dimanche 18 février 2024

MERCI JOSÉ


 

José Gotovitch, lors du Festival Films et Fascisme- Saint Gilles 2005 
 Photo Résistances Manuel Abramowicz


Samedi 17 février 2024.

Incrédule, je découvre ce matin, la bien triste nouvelle : José Gotovitch nous a quitté … Si vite !

Nous l’avions rencontré, pour la dernière fois, en  mai dernier chez mon frère Michel, qui avait, avec notre regrettée belle-sœur, organisé une rencontre entre amis pour échanger sur son dernier livre consacré à l‘histoire des Jeunesses et Étudiants communistes.



Il y mettait notamment en évidence le rôle de notre père Arthur Tondeur dans la création du premier groupe d’étudiants marxistes à l’ULB en 1930.

De notre côté, nous avions, mon frère François et moi, mobilisé notre passion pour l’histoire, lui en retraçant la vie de nos parents et de leur engagement politique, moi-même en rassemblant les principaux articles de politique étrangère de notre père dans « La Voix du Peuple » d’avant-guerre.

Quel bel après-midi passé ensemble, dans la bonne humeur, l’écoute de chacun, sans oublier le délice des pâtisseries – maison !

Grand moment aussi quand, à quelques-uns ils entonnent la chanson des « Petits-fils des Vétérans du Roi Albert », sorte de confrérie folklorico-guindailleuse qu’ils avaient maintenu en vie pendant plus de 60 ans.


Pour Anne, mon épouse, et moi, José était une vieille connaissance.

Je l’avais rencontré pour la première fois en janvier 1961, lors des grandes manifestations contre la loi unique, auxquelles participaient un solide groupe étudiant, et aux piquets de grève que nous installions sur le campus.


Janvier 1961- Bruxelles: les étudiants sur les marches de la Bourse.

Souvenir particulier aussi d’un soir de février 1961, alors que nous venions d’apprendre l’assassinat de Patrice Lumumba : nous nous sommes retrouvés dans une 2CV, Jean- Pierre Olivier, Michel Graindorge, José et moi pour patrouiller autour de l’ambassade du Congo, rue Marie de Bourgogne. Sans doute, ce repérage devait-il préparer un futur chaulage percutant ?

 

Par la suite, j’avais près de 18 ans et j’ai rejoint l’UNEC (Union Nationale des Étudiants Communistes) dont José était secrétaire national.

Il était aussi directeur de la revue de bonne facture des Étudiants Communistes, « En Avant ».


Ces années 61-62 à l’UNEC ont été riches en rencontres, en débats, en actions.

J'y revois José, à la conférence nationale de l’UNEC, en février 1962, à un week end de formation sur le  « XXIIème Congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique » avec Ernest Burnelle, à un stage de vacances des EC à l’été 1962 à Rochehaut, dans la vallée de la Semois, à la nuit de Nouvel An 62 à Athis et  à une folle nuit au « Petit Lénine » petit café de la rue des Chapeliers, le 14 avril 1961 pour fêter le vol de Gagarine dans l’espace.



Les meetings, les manifs aussi : Cuba, l'Algérie...
.
Sans doute faisait-il aussi partie du groupe des EC participant à la Semaine de la Pensée Marxiste à Paris….



Par la suite, nos chemins se sont séparés : nous nous sommes engagés, Anne Wildemeersch et moi, dans le courant dit « prochinois » animé par Jacques Grippa, alors que José, fidèle au Parti Communiste « officiel », entamait un brillant parcours universitaire d’historien du communisme, en particulier pendant la IIe guerre mondiale.

Je le rencontrerai alors par livre interposé, en découvrant avec grande curiosité « L’an 40 » ou « Du Rouge au tricolore », pour lequel il avait par ailleurs   interviewé mon père.

 

J’ai retrouvé José 50 ans plus tard. Nous organisions à Liège, à La Braise, avec Hubert Hedebouw, un cycle de conférences et de débats sur la « Grande Guerre » (« Un autre regard sur la guerre 14-18 »)

 José y avait naturellement sa place   comme conférencier, et il a accepté   bien volontiers de nous parler du   Conseil révolutionnaire de soldats   dans  l’armée allemande d’occupation   en novembre 1918 à Bruxelles.

 Comme toujours, exposé clair,   passionnant, rigoureux, pas du tout   académique : il savait faire aimer   l’histoire à son public.



La Braise - Liège- 15 avril 2015 : 

Depuis, nous sommes restés en contacts réguliers ; et au fil de mes lectures, j’ai découvert de multiples ouvrages et articles de José : ici, sur la Guerre d’Espagne, là  les biographies du Maîtron ou du CArcob, là encore un docu sur la grève des mineurs liégeois en mai 1941.

Je (re)découvrirai ainsi un  José, pourtant professeur honoraire de réputation mondiale, à l’autorité scientifique reconnue, non seulement  homme jovial et passionné, ouvert, toujours à l’écoute, respectueux de chacun, mais aussi comme un camarade, historien militant, prêt à donner de lui-même quand cela pouvait faire avancer à la base l’incontournable connaissance de l’histoire.

Alors qu'il avait décidé mordicus d'arrêter les conférences, il me confiait après une rencontre dont il n'était pas au courant : « Tu sais que je suis toujours dispo pour ce genre de choses ». 

Fait remarquable: il ne s'est pas laisser enfermer dans les soubresauts idéologiques mortifères du déclin du parti communiste. Au contraire, il a fait du CArcob, (centre des Archives communistes), un centre d'archives reconnu et s'est imposé comme historien, par belles et par laides,  de tout son passé... y compris de ses moments glorieux.



Son œuvre est considérable.
 Elle est aussi fondamentale.

A l’heure du révisionnisme historique tous azimuts, quand jusque sur les bancs du Parlement européen, le communisme est assimilé au nazisme, l’œuvre de José Gotovitch, comme un roc scientifique et inattaquable, rétablit la vérité historique : la Résistance à l’axe Berlin-Rome-Tokyo, faite de multiples obédiences politiques dans lesquelles les combattants animés par "l’idéologie communiste » et l’amour de leur patrie, a  joué un rôle important, voire décisif et fait partie, à tout jamais, de la mémoire des peuples d’Europe et du monde.

Gotovitch était signataire de ce manifeste (2/10/2019) d'intellectuels et professeurs 
belges, paru dans « La Libre » en réponse à la résolution du Parlement Européen (19/09/2019)





Son oeuvre nous interpelle aussi sur l’importance de la connaissance historique : on ne peut pas comprendre le monde d’aujourd’hui, pour pouvoir  le transformer, sans bien connaître et en analyser le passé.

C’est pourquoi, bien plus qu’une œuvre académique, c’est un outil de combat qu’il nous laisse.

Aux jeunes camarades de le faire vivre, de s’en servir comme éclairage pour les combats futurs.

Et à nous tous de lui dire :

« MERCI JOSE »