lundi 7 août 2017

1917: UOMINI CONTRO - DE STOCKHOLM A PETROGRAD

Le centenaire de la Grande Guerre se poursuit dans un silence plutôt assourdissant : comme si dans "14-18", il n'y avait que deux dates,1914 et 1918 , alors qu'il y eu 4 longues années de massacres,         ( comme ceux de PLASSENDAELE - 600000 morts !)  de deuil, de faim et de misère.
1917  est une de ces années. Quand les consciences se réveillent, quand des voix de plus en plus nombreuses se font entendre contre les marchands de canon et les partisans de la guerre "jusqu'au bout" . - en quelque sorte les néo conservateurs de l'époque.
Ces voix , les unes  appellent à la cessation des hostilités et à la  la paix, d'autres veulent la paix par la révolution.

ROUGEs FLAMMEs, ( "DES HOMMES CONTRE") a abordé dés 2014- l'histoire des minoritaires socialistes de Gand - les JGS de "de Rode Jeugd"- et  d'Anvers, autour de Jef Van Extergem
https://rouges-flammes.blogspot.be/2014/12/1914-1918-uomini-contro-les-jgs-sjw-de.html
https://rouges-flammes.blogspot.be/2014/12/1914-1918-uomini-contro-kameraad-jef.html

De même , pour  le message de  Karl Liebknecht et des "Zimmerwaldiens" - dont Lénine - qui , dés 1914 avaient proclamé :

L'ENNEMI PRINCIPAL DE CHAQUE PEUPLE EST DANS SON PROPRE PAYS"    

https://rouges-flammes.blogspot.be/2014/10/1914-1918-uomini-contro-cest-alors-que.html

https://rouges-flammes.blogspot.be/2015/09/1914-1918-uomini-contro-zimmerwald.html


Aujourd'hui , je reviens sur le grand débat en Belgique dés l'été 1917- il y a 100 ans-  sur la participation à la conférence pour la paix de STOCKHOLM, conférence par ailleurs,  jamais convoquée.

Manifestation pour la paix à STOCKHOLM
La conférence de Stockholm, au centre de l’action des minoritaires en 1917-1918, est une tentative née au printemps 1917 au sein de partis sociaux-démocrates de la 2e Internationale (les Néerlandais et les Scandinaves — pays neutres — et le Belge Camille Huysmans) de réunir une conférence de la paix regroupant les partis socialistes de tous les pays, belligérants des deux camps et pays neutres. Camille Huysmans, ancien secrétaire de l’Internationale en devient le principal organisateur.
C’est sans doute à la fois une réponse aux conférences anti -guerre de Zimmerwald et Kienthal, qui avaient lancé un appel à la paix immédiate et une tentative des centristes pacifistes au sein de la 2e Internationale de profiter de la nouvelle donne créée par la révolution russe de février 1917 .
En effet,  l’éphémère gouvernement russe de Kerenski et les sociaux démocrates mencheviks soutenaient leur tentative de ressusciter  l’Internationale assassinée en août 1914. 
Mais c’est avant tout, contraints et forcés par la volonté de paix immédiate qui monte dans toute l’Europe, et en particulier de Russie, des tranchées, des usines et des faubourgs.
Camille Huysmans : Dans l'ombre des titans"
Mise sur les rails, cette conférence de paix, sorte de Versailles social-démocrate avant la lettre, met en place une consultation préalable à l’été 1917 de tout ce que l’Europe compte d’organisations socialistes — y compris toutes les minorités nationales des empires moribonds, y compris les minoritaires pacifistes des différents pays, y compris des partisans de la guerre jusqu’au-boutistes. Mais, finalement, le projet avorte.
Lénine et les bolcheviks russes, prônant depuis 1914 et dans toutes les réunions internationales une rupture radicale et définitive avec les sociaux patriotes de la 2e Internationale, boycottent la conférence — non sans débat interne puisqu’un dirigeant de Petrograd Kamenev appelle à y participer.
Les fous de guerre, imbibés de nationalisme et de chauvinisme, tels nos dirigeants POB, Vandervelde De Man et De Brouckère,  s’ils participent aux consultations de l’été 1917, refusent jusqu’au bout de s’asseoir à la même table que leurs ennemis (les sociaux-démocrates allemands et autrichiens, fussent-ils même opposés à la guerre).
De plus, les dirigeants impérialistes des gouvernements français et anglais, tels Lloyd George, Clemenceau ou Wilson ne sont pas prêts à laisser aux sociaux-démocrates la main sur la guerre ou la paix. Dans une belle unité, les gouvernements italien, anglais, français et américain refusent d’accorder des visas aux congressistes. Le moment venu, après encore quelques millions de morts, à Versailles, ils imposeront eux-mêmes leur odieuse paix.
Il n’empêche. Dans le climat de nationalisme belge chauvin, de haine de tout ce qui est « boche » qui traverse toute la société, entretenu aussi bien par le gouvernement du Havre que par la direction du POB, la volonté de paix immédiate, montant du peuple, se cristallise dans la gauche de Belgique sur la convocation ou non de la conférence sociale-démocrate de Stockholm.
La position des institutions était claire : « Le POB se refuse à collaborer à une action en faveur d’une paix immédiate […]. Le POB considère comme dangereuse toute agitation en faveur d’une paix prématurée. Le POB se refuse catégoriquement à entrer actuellement dans cette voie illusoire et dangereuse. […]. C’est par la continuation de la guerre que — du dehors ou du dedans — seront brisées les dernières résistances au triomphe de la démocratie et du droit 28. »

Quant au gouvernement du Havre, dans lequel siège Émile Vandervelde, Le Socialiste belge, journal des socialistes belges résidant en Hollande, proche de Huysmans, résume bien sa position : « Le gouvernement belge considère Stockholm comme une œuvre de trahison devant amener une paix allemande. Le gouvernement belge refuse des passeports pour Stockholm. Le gouvernement belge juge que “la paix est la besogne des gouvernements ; que la place des travailleurs est dans les tranchées et dans les fabriques de munitions”29. »
La revendication d’une conférence n’est certes pas le monopole des deux groupes minoritaires flamands organisés à Gand et Anvers. Charles Massart écrit : « Enfin Stockholm vint et ce fut le point de discrimination entre “jusqu’au-boutistes” et “pacifistes”, entre “majoritaires” et “minoritaires”. » Il écrit, en note : « si je ne parle pas des réunions de Kienthal et de Zimmerwald, c’est qu’elles furent relativement peu connues en Belgique, et que les minoritaires tout au moins n’eurent pas l’occasion de prendre position30 ».
Joseph Jacquemotte, dirigeant internationaliste du syndicat des employés, se bat au sein du Conseil général du POB en présentant une motion pour la conférence de Stockholm, rejetée le 22 août 1917 par 70 voix contre 5 ! C’est au sein de la Centrale d’éducation ouvrière que dirige Charles Massart que la flamme internationaliste continue à brûler dans les structures du POB : « elle a été le lien rouge rattachant les camarades isolés de province au centre31 ». Fin décembre 1917, début décembre 1918, c’est dans la fédération bruxelloise du POB que la fronde pro-Stockholm se répand : motion de la Ligue ouvrière de Bruxelles, ordre du jour de la Ligue d’Uccle, réunion du comité national de la Commission syndicale, ordre du jour de la Ligue de Laeken. Le 30 janvier 1918, au sein du Conseil national du parti, « Jacquemotte fut le principal interprète des tendances de ceux qui estimaient qu’on devait aller à Stockholm pour être certain de reconstituer en temps utile l’Internationale afin qu’elle pût, à l’heure sonnée, intervenir pour que le rétablissement de la paix coïncide avec le triomphe de la démocratie dans le monde et la plus énergique action du prolétariat international 32 ».
Mais dans un nouveau vote, les minoritaires sont à nouveau battus par 26 voix contre 16
Joseph Jacquemotte épouse en août 1914 la position unanime du POB de « défense de la patrie » ; la publication de L’Exploité est interrompue. La guerre met un frein à son travail d’agitation. Il suit les cours de Charles Massart qui, à la Centrale d’éducation ouvrière, l’initie au marxisme. Il collabore comme syndicaliste à l’œuvre du Comité national de secours et d’alimentation, prend la défense des employés communaux opposés à la flamandisation de l’administration bruxelloise exigée par le Conseil de Flandre (il participe à leur manifestation, à la Grand-Place). Le réveil syndical précède l’armistice avec une grève de cinq mois en 1918 des 450 employés du Grand Bazar de Bruxelles, qu’il dirige en pleine occupation 33.
Sous l’effet de la révolution d’Octobre, d’autres groupes internationalistes se développent, comme un Groupe internationaliste — section belge, dont fait partie Félix Coenen, dirigeant JGS, futur fondateur du Parti communiste, qui déclare « criminel et contraire au principe du socialisme de vouloir contribuer au maintien de l’état de guerre ».
À Huy, un groupe L’ère nouvelle se constitue, avec Joseph Thonet militant du POB, ancien JGS. À Bruxelles, Van Overstraeten, secrétaire des JGS, artiste peintre, anime un groupe rallié à la révolution d’Octobre.
La propagande antimilitariste des groupes anarchistes s’amplifie et, un temps, ils soutiennent la révolution d’Octobre. Ainsi, dans un message au soviet de Petrograd, un Comité de défense sociale — parmi eux, Théo Counet, un des fondateurs du PC — « adresse ses félicitations pour l’œuvre accomplie par votre gouvernement […]. Il n’est pas homme au monde qui ait un intérêt avouable à vouloir la continuation de la guerre. Nous nous rangeons donc à vos côtés pour le triomphe prochain d’une paix honorable34. »
La gauche socialiste minoritaire belge, cette « infime minorité » comme disait Charles Massart, offre donc un visage bien contrasté, bien contradictoire. 
D’un côté, Jef Van Extergem inscrit l’action du VSAG dans le cadre du Raad van Vlaanderen et soutient la création de l’université flamande, de l’autre Joseph Jacquemotte appelle à la grève des fonctionnaires contre la flamandisation de l’administration bruxelloise.
"Notre point de vue"  Manifeste du Vredesgroep
 D’un côté, le Vredesgroep, exclu du POB, appelle en 1918 à une 3e Internationale et de l’autre les minoritaires anversois restent, vaille que vaille, dans le giron du parti. Leur plus grand dénominateur commun est la paix immédiate par la négociation, au moyen de la conférence de Stockholm. Après son échec, leur catalyseur politique est la révolution russe d’Octobre, et leur talon d’Achille, la question flamande. Visages contradictoires de groupes jeunes mais courageux, encore peu expérimentés, plongés dans l’inextricable complexité de la société belge.
Et pourtant, c’est de ces contradictions, à partir des composantes de cette gauche radicale minoritaire, que naît, en 1921, le Parti communiste. En octobre 1919, les Gantois et une partie des Anversois forment les premiers, une organisation communiste en Belgique : le Kommunistische Bond ou KP-Vlaamse Federatie, avec le journal De Internationale. Par la suite, à travers un processus complexe de fusion-séparation-fusion et à travers de nombreuses contradictions idéologiques (participer ou non aux syndicats, participer ou non aux élections, soutenir ou non le mouvement flamand), « l’infime minorité » se rassemble pour former en septembre 1921 le PCB.
Voir l' article 

Minoritaires socialistes — pacifistes, flamingants et révolutionnaires — contre la guerre

complet dans "Etudes Marxistes" n°112
Notes
28 Mémoire du Parti ouvrier belge, Juillet 1917, Londres 1918.
29 « Stockholm-Le Havre », Le Socialiste Belge, hebdomadaire bilingue de l’Union des travailleurs socialistes résidant en Hollande, 1er septembre 1917.
30 Charles Massart, , La Belgique socialiste et communiste, Librairie de l’Humanité, 1922, p. 123.
31 Claude Renard,  « Octobre 1917 et le mouvement socialiste belge », Fondation Joseph Jacquemotte, Bruxelles 1967.  p. 43.
32 M. A. Pierson, Histoire du socialisme en Belgique, Institut Emile Vandervelde, 1953, p. 134.
33 Jules Pirlot et Milou (Émile) Rikir, Joseph Jacquemotte (1886-1936), Bruxelles, CarCoB, 2011, http://www.carcob.eu/IMG/pdf/biographie_joseph_jacquemotte.pdf.
34 Claude Renard, op. cit., pp. 74-75.