samedi 27 avril 2024

HUBERT HEDEBOUW NOUS A QUITTÉ : IMMENSE RESPECT !

 



Hubert nous a quitté. C’est tellement difficile à réaliser.

Je me disais encore, il y a quelques jours :« On se reverra peut-être, comme chaque année, à Liège le 1er Mai, ou à Manifiesta… », tellement persuadé qu’avec la force qui était la sienne, soutenu par la grande armée des camarades, il surmonterait la maladie. 

Hélas, la grande faucheuse en a décidé autrement.

Nous sommes, tous en deuil, et sa brutale disparition me cause déjà un grand vide.


Avant de connaître Hubert, j’ai connu Berten.

Quand un jour, fin 1969, je l’ai pour la première fois rencontré dans la chambre qu’il louait sous les toits, quelque part dans la banlieue de Bruxelles.

C’était un « militant du SVB », l’organisation de la gauche étudiante de Louvain, acquise au marxisme, qui s’était fait embaucher à la chaîne à Citroën Forest.

Ensemble, on a créé un journal d’usine « La Chaîne », « La Cadena » en espagnol, qu’il alimentait en nouvelles et que, nous, militants de UUU (Usines, Université, Union- gauche radicale bruxelloise) diffusions à la porte de l’usine.



 
Il y a eu plusieurs grèves dures, les patrons ont fait appel à la police, voire à la gendarmerie et ont mis sur pied une milice patronale, armée de coups de poing américains, qui patrouillait dans les rues, jusqu’autour du domicile de Berten, où nous tenions nos réunions. 
Berten, avait été l’âme de la grève ; il avait été licencié, avec 66 travailleurs et s’était, par ailleurs fait agresser à coups de matraque.                             
J’ai découvert un camarade, courageux, entier, dans son engagement personnel révolutionnaire,  pour la vie, du côté de la classe travailleuse, avec une capacité, à la fois d’écoute et d’éducation, d’être à   la fois l’élève et le professeur.

Ce sont ces expériences qui créent des liens de confiance durables et qui dépassent les chemins différents que nous avons pu prendre l’un et l’autre.

 

J’ai retrouvé Hubert 40 ans plus tard, quand j’ai, enfin, adhéré au PTB.

Assez habilement, mais sans tralala,  il m’a mis à l’épreuve en me proposant un sujet chaud : « si ça te dit, tu ne pourrais pas essayer de faire le tour du problème des "Éros center"  qui va venir au Conseil communal ? » 

Il publiait un blog « hachhach » (H.H. - Hubert Hedebouw), qu’il a fait vivre pendant 15 ans, de 2008 à décembre 2023. 

Blog assez unique dans la région liégeoise, avec ses recherches très fouillées sur le patrimoine et sur le passé industriel, ses articles sur la révolution liégeoise, les suivis de balades du dimanche matin, etc.

Soucieux d’être proche du peuple travailleur, il privilégiait l’étude locale, pour laquelle il mettait en œuvre sa rigueur intellectuelle et sa passion d’apprendre, qui en ont fait un interlocuteur incontournable pour toutes les questions d’aménagement du territoire, de sauvegarde du patrimoine, de défense de la nature urbaine.  

J’ai ainsi découvert un camarade éminemment cultivé, capable d’expliquer à la fois la peinture de Léonard Defrance, les détails de la houillère d’Oupeye ou l’histoire de la Chartreuse !



C’est lui qui m’a conseillé de créer un « blog ». Je ne savais pas ce que c’était, et j’ai commencé « ROUGEs FLAMMEs ».

Ensemble, on a lancé de 2014 à 2016, à « La Braise », un programme de conférences mensuelles du mercredi « Un autre regard sur la Grande Guerre », alternative de gauche aux commémorations officielles.

Hubert en était la cheville ouvrière : il établissait les connexions tantôt avec l’IHOES, ou tel groupe artistique, il organisait des visites d’exposition, il avait de multiples contacts, mais, homme discret, il n’aimait pas, se mettre en avant.

Et le voilà à faire le tour de Herstal avec un drapeau rouge, pour nous guider sur les traces des grévistes à l’occasion des 50 ans de la grève des ouvrières de la FN pour « à travail égal, salaire égal ». Il répétait ainsi le geste de la petite Germaine, militante communiste et figure charismatique de la grève de 1966 : « elle fait un drapeau d’un manche de brosse et d’un chiffon rouge. » Il aimait prendre ce genre d’initiatives, pas toujours programmées, mais le plus souvent bien à propos.

 


J’ai alors découvert un homme d’ouverture, capable du dialogue le plus large, du curé du coin au syndicaliste, qui avait définitivement rompu avec le sectarisme et le gauchisme du passé. Et il ne manquait pas de m’en faire la remarque, quand mon naturel de vieux gauchiste des années 70 revenait au galop. Et de m’expliquer patiemment qu’il fallait unir et non cliver.

Parce que Hubert était un homme franc qui disait ce qu’il avait à dire. Et ses jugements sur les un-e-s et les autres pouvaient parfois être implacables.

Et quand cela ne lui plaisait pas, on le voyait s’agiter sur sa chaise, tortiller impatiemment ses papiers, torturer son stylo,  en signe de désapprobation.

C’était un militant apprécié de tous, aussi parce qu’il était toujours prêt à rendre service, en ne ménageant pas son temps et sa peine. S’il n’avait pas sa langue en poche, il avait le cœur sur la main.

Cela dit, où il n’était pas trop au top, c’est dans l’usage du GPS : pas sûr que nous arriverions à bon port par le chemin le plus rapide…

 

C’est à lui, parmi les militants proches, que je m’adressais quand j’avais une question politico-personnelle difficile à résoudre. On m'avait proposé comme tête de liste régionale aux élections de 2019; nous avons longuement ensemble fait le tour de la question. Il savait bien où je mettais les pieds et ses conseils étaient francs et sensés.

C’est avec la même franchise et le même bon sens que, il y a quelques semaines, il m’a interpelé sur 30 ans de ma vie : «  Maxime, qu'as-tu eu à aller vendre des bouchons de hauts - fourneaux, alors que tu aurais pu être journaliste comme ton père ? »

Et il ajoutait, tellement confiant dans l’avenir : « A un de ces jours. Comme pour les prochains mois je ne compte pas trop m'éloigner de la Citadelle, on est en train de faire des projets pour faire du vélo dans le coin. Wanze est dans nos possibilités ! »


Nous perdons tous un camarade de grande valeur, parti bien trop tôt.

Si personne n'est irremplaçable, je dirais bien que, pour moi en tout cas, oui, Hubert est irremplaçable.

Ils ont, avec  Paula, avec tous les anciens du SVB, d’Amada et du PTB, par leur travail assidu de plusieurs décennies, par belles et par laides, créé les conditions de l’émergence d’un grand parti marxiste de la gauche radicale en Belgique, fait unique en Europe.

Le « fiston », la « petite sœur cheminote », tombés sans doute dans la marmite de la potion magique révolutionnaire quand ils étaient petits, et tous leurs camarades de la génération suivante étaient alors là, fidèles au poste, pour reprendre le flambeau.

Merci à toi, camarade Berten-Hubert.

Immense respect.

Condoléances émues à Paula, Raoul et Line, Laura, et Rafik, aux petits enfants aussi, et à toute la famille et aux proches.

Proches ? En fait ne  le sommes - nous pas tous, ses proches ?