vendredi 29 janvier 2016

FEVRIER 1966: HERSTAL - LA GREVE DES FEMMES DE LA FN : GERMAINE ET LES COMITES D' ACTION  !

Depuis 50 ans , la grève des femmes de la Fabrique Nationale à Herstal est devenu le symbole presque mondial de la lutte pour l'égalité salariale entre les femmes et les hommes au travail.
Sociologues, historien(ne)s, expert(e)s ont disséqué et analysé ce conflit social qui a, en 1966 paralysé une des principale usines de la région liégeoise pendant près de 3 mois , du 16 février au 10 mai 1966.

Ce blog pour mettre, 50 ans après, la lumière sur des militantes oubliées de ce grand combat .
Même si l'affiche « A travail égal salaire égal » a fait le tour du monde, et est en quelque sorte devenue la carte de visite de la grève, le courant de gauche qu'elle y a représenté , aussi bien parmi les ouvrières que dans la solidarité autour de la grève , est largement occulté .
Pourtant, il fait bien partie de l'histoire de la gauche ouvrière de cette époque.
Germaine, dont je veux parler aujourd'hui était une militante communiste, ouvrière à la FN de 1926 à 1968



9/02/1966  : GERMAINE , ELLE FAIT UN DRAPEAU D'UN MANCHE DE BROSSE ET D 'UN CHIFFON ROUGE ;

« Le mercredi 9 février, un premier mouvement de protestation s'organise spontanément au sein des ateliers.
C'est une ouvrière du grand hall , la vieille Germaine qui donne le ton
Elle fait un drapeau d'un balai et d'un chiffon rouge et entraîne ses compagnes derrière elles
« Tap dju, tap dju on z'a assez rigolé d' nos autes .»
( voir : Marie Thèrèse COENEN : « La grève des femmes de la FN en 1966 » POL-HIS 1991 p110 ; sera référencé par la suite MTC)

Laissons la parole à celle qui lança le mouvement la communiste GERMAINE MARTENS ; en 1966, elle est à 2 ans de la pension et travaille à la canerie.

« Nous sommes parties en grève pour obtenir «  A travail égal, salaire égal »
Les syndicalistes nous le promettaient depuis plus d'un an, mais nous n'avions rien vu venir
L'article 119 du Traité de Rome , déclaration de principe du Marché Commun, obligeait les états membres à payer aux femmes le même salaire qu'aux hommes , pour un travail égal .
Et cela pour janvier 1965 au plus tard.
Mais à l'usine, la femme la mieux payée en décembre 65 gagnait 5 francs de moins que n'importe quel manoeuvre masculin.
C'est pourquoi nous avions comme revendication 5 francs d'augmentation pour toutes : cela unifiait tout le monde, et nous obtenions ainsi l'égalisation avec les salaires masculins les plus bas.

Quand nous avons reçu notre feuille de paie du mois de janvier 66, et qu'on a vu que l'augmentation n'y était toujours pas, nous avons compris qu'il fallait arrêter nos machines. Nous sommes allés dans tous les ateliers et nous avons poussé sur les boutons pour arrêter la production .
Nous avons appelé à une réunion générale . Quand toutes les femmes ont été dans la salle , les délégués sont venus et nous leur avons dit qu'il fallait satisfaction pour nos salaires.
Ils nous ont répondu :  « Attendez, on va discuter avec les patrons .»
Nous avons répondu : « Non, nous avons attendu assez longtemps ! Nous vous donnons 8 jours ; si dans 8 jours, nous n'avons pas eu satisfaction, nous partons en grève.
Et nous sommes retournées à nos machines bien décidées à faire ainsi »
[...]

Nous étions quelques femmes à nous voir souvent à l'usine dans les groupes ( les unités de production) et aux toilettes ;
On parlait politique comme les hommes . Une femme qui a travaillé des années à l'usine fait aussi bien de la politique qu'un homme. Elle connait mieux la politique, car c'est elle qui a le porte monnaie pour vivre , et l'homme ne l'a pas !
Comme on ne voyait rien qui changeait, nous parlions beaucoup de grève entre nous, et avec les ouvrières.
Nous étions connues des ouvrières depuis des années ; je parlais dans toutes les assemblées syndicales et je poussais les autres à parler.
C'est nous qui avons arrêté les machines et appelé toutes les ouvrières à la réunion . J'en ai même battu une qui ne voulait pas arrêter. 

On ne s'appelait pas Comité d'Action à l'époque, mais nous étions vraiment un groupe d'ouvrières qui agissait ensemble»
« Interview de Germaine » dans « La Parole au Peuple n°15 janvier 1975
(En août 1974, une nouvelle grève des femmes a eu lieu à la FN ; une militante, a alors rencontré et interviewé Germaine Martens , alors pensionnée, pour le périodique « La Parole au Peuple » )

 16/02/1966  :  «C 'ETAIT  LA  REVOLUTION »
« Dans la semaine qui suit, des arrêts de travail se font de manière sporadique sans que les délégués pissent maîtriser le mouvement : « les femmes discutaient entre elles . Si ce n'était à un endroit, c'était à un autre.Les chefs ne disaient rien.
C'est pendant cette semaine que nous avons inventé la chanson : « le travail , c'est la santé » 
Le 16 février : « Dés 8 heures du matin ...les femmes entendaient le rapport des délégations FGTB et CSC présentes au grand complet.
C'était non !
Immédiatement, l'assemblée se déchaîna immédiatement dans un concert de cris et de bruits inimaginables.
Plusieurs délégués intervinrent sans succès pour apaiser l'assemblée , mais aucun d'eux ne réussit à ramener le calme , et quand l'un d'eux proposa de suivre la procédure normale et de déposer un préavis de grève, l'assemblée s'y refusa avec une telle vigueur que le micro passa aux mains des femmes, tandis que l'Internationale s'élevait .. suivie de « Le travail, c'est la santé »
panneau de Germaine: "Qui tiresse leu plan"
C'était une véritable révolution... Le premier qui aurait tenté de les arrêter , il n'existait plus...
« En cortège, les femmes traversent les halls pour arrêter celles qui travaillent encore
Quand elles voyaient une machine qui tournait encore, clac, elles coupaient la courroie. C'était vraiment la révolution » (MTC pp110-113 : témoignage de Rita Jeusette et article du Drapeau Rouge)

Les femmes sortent et défilent dans les rues de Herstal. Elles vont jusqu'à la maison communale.
Le lendemain, le 17, assemblée générale « L'ambiance est très nerveuse . »(Le Soir -18/02) «  Les dirigeants syndicaux suggèrent d'adopter une procédure d'attente pour permettre les négociations. Ils se font huer. Toutes les femmes qui prennent la parole à la tribune disent leur décision d'aller jusqu'au bout . L'assemblée survoltée décide à l'unanimité de poursuivre immédiatement la grève jusqu'à ce que les patrons cèdent » (MTC p.117)

21/02/1966 LE COMITE D'ACTION DES OUVRIERES DE LA FN

« Ce comité est créé à l'initiative du noyau d'ouvrières qui ont été à l'origine du mouvement dés le 9 février, autour de Germaine Martens
Il se forme en dehors des structures syndicales .C'est le noyau le plus radical .
Il interviendra plus tard dans les tentatives de rallier d'autres entreprises comme les ACEC à Charleroi.
Il sera très actif dans les assemblées , organisera des rassemblements devant l'usine et distribuera de nombreux tracts.
C'est également ce comité qui , avec l'aide de la section liégeoise de l'Union des femmes diffuse l'affiche « A travail égal, salaire égal » qui couvre bientôt les murs de Herstal. » (MTC p123)

Le lundi 28 février, les délégations FGTB et CSC proposeront la création d'un comité de grève, composé de 29 militantes , présidé par Charlotte Hauglustaine ( FGTB), avec comme secrétaire Rita Jeusette (CSC) et qui intègrera le 3 mars des femmes actives dans le comité d'action dont la communiste Germaine Martens.
Le comité de grève aura pour tâche de gérer les produits des collectes de solidarité et de recevoir des informations sur les négociations, la direction du mouvement et les négociations restant le monopole des organisations syndicales , bien qu' en fin de mouvement, le 26 avril, 6 militantes du comité de grève participeront pour la première fois aux négociations. (MTC p150)

Le Comité d'Action continuera néanmoins son action , surtout pour étendre le mouvement à d'autres usines, malgré la désapprobation de certains dirigeants des syndicats.

Donnons la parole  au COMITE D'ACTION:

« Dés le début, nous nous sommes rendus compte que les dirigeants syndicaux ne voulaient pas de cette grève...
Dés la première assemblée, alors qu'ils [...]venaient de se se faire traiter de « VENDU » par toutes les ouvrières, ils annonçaient que seuls les grévistes syndiqués pourraient y assister.
C'est sur ce fait précis que la formation d'un Comité d'Action a été décidée....
Nous nous sommes réunies à plusieurs ouvrières après l'assemblée .
Nous avons stencilé un premier tract ... La grève avait démarré grâce à l'unité active de TOUTES les ouvrières, syndiquées ou non syndiquées.
On n'avait pas demandé aux ouvrières si elles étaient syndiquées ou non pour faire grève .
On n'avait pas à le leur demander pour participer aux assemblées.
Dans ce tract nous avons demandé à nos camarades de se réunir avant l'assemblée et d'y entrer toutes ensemble, syndiquées et non syndiquées . Ce fut notre première action et notre premier succès . »

L'ELARGISSEMENT DE LA GREVE : ACEC (HERSTAL – CHARLEROI), SCHREDER ( ANS)

« Dés le début de la lutte, toute notre action a porté principalement sur 2 objectifs :
  1. les 5 frs /heure pour TOUTES les ouvrières, quelle que soit leur catégorie, ce qui unifiait la lutte
  2. l' élargissement de la grève aux autres entreprises occupant du personnel féminin, ce qui devait permettre une action plus puissante.
Nous sommes allées en délégation avec des calicots portant nos mots d'ordre aux portes des ACEC de Herstal, de chez Schreder à Ans, des Cristalleries du Val Saint Lambert , de chez Englebert. Et rapidement, notre action a porté ses fruits .
Ce furent d'abord nos camarades des ACEC de Herstal qui rejoignirent la lutte et formèrent leur comité d'action, ensuite celles de Schreder à Ans.  La lutte fut également menée chez Jaspar, et cela malgré les bobards [... ]: « Le problème de la FN n'était pas celui des ACEC , celui des ACEC pas celui de chez Schreder , celui de chez Schreder pas celui de chez Jaspar .[...]

On voudrait vous dire deux mots de notre action pour l'élargissement de la grève aux ACEC de Charleroi : nous nous sommes rendues plusieurs fois avec des camarades des ACEC Herstal aux ACEC Charleroi, toujours dans le but d'élargir la lutte.
Dés notre première action,( 24 mars) avec tracts et calicots, toutes les ouvrières de Charleroi débrayaient pour 24 heures, et organisaient spontanément une manifestation dans les rues de Charleroi, avec nos calicots en tête, portés par des femmes des ACEC.
Nous y sommes retournées à plusieurs reprises, et à chaque fois, nous avons été accueillies chaleureusement ;
Finalement, suivant notre exemple, les ouvrières de Charleroi débrayèrent contre l'avis de leurs dirigeants, et formèrent elles aussi leur Comité d'Action »


UNE MANIFESTATION A LIEGE
«  Nous avons également réclamé , avec toutes les ouvrières une manifestation régionale à Liège.
Ils attendirent le deuxième mois de grève ( le 7 avril) pour organiser une manifestation à Herstal seulement et limitée aux femmes en grève. Alors que les ouvrières demandaient une manifestation à Liège avec la participation de toutes les femmes et de tous les travailleurs[...]
... et nous avons montré ( le 25 avril à Liège) qu'après 11 semaines de grève, nous n'avions rien perdu de notre combativité et que les ouvrières , malgré toutes les pressions des dirigeants syndicaux, malgré les lourds sacrifices consentis ( en période de travail, un couple de travailleurs mari et femme à la FN peut gagner en moyenne 3000 francs par semaine ; en période de grève, la femme étant gréviste et le mari chômeur , c'est ramené à environ 1500 francs) que les ouvrières réclamaient encore la lutte jusqu'à la victoire et les 5 francs d'augmentation tout de suite. » (« Rencontre avec les grévistes de la FN » Union des Femmes – n°3 juin 1966)

L'ELARGISSEMENT DE LA GREVE : CHRONOLOGIE

  • 21/02 : En signe de solidarité, 248 femmes des ACEC HERSTAL arrêtent le travail et envoient une délégation à l'assemblée de la FN.
« Fondamentalement, le problème des ouvrières (260 ouvrières) des ACEC de Herstal est le même que celui de la F.N. : la classification nationale n’est pas appliquée et les femmes sont rangées à un niveau inférieur à celui du manœuvre adulte ? l’écart entre les salaires féminins et masculins semble cependant plus creusé aux ACEC de Herstal : il est évalué à 9,10 F. par les travailleuses. »
« Les grèves féminines de la construction métallique et la revendication pour l'égalité de rémunération »Courrier hebdomadaire du CRISP 18/1966 (n°s 325-326)§128 – (sera référencé par la suite « CRISP »)
  • 03/03 : arrêt de travail chez SCHREDER à Ans
  • 14/03 : les ouvrières des ACEC HERSTAL partent en grève, « malgré les efforts des représentants syndicaux qui se soucient de ne pas gêner la conciliation. »(CRISP §150)
  • 21/03 : les 60 ouvrières de SCHREDER partent en grève.
  • Pas de grève à JASPAR : Les ouvrières obtiennent une hausse des salaires directs( de1,47 à 2,5 frs)

  • 22/03 :ACEC HERSTAL : « les ouvrières décident de poursuivre la grève contre l'avis du délégué ; Les ouvrières ont durci leur action  et elles constituent également un comité d'action. » (MTC p161)

  • 24/03  : ACEC CHARLEROI ( 1600 ouvrières) débraie pour 24 heures
« Une délégation de grévistes de la F.N. et des ACEC de Herstal se rend aux ACEC de Charleroi et y détermine la majorité des ouvrières à déclencher une grève de solidarité de 24 heures. Environ 250 grévistes organisent alors un cortège à travers la ville. »(CRISP §167)
« Plusieurs centaines de travailleuses se sont rendues en cortège au siège de la CSC et à la Maison du Peuple en scandant des slogans assez désagréables pour les délégations syndicales »( Le Soir 25/03/1966, cité dans MTC p.141)

  • 31/03 assemblée chez SCHREDER :vote la poursuite de la grève , reconnue par les syndicats.

  • 1/04  : Les ouvrières des ACEC HERSTAL votent la prolongation du mouvement.

  • 13/04 : les ouvrières des ACEC CHARLEROI partent en grève
« La majorité d'entre elles ne sont pas en tenue de travail.Une délégation du comité d'action des ACEC HERSTAL manifeste devant la porte.
Le permanent FGTB déclare qu'en cas de débrayage, les indemnités ne seront pas versées par le syndicat. Aucun vote ne peut intervenir.
« La situation était donc tendue entre les ouvrières et les représentants syndicaux, qui s’efforçaient de garantir la reprise du travail. »
Sous l'impulsion du parti communiste wallon, un comité d'action est créé. »
« A partir du 14 avril, le "Comité d’action" avait organisé des piquets de grève et distribué un tract appelant à la grève. »(MTC p 163à165)
Le 15 avril, le conflit s'étend à d''autres secteurs dont des hommes .
« Le samedi 16 avril, alors que les piquets de grève du comité d’action empêchaient le travail, les permanents syndicaux régionaux de la métallurgie rencontrent une délégation de grévistes groupées autour de ce comité. La délégation de grévistes exprime sa volonté de voir régler rapidement la reclassification des ouvrières. »
Le 19 avril, les femmes du comité d'action exigent de participer à la rencontre avec la direction !!
La Wallonie titre : « Constitution d' un syndicat féminin ? »[.. .] »Pour préparer cette réunion, le comité d'action appelle toutes les ouvrières à être au travail ce matin »



  • 19/04 : reprise du travail aux ACEC HERSTAL et le 20/04 aux ACEC CHARLEROI  : elles obtiennent une augmentation de 2 frs et une révision des classifications des métiers féminins.
Hall des ACEC HERSTAL - avant leur rénovation en "FABRIK"

  • 3/05  : reprise du travail chez SCHREDER à Ans après 6 semaines de grève : elles obtiennent 2 frs d'augmentation et une commission d'égalisation des salaires.

Et le 5 mai, les femmes de la FN votent par 1320 voix contre 205 la reprise du travail suit e à un accord en conciliation sociale qui leur accorde 2,75 fr/h d'augmentation.
Le 10 mai, les ouvrières, drapeaux en tête, rentrent à l'usine, marqunat officiellement la rentrée,. (MTC p157)


« FAIRE TROTTER NOS DELEGUES »

On le voit, la grève des femmes de la FN et son élargissement à d'autres usines a été un conflit social dur et n'a pas été un « long fleuve tranquille ».
Les délégations de la FN et les directions régionales des grandes centrales syndicales semblent avoir été prises au dépourvu par un mouvement spontané, qu 'elles n'avaient ni prévu, ni suscité.
L'ambiance générale était plutôt, peut on le dire, à la concertation, à la négociation au sommet de conventions collectives, par secteur national, en échange de la garantie de la paix sociale.
Il se fait que dans ce processus ,des catégories entières de travailleurs, discriminées au niveau du statut et du salaire étaient oubliées, comme par exemple les femmes .

Le cahier du CRISP 18/1966 explique bien ce processus des années 60 .
Et particulièrement ,les conséquences de l' accord de type nouveau du 7 janvier 1965 entre Fabrimétal ( l'organisation patronale des fabrications métalliques) et les 3 centrales syndicales .
En résumé, les organisations syndicales à tous les niveaux- national, régional, local, garantissent la paix sociale pour une durée de 2 ans, ( aucune autre revendication que celles traitées par les conventions, et surtout aucune grève) en échange d'avantages ( 0,5% des salaires ) versés à ces organisations, comme « avantages aux seuls syndiqués »
Assemblée générale des ouvrières : au micro : Robert Lambion
« L’obligation de garantie engage les centrales syndicales professionnelles nationales à mettre en œuvre les moyens appropriés pour éviter qu’une grève totale ou partielle ne se produise dans une entreprise [..] « La délégation syndicale d’entreprise est en un certain sens un organe permanent de prévention des litiges du travail » :: [...]  (CRISP §64 et suiv.)
« Le délégué syndical d’entreprise ne peut donc plus apparaître comme "l’homme de combat" à l’état pur, il est aussi chargé d’une fonction médiatrice.
Vis-à-vis des travailleurs de l’entreprise, ce glissement du rôle du délégué rend évidemment le contact plus difficile. Ceci est d’autant plus vrai : lorsque apparaît dans l’entreprise une situation conflictuelle touchant une catégorie de travailleurs dont le degré d’intégration est faible tant dans l’entreprise que dans l’organisation syndicale. Tel est le cas des ouvrières particulièrement nombreuses et concentrées dans la construction métallique de la région de Liège.
Elles sont peu intégrées dans l’entreprise : les salaires les plus bas et les tâches les moins qualifiées leur sont réservés ; le personnel de maîtrise est surtout masculin ; le travail les engage fortement du point de vue utilitaire, mais peu du point de vue humain.
Même lorsqu’elles sont massivement syndiquées (comme à la F.N.), elles sont peu intégrées dans l’organisation syndicale, en ce sens que leur pénétration dans les postes de responsabilités est peu prononcée ; leurs revendications sont noyées dans les revendications masculines ; et pourtant elles sentent d’autant plus la nécessité d’être défendues qu’elles sont peu intégrées dans l’entreprise .
 Dans le cas des grèves de la F.N. et des ACEC, un facteur de durcissement du conflit a été l’apparition de "comités d’action", composés d’ouvrières et constitués en dehors de l’obédience syndicale. Ces comités, qui se veulent directement représentatifs des ouvrières sont du type "organe de combat" et cherchent à prendre appui aussi bien sur les travailleurs non syndiqués que sur les membres des organisations pour faire pression sur ces dernières. » (CRISP §59-63)

La tête de la manifestation du 7 avril - HERSTAL
La tête de la manifestation du 25 avril - LIEGE
 Entre ces 2 photos, chercher l'erreur

Quoi qu'il en soit, l'objet de ce blog n'est pas de reprendre à posteriori l'une ou l'autre polémique ,
de faire le procès ou l'éloge de tel de tel , que ce soit des délégations syndicales, des directions régionales , du comité de grève ou des femmes du comité d'action mais de rendre hommage aux 3800 ouvrières en grève, et parmi elles à leur comité de grève bien sûr, mais aussi ( rendons à César ce qui appartient à César) à ce groupe de courageuses ouvrières des Comités d'action (FN, ACEC HERSTAL et CHARLEROI) , ces lanceuses d'alerte.
Elles ont allumé l'étincelle.
Noyau radical de la grève, elles s'inscrivaient dans l'action revendicative syndicale, comme élément
moteur. Dans un monde syndical presque exclusivement masculin, elles ont osé chanter « Nous les femmes, on va marcher »
Elles ne voulaient ni chasser, leurs délégués, ni les écarter,ou se substituer à eux ce qui eut été suicidaire, même si aucune femme n'était déléguée, mais elles voulaient les « faire trotter », comme le disait leur chanson.
« Faire trotter NOS délégués » – tous des hommes , rappelons le - exprime bien la volonté de la masse des ouvrières que LEURS délégués se démènent, fassent leur boulot, pour faire aboutir LEURS revendications légitimes d'ouvrières, femmes adultes discriminées parce que femmes, considérées , de même que les «  gamins » , comme une main d' oeuvre à bon marché.
« Augmentation de 5frs/h », « A travail égal salaire égal ».
Et ce quelles que soient, d'autre part les obligations de LEURS délégués -hommes , de garantir la paix sociale, contractées en leur nom , au plus haut sommet, avec Fabrimétal.
Ce sera d'ailleurs le mérite et l'honneur de très très nombreux et nombreux délégués et permanents FGTB et CSC durant toutes ces années 60 et 70 de rester avant tout des délégués de combat dévoués entièrement aux travailleurs, même si le patronat tentait d'acheter la « paix sociale » .
On ne leur rendra jamais assez hommage.
C'est la grève et la mobilisation de toutes les ouvrières, en masse,et dans la durée, qui a créé le

rapport de force permettant aux délégués, mandatés par les assemblées générales fréquentes
COMBAT n°10 1966 p11
régulières et massives (16 février :2500 femmes , le 17  : 3000 ,le19, 2500;le 28,2500 etc.) de négocier en position de force face à un patronat de combat. Qui finit par proposer 50 centimes !!!
« 50 centimes, ce n'est pas assez, on ne demande pas la charité... »
C'est l'unité de toutes par l'unanimité au sein des assemblées, par la constitution du comité de grève qui unifia la grève et centralisa la solidarité tout y en intégrant les femmes du comité d'action, c'est la clarté de leur revendication qui leur permit de tenir une grève de 12 semaines.
.
Et ce sont aussi les comités d'action de la FN et des ACEC Herstal, qui ont été le fer de lance de l'extension du mouvement , vers les ACEC de CHARLEROI.

Ces lanceuses d'alerte, en ce 50ème anniversaire, le mouvement ouvrier tout entier , les syndicats, les organisations féminines,les partis et organisations de la gauche politique se doivent de de leur rendre hommage et de les remercier.

N' ont elles pas été la conscience des syndicats ,n'ont elles pas insufflé un vent nouveau , un vent féminin qui allait pour les années futures bouleverser aussi leurs structures?
Le syndicat n'est la propriété de personne, sauf des travailleurs.
Et si j'écris aujourd'hui ces pages, ce n'est pas comme ancien combattant nostalgique, - j'avais 23 ans en1966- mais c'est pour que ce courant radical de la grève de 1966 ne soit pas jeté aux oubliettes d'une commémoration consensuelle, quels qu'aient pu être ses erreurs .Les erreurs font aussi partie de l'histoire de la gauche. Et qui parmi les combattant-e-s de ce 1e grand conflit de femmes peut prétendre n'en avoir pas commises. ?



(1) PCW : parti communiste wallon ,aile wallonne du PC ( Grippa)- avec des sections à Liège, Charleroi, Centre et Mons- Borinage.Organisation de la gauche de la gauche de 1963 à 1968.
Active dans la solidarité avec le VIETNAM,le mouvement anti impérialiste et le soutien aux luttes ouvrières.
(2) Union des Femmes organisation féminine dans la mouvance du PC Grippa , créée en septembre 1965 par des personnalités reconnues comme 
 
*GERMAINE HANNEVART : (1887-1977), docteur en biologie en 1922, franc-maçonne à partir de 1927, fut la Présidente de l'Association des Femmes Universitaires de 1932 à 1952, dont elle avait été la co-fondatrice en 1921. Initiée au Droit humain dès 1927, elle fera mettre à l’étude de son atelier de nombreuses questions relatives à la condition féminine.
Membre du groupe belge de la Porte Ouverte aux préoccupations féministes
Elle participa activement avant-guerre au Comité de Vigilance des Intellectuels Antifascistes et à la solidarité avec l'Espagne républicaine », professeur de biologie au Lycée Jacquemain jusqu'en 1948

* YVONNE JOSPA:( 1910-2000) militante du Parti communiste de Belgique.Elle fonde l'association secrète du Comité de défense des Juifs qui sauvera de la déportation des milliers d'enfants juifs.
Elle sera également l'une des fondatrices de l'aile belge du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples fondé à Paris en 1949. Le mouvement sera rebaptisé en 1966: Mouvement contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie (M.R.A.X.). C'est également en 1966 que meurt son mari.

* CECILE DRAPS :Avocate engagée, a défendu devant les tribunaux (français et belges) des membres du FLN algérien (Front de Libération Nationale). Elle est l’une des rares femmes avocates à la Cour de cassation
ELENA HAZARD, femme engagée d'une grande sincérité et d'une grande compétence, fut , un temps , journaliste de  "La Voix du Peuple" hebdo du PC Grippa.


Plusieurs femmes du Comité d'action de la FN étaient membres de l'Union des Femmes 



lire

 Marie Thèrèse COENEN : « La grève des femmes de la FN en 1966 , une première en Europe » POL-HIS 1991

en ligne 
C. DEGUELLE « Les grèves féminines de la construction métallique et la revendication pour l'égalité de rémunération »Courrier hebdomadaire du CRISP 18/1966 (n°s 325-326) http://www.cairn.info/revue-courrier-hebdomadaire-du-crisp-1966-18-page-1.htm

Robert GUBBELS : De vrouwenstaking -  CERSE 1966 

sur Union des Femmes: 
"Jeanne Vercheval, un engagement social et féministe" C. Marissal et E Gubin Carhif 2011 p39
 

dimanche 17 janvier 2016

UOMINI CONTRO : 1921  LA LOUVIERE : DE L'UNION SACREE AU « FUSIL BRISE » LE GRAND TOURNANT DU POB ..

LE FUSIL BRISE




L'exposition de l'IHOES – Mundaneum sur l'histoire du pacifisme en Belgique accorde une large place au symbole du « fusil brisé »( Liège - Cité Miroir jusqu'au 21/02) 22, Place Xavier-Neujean |4000 Liège : http://www.ihoes.be/expopaix/index.php?page=infos&langue=FR 
 voir aussi http://hachhachhh.blogspot.be/2015/12/les-symboles-pacifistes-et-lexpo-et-si.html


Il est devenu , après la guerre 1914-1918 un des symboles forts du combat antimilitariste
Il est en 1921 adopté par le mouvement des résistants à la guerre dont la grande figure en Belgique sera , après la 2ème Guerre mondiale , JEAN VAN LIERDE.
« La guerre est un crime contre l'humanité 
C'est pourquoi je suis résolu à n’aider à aucune espèce de guerre et à lutter pour l’abolition de toutes les causes des guerres. »
Il est toujours aujourd'hui le sigle des pacifistes et objecteurs de conscience opposés à la guerre.

Mais , d'autre part, dans l'histoire du mouvement ouvrier - et en particulier du mouvement socialiste -, en Belgique, il a eu une signification bien particulière.
En 1921, le symbole du « fusil brisé » sera le symbole du spectaculaire retournement  du Parti Ouvrier Belge.
Rassurez vous tout de suite : il ne l' est plus aujourd'hui  , ni le sigle des jeunes socialistes, ni le sigle du Parti Socialiste...-

 LE CONTEXTE :

Après l'Armistice, le courant nationaliste belge « anti- boche », qui a été le ciment idéologique de l'Union sacrée s'est maintenu très puissamment dans toutes les couches de la société, y compris au sein des 3 partis de gouvernement.
En particulier ,aussi, au POB . Et au congrès de Pâques 1919 , la question des relations avec « les Allemands » est au centre des débats .
Rappelons que depuis novembre 1918 et l'Armistice, la Belgique a un gouvernement tripartite d'Union Sacrée, avec 3 ministres socialistes.

Au congrès de Pâques 1919, il y a 3 courants :
  •  un courant nationaliste et chauvin , « belgicain » qui refuse toute reprise de contacts avec les socialistes allemands.
Ce courant est représenté par les plus nationalistes, chauvins, des députés wallons : Destrée de Charleroi, Hubin de Huy, .
c'est Jules Destrée qui l'exprime le plus clairement :
« .. avant de me réunir avec des Allemands, je veux savoir lesquels, ce qu'ils pensent, ce qu'ils vont faire [...]
Nous sommes comme à l'issue d'une bataille. La fumée n'est pas dissipée; Quand elle le sera, nous referons l'Internationale ;[...]je n'attends rien de bon de négociations avec les prétendus camarades allemands. »
Et une fois cette position battue, le citoyen HUBIN présentera – le temps d'un petit scandale- sa démission « parce qu'il ne veut pas mettre sa main dans celle des assassins de ses fils ».
  • La tendance dominante se dessine peu à peu : revenir – comme si de rien n'était - à la situation d'avant 14 , et refonder l'Internationale, en participant aux conférences internationales – même en présence de socialistes allemands .Anseele, Vandervelde et De Brouckères sont porteurs de ce courant.. Les jusqu'au boutistes de 1918 amorcent leur virage centriste.
  • un courant internationaliste favorable à un débat sur la question de la IIème ou de la IIème Internationale, et sur la dictature du prolétariat.
Joseph Jacquemotte 1922
 Mais l'adhésion à la IIIème Internationale, n'est proposée par aucun délégué.
Joseph Jacquemotte, leader de la gauche révolutionnaire, centrera tactiquement son intervention sur le point sensible de la participation du parti ouvrier au gouvernement bourgeois.

Et c'est précisément cette participation qui deviendra problématique pour le POB 2 ans plus tard en 1920-21 .Outre la fronde menée par la minorité révolutionnaire autour de Jacquemotte et des Amis de l'Exploité ,- ils seront chassés de fait du POB et se regrouperont dans le Parti Communiste- une forte minorité s'oppose à la participation en novembre 1920 qui ne sera approuvée que par 339000 voix contre 221000 ( 60% des votes du congrès)

Pourquoi, alors que ce glorieux gouvernement est  célébré - encore 100 ans plus tard - comme celui des grandes conquêtes, le suffrage universel, la journée des 8 heures, l'abrogation des législations anti grève ?
Marcel Liebman explique que ce gouvernement , au niveau économique, « était aux ordres de l'industrie ». Il cite l'historien Van Kalken : « la force et le prestige du capital ne cessaient de s'accroître » Et le ministre catholique Jaspar : »j'ai considéré de mon devoir, quand il s'agissait de l'industrie nationale de demander à l'industrie nationale elle même ce qu'elle voulait, [...] et elle m'a répondu : « Monsieur le Ministre, voici la ligne de conduite que nous vous traçons »
Et pour les travailleurs qui se syndiquent en masse, un objectif prioritaire est de retrouver au moins leur niveau de vie d'avant 14 : le coût de la vie avait grimpé – le plus fort de tous les pays voisins- de 361% ; mais les salaires n'avaient pas suivi et la revendication est le doublement des salaires avec un minimum de 1franc/h.
Les années 1919-1920 connurent donc le plus haut niveau de mouvements grévistes de l'entre deux guerres.

1921 : CRISE ET CHOMAGE

Mais, résultat  de la politique économique libérale , dés la fin 1920 – moins de 2 ans après la fin de la guerre -, c'est la crise , le chômage et la misère .
Le nombre de chômeurs passe de 38000 en juin 1920 à 210000 eu mars 1921 !
« La classe ouvrière se retrouve plus pauvre , misérable ... et peut être plus meurtrie qu'avant »dira à la Chambre le chef syndicaliste Isi Delvigne.
« Les riches sont devenus plus riches et les pauvres plus pauvres »écrira dans « Le Peuple »du 1er février 1921, Léon Delsinne .
Face à sa crise, le patronat veut reprendre ce qu'il avait lâché quelques mois auparavant, sous la pression du mouvement syndical, en plein développement : on parle de diminution de salaires, on résiste à l'application de la journée des 8 heures, etc.
La résistance sociale se manifeste par des mouvements durs et prolongés. : quelques exemples .

LES GREVES DES TRAMWAYMEN– qui fut un des secteurs des plus actifs.
Dés janvier 1919, le personnel des trams de Bruxelles s'était mis en grève pour les salaires.
« Le mouvement a été général, et depuis ce matin, écrit «Le Soir» daté du mercredi 22 janvier 1919, le service des tramways est complètement arrêté dans l'agglomération. Les grévistes se sont formés en cortège ce matin, à la Grand-Place, et ont parcouru la ville, de façon très digne, sans cris, ni chants, ni calicots. Ils étaient environ 6.000. »
Nouvelle grève à Bruxelles en octobre 1919, grèves aussi des tramways à Anvers, Mons,Charleroi et Liège.
En novembre-décembre 1921, par contre, la grève à Bruxelles fut très dure.La cause de la grève était le renvoi de 6 ouvriers sous prétexte de suppression d'emploi . Le patronat fit appel à l'Union Civique organisation anti-grève de la droite extrême pour conduire les trams et briser le mouvement. !!!La grève s'étendit à tous les tramways de la capitale et une grande manifestation contre l'Union Civique se tint le 28/11 Mais devant l'intransigeance patronale, le conflit s'effilocha et le syndicat dut donner l'ordre de reprendre le travail sans avoir obtenu gain de cause.
LA  GREVE DES MINEURS : 60000 mineurs de Charleroi , du Centre et de la Basse Sambre arrêtent le travail pendant 15 jours en novembre 1920 pour une augmentation de salaire de 5francs/jour.

LA GRANDE GREVE D'OUGREE - MARIHAYE ( 9000 MINEURS ET SIDERURGISTES)

De mars à octobre 1921, ils s'affrontent à un des potentats du capitalisme belge : TRASENSTER.
Grève glorieuse qui nécessiterait un article particulier.
Démarrée pour s'opposer à un licenciement, elle s'étendit face au refus patronal de reconnaître le fait syndical et d'utiliser là aussi l'Union Civique pour briser la grève et faire tourner l'usine.
Ce fut le 1er grand affrontement entre réformistes et révolutionnaires dans la conduite du mouvement. JULIEN LAHAUT émergea comme leader ouvrier charismatique liégeois.
Dirigeant du comité de grève,il fut arrêté ; 10000 ouvriers dans la rue pour sa libération !
Mais après 9 mois de lutte, abandonnés par la Centrale des Métallurgistes, ils furent contraints à la reprise.
C'est dans ces contextes politique ( gouvernement tripartite avec 4 ministres du POB , veille d' élections prévues en novembre 1921) , économique ( crise et chômage) et social ( conflits sociaux très durs face à un patronat super offensif), que se déroulent les événements de LA LOUVIERE  en septembre – octobre 1921


LES EVENEMENTS DE LA LOUVIERE

ACTE 1 : la semaine syndicale de MORLANWELZ (4 au 7 sept.)
C' est un séminaire d'études sur le contrôle ouvrier organisée par la Commission syndicale du POB :
280 participants de toutes les organisations et les ténors, De Man, Wouters, De Brouckère sont présents à l'Athénée de Morlanwelz. Visite de charbonnages, concert dans le prestigieux cadre du château de Marimont complètent le programme.
Egalement, présence de délégués étrangers dont un syndicaliste allemand Johann Sassenbach. Le virage est pris : on reparle à des Allemands.

ACTE 2 : 7 septembre provocation des nationalistes « belgicains »
Ils placardent des affiches pour « interdire l'entrée de La Louvière au  Boche Sassenbach ». Le POB mobilise ses troupes pour accompagner les « semainiers » et se rendre en cortège à la Maison du peuple de la Louvière.
Le cortège de plusieurs milliers de manifestants est agressé par quelques centaines de patriotards armés de deux drapeaux belges, qui hurlent « A mort Sassenbach »
Leurs drapeaux , dans la bagarre sont arrachés, ce qui sera le prétexte à un déluge d'accusations dans la presse réactionnaire catholique et libérale.

ACTE 3 : 2 octobre : la JOURNEE EXPIATOIRE
Organisée par la droite cléricalo- libérale avec des anciens combattants et invalides outragés, la Ligue du Drapeau de La Louvière, qui appelle les « vrais belges «   à « réparer le forfait abominable » infligé aux drapeaux.
Trains spéciaux, mobilisation de scouts, invalides en voiturette, une dizaine de milliers de manifestants (8000 selon le journal « Le Peuple, 100000 selon « Le Soir ») défilent au son de fanfares militaires envoyées par le ministre de la défense.

ACTE 4 :16 octobre LE FUSIL BRISE

Le POB organise une grande manifestation populaire : mandataires, jeunes de la JGS en uniforme bleu et rouge, anciens combattants socialistes, coopératives, délégations venues de toute la Belgique,sections régionales, le défilé, selon « Le Peuple s'allonge sur 4 km et dure 1 heure 15
« ce fut donc une manifestation monstre : 468 drapeaux,503 sociétés,39 corps de musique, et [...]30000 manifestants au milieu de 20000 spectateurs »( Le Peuple 17/10/1921)
 




















Le ministre des Travaux Publics ANSEELE est à la tribune.  Un député , volontaire de guerre remet à la JGS le fameux drapeau représentant un soldat brisant son fusil - et ce dans le cadre des revendications de réduction du service militaire à 6 mois , et du désarmement universel..

ACTE 5 : CRISE GOUVERNEMENTALE , RUPTURE DE L'UNION SACREE.
C'est le tollé au sein du gouvernement - nous sommes à un mois des élections.
Le ministre de la Défense , le libéral DEVEZE exige la démission d' ANSEELE.
Le premier ministre CARTON DE WIART considère cet emblème comme « odieux » et ne peut « admettre qu'un ministre en fonctions couvre de son autorité, de son patronage officiel la remise d'un pareil emblème à des jeunes gens qui ont été mobilisés ou qui peuvent l'être »
ANSEELE présente sa démission, suivi par ses 3 collègues VANDERVELDE, WAUTERS et DESTREE ( qui quant à lui trouve le choix du « fusil brisé » « plutôt malheureux »)

ACTE 6 : 20 NOVEMBRE - ELECTIONS


BIEN JOUE L'ARTISTE !

On ne peut que savourer l'habileté avec laquelle le POB à la faveur de ces événements, a troqué sa veste de parti gouvernemental, « jusqu'auboutiste » nationaliste et belliciste pendant la guerre ( le dirigeant social démocrate allemand Kautsky les avait qualifié de « bolcheviks du nationalisme ») , parti gestionnaire et de collaboration de classe après l'Armistice, l' a troquée donc contre un costume d'opposition antimilitariste , internationaliste et anticapitaliste.
Il était en position, inconfortable avec un patronat super agressif,et un mouvement ouvrier dur qui risquait de contester sa politique d'alliance avec les partis de la droite.
En 1921 naissait aussi le Parti Communiste, encore faible et balbutiant, mais combattant d'emblée l'hégémonie social démocrate.
Je ne peux croire que dans l'ambiance nationaliste et chauvine de ces journées , la présence du ministre Anseele et sa participation directe à l'événement ne soient pas mûrement calculés.
Lui, le moins mouillé dans la poursuite de la guerre – il avait en son temps ( 1917) proclamé son adhésion à la conférence de paix social démocrate de Stockholm - se devait d'être le symbole de ce grand tournant - certains diront de ce retournement de veste.
Et qu'importe qu'à Gand, il ait lui même pourchassé et expulsé du parti dés 1917 les JGS de ROODE JEUGD qui se battaient pour une paix immédiate ! voirhttp://rouges-flammes.blogspot.be/2014/12/1914-1918-uomini-contro-les-jgs-sjw-de.html
Et que rêver de mieux, à un mois d'élections difficiles que d'être forcé à la démission par la droite ultra avec une image de gauche pacifiste victime des réactionnaires. et aussi aussi de force populaire,

M. A PIERSON a écrit :
« Au sein même du parti socialiste, également , l'opposition anti participationniste allait grandissant.
Dans l'opinion publique, une majorité nouvelle se cherchait. La réaction sociale trouvait des alliés parmi les modérés du parti libéral et dans la vielle droite...
« La situation économique et financière était critique dans toute l'Europe... La hausse du coût de la vie s'était déclenchée...
Sur le problème militaire enfin les partis coalisés étaient en profonde opposition . Le parti ouvrier demandait une réduction du service militaire et une réorganisation de l'armée – un des remparts les plus solides de la réaction.
Telles furent les véritables raisons de la dislocation de l'Union Sacrée »
Et après les élections, où le POB maintient pour l'essentiel ses positions, limitant ainsi les effets négatifs de sa participation, le « congrès du parti se prononça à l'unanimité pour une cure d'opposition »
Bien joué l'artiste !

LA LOUVIERE 1961- LES 40 ANS DU « FUSIL BRISE »

Le fusil brisé restera l'emblème des JGS jusqu'aux années de leur disparition comme organisation dans les années 70.
Même si dans les années 30 et en particulier à partir de la Guerre d'Espagne en 1936, il devint évident que ,contre le fascisme, il faudrait prendre le fusil, et non pas le briser.
Au lendemain de la grève à caractère révolutionnaire de 60-61, la JGS, ancrée au courant de gauche socialiste, et du Mouvement Populaire Wallon  , et dirigée par les militants trotskystes de la IVème Internationale commémoreront avec l'Action Commune socialiste de la région du Centre le
quarantième anniversaire du ‘fusil brisé’, manifestation chère au cœur des pacifistes, et ce malgré l'hostilité de la direction du PSB et en particulier de Paul Henri SPAAK , secrétaire général de l'OTAN de 1957 à 1961 !
Et l'événement se déroule en octobre 1961 suivant un rituel préparé depuis des semaines. Réception le samedi des Jeunesses socialistes des pays étrangers. Le samedi soir : colloque international consacré à la lutte contre la guerre. Exposition : livres, journaux,... avec des oeuvres de Mazereel ; guerre 14-18, 40-45, atrocités des guerres coloniales, horreur nucléaire. Rappelons la marche anti-atomique en 1960.
Suite de la commémoration du Fusil brisé le dimanche dans les rues de La Louvière ; fin avec un meeting international. Slogans prévus : quittons l'OTAN - Plus d'armée en Belgique - Des maisons, pas des cannons - STOP à la bombe H, pas de bombe atomique.
Lors du meeting du dimanche, le groupe de l'Internationale des résistants à la guerre rappellera qu'il y a eu en Belgique 600 objecteurs de conscience qui, depuis dix ans, totalisent 1.000 années de prison.
voir http://www.stll.be/dossiers/historique/index.html
Les JGS seront exclus du PSB, avec le courant de "la Gauche" et de la gauche du  Mouvement Populaire Wallon  renardiste, en décembre 1964, à l'occasion d'un "congrès des incompatibilités".



 Sur le climat social des années 19-21:"Contester dans un pays prospère: l'extrême gauche en Belgique et au Canada "Par Anne Morelli,José Gotovitch avec  
 Francine Bolle "L'extrême gauche syndicale dans les mouvements de grève (1919-1924) : les contestataires radicaux et la Belgique / 
  
Sur la grève d'Ougré - Marihaye:


voir aussi

La centrale liégeoise des métallurgistes tente visiblement à préparer des exclusions http://etincellebulletin.skynetblogs.be/archive/2014/10/15/la-centrale-liegeoise-des-metallurgistes-tente-visiblement-a-8305987.html#more


Sur POB et participation: Marcel Liebman:  Le socialisme belge et la participation gouvernementale : un bilan historique - La Gauche des 26/06 et 03/07 1965
http://archive-be.com/page/1143608/2013-01-14/http://institutliebman.be/fichiers/bilan.pdf

Sur le contexte  socio économiqie: "En marge de l’expo « Liège 1914-1927, mort et résurrection d’un bassin industriel »http://hachhachhh.blogspot.be/2014/08/en-marge-de-lexpo-liege-1914-1927-mort.htm   

 

Sur les événements de LA LOUVIERE  https://bibliolouve.files.wordpress.com/2012/06/fusil-brisc3a9.pdf

  voir aussi :

La chute du gouvernement d'union nationale et la formation du cabinet Theunis, 1921

sur la période: collection du Mouvement syndical Belge  organe de la Commission syndicale du Parti Ouvrier     ftp://193.191.137.31/pubs_serials/Le_Mouvement_Syndical_Belge_1918-1940/mouvsybe_1921/mouvsybe_1921_nr24.pdf

débats à la Chambre du 19 octobre 1921  :http://www3.dekamer.be/digidocanha/K0032/K00322891/K00322891.PDF