mercredi 10 février 2016

FN- HERSTAL, LE 9 FEVRIER 1966 , LA LUTTE COMMENCAIT. CECILE DRAPS TEMOIGNE

C'était  , le 9 février, que , il y a 50 ans , un mercredi, la grève des 3800 femmes de la FN de 1966 a vraiment commencé.C'est le premier arrêt de travail, en guise d'avertissement.
«  C'est une ouvrière du grand hall la vieille Germaine qui donne le ton : elle fait un drapeau d'un balai et d'un chiffon rouge et entraîne ses compagnes derrière elles." ( MT COENEN "La grève des femmes de la FN en 1966" p110)

Ce blog pour rappeler,inlassablement,  à la veille des grandes commémorations de la grève des femmes le rôle de la principale activiste du mouvement GERMAINE MARTENS ,- je reproduis ci dessous à nouveau les principaux extraits d'une interview donnée en 1974;
et pour transmettre le témoignage d'une militante, active dans le soutien à la grève, l'avocate
liégeoise CECILE DRAPS.
J'ai aussi corrigé mon blog précédent- en fonction des remarques et observations principalement de Cécile . voir http://rouges-flammes.blogspot.be/2016/01/fevrier-1966-herstal-la-greve-des.html


 
GERMAINE( de profil)  devant le 1er rang du cortège qui rejoint l'assemblée à La Ruche (17/02/1966)


 LA « PETITE GERMAINE » RACONTE :
« Quand nous avons reçu notre feuille de paie du mois de janvier 66, et qu'on a vu que l'augmentation n'y était toujours pas, nous avons compris qu'il fallait arrêter nos machines. Nous sommes allées dans tous les ateliers et nous avons poussé sur les boutons pour arrêter la production. »( C'était le mercredi 9 février 1966 - NdlR)
Nous avons appelé à une réunion générale . Quand toutes les femmes ont été dans la salle , les délégués sont venus et nous leur avons dit qu'il fallait satisfaction pour nos salaires.
Ils nous ont répondu :  « Attendez, on va discuter avec les patrons .»
Dans "L'AVENIR" du 1er février 2016
Nous avons répondu : « Non, nous avons attendu assez longtemps ! Nous vous donnons 8 jours ; si dans 8 jours, nous n'avons pas eu satisfaction, nous partons en grève.
Et nous sommes retournées à nos machines bien décidées à faire ainsi .
Et 8 jours après, nous sommes retournées en assemblée ; et comme il n' y avait toujours rien, nous sommes parties en grève
[...]

Nous étions quelques femmes à nous voir souvent à l'usine dans les groupes ( les unités de production) et aux toilettes .
On parlait politique comme les hommes . Une femme qui a travaillé des années à l'usine fait aussi bien de la politique qu'un homme. Elle connaît mieux la politique, car c'est elle qui a le porte monnaie pour vivre , et l'homme ne l'a pas !
PHOTO D'ATELIER: GERMAINE, la 1ère à gauche (photo Y. MERVEILLE)
On nous parlait de l'égalité ses salaires depuis des mois et des mois.
Comme on ne voyait rien qui changeait, nous parlions beaucoup de grève entre nous, et avec les ouvrières.
Nous étions connues des ouvrières depuis des années ; je parlais dans toutes les assemblées syndicales et je poussais les autres à parler.
C'est nous qui avons arrêté les machines et appelé toutes les ouvrières à la réunion . J'en ai même battu une qui ne voulait pas arrêter.
On ne s'appelait pas Comité d'Action à l'époque, mais nous étions vraiment un groupe d'ouvrières qui agissions ensemble.
Quand la grève a été déclenchée, - (le mercredi 16 février NdlR) nous avons pris le nom de Comité d' Action ...
C'est nous autres les ouvrières du Comité d'Action qui sommes allées partout pour faire la solidarité, et faire connaître la grève de la FN.
[...]
Nous avons été aux ACEC HERSTAL et chez SCHREDER et nous les avons fait partir en grève par solidarité .
Nous avons été souvent aux ACEC de CHARLEROI, qui sont partis en grève .
Nous avons été dans tout CHARLEROI, avec le micro, pour appeler à la solidarité.»
 Interview de Germaine Martens dans le périodique « La Parole au Peuple" n°15 janvier 1975)






CECILE DRAPS  TEMOIGNE:  

 
                                   3/03/2012 St JOSSE (50 ème anniversaire de l'indépendance algérienne)                                    CECILE DRAPS(1ère à g) -avocate du FLN ; à dr.Suzy ROSENDOR, "porteuse de valises"
J'ai rencontré ce lundi 8 février 2016 , CECILE DRAPS .
Toute jeune avocate, elle  faisait partie de ces courageu(ses)x avocat (e)s, qui avaient constitué, pendant la guerre d'Algérie,  les collectifs de défense du FLN , en France mais en Belgique aussi
Ce qui n'était pas sans risques : tous les activistes qui soutenaient le FLN, et en particulier les avocats des collectifs étaient sous la menace de représailles mortelles de « La Main Rouge » , organisation terroriste créée par les services spéciaux français, qui a assassiné en Belgique le professeur liégeois LAPERCHE, et tenté d'assassiner le professeur Pierre LEGREVE ; les mêmes services secrets ont assassiné à Paris l'avocat français du collectif de défense Me Ould Aoudia .

Aujourd'hui- elle a 83 ans - et est restée fidèle  à ses convictions de toujours. Rare femme à être avocate à la Cour de Cassation, elle a d'autre part signé en 2014 l'appel à soutenir les listes PTB Go.   En février 1966 , au moment de la grève des femmes, Cécile est , avocate à LIEGE,  militante du Parti Communiste Wallon.   Elle se souvient parfaitement de ce qui a été un des moment des plus marquants dans sa vie militante.
Elle insiste :
La grève des femmes est vraiment venue de l'intérieur de l'usine , de la révolte des 3000 ouvrières, avec ce noyau combatif déterminé et militant, autour de Germaine.
A ce moment là , Germaine n'était membre d' aucun parti- elle rejoindra , je pense, le PCW , mais après la grève.
Il faut relativiser le rôle du « Parti Communiste Wallon ».
Nous n'étions qu'une poignée . Parmi nous, notamment Jean  DERKENNE, qui est resté toute sa vie un militant fidèle à ses idéaux ;  d'autres ont, par la suite rejoint le PS.
Nous avons été aux portes de l'usine tout au début de la grève , et nous avons rencontré alors Germaine et ses camarades.

Et par la suite , nous nous sommes vues pour ainsi dire tous les jours.
Notre rôle a été essentiellement un rôle de soutien logistique à leur mouvement, et bien sûr aussi de soutien moral et politique, parce que au début, les pressions de la structure syndicale étaient très fortes pour qu'elles reprennent le travail.
J'ai eu l'idée de faire une affiche , et c'est un copain qui l' a dessinée.
Il se fait que cette affiche – simple, belle,accrocheuse, - correspondait parfaitement à la revendication des femmes, qui s'en sont emparées.
Nous les avions collées sur des dizaines de panneaux et les avons amenées pour les manifestations . Et 3000 femmes dans la rue avec plein de panneaux avec la même affiche accrocheuse , ça impressionne !
Certains responsables des centrales syndicales , au début ne voulaient pas de cette grève et poussaient à la reprise du travail ; ils ont malencontreusement voulu empêcher les femmes de prendre ces panneaux, mais c'était peine perdue.
Ce n'est pas quelque chose qu' en tant que groupe extérieur nous avions voulu imposer au mouvement.
Cela correspondait parfaitement aux besoins des femmes en grève de s'exprimer, et c'est ce qui en a fait l'affiche - symbole , restée dans l'histoire.
Nous nous rencontrions chez Germaine à Saint Nicolas avec ses camarades et c'est elles qui parlaient pour rédiger le texte des tracts du Comité d'Action, que nous imprimions.
Nous les accompagnions – comme chauffeur notamment – aux autres usines  pour les diffuser , au nom du Comité d'Action.
Les gamins au VAL SAINT LAMBERT( année inconnue)
J'ai été très marquée par la distribution de tracts au Val Saint Lambert : il y avait là des centaines de gosses- ils avaient peut être 14 ans, mais ils étaient encore si petits, si jeunes ! - et ils arrivaient avec leur petite mallette, et leurs tartines.
Je les ai accompagnées aussi à Charleroi, aux ACEC, je pense que c'était le jour du démarrage de la grève là-bas .
C'était vraiment ce noyau du Comité d'Action – une petite dizaine d'ouvrières- qui était l'âme militante de cette grève- même si elles n'étaient jamais invitées à parler à la tribune des grandes assemblées, mais Germaine prenait souvent la parole.
C'était elles qui étaient en tête des rassemblements et qui étaient reconnues par l'ensemble des ouvrières comme les leaders naturelles.
Le Comité de grève n'est venu que plus tard , quand il est apparu que les femmes tiendraient bon sur leur revendication, ne reprendraient pas le travail contre quelques promesses et que la grève serait longue( proposé à la 3ème assemblée générale des grévistes le 28 février,le comité de grève et constitué officiellement à l'assemblée du 3 mars NdlR) .
25 avril, plusieurs membres du Comité de grève dans la marche sur Liège( ph MTC p151)
Il sera actif pour gérer les collectes de solidarité et les fonds sociaux. Il faut bien comprendre la grève a été dure pour les ouvrières , parce que 12 semaines sans paie, plus le mari qui bien souvent travaillait aussi à l' FN et était chômeur, c'était très dur pour les familles.
Personnellement, je n'ai jamais rencontré Charlotte HAUGLUSTAINE ( la présidente du comité de grève NdlR), et si elle a pris la parole à la tribune de l'assemblée, bien que j'aie assisté à plusieurs assemblées, je ne peux pas mettre un visage , aperçu depuis le fond d'une salle de 3000 ouvrières, sur son nom.

L'Union des Femmes qui a signé l'affiche – et dont le nom était dés le début sur de nombreux panneaux n'était pas un groupe particulièrement structuré et militant.
C'était des femmes engagées et reconnues, qui avaient donné leur nom pour populariser des revendications spécifiques aux femmes – comme l'égalité des salaires.
Il y avait effectivement Melle HANNEVART, connue pour son soutien à l'Espagne républicaine  et sa mission d'observatrice sur la ligne de front dans la guerre de Corée en 1952.
Yvonne JOSPA militante communiste. Fondatrice du MRAX
 Yvonne JOSPA communiste–avait fondé pendant la guerre, l'association secrète du Comité de défense des Juifs qui sauvera de la déportation des milliers d'enfants juifs.Elle sera également l'une des fondatrices  du Mouvement contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie (M.R.A.X.)
Et n'oublions pas Elena HAZARD , femme engagée d'une grande sincérité et d'une grande compétence ( qui a été un temps journaliste à « La Voix du Peuple" hebdo du PC Grippa).
 
Les femmes du Comité d'Action, dont GERMAINE, sont allées à BRUXELLES, pour la célébration de la Journée des Femmes du 8 mars, organisées par l'Union des Femmes et y ont rencontré ces personnalités.
(J'ai personnellement un souvenir d'une salle enthousiaste au Shell Building le 13 mars– les femmes du Comité d'Action y étaient follement applaudies et fleuries NdlR)

 Le comité de femmes surtout bruxelloises "A travail égal, salaire égal" sera lui créé plus tard ( le 21 avril 1966 NdlR))



En fait, la rencontre entre les femmes du Comité d Action et la poignée de militant(e)s du PCW -  Union des femmes, s'est faite, parce que nous étions là, militant(e)s engagé(e)s, enthousiastes et mobilisé(e)s 24h sur 24, et que nous avons répondu tout de suite et vite, au besoin qu'elles avaient d'exprimer leurs revendications , de les faire connaître , de les crier dans la rue ,
au besoin aussi d'étendre leur mouvement aux autres usines, alors que ceux la mêmes qui auraient dû être à leurs côtés, freinaient des 4 fers.
( Ce n'était donc pas une tentative de groupes extérieurs communistes irresponsables de noyauter la grève , comme cela a souvent été présenté , à tort. NdlR)
En fait, nous les avons aidées à prendre possession de la rue (manifs répétées de l'usine à « La Ruche » pour les assemblées) ,qui était de fait le lieu de rassemblement et de mobilisation , puisqu'il n' y avait pas de piquets.
Et nous leur avons tout de suite apporté un soutien moral et politique.
Mais, en tous les cas, c'est elles qui ,à 100 %, traçaient la voie.

HERSTAL :  GERMAINE en tête , le poing levé ( flèche bleue)



Note: curieuse évolution d'une photo

En sélectionnant la photo d'en tête de ce blog : je m'aperçois que elle a été coupée, et qu'il y a une version B avec Germaine Martens  , et une version A sans Germaine ( publiée notamment dans le livre de MTC p115, par ailleurs ouvrage intéressant très complet sur la grève)
VERSION B GERMAINE est en tête
Version A  GERMAINE a été coupée
              

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