samedi 5 septembre 2015

1914 - 1918 UOMINI CONTRO : ZIMMERWALD SEPTEMBRE 1915, PACIFISME ET REVOLUTION


Il y a 100 ans , en septembre 1915, le petit village suisse de ZIMMERWALD à une dizaine de km de BERNE, la capitale de la Confédération , a inscrit son nom dans l'histoire.

C'est là, à la pension INGENMUHLE, au milieu de paysages alpins de l' OBERLAND que s'est tenue la première conférence, depuis l'effondrement de la IIème Internationale en août 1914, de dirigeants et militants socialistes , opposés à la guerre impérialiste et en rupture avec les directions officielles qui s'étaient rangées derrière leur propre gouvernement comme , par exemple le parti socialiste français, le SPD allemand, le POB belge, qui par ailleurs n'étaient pas invités.

Ce sont les socialistes italiens et suisses qui ont été à l'initiative de cette première rencontre internationaliste entre socialistes venant aussi bien des pays de l' ENTENTE ( FRANCE ANGLETERRE, RUSSIE et ITALIE ) que des Empires Centraux (ALLEMAGNE, BULGARIE)et de pays neutres.(PAYS BAS, SUISSE, NORVEGE, SUEDE)

La Conférence -38 délégués venant de 13 pays - se réunit du 5 au 8 septembre 1915
Des délégations représentaient les socialistes ou syndicalistes minoritaires d' ALLEMAGNE, notamment le député au REICHSTAG LEDEBOUR, de FRANCE, D'ANGLETERRE, les partis socialistes officiels de l'ex IIème Internationale qui s'étaient prononcés contre la guerre : l' ITALIE, la ROUMANIE, la BULGARIE.
Les ressortissants de l’Empire russe sont nombreux, qu’ils soient bolchévik (Lénine), indépendant (Trotsky), menchevik internationaliste (Martov), polonais, lituanien, membre du Bund (parti socialiste des travailleurs juifs) ou même socialiste révolutionnaire. Le député internationaliste du SPD allemand KARL KIEBKNECHT, mobilisé ,envoya un message qui fut unanimement ovationné.


DES FEMMES CONTRE 
Parmi les participants , deux femmes dont le nom mérite d'être cité, étant donné leur lien avec la Belgique ( l'une a été étudiante  à l'Université Nouvelle (dissidence de l'ULB), l'autre a séjourné à Liège pour étudier le français)

HENRIETTE ROLAND HOLST
Henriette Roland Holst est fille d' une famille catholique libérale aisée hollandaise. Après 4 ans à
l'internat à Velp, elle apprend le français à LIEGE.
À 27 ans, en 1897, elle devient membre du SDAP, Parti Social-Démocrate des Ouvriers (Pays Bas). Elle milite pendant des soirées pour les ouvriers, elle devient membre du comité et en 1900 est déléguée au congrès de la IIème Internationale.
Poètesse, ses oeuvres de cette période sont de caractère socialiste et elle produit des textes sur les grèves de 1903 et la condition ouvrière. Elle traduit l'Internationale en Néerlandais.
Marxiste révolutionnaire, elle participe à la création du groupe « De Tribune » (tribuniste), quitte en 1911 le SDAP, mais elle attend quelques années avant de devenir membre du SDP (Parti Social-Democrate), précurseur du C PN (Parti Communiste des Pays§ Bas)
Elle participe à plusieurs congrès de l’Internationale socialiste, où elle fait partie de l’aile gauche, et rencontre des théoriciens du socialisme révolutionnaire, tels que ROSA LUXEMBOURG, KARL LIEBKNECHT, CLARA ZETKIN ou TROTSKI. Elle écrit des textes socialistes :  « la grande grève des cheminots, le syndicat et le SDAP » etc
En 1914, elle s’oppose à la guerre, avec d’autres marxistes hollandais comme HERMAN GORTER et ANTON PANNEKOEK. Après la conférence de ZIMMERWALD, elle prend en mains et finance l'édition du périodique internationaliste des « zimmerwaldiens » de gauche, en langue allemande, DER VORBOTE ( Le précurseur), qui parait deux fois en 1916. Lénine y écrit dans le 1er numéro.

En novembre 1918, on la trouve en tête de la manifestation révolutionnaire de « la semaine rouge » à Amsterdam , qui marchait vers la caserne Orange Nassau pour exiger la libération d'un camarade membre d'un comité de soldats .Plusieurs milliers de manifestants étaient dans la rue, avec 400 marins et soldats. La troupe tira ; 4 manifestants tombèrent, 18 furent blessés ( épisode peu connu chez nous , pourtant pays voisin).A noter que TROELSTRA , leader du parti socialiste officiel avait appelé dans des meetings et à la tribune du Parlement à la prise du pouvoir par le prolétariat !!!
En 1921, elle se rendit clandestinement en RUSSIE SOVIETIQUE pour assister au 3ème congrès de l'INTERNATIONALE. Elle rencontra Maxime GORKI, et aussi LENINE. Elle participa alors activement à la récolte de vivres pour le peuple russe, en butte à l'intervention étrangère et à la guerre civile
Elle quitta le parti communiste en 1927, et devint « anarcho - communiste religieuse ».
Henriette Roland Holst van der  Schalk
Ce qui ne l'empêcha pas de participer à des revues de la résistance sous l'occupation nazie, au soutien aux juifs persécutés, et à écrire des poèmes de résistance . En 1947 , à 74 ans ,elle participera à l'action contre l'intervention armée en INDONESIE ( colonie hollandaise, ne l'oublions pas), soutenant les jeunes soldats qui refusaient de partir.
Henriette Roland Holst a été pendant des décennies la poétesse la plus populaire des Pays Bas ; Elle avait un large public, d'ouvriers , de professeurs, de jeunes en révolte, mais aussi de bonnes ménagères. Bien que socialiste révolutionnaire, elle fut aussi l'auteur préféré de la reine WILHELMINA....
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ANGELICA BALABANOVA
Autre participante à ZIMMERWALD, ANGELICA BALABANOVA née à KIEV en UKRAINE, en 1878 dans une famille juive ; Elle découvrit les idées révolutionnaires à l'Université de Bruxelles, à l'UNIVERSITE NOUVELLE , dont elle fut proclamée à l'unanimité lauréate en philosophie et lettres. Elle rencontra à BRUXELLES des syndicalistes et des radicaux qui la convertirent aux idées socialistes
Elle poursuit ses études à ROME et s'inscrit au parti socialiste italien en 1904.
Peu après, elle s'installe en SUISSE pour organiser à SAINT GALL les milliers d'ouvrières italiennes des filatures qui y travaillent dans des conditions misérables.
 Elue à la direction du PSI en 1912 et co- directrice de l'AVANTI avec MUSSOLINI, elle propose son exclusion du journal et du parti quand le futur DUCE se prononce pour l'intervention de l' ITALIE dans la guerre.
Elle participa aussi à cette époque à l'organisation de conférences internationales de femmes socialistes, avec  Clara Zetkin
Elle joua un rôle prépondérant dans l'organisation du mouvement de ZIMMERWALD, dont elle fut la secrétaire.En 1917, elle rejoint les bolchéviks et devient ensuite secrétaire de l'Internationale Communiste, en 1919.
Par la suite , elle rompit avec les bolcheviks , rentra en ITALIE, rejoignit la social démocratie,de PIETRO NENNI et,dirigea depuis PARIS l'AVANTI clandestin sous la dictature fasciste.
Elle se rangea après la 2ème guerre mondiale dans la fraction atlantiste et le plus à droite de la social démocratie italienne.


LE GRAND DEBAT: PACIFISTES - REVOLUTIONNAIRES

La conférence de ZIMMERWALD ne fut pas un diner de gala : un intense affrontement d'orientations politiques, entre la gauche menée par LENINE , minoritaire , et les «  centristes » (*) sociaux démocrates avec le Suisse GRIMM , le député allemand LEDEBOUR » mais aussi les socialistes italiens .
*centristes par rapport au mouvement socialiste dans son ensemble; la droite de l' INTERNATIONALE,  VANDERVELDE, SCHEIDEMANN, GUESDE, s'était alignée sur les buts de guerre de leur gouvernement,
La gauche , menée par les bolchéviks et LENINE, a une ligne basée sur la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile et en révolution socialiste ( « notre ennemi principal est dans notre propre pays »). Ils sont pour une rupture radicale et définitive avec le patriotisme chauvin des sociaux démocrates à la VANDERVELDE ou SCHEIDEMANN et veulent créer une nouvelle Internationale révolutionnaire ( la IIIème Internationale)
Ils veulent propager la mobilisation révolutionnaire de classe ,contre leur propre bourgeoisie, fut ce à travers la défaite des armées de leur propre pays

Comme l'enseignaient et l'expérience de la COMMUNE DE PARIS enfantée par la défaite de la France bourgeoise de NAPOLEON III face aux Prussiens en 1870, et de la première révolution russe de 1905, dans le contexte de la défaite de la marine tsariste dans la guerre russo – japonaise. Ils soutiennent les manifestations de fraternisation au front
Les « centristes » s'opposent à le guerre impérialiste mais veulent avant tout la paix immédiate, une paix négociée entre les belligérants , une paix sans annexions, ni indemnités., mais aussi une paix sans révolution.
Ils se prononcent pour la reconstitution de la IIième Internationale. Ils s'opposent au mot d'ordre révolutionnaire. En quelque sorte, ils veulent revenir comme avant la déflagration.
La ligne du Parti Socialiste Italien symbolise ce courant : «  Ni soutenir la guerre, ni la saboter ». Cette position purement passive condamnait à l'immobilisme. Cela n'enlève rien au mérite des socialistes italiens d'avoir résisté au chauvinisme qui a gangrené tant de partis européens.
Cela sera aussi la ligne, deux ans plus tard de CAMILLE HUYSMANS , qui tentera de réunir tous les socialistes en 1917 à STOCKHOLM dans une conférence pour la paix.
LEDEBOUR attaquera violemment LENINE au cours de la conférence : « Vous qui êtes en SUISSE, il vous est commode , en vérité, de faire appel à la révolution. Je voudrais bien voir comment vous feriez en Russie » (!!!)
ZIMMERWALD: 2015 R.GRIMM remis à l'honneur en SUISSE
Et le social démocrate suisse GRIMM , coorganisateur de la conférence : « Ah , je vous envie de vivre dans les montagnes et de pouvoir lire, étudier,et travailler à l'aise et dans le calme. Vous avez à faire à des livres, moi , j'ai à faire avec les ouvriers »
Lénine se défendit avec beaucoup de vigueur. Il protesta d’abord énergiquement contre les allusions blessantes de LEDEBOUR : « Il s’est écoulé vingt-neuf ans, lui dit-il, depuis le temps où je fus arrêté pour la première fois en Russie. Durant ces vingt-neuf ans je n’ai cessé de jeter dans les masses des appels révolutionnaires. Je l’ai fait de ma prison, de Sibérie, ensuite de l’étranger. Et souvent il m’est arrivé de rencontrer dans la presse révolutionnaire des « allusions » analogues, de même que chez les représentants de la justice tsariste, qui m’accusaient de manquer à l’honnêteté en adressant, de l’étranger, des appels révolutionnaires au peuple russe. [...]
Mais j’avoue que chez Ledebour je m’attendais à trouver d’autres arguments. Il a oublié probablement que Marx et Engels, quand ils écrivaient en 1847 leur célèbre Manifeste communiste, jetaient aussi, de l’étranger, des appels révolutionnaires au prolétariat allemand. »

L' APPEL DE ZIMMERWALD

Le journal suisse ( en allemand) publie le manifeste

Malgré ces divergences de principe, la conférence se mit d'accord sur une résolution commune, rédigée par TROTSKI , qui , lui, se positionnait  entre les centristes et la gauche.
(...)
Ouvriers !
Vous, hier, exploités, dépossédés, méprisés, on vous a appelés frères et camarades quand il s'est agi de vous envoyer au massacre et à la mort. Et aujourd'hui que le militarisme vous a mutilés, déchirés, humiliés, écrasés, les classes dominantes réclament de vous l'abdication de vos intérêts, de votre idéal, en un mot une soumission d'esclaves à la paix sociale.
 On vous enlève la possibilité d'exprimer vos opinions, vos sentiments, vos souffrances.
 On vous interdit de formuler vos revendications et de les défendre. 
La presse jugulée, les libertés et les droits politiques foulés aux pieds : c'est le règne de la dictature militariste au poing de fer.
Nous ne pouvons plus ni ne devons rester inactifs devant cette situation qui menace l'avenir de l'Europe et de l'humanité.
Pendant de longues années, le prolétariat socialiste a mené la lutte contre le militarisme; avec une appréhension croissante, ses représentants se préoccupaient dans leurs congrès nationaux et internationaux des dangers de guerre que l'impérialisme faisait surgir, de plus en plus menaçants.
 A Stuttgart, à Copenhague, à Bâle, les congrès socialistes internationaux ont tracé la voie que doit
suivre le prolétariat.
Mais, partis socialistes et organisations ouvrières de certains pays, tout en ayant contribué à l'élaboration de ces décisions, ont méconnu, dès le commencement de la guerre, les obligations qu'elles leur imposaient.
 Leurs représentants ont entraîné les travailleurs à abandonner la lutte de classe, seul moyen efficace de l'émancipation prolétarienne. 
Ils ont accordé aux classes dirigeantes les crédits de guerre; ils se sont mis au service des gouvernements pour des besognes diverses; ils ont essayé, par leur presse et par des émissaires, de gagner les neutres à la politique gouvernementale de leurs pays respectifs; ils ont fourni aux gouvernements des ministres socialistes comme otages de l'« Union sacrée ».
 Par cela même ils ont accepté, devant la classe ouvrière, de partager avec les classes dirigeantes les responsabilités actuelles et futures de cette guerre, de ses buts et de ses méthodes. 
Et de même que chaque parti, séparément, manquait à sa tâche, le représentant le plus haut des organisations socialistes de tous les pays, le Bureau socialiste international manquait à la sienne.
(...)
Prolétaires !
Depuis que la guerre est déchaînée, vous avez mis toutes vos forces, tout votre courage, toute votre endurance au service des classes possédantes, pour vous entretuer les uns les autres. 
Aujourd'hui, il faut, restant sur le terrain de la lutte de classe irréductible, agir pour votre propre cause, pour le but sacré du socialisme, pour l'émancipation des peuples opprimés et des classes asservies.
C'est le devoir et la tâche des socialistes des pays belligérants d'entreprendre cette lutte avec toute leur énergie.
 C'est le devoir et la tâche des socialistes des pays neutres d'aider leurs frères, par tous les moyens, dans cette lutte contre la barbarie sanguinaire.
Jamais, dans l'histoire du monde, il n'y eut tâche plus urgente, plus élevée, plus noble; son accomplissement doit être notre œuvre commune.
 Aucun sacrifice n'est trop grand, aucun fardeau trop lourd pour atteindre ce but : le rétablissement de la paix entre les peuples.
Ouvriers et ouvrières, mères et pères, veuves et orphelins, blessés et mutilés, à vous tous qui souffrez de la guerre et par la guerre, nous vous crions :
 Par dessus les frontières par dessus les champs de bataille, par dessus les campagnes et les villes dévastées :
Prolétaires de tous les pays, unissez vous !
Zimmerwald (Suisse), septembre 1915

Cette résolution n'avait pas l'accord de la gauche léniniste, (qui se structura et diffusa son propre point de vue) mais fut quand même appuyée par elle, malgré les insuffisances : il n' y avait pas d'appel clair à voter contre les crédits de guerre, il n'y avait pas d'appel à la guerre civile révolutionnaire, il n'y avait pas d 'appel à une nouvelle Internationale.
C'était une résolution pacifiste  mais aussi  anti impérialiste: " Il faut entreprendre cette lutte pour la paix, pour la paix sans annexions ni indemnités de guerre."

Mais dans les circonstances de 1915, un an à peine après le début de la guerre, les dénonciations de son caractère impérialiste, de l'alignement des chefs socialistes sur le chauvinisme national, l'appel à l'unité des travailleurs des pays belligérants et des pays neutres était un grand pas en avant .
LENINE dira: "  « Que ce manifeste marque un pas en avant dans la voie de la lutte contre l’opportunisme, de la rupture effective avec lui, c’est un fait ...
 C’ aurait été une mauvaise tactique de guerre de refuser de marcher ensemble avec le mouvement de protestation international, toujours croissant, contre le chauvinisme, pour la raison qu’il se développe lentement. »
cité dans "LENINE" de GERARD WALTER  - Julliard 1950 (pages 220 à 241).
La proclamation eut un grand écho.
Par exemple, en ITALIE, l' AVANTI publia le manifeste intégralement.
GERMANETTO responsable du parti socialiste à CUNEO (PIEMONT)  raconte : « Un matin, un cheminot vint dans ma boutique et me tendit un paquet, qui contenait des proclamations composées à la conférence de ZIMMERWALD.
Comme je fus heureux!Ainsi , le travail continuait ; ainsi malgré la trahison des socialistes, la solidarité subsistait ; le contact était rétabli.
Il fallait distribuer les proclamations aux sections, les expédier sur le front (....)
En quelques jours, mes camarades et moi nous parvînmes à écouler non seulement toutes les proclamations qui m'avaient été remises, mais encore celles qui avaient été dactylographiées par nous en grande quantité.
(...) elles firent forte impression. Ouvriers et soldats les lisaient et les relisaient avec avidité, se les passaient les uns aux autres. Beaucoup d'entre eux, pris sur le fait subirent des peines d'emprisonnement ? »
GERMANETTO - Souvenirs d'un perruquier – Bureau d' Editions 1931




La conférence de ZIMMERWALD de septembre 1915 fut suivie par ZIMMERWALD II , qui se tiendra à KIENTHAL, en SUISSE , en avril 1916, et par ZIMMERWALD III à STOCKHOLM en septembre 1917, (après l'échec de la tentative des centristes - et en tête CAMILLE HUYSMANS - au sein des partis socialistes officiels de réunir une grande conférence pour la paix à STOCKHOLM aussi.)




ET EN BELGIQUE ?    DE ZIMMERWALD A GAND

Aucun socialiste belge n'était présent à la conférence, aucun courant socialiste internationaliste ne s'étant organisé dans notre pays .
La direction du POB, par contre, a depuis le 4 aôut 1914 jusque bien longtemps après le 11 novembre 1918 ( premiers contacts en 1921?) refusa tout contact avec tout socialiste «  ennemi » , fut il comme LIEBKNECHT ou comme les centristes LEDEBOUR et HAASE opposés à la guerre.



En 1917, le POB refusa même de participer à toute conférence de la paix à STOCKHOLM, pourtant initiée par un de ses plus éminents dirigeants CAMILLE HUYSMANS.

 
« Le POB se refuse à collaborer à une action en faveur d'une paix immédiate ... Le POB considère comme dangereuse toute agitation en faveur d'une paix prématurée » ... la minorité socialiste allemande ( LIEBKNECHT, HAASE etc..) .... exige des négociations de paix immédiates. Le POB se refuse catégoriquement à entrer actuellement dans cette voie illusoire et dangereuse.
... C'est par la continuation de la guerre que – du dehors ou du dedans- seront brisées les dernières résistances au triomphe de la démocratie et du droit.
Le POB refuse donc comme tout à fait inutile et impossible toute rencontre avec les groupes se réclamant de ZIMMERWALD,(...) de même qu'il se refuse à discuter avec les maximalistes de RUSSIE ( les bolcheviks) »
MEMOIRE DU PARTI OUVRIER BELGE –JUILLET 1917


Et voilà , en 1914-1918, le POB en s'identifiant aux buts de guerre de l' ENTENTE (ANGLETERRE, FRANCE, RUSSIE, plus ITALIE), présentés comme le combat pour le droit et la démocratie, parti jusqu'au boutiste, cad qu'il voulait le guerre jusqu à la déroute totale de l'ALLEMAGNE a écrit une des pages les plus noires de son histoire.

En Belgique, de ce qu'on sait, ce sont les JGS de GAND qui, les premiers ont capté et retransmis l'appel de ZIMMERWALD.
Les JGS de GAND s'étaient reconstitués en janvier 1916 , et avaient été informés du mouvement ZIMMERWALD par un camarade hollandais, qui assurait la rubrique  « UIT HOLLAND » dans le journal JGS, et aussi par un militaire allemand.
Dés mai 1916, ils émettent une critique sur la position de ANSEELE, dirigeant gantois du POB concernant la participation du Parti au gouvernement du HAVRE  (EMILE VANDERVELDE, ministre d'Etat depuis août 1914, est officiellement ministre du gouvernement en janvier 1916)
Cette critique, VOORUIT, le journal du POB, paraissant à GAND sous la censure allemande et sous la direction d' EDWARD ANSEELE, ne la publie pas.
Mais en septembre 1916, ce sont leurs conférences marxistes à la BRUGSEPOORT qui sont remises en causes , à la fois par l'occupant allemand et par la hiérarchie du parti.
Ils y présenteraient des auteurs marxistes allemands, et la censure allemande leur impose son autorisation préalable.
De son côté, le MIDDENCOMITEIT du POB regroupant des représentants des organisations et associations affiliées au parti , dont les JGS, fait part du refus de ANSEELE du  contenu de ces causeries qui favoriseraient des minoritaires hollandais anti parti... et nous retrouvons là HENRIETTE ROLAND HOLST ,  «YET la rouge» :
C'est vrai que l'attitude de certains jeunes provoque la méfiance d'anciens camarades.
Parmi les auteurs qu'ils indiquent et dont ils s'inspirent pour leurs conférences, il y en a deux qui sont directement contre le Parti. Il y a quand même d'autres écrivains , comme Troelstra ( le dirigeant du parti officiel hollandais), dont les oeuvres sont meilleures et plus belles pour les jeunes que celles de GORTER et ROLAND HOLST.  Pourquoi ne pas les utiliser » ?
C'est donc bien le message de ZIMMERWALD que ANSEELE veut censurer  dans son bastion gantois.

Le 14 janvier 1917, est publiée la motion sur LA PAIX ( VREDESMOTIE)
Le capitalisme est désigné comme cause de la guerre. Les travailleurs portent les plus lourds sacrifices humains. Il faut au plus vite baisser les armes. :

« LES JEUNES GARDES SOCIALISTES DE GAND, en assemblée générale ce 14 janvier 1917, sous la présidence de JOZEF CANTRE, vote dans l'unité la motion suivante et exprime le souhait qu'elle soit rendue publique au plus vite :
A ses différents congrès, l' INTERNATIONALE SOCIALISTE s'est déclarée de manière répétée contre la guerre ; toutes les guerres ayant seulement comme inévitable conséquence, le développement de la production capitaliste.
La classe ouvrière doit non seulement endurer les sacrifices humains les plus lourds sur les champs de bataille ; mais aussi dans les pays neutres, elle subit le plus dur, de par la crise économique, qui l 'accable aussi bien physiquement que moralement.
C'est pourquoi, l' INTERNATIONALE avait décidé,  si une guerre se déclenchait malgré l'opposition du prolétariat, de renouer les liens internationaux et faire tout ce qui est possible pour au plus vite mettre fin à la guerre.
Dans tous les pays ravagés, grandit, jour après jour, nombre de voix socialistes, qui appellent les gouvernements à conclure la paix et d'arrêter au plus vite la massacre.
L' organisation des jeunes de l' INTERNATIONALE , ayant approuvé sans réserve les décisions de l'INTERNATIONALE, c'est pourquoi, en ce qui les concerne, la JEUNE GARDE SOCIALISTE de GAND , réunie en assemblée générale de ce 14 janvier 1917, ensemble avec le mouvement pour la paix dans tous les pays, exprime sa volonté que les armes se taisent au plus vite. »

Cette AG des JGS s'est tenue à « ONS HUIS » la Maison du Peuple de GAND et a été annoncée par VOORUIT le journal du POB paraissant légalement sous l'occupation allemande.
Mais si la réunion en tant que telle ne dérangeait pas ANSEELE , seul maître après Dieu de la fédération de GAND, c'est le contenu , qu'il ne pouvait apprécier.
Le 21 janvier , VOORUIT publie un avis de la Direction du Parti : « un journal [De NIEUWE GAZET van GENT] parait avec une motion en faveur de la paix, votée dans une assemblée générale (...) à « ONS HUIS » (...) par des JEUNES GARDES, affiliées au parti .
Nous devons déclarer n'avoir rien su de cette assemblée, et encore moins être au courant de l'ordre du jour soumis à la discussion de cette soi-disant assemblée générale des JGS. »
On le voit , pour ANSEELE, les JGS devaient être remis à leur place.
Pourtant , leur manifeste n'appelait pas à la transformation de la guerre en révolution prolétarienne. : ils suivaient plutôt la ligne centriste de la majorité de ZIMMERWALD.
Mais, le 24 janvier 1917, l'accès aux locaux socialistes leur fut irrévocablement interdit.
ANSEELE déclara les JGS dissous et donna mission de créer un nouveau groupe « loyal ».
Je me permets d'insister sur les dates : le noyau internationaliste , « zimmerwaldien », de GAND s'est développé dans la foulée des conférences de ZIMMERWALD et KIENTHAL ; son acte de rupture politique – la motion sur la paix – est posé avant  que n'éclate la révolution russe (mars 1917) et avant le projet de conférence de STOCKHOLM , initié par KAMIEL HUYSMANS.

1918 DE VREDESGROEP : PAIX IMMEDIATE, SOUTIEN A LA REVOLUTION D' OCTOBRE .
En janvier 1918 deux ans déjà après la reconstitution de la section gantoise des JGS, se crée le VREDESGROEP DER SOCIALISTISHE PARTIJ, qui élargit le mouvement aux camarades socialistes plus anciens qui s'étaient joints aux jeunes.
Ecrit par K. HUTSE, R. MINNE et M . MACHTELYNK, ils publient un manifeste « ONS STANDPUNT »
Le groupe s'affirme radicalement en rupture avec la direction du parti ,  « devenue sourde, muette et aveugle» et qui « porte la responsabilité d' avoir abandonné le prolétariat en ces heures d'extrême besoin, ,où il s'agissait de transformer ses paroles en actes, où il s'agissait de la vie de dizaines de milliers de travailleurs. »
Le groupe se prononce pour une paix immédiate, :
....« ce que nous défendons, c'est la ligne socialiste de la paix. Non pas AVEC, mais CONTRE le gouvernement belge(...)
A nos côtés nous avons les partis minoritaires dans tous les pays. » 

Et, fait important, il proclame , sans réserves, « son soutien vigoureux aux courageux camarades bolcheviques, à leur niveau avancé dans le socialisme. A travers des difficultés jamais rencontrées, abandonnés et mêmes vilipendés par presque toute l'Internationale ouvrière, harcelés et pris à la gorge par tout le capitalisme international , ils ont transformé le régime sanguinaire de l'autocratie tsariste en une vraie république socialiste, communiste des travailleurs, avec l'égalité des hommes et des femmes, la liberté d'association, la journée des 8 heures, et la propriété collective des moyens de production, qui est le but final de notre combat socialiste. »
Paix et soutien à la révolution d'octobre, le message initial de ZIMMERWALD se retrouve dans le manifeste du VREDESGROEP, qui sera chassé du POB en 1919.
Entretemps EDUARD ANSEELE était devenu ministre dans le gouvernement d'UNION NATIONALE.



sur ZIMMERWALD :https://www.marxists.org/francais/inter_com/1915/zimmerwald.htm
KIENTHAL:https://archive.org/stream/SecondeConfrenceSocialisteInternationaleDeZimmerwaldTenueKienthal/Kienthal#page/n9/mode/2up

voir aussi  :War on war .Lenin, the Zimmerwald Left, and the Origins of Communist Internationalism de  R. Craig Nation











sur HENRIETTE ROLAND HOLST: lire http://bwsa.socialhistory.org/biografie/schalk
sur les JGS de GAND:  http://rouges-flammes.blogspot.be/2014/12/1914-1918-uomini-contro-les-jgs-sjw-de.html
sur le mvt socialiste et la guerre, voirhttp://www.marx.be/fr/content/le-mouvement-socialiste-et-la-premi%C3%A8re-guerre-mondiale

sur LIEBKNECHT, voir  http://rouges-flammes.blogspot.be/2014/10/1914-1918-uomini-contro-cest-alors-que.html

sur les socialistes italiens, voir http://rouges-flammes.blogspot.be/2014_07_01_archive.html
                                                  http://rouges-flammes.blogspot.be/2015_05_01_archive.html