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Il y a quelque temps, le docteur VANDEPAER de « Médecine pour le Peuple - Herstal »
m'expliquait que le combat des femmes de la FN en 1966 dépassait de
loin le cadre d'une revendication salariale , bien sûr des plus
importantes et des plus justifiées , mais faisait partie du
« patrimoine de l'humanité »
Sa remarque , lourde de sens, vaut
d'être méditée.
Le combat pour l'égalité des femmes et des hommes...
Pour les patrons, l'égalité, fût
elle proclamée par la Révolution Française et par toutes les
déclarations aussi universelles soient elles, était - et est
toujours - un mot creux ;
ils ont au contraire besoin , pour
accumuler les profits, de toujours plus de main d' oeuvre à bon
marché et donc de multiplier les divisions et les inégalités ,
entre hommes et femmes bien sûr, entre belges et immigrés ou
réfugiés, entre CDI et intérimaires, entre jeunes et vieux ,entre
temps plein et temps partiel, entre statutaires et contractuels,
entre contrat ci ou contrat ça , entre commission paritaire XYZ ou
ZYX, entre ouvrier(ère)s de Flandre, de Wallonie ou... de Roumanie
et du Maroc etc. etc.
Pour eux le salaire sera toujours
inégal, et ils manipuleront les dossiers pour tenter de rendre
impossible d'établir ce qu'est vraiment un travail « égal »...
Ils aiment bien , les patrons , leur
presse et leurs porte parole claironner le droit à l'égalité des
hommes et des femmes dans le monde entier, mais leur vertueuse
indignation s'arrête aux portes de nos blanchisseries , de nos
grandes surfaces , des bureaux d' embauche, et des bureaux de
chômage.
L'égalité , principe proclamé il y
a plus de 200 ans , par la Révolution Française, mais toujours
renié depuis par les institutions et les gouvernements de la
bourgeoisie, ce sont donc ces femmes ouvrières, en février 1966,
à Herstal, qui en ont relevé le drapeau, abandonné dans les fonds
de tiroirs poussiéreux de multiples commissions d'étude.
Leur mot d'ordre « A travail
égal, salaire égal » est universel, du moins tant qu'
existera le salariat.
Il concerne les femmes par rapport aux
hommes, mais aussi toutes les victimes des discriminations salariales
au travail.
C'est d'abord pour cette raison, parce
qu'elles se sont battues pour un principe universel, ce grand
principe de l'égalité de la femme et de l'homme , valeur portée
par la gauche , que je pense que nous devons rendre hommage aux femmes en colère de
1966.
UN COMBAT OUVRIER DE GAUCHE :ACTION, DEMOCRATIE, SOLIDARITE
C'est ensuite pour l'exemple
exceptionnel de combat ouvrier , un combat clairement marqué à
gauche.
- D'abord ce combat s'est mené par la lutte , dans la rue, et c'est la rue et la grève qui ont imposé le rapport de force au patronat. Débat toujours, ô combien actuel d'ailleurs: est ce la rue qui prime sur la concertation ou le contraire ?
17 février:derrière Germaine, en marche vers "LA RUCHE" |
ainsi créé ? Les ouvrières de 1966 ont clairement choisi la 2ème solution, malgré toutes les pressions, dés le 1er jour, pour les renvoyer à leurs machines .
Elles ont refusé d'être bâillonnées
par des "accords de paix sociale » et par des règles de
bonne conduite ( dépôt de préavis, concertation préalable) :
elles sont parties en grève spontanée
- « sauvage » dit on pour effrayer le bon peuple-
et ont dû attendre 5 jours pour être reconnues comme grévistes par
leur syndicat, qu'elles ont entraîné derrière elles.
Combien de grèves n'ont elles pas été vécues comme uniquement affaire de militants dévoués qui tiennent les piquets ,la grande masse restant à la maison. ?
ASSEMBLEE A " LA RUCHE" - (sur une bache à HERSTAL 02/2016) |
Pour les femmes de la FN , des ACEC ,
de SCHREDER et toutes les autres ce ne pouvait être le cas :
la grève devait être active, les manifestations combatives, avec
mots d'ordre et chansons, les assemblées massives, les décisions
démocratiques et collectives (toujours à main levée, sauf
...pour la reprise du travail).
- Enfin ce combat s' est mené dans la solidarité , avec les femmes des autre usines soumises aux mêmes discriminations – Schreder, ACEC , Jaspar etc - malgré les pressions continues pour éviter tout élargissement du mouvement, malgré la condamnation publique dans leur propre camp (2) des actions menées vers la grande usine soeur (1600 ouvrières) des ACEC de Charleroi .
14 mars: appel du comité d'action des ouvrières de la FN aux travailleuses liégeoises |
- Solidarité aussi de tous les travailleurs de tout le pays, et des pays voisins, par les collectes, les motions , les délégations aussi bien FGTB que CSC , la solidarité des commerçants, de Herstal, des coopératives – sans oublier bien sur les ouvriers de la FN eux mêmes.
C'est pour avoir fait vivre ces
principes de gauche du combat ouvrier, l'action, la démocratie et
la solidarité, toujours actuels aujourd'hui, pour avoir
démontré que c'était ainsi qu'il était possible de gagner, que
– je pense - nous devons dire merci à ces magnifiques grévistes
de 1966, à leur comité de grève et avant tout à ces courageuses
femmes des Comités d'Action , groupées derrière la communiste
Germaine Martens, qui ont agi en lanceuses d'alerte, entraînant dans
l'action la grande masse , imposant le tempo démocratique de la
base à leurs organisations , organisant l'élargissement du
mouvement.
- Solidarité aussi des femmes , syndicalistes , intellectuelles, étudiantes, juristes, professeurs, journalistes , militantes politiques, toutes ces féministes – (et les hommes solidaires) - désireuses de se battre pour un principe universel : l'égalité des femmes et des hommes, et qui soudain voyaient éclater sous leurs yeux , souvent ébahis, la dure réalité de la discrimination des femmes au travail.
Ca existait donc, il y a à peine 50
ans, de ne pas même avoir de douches pour se laver de toute l'huile
et la crasse de 8h de machines – « tu peux aller chercher un
seau d'eau chaude, mais il faut rattraper le temps perdu . Et
les toilettes sont toujours aussi sales ; la faïence des
chiottes est partie ; elles datent sûrement de 1900» !
Et en 1975, rien n'avait changé!
Et en 1975, rien n'avait changé!
Ces femmes, notre « moitié du
ciel » ,méprisées , humiliées au travail ,
traitées comme des sous m.... !
traitées comme des sous m.... !
LES FEMMES MACHINE de LA FN |
Alors que quelques années plus tôt,
moi, à mon athénée en région bruxelloise, après un match de
basket de 30 minutes, nous avions filles ou garçons, des douches
bien chaudes et des toilettes bien propres à notre disposition !
Le patronat leur reprochait leur
« absentéisme », mais personne jusqu'alors ne s'était
inquiété de structures d'accueil pour leurs jeunes enfants, dont
forcément les femmes devaient seules avoir la charge en cas de
problème de garde.
Déjà pas de douches, alors des
crèches ? des salles d'allaitement tant que vous y êtes
! Ca ne va pas la tête ???
Je devais avoir les mêmes yeux
ébahis il y a quelques jours quand une camarade m'a décrit les
conditions de travail dans une blanchisserie industrielle du XXIème
siècle , quelque part en Wallonie : contrats précaires ,
salaires de misère, rythmes infernaux : malgré tous les beaux
discours, les discriminations sont là, plus que jamais.
(1) Mr EGA était membre important de la direction de la FN. A ce titre il faisait partie de la délégation patronale aux négociations, aux côtés du DG Drechsel . voir Gubbels - "De vrouwenstaking" CERSE 1966 p 53
(2)A la 7ème assemblée du 28 mars, Guillaume Barbe -secrétaire général adjoint de la centrale des Métallurgistes FGTB Liège, désapprouve publiquement l'action des ouvrières de la FN qui se sont rendues aux ACEC de Charleroi ( MT COENEN -"La grève des femmes de la FN..." p142)
MARIANNE organisation des femmes du PTB (Photo Solidaire, Martine Raeymaekers) |
(2)A la 7ème assemblée du 28 mars, Guillaume Barbe -secrétaire général adjoint de la centrale des Métallurgistes FGTB Liège, désapprouve publiquement l'action des ouvrières de la FN qui se sont rendues aux ACEC de Charleroi ( MT COENEN -"La grève des femmes de la FN..." p142)
Cet article en 2 parties est le 4ème de "ROUGEs FLAMMEs" sur la grève de la FN de 1966
voir : FEVRIER 1966: HERSTAL - LA GREVE DES FEMMES DE LA FN : GERMAINE ET LES COMITES D' ACTION !
FN- HERSTAL, LE 9 FEVRIER 1966 , LA LUTTE COMMENCAIT. CECILE DRAPS TEMOIGNE
FN HERSTAL 1966 : LA PETITE GERMAINE: PORTRAIT D ' UNE FEMME DE TETE A LA TETE DES FEMMES EN GREVE
voir : FEVRIER 1966: HERSTAL - LA GREVE DES FEMMES DE LA FN : GERMAINE ET LES COMITES D' ACTION !
FN- HERSTAL, LE 9 FEVRIER 1966 , LA LUTTE COMMENCAIT. CECILE DRAPS TEMOIGNE
FN HERSTAL 1966 : LA PETITE GERMAINE: PORTRAIT D ' UNE FEMME DE TETE A LA TETE DES FEMMES EN GREVE
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