vendredi 9 mars 2018

EROS CENTER:"A tous ceux qui disent que la prostitution est un métier comme un autre, je leur demande pourquoi ils ne le proposent pas à leur mère, à leur femme ou à leur fille." (J. L. Mélenchon)

Cet article date de juin 2013 . 
Je le publie ce 8 mars 2018,  Journée Internationale pour les droits de la femme alors que le projet de EROS Center à Seraing, porté par le maïeur PS , Alain Mathot, revient dans l'actualité.
Je n'en ai pas changé une virgule.                                                     A l'époque, un camarade m'avait demandé “tu ne pourrais pas essayer de faire le tour du problème des Eros Center, pour voir ce qu'un parti de gauche peut penser là dessus ?” 
Je ne sais pas trop si ce travail a alors pu être utile , mais je pense que, pour l'essentiel, même si les références datent, les positions en présence n'ont pas vieilli.
Peut être ,certaines prises de position ont elles évolué- Ecolo par exemple, dont la co - présidente d'aujourd'hui est clairement à contre courant  des points de vue  "Ecolo - Liège" exposés ci dessous  ?
Le projet de Liège a été abandonné , mais à Seraing, ce n'est que ce
mois ci ,en mars 2018, que l'appel d' offres annoncé il y a 5 ans , va être lancé , pour une ouverture annoncée en 2020.

Une importante évolution depuis 2013 a été le choix abolitionniste du gouvernement Hollande en France avec le vote d'une loi dans ce sens, qui a porté le débat dans toute la société.
A noter aussi le choix abolitionniste du Parlement Européen, dans sa résolution du 26 février 2014. (note a) 
A signaler aussi en Belgique l'importante “Carte blanche “ du Vif en 2017 :”Prostitution belge : et si on parlait abolition ? “(26/09/17)  (note b) 
en réponse à une autre Carte blanche du 20/09/17 dans le même journal :”Pourquoi notre société doit faire une place aux travailleurs du sexe ?”(note c)
Enfin, à lire aussi  - comme contribution récente le débat au sein de la gauche radicale allemande à Brême ( note d)

"EROS CENTER : QUEL  POINT DE VUE  POUR  LA   GAUCHE ?" ( juin 2013)
Le dossier de la prostitution est sur la table des conseils communaux à Liège et Seraing ,en région liégeoise, mais aussi à Schaerbeek, Saint Josse et Bruxelles Ville.

A Seraing, le bourgmestre PS MATHOT et le collège ont décidé de hâter les choses en lançant un appel d'offres pour la construction d'un nouveau bâtiment,suivant un cahier des charges (1) destiné à accueillir les "travailleuses du sexe" à "la Cour des Miracles" .



EROS CENTER
Seraing


2013 - Etude en cours

Maîtrise d’ouvrage : ERIGES ( Eriger Seraing ) - Régie communale autonome (RCA) de Seraing
Maîtrise d'oeuvre : Jardin : Atelier EOLE Paysagistes / Architecture : JAA
Budget global estimé : 5M d'€ Superficie : 4 850m²
Lauréat de l’appel d’offres général européen en 2013. Afin d’encadrer la prostitution sur son territoire, la Ville de Seraing va entreprendre la construction d’un centre dédié à la profession. La structure créée sera gérée par une ASBL publique, première structure du genre en Belgique.
Le bâtiment est imaginé comme un lieu de travail normal et sécurisant. L’Eros Center s’étend sur 2.000 m² en plusieurs niveaux : 34 chambres, un bureau médical, un bureau de police et des locaux de détente. Le projet s’articule autour d’un jardin intérieur destiné uniquement au personnel.
L’activité du centre est dissimulée aux usagers de la voirie par un système de brise-vue composée d’un voile ajouré étiré le long de l’allée d’accès, traversant le parvis d’arbres, pour dissimuler le parking.



A Liège, en réponse aux interpellations d'un conseiller ECOLO, le bourgmestre PS DEMEYER a annoncé le débat et la décision pour juin ou septembre.
Le but des bourgmestres MATHOT et DEMEYER est de réglementer la prostitution dans leur commune en y installant ,sous contrôle public et associatif, des "EROS CENTER"qui dans leur conception devrait remplacer à LIEGE, les 51 salons fermés en 2011 dans le quartier NORD CATHEDRALE , et devrait à SERAING canaliser la recrudescence non contrôlée de la prostitution depuis les fermetures de Liège.

"C'est la moins mauvaise des solutions" affirme A. MATHOT.
Cette démarche ne concerne qu' une faible partie de l'activité de prostitution: les salons liégeois et
serésiens , qu'on pourrait qualifier de "petit commerce" des pauvres : délabrement des salons, conditions d 'hygiène déplorables , violence, insécurité publique.     Il faut insister sur le fait qu’un tel confort sanitaire est incomparable avec les conditions de travail qui existaient rue du Champion et de l’Agneau. Et que dire de la rue Marnix à Seraing!
Le site comporterait des bureaux de gestion administrative, des locaux d’entretien ménager et de buanderie, un local pour des entretiens médicaux, juridique ou sociaux, une conciergerie, et peut-être un terminal bancaire accessible aux clients pour des retraits et aux prostitué(e)s pour des dépôts.
Un commissariat de police serait installé à proximité. Le site présenterait peu de visibilité extérieure et serait fermé par des portes automatiques pour que n’y entrent que les personnes qui ont décidé, en connaissance de cause, d’y entrer.
Les salons seraient loués par tranches de 8 heures, avec possibilité d’occupation 24h/24 par pauses (ce qui est déjà pratiqué dans les anciens salons). Un secrétariat gérerait le calendrier d’occupation. Un dossier administratif serait tenu pour chaque locataire. Une aide serait proposée personnellement pour toutes les difficultés de vie de cette population généralement marginale ou précarisée. ».. . La prostitution est organisée et considérée comme un métier: les maisons closes sont la propriété du pouvoir public ou sont soutenues et contrôlées par lui. Les tenanciers ne sont donc pas poursuivis, les prostituées sont enregistrées et soumises à des contrôles médicaux. Le système n’envisage pas de mesures, ni de prévention, ni de réinsertion des personnes prostituées. L’objectif est de contrôler la prostitution en la canalisant dans des quartiers ou des endroits prévus à cet effet. »

Nos maïeurs veulent passer au stade du super marché en concentrant en un seul endroit l'activité, en "franchisant" les femmes "indépendantes" et en assurant l'intendance : salon moderne -avec l'eau chaude-assistance médicale, contrôle policier, assistance sociale,suivi de la comptabilité
Il et clair que ce projet rentre dans le cadre de leur volonté de "moderniser" leur cité en éradiquant toute trace visible de marginalité : mendicité, drogue ,prostitution.etc.

Une association asbl ISATIS ( Initiative sociale d’aide aux travailleurs indépendants du sexe) a été créée pour porter ce projet et regroupe sous la présidence de Michèle VILLAIN de l'association d'aide aux prostituées ICAR ,des conseillers communaux des 4 partis politiques , de diverses associations,et un criminologue Mr DANTINNE.
La zone de police et le parquet (DANIELE REYNDERS) soutiennent le projet.
LE PROJET LIEGEOIS est  présenté en 2011 par C. LEVA et M VILLAIN - (Interdire ou organiser la prostitution -EDUCATION SANTE 278 ,279 ,280 (2)
...« En résumé, il s’agirait d’un bâtiment créé en forme de ruelle avec une petite place centrale, accessible par deux accès, comme un petit centre commercial. Des salons, au nombre d’une cinquantaine dans l’état actuel du projet, seraient face à face, et sans doute à l’étage. Chaque salon aurait une vitrine, et serait aménagé de façon adéquate pour l’usage. Des sanitaires, du chauffage et une sonnette de secours complèteraient l’installation.

Plus largement, ce dossier, qui est un dossier de société, a été ou est en discussion dans de nombreux pays européens FRANCE, PAYS BAS,ALLEMAGNE, SUEDE, AUTRICHE, ITALIE avec des orientations très diverses et opposées: de la réglementation aux PAYS BAS à la pénalisation du client en SUEDE.
A noter aussi le rôle de "phare" joué par l'installation depuis 2005 à ANVERS de la "VILLA TINTO" (3) dont de nombreux protagonistes du dossier liégeois veulent s'inspirer.

Qu'en est il?
Quels sont les enjeux?
Quelles sont les positions en présence?
Quelle pourrait être une parole de gauche sur ce problème?

LES ENJEUX

1. Dans ce dossier est occulté de façon plus ou moins générale la part n°1 de la prostitution: le commerce de luxe destiné aux riches.
CANNES : Every boat has about 10 girls on it; ’
"Même les riches ont droit à aller au bordel", mais dans ce cas, on ne parle pas de prostituées, mais de call ou escort girls. L'affaire DSK ,a mis en lumière comment certaines grandes sociétés ( certains dirigeants d'EIFFAGE en l'espèce) ont pu utiliser la prostitution afin de conquérir des marchés publics.
Il 
est bien connu que dans le business, le recours aux parties fines est un argument de conquête de marché et est enregistré de façon dissimulée dans des notes de frais.
Les rendez vous du luxe , comme le Festival de Cannes, (4) montre que les yachts des millionnaires ou les hôtels de luxe 5* sont des lieux de rendez vous privilégiés.
Toute cette activité , qui brasse des millions d'€, ne passera pas- rassurez vous, elle est bien dissimulée- par "nos" petits EROS CENTER liégeois.
Le film récent "CAPITAL" , même si c'est du cinéma, témoigne aussi de cette pratique cachée parmi l'oligarchie des banques et de la finance.
Mais de tout cela ,on en parle peu ;  c'est la face cachée du capital.
VIA TINTO, EROS CENTER, voilà l'image visible du commerce sexuel légalisé.

2. Ce projet ne répond pas non plus à ce qui est l'aspect dominant de la prostitution: la traite des êtres humains essentiellement des femmes, qui est une des faces de la criminalité mondialisée
L'émission ENVOYE SPECIAL (5) nous révélait que en France, 52% de la prostitution se fait en ligne , détrônant ainsi le trottoir, les salons et autres centres de massage ; elle dépasse les frontières nationales et européennes et via des réseaux obscurs brasse des chiffres d'affaires considérables.
Elle se traite comme les autres achats en ligne avec notation de la prestation par le client,
C'est un « achat » comme un autre et INTERNET assure au client et à la (au) prestataire de service plus de discrétion et de confort.
Elle peut être le fait d'indépendantes, mais est surtout liée à des réseaux.

POINTS DE VUE EN PRESENCE

LES « POUR »
Mais direz vous , nos maïeurs sont réalistes et pragmatiques; ils combattent à leur niveau la prostitution clandestine en instituant des centres sécurisés et légaux.
Leur démarche peut se se résumer en une phrase :
"La prostitution est un mal nécessaire; elle a toujours existé et existera toujours; mieux vaut la réglementer que faire l'autruche"

Elle est le plus clairement développée par C LEVA et M VILLAIN -dans « Interdire ou organiser la
prostitution » -EDUCATION SANTE 278-279 et 280 (6)
M VILLAIN , présidente d'ISATIS est coordinatrice d'ICAR association d'aide aux prostituées

« Dans un système de réglementation, on part du postulat que la prostitution est un fait social inévitable, un mal nécessaire. Plutôt que d’interdire, il s’agit de contrôler en soumettant la prostitution à des règles dans l’intérêt du maintien de l’ordre public et des bonnes mœurs.

ECOLO LIEGE a une vision plus nuancée de la question, (présentée lors de la conférence de presse du 9/04/2011), (7) mais soutient le projet , par exemple à SERAING
Ecolo a donc accepté le principe de l’aménagement d’un espace dédié à la prostitution dans le bas de Seraing, mais c’est sur base de trois exigences :
  1. que la gestion n’en soit pas laissée au privé. Par définition, son objectif serait d’en retirer les plus importants profits possibles. Il va de soi que ce n’est pas l’objectif poursuivi, de plus cela ouvrirait la porte à des comportements « laxistes ». Dès lors, nous optons pour une structure à caractère associatif et non lucratif avec un cadrage public dont les bénéfices devront être utilisés au bénéfice de la réinsertion et de la protection des prostituées. L’intégration à l’asbl Isatis nous semble à l’heure actuelle la piste la plus sérieuse .
  2.  que des agents soient présents sur les lieux. Même si la formule doit encore être précisée, nous avons exigé un engagement clair en ce qui concerne la présence sur place de policiers accessibles et disponibles. Si l’endroit n’est pas sécurisé, la criminalité va y prospérer et risque de s’étendre au (futur…) centre, proche, de Seraing. Ce qui serait une hérésie par rapport aux projets urbanistiques en cours.
  3. que la lutte contre la traite des être humains soit intensifiée et coordonnée dans l’agglomération.

En 2011 , après une visite à la VILLA TINTO à ANVERS il est clair que ECOLO s'inscrit dans ce projet.

...”après avoir rencontré les gestionnaires de la Villa Tinto, la police du quartier et les responsables d’une association spécialisée, les Ecolos ont de nouveaux outils pour appréhender la situation liégeoise. « Ce qui se fait ici est impressionnant même si l’aspect commercial est un peu dérangeant, constate Guy Krettels, conseiller communal liégeois. Je préfère l’idée d’avoir une ASBL de gestion pour favoriser un aspect plus social que commercial. » (Le SOIR 24/09/2011(8)


Le 25 mars 2013 dernier , au conseil communal de LIEGE, le conseiller ECOLO KRETTELS a interpellé le bourgmestre , suite à la démission de V DE KEYSER (PS) de ISATIS....”restez vous sur le postulat de départ qui était de considérer que la ville de Liège devait prendre ses responsabilités...?...

Le MR (Mouvement Reformateur) est le parti qui expose de la manière la plus claire la vision “réglementariste” dans sa proposition déposée au Senat et qui sert de référence à C DEFRAIGNE au conseil communal de Liège

Proposition de loi visant à renforcer la lutte contre l’exploitation sexuelle, à réglementer la prostitution et à humaniser ses conditions d’exercice. (9)
Groupe MR du Sénat                                                            La présente proposition de loi a donc pour objectif de lutter contre la marginalisation sociale des prestataires de services sexuels par la clarification de leur situation professionnelle, afin qu’ils aient des droits et des devoirs comme tout autre travailleur sans pour autant créer un statut qui en ferait une promotion non souhaitable."
 Cette proposition accorde un statut de travailleur indépendant aux travailleuses (eurs) du sexe, confie la règlementation aux communes avec l'habilitation par elles de “lieux de prestations sexuels”.
Un conseil National de lutte contre l'exploitation sexuelle sera créé composé des différents acteurs magistrats zones de police services sociaux etc. qui vise “à l’enregistrement systématique auprès du Conseil, de toutes les personnes désireuses d’entreprendre une activité comme prestataire de services sexuels”

LES CONTRE
Contre ces points de vue,se sont dressées de nombreuses voix provenant essentiellement des organisations féminines et qui transcendent souvent les clivages de parti.
Dans la « lettre ouverte à Alain Mathot » (10) en décembre 2011 du Conseil des femmes francophones de Belgique , qui regroupe 200 associations féminines dont les organisations PS,MR ,FDF ,ECOLO.
Dans la perspective des valeurs que défend le Conseil des Femmes Francophones de Belgique - et donc des associations qui le composent -, telles que la dignité pour tous les êtres humains, l'égalité entre hommes et femmes, la libération sexuelle par une information saine sur la sexualité, la vie affective, le respect des femmes, nous vous rappelons que nous ne pouvons admettre :
· le développement d'une institution inégalitaire, telle que la création d'un « Eros center », qui repose sur la marchandisation des êtres humains, majoritairement des femmes et des enfants, et que la demande prostitutionnelle provient presque exclusivement des hommes ;
· la perspective d'un marché du sexe soutenu par les pouvoirs publics, qui ne ferait qu'entériner l'assujettissement d'un certain nombre de femmes, d'enfants et d'hommes à cette demande et la mise sur le marché du corps et de la sexualité ; · la signature paternaliste d'une telle démarche ; · une telle incitation à la prostitution que représente la mise en place d'une institution de ce type....”

Les Femmes Prévoyantes Socialistes en 2011(11)
Nous ne soutenons pas ce projet.Nous considérons l’achat de « services sexuels » comme l’expression d’une domination sexuelle et économique. Selon nous, la prostitution ne doit donc pas être promue voire encouragée par les pouvoirs publics, et ne peut pas être considérée comme « un métier comme un autre».
Il ne s’agit certainement pas de pénaliser les prostituées elles-mêmes. Mais la banalisation, et même la légalisation, des activités proxénètes – c’est-à-dire celles qui tirent bénéfice de la prostitution d’autrui – nous semble inadmissible.
Sans surprise le CEPESS centre d'études du CDH , dans une étude « :La mise en place de complexes hôteliers dédiés à la prostitution »2011 (13) s'oppose au projet
« nous réaffirmons que le corps n’est pas une marchandise et que la prostitution n'est pas un métier comme un autre
nous considérons que la prostitution constitue une atteinte à la dignité humaine ;
nous estimons que la prostitution est aussi une violence de genre et une inégalité entre les hommes et les femmes ;
nous nous opposons à la mise en place de complexes hôteliers dédiés à la prostitution car « la tolérance manifestée à l’égard de la prostitution en Europe ne fait qu’accroître l’arrivée en Europe de femmes exploitées à des fins sexuelles”
La Commission communale consultative « Femmes et ville » de la Ville de LIEGE en mai 2011 (12)
Elle regroupait 20 membres ( associations , partis, représentant du bourgmestre)


  • la perspective d’un marché du sexe ne ferait qu’entériner l’assujettissement d’un certain nombre de femmes, d’enfants et d’hommes à cette demande.
  • Le projet de création d’un Eros Center est étroitement lié à la problématique de la prostitution et est pour nous contraire aux principes contenus dans la Charte « Egalité Femmes – Hommes » :
  • la légalisation de la prostitution, institution inégalitaire repose sur l’exploitation des êtres humains -majoritairement des femmes et des enfants- alors que la demande prostitutionelle provient presque exclusivement des hommes .






    Plus récemment en février 2013 , Véronique De Keyser députée européenne et conseillère PS à LIEGE s'est retirée de la vice présidence de l'association ISATIS
    "le projet de réinsertion sociale d’Isatis n’a jamais été une priorité, la prostitution étant considérée comme un "travail comme un autre", ce qui n’est pas ma position".
    "un centre de type Eros, loin de faire baisser la criminalité associée (usage et vente de drogues, agressions etc), semble l’alimenter selon certaines recherches publiées depuis 2009, et les expériences similaires des pays voisins sont loin d’être des réussites “ La Libre 02/03/2013




        Nombreuse autres réactions dans le même sens dont

    le LOBBY EUROPEEN DES FEMMES, (14)
    le COMITE CONTRE LES VIOLENCES FAMI LIALES ET L'EXCLUSION (CVFE) (15)

    Remarquons comme document récent la Tribune libre du Soir de ce 9 mai 2013 signée par 21 personnalités et organisations dont Viviane TEITELBAUM, MR, Veronique DE KEYSER PS, Zakia KATTHABI Ecolo et Céline FREMAULT CDH : 
    (16)
    Propositions de loi autorisant l’exploitation de salons de prostitution, projets d’eros-centers à Liège, puis Seraing, et maintenant Schaerbeek et Saint-Josse… La Belgique voudrait-elle, à l’instar des Pays-Bas, se transformer en paradis des proxénètes ?

    Pourtant, la Belgique a ratifié en 1965 la Convention des Nations Unies pour la Répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui. Ce texte international, adopté dans la foulée des grands instruments de droits humains de l’après-guerre, définit la prostitution comme incompatible avec la dignité et la valeur de la personne humaine. En transposant dans son code pénal les articles de cette Convention, la Belgique, tout comme 16 autres pays de l’Union européenne, s’est engagée à lutter contre toutes les formes de proxénétisme, à soutenir les personnes prostituées dans leurs efforts de réinsertion, et à mettre en place une politique de prévention de la prostitution. “
QUEL POINT DE VUE POUR LA   GAUCHE ?

On le voit, la question de la prostitution est un débat de société qui traverse les partis dits traditionnels , entre réglementaristes et abolitionnistes. Ce dernier courant étant largement porté par les organisations féminines de tout bord.
Quelle voie suivre pour un parti de gauche  marxiste ?
Cela ne peut venir que d'un débat en son sein et de consultations avec les protagonistes  ; organisations féminines , associations de  prostituées, associations d'aide  ,d'un large débat dans tous les milieux de la société...
Le but de ce post est simplement de reposer un certains nombres de fondamentaux qu'une approche nécessairement  pragmatique et humaine ne peut effacer.
    1. LA FEMME  (OU L'HOMME) N'EST PAS UNE MARCHANDISE

Les libéraux présentent la chose comme la  prestation de service sexuel, un métier comme un autre, qui doit être reconnu comme une sorte de soin du corps , notons le essentiellement réservé aux hommes.
Les libéraux considèrent la demande de prestations sexuelles comme un fait établi , légitime, normal et ils organisent et réglementent l'offre .
Mais leur démarche ne s'attaque pas à la prostitution de luxe , ni d'ailleurs à la prostitution par le net puisqu'elle vise à ce qu'on réglemente au niveau communal par qui , où , et sous quel contrôle les prestations officielles enregistrées seront faites .
Ils vont créer des travailleuses du sexe officielles, reconnues, ouvrant ainsi une brèche dans laquelle va s'engouffrer l'immense armée des travailleuses « au noir », recrutées aux 4 coins de la planète, et envoyées là où il y de la demande ( de l'argent ,la compréhension des autorités, et la bienveillance de la société civile)
Bonjour les dégâts entre les vraies et les « au noir » .


2.  LE “LIBRE” CHOIX


Les partisans de la réglementation parlent du « respect du libre choix », habituelle tarte à la crème libérale
Il est reconnu par tous que la prostitution n'est pas une activité librement choisie, mais imposée à la fois par les misères de la vie et par la soif de profit des proxénètes.
Une infirme minorité échappe au milieu proxénète (étudiantes qui pratiquent occasionnellement pour payer les études,quelques indépendantes etc.)
Il est reconnu que la grande majorité des femmes voudrait s'en sortir , mais que rien ou très peu est fait dans ce sens.
Les pouvoirs publics préfèrent investir de l'argent public pour installer la prostitution que pour créer des structures leur permettant vraiment de se construire une nouvelle vie,
Cette notion de « prostitution choisie » avait en son temps  été validée par la Cour de Justice des Communautés européennes qui s’est prononcé sur le sujet le 20 novembre 2001
  l’activité de prostitution exercée en tant qu’indépendant peut être considérée comme étant un service fourni contre rémunération et relève, par conséquent, des dispositions du droit communautaire relatives à la libre prestation de service. » (17)

Cela renvoie aux oubliettes le texte de la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui , adopté en 1949 , dans la foulée de la Déclaration Universelle de Droits de l'Homme .
Article premier
Les Parties à la présente Convention conviennent de punir toute personne qui, pour satisfaire les passions d'autrui :
1) Embauche, entraîne ou détourne en vue de la prostitution une autre personne, même consentante;
2) Exploite la prostitution d'une autre personne, même consentante.
Article 2
Les Parties à la présente Convention conviennent également de punir toute personne qui :
 tient, dirige ou, sciemment, finance ou contribue à financer une maison de prostitution, donne ou prend sciemment en location, en tout ou en partie, un immeuble ou un autre lieu aux fins de la prostitution d'autrui.

( Ce qui vise directement les autorités communales de Seraing et d'ailleurs  , non?)

3. L' EGALITE HOMME - FEMME                                                                              Autre fondamental  :l'égalité entre l'homme et la femme                                                              Pourquoi est ce la femme qui est « prestataire de service » et l'homme consommateur ?

Ce sont des résidus du patriarcat , c'est à dire du rôle dominateur  de l'homme dans la société , ce qui n'est vraiment pas une idée moderne du 21ème siècle.
Comme si il y avait une éternelle division du travail la  femme donne (« preste un service ) et l'homme prend son pied (et paie) .
La femme subit un suivi médical ; l'homme entre et sort sans souci. La femme est fichée et surveillée par la police ; l'homme ne doit ni présenter sa carte d'identité, ni sa carte SIS ( nécessaire pour tout soin du corps), ni même décliner son identité.
La femme doit avoir présenté un certificat de bonne vie et moeurs, l'homme peut être un obsédé sexuel,ou avoir déjà été condamné par la justice, peu importe .
Comme dans toute activité commerciale, “le client est roi” puisque c'est son assiduité et son porte feuille qui assureront la consommation optimum de la marchandise ,la “rentabilité” ou la “compétitivité" du projet, 
Pourquoi tous les projets soutenus par les pouvoirs publics VIA TINTO, ISATIS etc. , ne visent-ils pas à détourner les hommes ,les clients, de la prostitution et d'ainsi réduire la demande.




Un parti de gauche dont les ancêtres ont salué l'abolition de l'esclavage et qui lutte pour l'abolition à terme du salariat ne peut qu'être pour l'abolition de la prostitution.
Abolition à terme basée sur l'humain d'abord: le respect, l'écoute , la prise en compte des besoins réels des femmes engagées dans la prostitution :protection et sécurité d' existence,  moyens de subsistance, éducation des enfants .
Abolition à terme basée sur une action  publique  vers les cerveaux, les coeurs et peut être le porte monnaie des “clients” pour les détourner de cette voie, et basée aussi  sur la  large  diffusion dans les médias, les écoles etc de  l'image réelle et complète de ce « nouveau  job du 21ème siècle" ,
Lire à ce sujet le livre d' ATTAC :  « Mondialisation de la prostitution : une atteinte à la dignité humaine » (18)

"Si le mariage représente l'un des côtés de la vie sexuelle du monde bourgeois, la prostitution en représente l'autre. Le premier est la face de la médaille, la seconde en est le revers...
Les hommes de tous les temps et de tous les pays considèrent l'usage de la prostitution comme un privilège tout naturel, qui leur est acquis «de droit.»
La nature a assigné à la femme seule les conséquences de l'acte charnel ; l'homme, une fois la jouissance passée,n'a ni peine ni responsabilité.
Cette situation privilégiée vis-à-vis de la femme a créé, au cours de la civilisation, la licence effrénée qui distingue une grande partie des hommes dans leurs exigences sexuelles... qu'on en pousse la recherche jusqu'à la bestialité.
La prostitution devient une institution sociale nécessaire, tout comme la police, l'armée permanente, l'Église, le patronat, etc. 
August Bebel  La femme et le socialisme -1891



Références ( depuis 2013, certains liens sont malheureusement caducs )

(b)carte blanche du Vif :Prostitution belge : et si on parlait abolition ? (26/09/17)