres du Comité d'Action, dont bien sûr Germaine  Martens. En assemblée, Germaine salue l'unité ouvrière : «  Camarades, je suis en contact depuis 9h moins quart avec plusieurs camarades des deux sections syndicales. D'après leur parler, nous sommes toutes ensemble. Donc, camarades, nous voulons ce nous avons demandé .Avant de partir en grève, nous avons réfléchi dans le temps, ce n'est pas un coup de tête... Donc, camarade, si vous êtes d'accord avec moi, on continue. »
13 mars 1966, Bruxelles : rassemblement de l'Union des Femmes
Le 13 mars, elle est à la tribune ,à Bruxelles, du rassemblement de l'Union des femmes à l'occasion de la Journée Internationale du 8 mars pour le droit des femmes, aux côtés de Germaine HANNEVART, de Mme LEY, présidente, et de Cécile DRAPS.Elle y explique la grève sous las applaudissements du public.

  le 21 mars : ... « la parole est alors donnée aux grévistes ; sur l'air des lampions, l'assemblée réclame celle qu'elle considère comme une de ses dirigeantes , notre bonne camarade Germaine. Visiblement émue, elle rappelle que « la revendication n'est qu'un minimum auquel les femmes ont droit, et qu'il faut lutter jusqu'au bout !
Le 24 mars , elle est , avec un groupe de Herstal, grévistes des ACEC et de la FN aux portes des ACEC à Charleroi pour appeler à la solidarité.
Le 28 mars , « une camarade italienne vient excuser la camarade Germaine, malade et déclare :  »Elle n'a pas pu être avec nous aujourd'hui et je voudrais que , pour lui marquer notre attachement et notre confiance, nous l' applaudissions et la salle d'ovationner debout notre camarade »
Le 15 avril – 8ème assemblée des ouvrières :après des remarques désobligeantes sur les groupes extérieurs d'un secrétaire de la Centrale FGTB - «  il y des farfelus intellectuels, qui n'ont jamais sué auprès de vous et dont le coeur n' a jamais vibré à l'unisson avec le vôtre » - la salle réclama notre camarade Germaine, qui , vivement acclamée lorsqu'elle vint au micro, déclara 
«   Notre grève n'est pas, comme certains voudraient le faire croire une grève politique.
Quant à moi, je suis membre de l'Union des Femmes, et de plus, je suis fière d'être communiste. »
Le 25 avril, elle est évidemment avec ses camarades du Comité d'Action et du comité de grève , à la tête des travailleuses, dans la grande manifestation de Liège. Place Saint Paul, lors du meeting de conclusion, plusieurs ouvrières demandent Germaine à la tribune. En vain.
Le 5 mai , c'est l'assemblée qui vote la reprise du travail à bulletin secret par 1320 OUI contre 205 NON. Beaucoup de femmes sont absentes -près de la moitié. Quelle a été à cette dernière assemblée la position de Germaine ? A t elle demandé le report du vote ou s'est elle prononcé contre ? Pas de trace tant qu'à présent, et « la Voix du Peuple », dont elle avait rejoint le parti , restera silencieuse à ce sujet...
On ne peut pas dire que Germaine Martens, qui a été en quelque sorte , avec ses camarades, une lanceuse d'alerte sur les discriminations des femmes au travail, ait  « dirigé la grève » , mais en tout cas, elle a été  la" leader"   des ouvrières, et a fait tout ce qui était possible , dans le rapport de force donné , pour les  mener à la victoire.


INTERVIEW DE GERMAINE MARTENS - 1975 ( extraits)
« Nous sommes parties en grève pour obtenir «  A travail égal, salaire égal »
Les syndicalistes nous le promettaient depuis plus d'un an, mais nous n'avions rien vu venir.
L'article 119 du Traité de Rome , déclaration de principe du Marché Commun, obligeait les états membres à payer aux femmes le même salaire qu'aux hommes , pour un travail égal .
Et cela pour janvier 1965 au plus tard.
Mais à l'usine, la femme la mieux payée en décembre 65 gagnait 5 francs de moins que n'importe quel manoeuvre masculin.
C'est pourquoi nous avions comme revendication 5 francs d'augmentation pour toutes : cela unifiait tout le monde, et nous obtenions ainsi l'égalisation avec les salaires masculins les plus bas.
Quand nous avons reçu notre feuille de paie du mois de janvier 66, et qu'on a vu que l'augmentation n'y était toujours pas, nous avons compris qu'il fallait arrêter nos machines.
 
Nous sommes allées dans tous les ateliers et nous avons poussé sur les boutons pour arrêter la production. »( C'était le mercredi 9 février 1966 – NdlR)
Nous avons appelé à une réunion générale . Quand toutes les femmes ont été dans la salle , les délégués sont venus et nous leur avons dit qu'il fallait satisfaction pour nos salaires.
Ils nous ont répondu :  « Attendez, on va discuter avec les patrons .»
Nous avons répondu : « Non, nous avons attendu assez longtemps ! Nous vous donnons 8 jours ; si dans 8 jours, nous n'avons pas eu satisfaction, nous partons en grève. »
Et nous sommes retournées à nos machines bien décidées à faire ainsi .
Et 8 jours après, nous sommes retournées en assemblée ; et comme il n' y avait toujours rien, nous sommes parties en grève
[...]
Nous étions quelques femmes à nous voir souvent à l'usine dans les groupes ( les unités de production) et aux toilettes .
On parlait politique comme les hommes . Une femme qui a travaillé des années à l'usine fait aussi bien de la politique qu'un homme. Elle connaît mieux la politique, car c'est elle qui a le porte monnaie pour vivre , et l'homme ne l'a pas !
On nous parlait de l'égalité ses salaires depuis des mois et des mois.
Comme on ne voyait rien qui changeait, nous parlions beaucoup de grève entre nous, et avec les ouvrières.
Nous étions connues des ouvrières depuis des années ; je parlais dans toutes les assemblées syndicales et je poussais les autres à parler.
C'est nous qui avons arrêté les machines et appelé toutes les ouvrières à la réunion . J'en ai même battu une qui ne voulait pas arrêter.
On ne s'appelait pas Comité d'Action à l'époque, mais nous étions vraiment un groupe d'ouvrières qui agissions ensemble.
Quand la grève a été déclenchée,  nous avons pris le nom de Comité d' Action ...( le CA sera créé le lundi 21 février NdlR)
[...]
Nous avons été aux ACEC HERSTAL et chez SCHREDER et nous les avons fait partir en
grève par solidarité .
Nous avons été souvent aux ACEC de CHARLEROI, qui sont partis en grève .
Nous avons été dans tout CHARLEROI, avec le micro, pour appeler à la solidarité.
A chaque assemblée, nous avons réclamé avec les ouvrières une manifestation à Liège. Nous avons obligé le syndicat à la faire, et nous avons montré qu'après 11 semaines de grève, les ouvrières n'avaient rien perdu de leur courage et de leur enthousiasme... »

« Interview de Germaine » dans « La Parole au Peuple n°15 janvier 1975








3 commentaires:

  1. un vrai travail de reporter : visite , interview , rédaction , illustration .Et tout ça avec coeur et intelligence .Bravo et merci de l'avoir un peu fait connaitre .Je pense que c'est un bel hommage

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  2. très émouvant ! , article bien complet , merci de la faire "revivre " Yvette

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  3. Dans le cadre d'une série radiophonique consacrée à la RTBF à des "grands discours de l'histoire", j'aimerais y ménager une place à la petite Germaine et aux grévistes de la FN. J'aimerais donc recourir à votre expertise... J'ai lu avec grand intérêt votre article. Vous parlez du mot de grève que la petite Germaine a lancé : "Cela a assez duré, on sort". Puis-je vous demander comment on le disait en wallon? Elle aurait donc bien dit ça le 9 février 1966, en même temps que l'autre phrase que vous citez "Tap dju, tap dja, on z'a assez rigolé d'nos autes"? Pour le coup, je ne connais pas le wallon (je suis d'origine picarde). Que signifie "Tap dju, tap dja"? Merci pour votre attention!

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