samedi 16 mars 2019

DES OUVRIERES DE LA FN AUX MARIE MINEUR

LES MARIE MINEUR : L' EGALITE  +  LA LIBERTE

Les années 70, dans la foulée de mai 68 seront les années du développement tous azimuts des organisations féministes, en Belgique comme dans le reste de l'Europe.
Et elle connaîtront de grands moments comme la journée des femmes du 11 novembre 1972, où 8000
femmes (et hommes) se rassemblent au passage 44, en présence de Simone de Beauvoir ; comme la publication à la même occasion , en 1972 du '' petit livre rouge des femmes » , brochure qui aborde tous les aspects du combat féministe, y compris le combat des femmes au travail. Tiré à 15000
exemplaires, il sera épuisé en quelques mois .

Et des grands combats comme celui de 1973 pour la libération du médecin communiste, le Docteur Peers jeté en prison pour pratique illégale d' interruptions de grossesses , qui se poursuivra dans la rue pour exiger la dépénalisation de l' avortement.
Dolle Minas , Front de Libération des femmes, Groupe d'action pour la libération des femmes , autant de groupes qui naissent en 1970, 1971 dans la foulée de mai 68.(6)
1973 Le Docteur PEERS dans la rue après sa libération.
Ils ne réclament plus seulement l'égalité, mais aussi la liberté de la femme en tant qu'être humain, seule maître de son corps, de sa sexualité, de son choix de maternité ;  »notre corps nous appartient », « mon ventre, c'est chez moi »
Mais, dans le cadre de la commémoration des  50 ans de la grève de la FN, mon attention est attirée par le combat des Marie Mineur (7) ,organisation féministe en milieu ouvrier, active principalement dans la région du Centre, mais aussi à Charleroi et Liège.
Je me réfère pour ce paragraphe exclusivement à  l'ouvrage : " Jeanne Vercheval, un engagement social et féministe" de Claudine Marissal et Eliane Gubin édité par l'Institut pour l’égalité des femmes et des hommes- 2011.(8)Que je référence ci dessous (JV – IEFH) 
Dans les années 70, c'est elles qui , pour ce que j'en connais, porteront le plus loin l'héritage de la grève des femmes de 1966.
Leur animatrice principale : Jeanne Vercheval , militante féministe de gauche .
Issue de famille ouvrière, de conviction communiste, elle avait été de 1963 à 1967 la cheville ouvrière de l'action anti- impérialiste et du soutien au Vietnam et avait créé les comités d'action anti impérialistes des jeunes.
Comme les autres organisations féministes , les Marie Mineur se jetteront dans le combat pour soutenir le docteur Peers et pour la dépénalisation de l'avortement .
Militantes ouvrières en milieu ouvrier, elles vivent de très près la détresse des femmes du peuple obligées d'interrompre leur grossesse, qui n'ont pas les moyens de se payer un avortement aux Pays Bas.
Mais les Marie Mineur ont un engagement politique et rappellent sans cesse la dimension sociale de la lutte des genres.
« Elles sont d’autant plus réceptives aux théories anticapitalistes que leur région subit de plein fouet le déclin industriel ; beaucoup ressentent personnellement les difficultés sociales au quotidien. »
« Notre but vise principalement à toucher les femmes de milieu modeste. Femme travailleuse – épouse et fille de travailleur – notre mouvement se met donc au service des moins favorisées ».



photo www.labiso.be
« Les Marie Mineur réclament la mixité de l’enseignement dans toutes les écoles et à tous les niveaux, un même contenu éducatif pour les filles et les garçons. [...] Les Marie Mineur refusent l’exploitation du corps des femmes par la pornographie, le cinéma, le théâtre et la publicité. [...]
Les Marie Mineur réclament la généralisation de l’éducation sexuelle, la légalisation des moyens anticonceptionnels et le droit des femmes à l’avortement libre et gratuit. [...]
Les Marie Mineur défendent avec force le principe « À travail égal, salaire égal ». Elles dénoncent la réglementation spécifique du travail féminin : si réglementation il y a, elle doit s’appliquer aux deux sexes de la même manière, car le travail féminin n’est pas un travail d’appoint, il a la même valeur que le travail masculin. [...]
Dans la sphère privée, les Marie Mineur réclament une participation égale des père et mère au processus éducatif et aux tâches ménagères. « Répartissons les travaux de la maison, selon les goûts de chacun et sa disponibilité (repassage, nettoyage, bricolage, jardinage) [...]. Que disparaisse cette affreuse boutade ‘femme à tes casseroles !! Hommes et femmes sont capables de tout faire. Question d’apprentissage ! » (JV- IEFH pp145-146)

Dans les années 70, les Marie Mineur interviendront dans plusieurs grèves
« En Hainaut, terrain d’action privilégié des Marie Mineur, des grèves éclatent à la faïencerie Boch-Keramis à La Louvière (1971-72 et 1975), à l’usine de relais de centraux téléphoniques Siemens à Baudour (1976), à la fabrique de pantalons Farah à Obourg (1977)et SA Confection industrielle (ex-Salik) à Quaregnon (1978-79) [...]
« Nous étions présentes lors des grèves, on nous demandait un coup de main pour les piquets. On allait parfois chercher les enfants à l’école, tout simple-ment. On était là. On était disponible. Et ça, petit à petit, les travailleuses du coin le savaient : ‘on téléphone aux Marie Mineur ! »(JV- IEFH pp145-146)
Et dés 1975 , quand la crise du choc pétrolier de 1973 éclate, elles se lancent dans le combat contre le chômage qui frappe en premier lieu les femmes ( 60% des chômeurs indemnisés , en 1977 sont des femmes.)
                           Manifestation des Marie Mineur à La Louvière   photo www.labiso.be
« Les Marie Mineur publient le Livre blanc sur le chômage des femmes ,[...] (qui) expose clairement les risques d’exclusion et la manière de s’en protéger.
Une douzaine de comités de chômeuses se créent en moins de deux mois dans la région louviéroise. Conduits par quelques femmes motivées, ils touchent chacun plusieurs dizaines de chômeuses.
Les Marie Mineur assurent leur coordination.
Le 7 février 1977, Jeanne et ses amies organisent dans les rues de La Louvière une manifestation qui rassemble quelque 600 femmes. Elles réclament du travail, la suppression des exclusions du chômage, le respect des droits de tous les travailleurs sans emploi et la réduction du temps de travail à 36 heures par semaine »(J.V- IEFH p 150-151)
« Inlassablement, les Marie Mineur interpellent le monde syndical. Elles dénoncent la faible représentation féminine dans les structures syndicales, l’absence des femmes dans les négociations sociales, même dans les secteurs où les travailleuses sont majoritaires (à titre d’exemple, la fermeture de Farah à Obourg a été négociée en concertation avec les permanents syndicaux masculins), le manque d’autonomie des commissions syndicales féminines, ... En 1977, une table ronde du textile (un secteur principalement féminin) réunit au meeting final 2.000 participants «
dont 1.800 femmes. À la tribune des permanents syndicaux, pas de femmes ! »(J.V- IEFH p 155)
Mais à force de faire trotter les délégués, comme l'avait fait petite Germaine et les ouvrières de la FN en 1966, « la stratégie de l’aiguillon porte ses fruits et, à la fin des années 1970, les syndicats intègrent peu à peu les intérêts des travailleuses et des chômeuses. » (JV – IEFH p159)
Et là commence un autre épisode, celui écrit par les militantes et militants au sein des organisations syndicales pour l'égalité ses genres.
Voilà , ami lecteur ,à travers ces années de combat des années 60 et 70 quelques figures de femmes militantes engagées à gauche , qui à travers différents types d' engagement, divers groupes ou organisations , ont soutenu et continué le combat des ouvrières de la FN .
Celles ci avaient allumé le grand feu du combat pour l'égalité des femmes et des hommes, d'autres avaient entretenu la braise, et grâce à elles et à toutes celles et ceux qui les ont suivies le feu qui couve ne pourra plus jamais être éteint.

MARIANNE organisation des femmes du PTB  (Photo Solidaire, Martine Raeymaekers)



(6) sur le renouvea féministe des années 70 voir "Le féminisme est dans la rue: Belgique 1970-1975"- p22 - Marie Denis,Suzanne Van Rokeghem - POL-HIS
(7)Marie Mineur « Militante ouvrière, très probablement épouse de militant, elle a créé à Verviers en 1872 la seule section féminine de l’Association internationale des Travailleurs. Elle a pris la parole dans des meetings avec beaucoup d’énergie et milita durant une vingtaine d’années dans des cercles
anarchistes et rationalistes « pour le triomphe des idées d’émancipation »
 Un livre lui a été consacré : "Marie Mineur. Marie rebelle" de Freddy Joris édition Avant propos 2011

lundi 4 mars 2019

HUY : AUTOUR DE LA GARE SAINT HILAIRE (*)


Avant les années 60, on allait travailler à pied, à vélo, en tram ou en train, pour la simple raison que la majorité des travailleurs n’avaient pas de voiture. C’était un produit de luxe réservé aux classes riches.De même pour les enfants à l'école, les courses dans les magasins de quartier etc.
Les lignes de vicinaux et de trains drainaient les travailleurs, même venant de la campagne, vers les usines, les zones industrielles ou les centre- ville. Tout était régi par la proximité des voies ferrées – chemins de fer ou vicinaux auxquelles les entreprises étaient raccordées pour acheminer les matières premières, expédier les produits finis et …amener la « main d’œuvre » sur son lieu de travail.

UN RESEAU FERRE DENSE ET ETENDU
Huy et sa région en sont un bel exemple : les noms des gares - la plupart fermées aujourd’hui - évoquent ce passé industriel prestigieux et la proximité des usines, des écoles et autres institutions.

Réseau  des trains et vicnaux http://vinalmont.blogs.sudinfo.be/tag/vicinal+vinalmont

Prenons l’exemple de la ligne 126 Statte – Ciney  (dont HUY - Saint Hilaire était une gare)
Statte : moulins de Statte, ateliers divers, sucrerie de Wanze.
-correspondances : ligne 125 Liège Namur
-correspondances avec le vicinal Statte, Vinalmont, Villers le Bouillet, Waremme(470 sur la carte)           
- Statte, Vinalmont, Huccorgne, Burdinne.(572)
Saint Hilaire : fonderies Porta, Potstainiers, multiples ateliers du quartier Batta, écoles rive gauche, (l’Agri , Saint Quirin), caserne d’Aulne.
Huy Sud : établissements Thiry, ateliers quartier Sainte Catherine, ateliers rue Chérave, papeteries Godin (Chinet)
Fleury : papeteries Godin.
Marchin : Tôleries Delloye.
Regissa :  Tôleries Delloye.
Barse : carrières de la vallée du Hoyoux.
Modave : eaux de Modave, usine céramique de Modave.
Clavier : correspondance avec le vicinal Clavier - Val Saint Lambert (456)
                                                                 Clavier - Comblain au Pont (457) 
     

La ligne 126, reliant donc Huy-Statte à Ciney fut ouverte en 1877 au trafic marchandises et voyageurs et complétait le long du Hoyoux, le réseau de voies ferrées par des liaisons avec la ligne Nord Belge de la vallée de la Meuse (Liège Namur), la ligne Namur Arlon à Ciney, et via la ligne 127 le long de la Mehaigne (Huy Statte- Landen) avec la liaison Liège – Bruxelles.
 Bel exemple d »intermodalité » ( mot très dans le vent aujourd'hui)
Le tout au camion et à l’automobile dominant dès les années 60 a condamné ce dense réseau ferré à la ruine : la ligne 126 était fermée en 1962, à la suite d’une « décision administrative brutale et surprenante », la 127 progressivement fermée de 1963 à 1983, et les lignes ferrées vicinales remplacées par des autobus diesel (aujourd’hui, cloués au pilori comme polluants)
le vicinal à Statte (1)  « Le chemin de fer du Hoyoux et du Condroz – La ligne 126 de Statte à Ciney-G. Henrard( capture d'écran de https://www.matele.be/ex-cathedra-la-ligne-126-entre-ciney-et-statte )                                    
Toutes les industries ont fermé les unes après les autres, avec des milliers de pertes d’emploi, et sont alors apparus les nouveaux zonings industriels en périphérie, près des autoroutes ou des voies rapides : Villers le Bouillet, Hermalle sous Huy, Seilles, Waremme, et, bien plus loin, Bierset, voire les Hauts Sarts à Herstal.
Aujourd'hui, 80% des déplacements vers le lieu de travail se font en voiture ; l’aménagement du territoire, entreprises, surfaces commerciales, lotissements d’habitations, a mis la voiture individuelle au centre de la vie.
Ce modèle de société, fondé sur l’accélération de la circulation des marchandises ( le just in time du camion) et la course au profit maximum immédiat pour quelques méga-multinationales de l’automobile, de l’acier, du pétrole, du pneu et de la finance, est à bout de souffle;
Il a creusé les injustices sociales : quel meilleur cadre que cette civilisation de l’automobile, en effet, pour imposer aux travailleurs, individualisés au maximum, toujours disponibles, 24h sur 24, 7 jours sur 7, grâce à leur voiture, leur imposer donc des statuts et sous - statuts dévalorisés : l’intérim, « l’auto- entreprenariat », les horaires éclatés, les heures supplémentaires, le travail du dimanche, en un mot la flexibilité et la précarité de l'emploi ? 
C'est ainsi que la voiture individuelle a été à la fois, pour le plus grand nombre un outil de liberté et de découvertes  et un instrument d'exploitation renforcée.
Ce modèle de société conduit aussi droit dans le mur du point de vue de la protection de notre bien commun le plus précieux, notre planète, avec l'émission massive de CO2, gaz à effet de serre.
AUBAGNE (FRANCE) 45ooo habitants: réseau de trams et bus gratuits
Comment ne pas conclure,  en  se replongeant ainsi dans l’histoire, qu’il est plus que temps de se débarrasser de ce système et, en ce qui concerne la mobilité, de se doter à nouveau d’un vrai réseau public  de transports en commun axé sur le train, reliés à des « vicinaux du 21ème siècle"  gratuits, et à un réseau de mobilité douce avec de vraies « routes » pour le vélo (électrique ou non) et de vraies allées sécurisées pour les piétons.


HUY : BASSIN  SIDERURGIQUE  ET INDUSTRIEL
La gare Saint Hilaire, première halte de la ligne 126 adorablement nichée au bord d’une petite place en cul de sac évoque à elle seule toute l’histoire de Huy.  
Ville de la Principauté de Liège, elle présentait sous l’Ancien Régime, avant la Révolution Liégeoise, une concentration particulièrement élevée de sites religieux, collégiale, églises, monastères, abbayes ou refuges d’abbaye.
Rien que autour de Saint Hilaire, on relève l’abbaye Saint Victor, le refuge de l’Abbaye d’Aulne, et la maison Batta, ancien refuge de l’abbaye du Val saint Lambert.(aujourd'hui "à vendre")
« Ici, l’Eglise était tout, c’était la vraie ville de l’évêque » avait écrit Jules Michelet
Cette présence juxtaposée du Huy de la classe ouvrière et du Huy des abbés, abbesses, fils et filles à la fois de l’Eglise et de la haute noblesse est caractéristique de la cité.
Le tableau est complet si on y ajoute dans les beaux quartiers, les imposantes demeures, villas - châteaux, de la grande bourgeoisie de la période industrielle, les Godin, Delloye, Dautrebande, Thiry, Chainaye, qui vaudront à Huy son nom de « ville aux millionnaires »

Mais Huy était surtout une agglomération de travailleurs, sidérurgistes, fondeurs, métallurgistes, travailleurs du papier.
En 1891 la région hutoise comptait déjà près de 4000 ouvriers métallurgistes, la plupart occupés dans les usines de la vallée du Hoyoux: 9 laminoirs, 3 forges, 2 fonderies, ateliers de poêlerie - serrurerie, de boulonnerie, et aussi des moulins à farine, des scieries de bois, des scieries de pierre, de multiples tanneries etc…
Entreprises toutes alimentées en énergie par la force hydraulique de la rivière, au cours rapide et
abondant, avec la caractéristique de ne jamais tarir, ni geler.
Cela fait rêver, à l’époque des énergies renouvelables, non ?
De même la pureté de l’eau du Hoyoux était nécessaire au traitement du papier à Chinet et Fleury, aux papeteries Godin.
Ajoutons - y les usines Thiry, avec ses travailleurs hautement spécialisés dans la mécanique des machines à papier, puis des presses, des scies et des moteurs diesel
La proximité de la Meuse et l’ouverture des lignes de chemin de fer favorisaient approvisionnement et expéditions par le rail et le fleuve.

Pendant des siècles, mais surtout aux 19ème et première moitié du 20ème, sur 5 kilomètres de rives,
des milliers d’ouvriers travaillaient dans plus de 40 usines ; une intense vie sociale et syndicale s’y était développée.
Rappelons par exemple le combat des ouvriers carriers en 1902 (2) et celui des métallurgistes en 1936 (3)
Les lois du développement inégal , à la recherche du profit maximum immédiat en ont fait à partir des années 60  un presque désert économique.
Seuls rescapés aujourd’hui dans la vallée, de ce tsunami social, 60 travailleurs d’Arcelor Mittal à Marchin, inquiets jour après jour pour leur avenir, se demandant encore tout récemment en assemblée syndicale, à quelle sauce ils allaient être mangés par la multinationale de l’acier.

Les principaux quartiers industriels et donc ouvriers étaient les quartiers de la rue de l’Industrie (devenue rue de l’Amérique) et Saint Hilaire, Statte, le quartier Nord autour de la gare et le quartier Sainte Catherine.
Fleury (Marchin) 2019 Le filtre à eau des Usines Godin rénové en logement
Le quartier Sainte Catherine était un des quartiers ouvriers de Huy où étaient établies nombre d'entreprises, des fonderies, trois ateliers de construction et une boulonnerie, qui occupait gamins et gamines en bas âge.  « Quand l'inspecteur du travail venait, on les cachait dans des tonneaux à boulons... et le patron recevait son certificat de bonne conduite »
Les papeteries Godin occupaient aux portes de Huy et Marchin , entre Sainte Catherine et Fleury , jusqu’à 3500 travailleurs en 1890, dont nombre de femmes qui venaient de tous les villages avoisinants et qui avaient des conditions de travail et de salaire terribles. (Si un employé gagnait 90 f /mois, un ouvrier à peu près pareil, 2,25 à 3fr/jour, les femmes, elles gagnaient à peine la moitié 1,25 à 1,5 fr/jour) En hiver, par mauvais temps, elles ne pouvaient pas rentrer et logeaient chez l'habitant dans des conditions d'hygiène et de salubrité terribles. » (4)
Avec 1200 travailleurs en 1918, elles allaient être définitivement fermées en 1967 : 115 travailleurs perdaient leur emploi à Fleury.


SAINT HILAIRE :  PORTA, LES COOPERATIVES…
Le quartier de la rive gauche était éminemment industriel.
En dessous de la gare saint Hilaire, la fonderie Porta avait été fondée en 1868, notamment par un ingénieur Nicolas Porta.
Spécialisée en fonte décorative et fonte d’armement, la fonderie sera rachetée par Delloye -Mathieu en 1948.
Et à la fin des années 80, comme beaucoup de petites et grandes  industries wallonnes, elle subit en quelques années l’incessante valse funèbre des ventes, rachats, faillites, reprises et rationalisations, préludes habituels, sous le régime capitaliste, à la fermeture définitive. (Armco en 1988, Titaragh- Delloye en 1993, Felon et Lange en 1999, GF Technologies en 2002 et faillite avec fermeture définitive en 2004 ; les machines sont vendues et expédiées à une société polonaise)
Aujourd’hui, le site des anciennes fonderies Porta (Felon et Lange), dépollué est au centre d’un débat sur son affectation future entre la Ville de Huy et les riverains du quartier Saint Hilaire.
https://www.lavenir.net/cnt/dmf20180124_01115536/huy-les-riverains-opposes-a-un-projet-mastodonte-sur-le-site-felon-lange
Ceux-ci, qui ont été durant des années soumis aux nuisances d’émissions industrielles et de bruit, souhaitent conserver un quartier calme, avec des logements certes, mais qui ne soient ni  des tours, ni une « cité » à haut taux d’occupation, un quartier avec des espaces verts, ( un vrai parc public?) des vastes zones pour les enfants un quartier qui n’accroisse pas non plus le trafic automobile déjà intense.

C’était aussi le quartier des coopératives, puisque c’est à la rue de l’Industrie (aujourd'hui rue de l’Amérique) que furent installés les ateliers et magasins des « Prolétaires Hutois » créés en 1892 par des ouvriers d'usine ; elle commença par vendre du café, de la chicorée, et du sirop. 
Livraisons des "Prolétaires Hutois"
Ensuite, affiliée au POB, la coopérative développa des activités de boulangerie, avec ateliers et bureaux  ; elle fournissait (à hauteur de 3000kg par jour) ses magasins à Huy, des succursales à Gives, Vinalmont, Nandrin et toutes les coopératives de la région. Puis aussi des activités de boucherie. (si on se réfère aux vestiges d’inscription toujours visibles sur les frontons)






LA FIN DES POTSTAINIERS HUTOIS ?
Un autre « fleuron » de l’industrie hutoise -artisanale dans ce cas - et du savoir - faire de ses travailleurs, condamné à mort par les « lois du marché », c’est le travail de l’étain, avec les « Potstainiers Hutois »
« Lorsqu’on descend la vallée du Hoyoux par la N641, route « romantique » pour automobilistes et camionneurs, on trouve à l’entrée de la ville de Huy un grand panneau où est inscrit en lettres capitales : « Huy, ville de l’étain » 
"les Potstainiers Hutois"  , comme l’explique le site web, "est une marque déposée par les « dignes héritiers des orfèvres du Moyen-Âge, et  ils présentent un large choix de pièces traditionnelles en étain (…). Un savoir-faire reconnu depuis le XIIème siècle dans le monde entier pour la qualité de son alliage d’étain (94 %) ».
Dès le haut Moyen-Age, le travail des métaux fut très en honneur dans la vallée mosane. Les marchands de Huy se procuraient sur le marché de Londres, le minerai d’étain en provenance des Cornouailles et de mythiques « Iles Cassitérides ».

Au début du XXe siècle, le travail de l’étain va connaître, au départ de la région hutoise, une seconde jeunesse. En 1925, s’ouvre un premier atelier et en 1949, les Potstainiers Hutois sont fondés avenue des Fossés. Y travailleront jusqu’à 150 ouvriers.
Faillite au décès, en 1993, de son fondateur,Gaston Fallais , reprise avec rachat par la famille de commerçants Lacroix, le « fleuron » connait les difficultés et l’abandon aux lois du marché qui frappent les meilleures entreprises artisanales wallonnes. (par exemple les cristalleries du  Val Saint Lambert plongées dans des faillites à répétition)
Le siège des POTSTAINIERS HUTOIS avenue des Fossés HUY
Aujourd’hui, ils devraient disparaître, alors qu' qu’une poignée d’ouvriers -artisans y exercent leur art . Cela ne s’apprend pas sur les bancs d’école mais est le fruit de l’expérience et de la pratique. Couler l’étain, ébavurer, démouler, polir, souder, patiner, tout est fait main. « C’est un véritable travail d’artisan. »(5)
« Malgré leur titre de fournisseurs de la Cour de Belgique et leur renommée internationale, les Étains des Potstainiers hutois traversent, depuis de nombreux mois maintenant, une période difficile. Décision a été prise de mettre fin à leurs activités, d’ici 2019. Leurs charges trop importantes et le manque de commandes ont eu raison de l’entreprise familiale. » (6)
Remarquons par ailleurs que les 60 travailleurs des fonderies d’aluminium industriel créées elles aussi par la famille Fallais à Villers le Bouillet, sont eux aussi menacés dans leur emploi en ce début 2019.

« LE PONTON"
Terminons ce bref aperçu des environs de Saint Hilaire, par un coup d’œil sur le Ponton, rue Saint Victor.
Il est, aujourd’hui, rattaché à l’école d’Agriculture,  "l’Agri",  installée dans l’ancienne abbaye Saint Victor,  abbaye de moniales de l’ordre de Cluny., réquisitionnée par la nation  et vendue, lors de la Révolution Française , comme tous les biens de l' Eglise.
Le Ponton était la maison du pontonnier,  le passeur d’eau.
Renseigné sur la carte Ferraris, il transportait en barque les passagers soucieux de traverser entre Saint Victor et Ahin  rive droite.
Meuse Ivoz Ramet "le passeur d'eau" 1926
De nombreux passeurs d’eau opéraient le long de la Meuse ;
Occasion, à partir de ce clin d’œil historique, de rappeler qu’un fleuve, une rivière, une lagune est aussi un outil de mobilité, de Paris à Londres, de Venise à Amsterdam; pas seulement pour les marchandises, mais aussi pour les particuliers.
La Moselle et le Rhin allemands grouillent de bacs modernes qui transportent d’une rive à l’autre piétons et cyclistes, et évitent ainsi nombre de longs déplacements en voiture.
 Intéressantes dans ce sens sont les expériences de navettes fluviales à Liège, Huy et Namur.
"Connaître son passé pour construire l'avenir", cela ne doit il pas nous inspirer dans  les défis sociaux, et environnementaux d'aujourd'hui? 


 
Navette fluviale  à Liège

NOTES :









(     (2) 1902

« Ce sont les ouvriers carriers de la vallée du Hoyoux et de la Mehaigne qui prirent l'initiative de la grève . En colonnes serrées , à plusieurs centaines, ils arrivèrent en ville pour entraîner dans le mouvement les travailleurs de la métallurgie et des autres établissements. Ils étaient tous armés d'un gourdin qu'ils portaient à l'épaule comme un fusil.
A cette époque,chez nous, c'étaient les carriers qui étaient à la pointe du combat...
(3) 1936

"Dans la région hutoise, la grève des métallos fut générale.

J'accompagnais une colonne d'ouvriers allant débaucher certaines usines qui continuaient le travail ; les usines Preudhomme- Prion se mirent en grève. Chaussée des Forges, les ouvriers de chez Thiry étaient déjà dans la rue.

Puis, ce fut l'arrivée aux Usines Godin aux Forges : les portes étaient fermées, mais les ouvriers poussèrent sur la porte qui céda. ...On entra dans les ateliers ( après avoir éteint -dans une papeterie- cigarettes et pipes) et on demanda aux ouvriers et ouvrières de cesser le travail ; chacun et chacune abandonnèrent leur vêtement de travail...

Quand nous sommes sortis, les gendarmes à cheval, étaient arrivés par le Pré de la Fontaine dans la cour de l'usine .Aucun incident ne se produisit." Joseph Thonet


 

(4) ibid ROUGEs FLAMMEs "Sur les traces deJoseph Thonet" (1)




(*)  Blog à caractère historique , dédié au patrimoine ferroviaire et industriel de notre région hutoise, écrit à l’occasion de la prochaine  visite à  la gare Saint Hilaire  de HUY  du député fédéral Raoul Hedebouw     (15/03/2019-19h)