Introduction : « Chroniques d’une guerre annoncée… »
Elles
évoquent, les unes l’Espagne ou l’Ethiopie, les autres, l’Autriche et la
Pologne, la Tchécoslovaquie et Munich, d’autres encore, la Chine, l’Albanie,
tous pays victimes, dès 1931 des agressions de ce qui deviendra l’axe Berlin-
Rome -Tokyo.
Cela fait
plusieurs années que ce projet de mémoire familiale me poursuit.
La mise en
ligne par la Bibliothèque Royale de la presse belge et de la presse communiste
en particulier (en collaboration, pour ce cas précis, avec le CArCob[2])
en facilite considérablement la réalisation.
Les circonstances politiques contemporaines agissent
également comme un indéniable stimulant.
Le 19
septembre 2019, en effet, le Parlement Européen a voté, à une très large
majorité,[3]
une résolution « sur
l’importance de la mémoire européenne pour l’avenir de l’Europe ».
Cette résolution, dans son aspect historique[4],
voudrait, à l’occasion du 80ème anniversaire du déclenchement
« officiel » de la IIème guerre mondiale (1er septembre 1939)
en faire porter la responsabilité aux « deux régimes
totalitaires ayant tous deux l’objectif de conquérir le monde [en se]
partageant l’Europe en deux sphères d’influence », les « régimes
communistes et nazi. »
Le drapeau soviétique sur le Reichstag
2 mai 1945
Le déclenchement de la guerre, selon cette résolution aurait été « la conséquence immédiate du tristement célèbre pacte de non-agression germano-soviétique du 23 août 1939, également connu sous le nom de pacte Molotov-Ribbentrop. »
Cette résolution
est stupéfiante : elle révise les grands
acquis historiques issus précisément de la victoire des Alliés en 1945 et de
l’écrasement du nazisme ; en particulier le rôle décisif reconnu dans
cette victoire de l’Union Soviétique, de
son peuple, de son armée, de ses dirigeants, le rôle aussi de la Résistance à
l’axe Berlin-Rome-Tokyo , partout dans
le monde, de la Chine à la France, d’Italie au
Vietnam, de la Yougoslavie aux Philippines et à la Grèce, de l’Albanie à
chez nous en Belgique, résistances de
multiples obédiences politiques dans lesquelles les combattants animés par « l’idéologie
communiste », et l’amour de leur patrie ont souvent joué un rôle
important, voire décisif, et ont, pour beaucoup payé de leur vie leur
engagement antifasciste.
Cela fait partie à tout jamais de la mémoire des peuples européens et du
monde entier.
Et ce, quelles que soient les nécessaires réflexions, analyses, bilans, ou éventuelles condamnations, que l’on puisse avoir sur l’émergence et l’évolution du « camp socialiste » européen et son implosion finale en 1989-1991 après 40 ans de « guerre froide ». En « vainqueurs » de cette guerre froide, la majorité des partis du Parlement Européen voudraient aujourd’hui nous imposer leur écriture révisionniste de l’histoire, contraire, par exemple, à ce que révélèrent les débats du tribunal de Nuremberg[5] et à la mémoire de la guerre, telle qu’a pu la transmettre un Winston Churchill[6], pourtant anti-communiste notoire.
J’ai
dès lors voulu,
pour mettre cette résolution en débat, la confronter à ce témoin qui m’est
cher : E. Pariset a observé de près l’émergence du nazisme et sa
résistible ascension dans les années 30, avant d’en connaître dans sa chair, en
1941, la criminelle réalité concentrationnaire au camp de Breendonk.
La répétition des
noms de Chamberlain, Halifax, Daladier, Bonnet, Spaak, l’appréciation de la
politique dite « d’apaisement », de « non - intervention »
ou de « neutralité » des puissances occidentales, les analyses
répétées des réunions de la Société des Nations, les références au Traité de
Versailles de 1919, ne peuvent qu’inciter à la réflexion et au débat sur les
prémisses de la 2ème guerre mondiale, et sur le rôle respectif des
gouvernements européens dans son déclenchement.
Puisse la lecture
de ces chroniques, certes partisanes, mais intelligentes et souvent bien
documentées, contribuer à une réflexion objective sur les causes de la IIème
guerre mondiale, clarifier le rôle des grandes et petites nations européennes
face à la coalition, chaque année, plus triomphante, des agresseurs
nazi-fascistes, jusqu’à ce qu’ils mordent la poussière à Stalingrad.[7]
[1] Arthur Tondeur (1908-1999)
ingénieur civil des Mines AIBr1931, fils aîné de Felix Georges Tondeur,
fonctionnaire des postes de l’Etat Indépendant du Congo, puis directeur au
ministère des Colonies, et de Henriette Stols. Fondateur à l’U.L.B. en 1930 du
Cercle des Etudiants matérialistes, il rejoint le Parti Communiste. Engagé en
1936, à la création du quotidien « La Voix du Peuple », en tant
que rédacteur de politique étrangère (au salaire d’un ouvrier qualifié). Il y
signe, de 1936 à 1939, des dizaines d’articles sous le nom de Pariset,
patronyme de sa grand-mère paternelle.
Voir
« ROUGEs- FLAMMEs » : « ARTHUR TONDEUR (1908 -
1999) TEMOIN DE « L'AGE DES EXTREMES » https://rouges-flammes.blogspot.com/2014/05/arthur-tondeur-boma-1908-menton-1999.html
[2] CArCob Centre des archives
du communisme en Belgique. http://www.carcob.eu/
[3] Parmi les 535 députés (82%
des votants) qui ont voté « pour » ce texte : les 3 députés
socialistes belges, Marie Arena, Marc Tarabella et Kathleen Van Brempt (spa),
la députée Groen, Sara Matthieu. Les deux députés écolo Saskia Bricmont et
Philippe Lamberts se sont abstenus. (Ce dernier a révisé son vote à l’origine
« pour » et s’en est expliqué). Seul élu belge à voter
« contre » Marc Botenga du PTB dans le groupe « Gauche Unie
Européenne » GUE.
[4] On peut supposer que cette
résolution a plus qu’une fonction de réécriture de l’histoire.
Elle a aussi une
fonction politique interne à l’Union Européenne : combattre les
oppositions des gauches, radicales et communistes, à la politique néo libérale
de l’Union Européenne et une fonction géo- stratégique : dans le contexte
de la collaboration avec l’OTAN et de l’alliance avec les Etats Unis, cibler
des ennemis extérieurs : la Russie, accusée de « blanchir les crimes
communistes et de glorifier le régime totalitaire soviétique » et, bien
que non européenne et non citée, on peut le supposer, la Chine se réclamant de
« l’idéologie communiste. »
Texte de la résolution : https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2019-0021_FR.html
Article de Marc Botenga, député européen PTB de la
Gauche Unie Européenne, opposant à la résolution. https://www.ptb.be/quand_le_parlement_europ_en_vote_une_r_solution_dangereuse_qui_r_crit_l_histoire
[5] Les documents complets des
débats du procès de Nuremberg sont accessibles sur https://www.unicaen.fr/recherche/mrsh/crdfed/nuremberg/accueil
[6] W. CHURCHILL « Mémoires de guerre » p140
Tallandier 2009
[7] En janvier1943, à la veille de Stalingrad, seuls
deux pays européens, le Royaume Uni de Churchill et l’Union Soviétique de
Staline combattaient, en tant qu’états, l’Allemagne nazie et ses alliés
(Italie, Croatie, Hongrie, Slovaquie, Bulgarie, Roumanie, Albanie et Finlande)
En Norvège, France et Serbie occupées étaient installés des gouvernements de
collaboration. Le gouvernement du Danemark occupé resta en place jusqu’en 1943.
Le Roi Léopold III avait capitulé, mais la reine Wilhelmine maintint, de
Londres, l’honneur des Pays- Bas. L’Espagne et le Portugal, « neutres » étaient
des dictatures fascistes. L
+++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++
L
: A. Tondeur (Pariset), A. Bonenfant, J. Lagneau, J. Blume ;
PARISET - 17/02/1938
VduP
L’Autriche sous le joug de Hitler (extrait)
ll semble donc que le sort en soit jeté, et que, renonçant à faire appel au peuple et à la classe ouvrière pour défendre l'indépendance du pays, le chancelier Schuschnigg ait cédé à l'ultimatum que lui avait signifié Hitler samedi dernier, à Berchtesgaden. Il se pourrait pourtant que les lourdes concessions faites ne représentent qu'une partie des exigences hitlériennes. Le bruit qui a cours hier dans les milieux diplomatiques, selon lequel des troupes allemandes auraient pénétré en territoire autrichien tendent à faire croire qu'Hitler n'a pas obtenu jusqu'ici et veut obtenir de force et sans délai complète satisfaction. Quoi qu'il en soit, le nazi Seyss-Inquart devient ministre de l'Intérieur de l’Autriche dont la vie intérieure passe de ce fait sous le contrôle direct de Berlin.
On prétend que Schuschnigg a résisté, qu'il a fait l'impossible pour éviter d'en arriver là et de devoir sacrifier l'indépendance de son pays. Mais que, devant la menace directe des forces de la Reichswehr massées en Bavière à la frontière du Tyrol, trahi par l'Italie fasciste alliée du IIIème Reich, abandonné par les puissances occidentales, il n'a pu faire autrement que de céder aux injonctions de la force. En vérité, le gouvernement fasciste de Schuschnigg, continuateur de l'oeuvre de Dolfuss, le nain sanglant, n'a pas voulu faire appel aux forces populaires hostiles à l'hitlérisme, ces forces que les canons de l'armée fédérale ont brisées dans le sang aux jours sanglants de février 1934.
Depuis quatre ans l'Autriche est gouvernée par une fraction minoritaire dictatoriale, complaisante à l’hitlérisme, impitoyable aux démocrates, qui n'a jamais eu de base sociale véritable. Néanmoins, le peuple généreux s'offrait à défendre farouchement l'indépendance du Pays : ce qui s'est passé dans les usines et dans les rues de Vienne, mardi, le montre bien. (8) Mais les dirigeants fascistes du Front « Patriotique » ont préféré sacrifier à Hitler l'indépendance du pays plutôt que de la défendre en rendant au peuple ses droits.
La fière devise de la Pasionaria : « Mieux vaut mourir
debout que de vivre à genoux s, celle des soldats de l'an IV : « La liberté ou
la mort s n'ont point cours dans les milieux de la réaction cléricale et
fasciste.
Sans doute le chancelier d'Autriche n'est pas seul responsable de sa
capitulation honteuse. Tous ceux qui depuis quelques années s'acharnent à
détruire l'édifice de paix de la sécurité collective, ont une lourde part de
responsabilité dans l'effondrement de l'indépendance autrichienne. Dès lors
qu'Hitler savait ne trouver devant la formidable masse de la Reichswehr qu'une
petite Autriche isolée, sans aucun recours efficace, sans aucun secours assuré
contre l'agression, il savait la tenir à merci et pouvait se permettre toutes les
audaces.
Cet événement douloureux servira t-il de leçon au roi Léopold III et à ses ministres, initiateurs d'une politique « d'indépendance » qui nous conduit à la même impasse que la malheureuse Autriche ?
Ce serait en effet se leurrer
étrangement de croire que Hitler s'arrêtera en si bonne voie.
A travers l’Autriche,
n’est-ce pas
la Tchécoslovaquie, alliée
de la France,
liée par un pacte à l’Union
Soviétique,
que vise le IIIème Reich ?
[...]
Qui nous garantit
ici en Belgique contre ces abus de la force, contre ces intrusions de
l'Allemagne totalitaire de Krupp dans la composition de nos gouvernements ?
Après tout, la grande Allemagne doit englober aussi Eupen et le Luxembourg. Et les nazis du V.N.V. ne sont en somme que des cousins germains des grands aryens blonds du Reich. N'est-ce point déjà à la requête de l'axe que M. Spaak s'apprête à sacrer empereur d'Ethiopie ce falot personnage qu'on nomme Victor-Emmanuel (9) ? Et n'est-ce pas à la requête de l'ambassade d'Allemagne qu'on censure des films au nom de la « non-intervention » ? Le doigt est dans l'engrenage.
D'aucuns prêchent la soumission aux ordres de Berlin. Nous sommes de ceux qui ne s'y soumettront pas. Et nous aurons avec nous toute la classe ouvrière, tous les démocrates, que l'exemple des peuples espagnol et chinois encourage à braver les forces de guerre et d'oppression
PARISET-
17/02/1938
la Unne de "La Voix du Peuple" 13/03/1938 |
[8] Des milliers d’ouvriers de Vienne ont participé le 15/02/1938 à des grèves sur le tas et à des manifestations anti -nazies, pour défendre l’indépendance de l’Autriche. Une manifestation a rassemblé une foule devant le siège du « Front Patriotique » (VduP 16/02/1938)
[9] Sur la question de la reconnaissance du roi Victor Emmanuel d’Italie comme Empereur d’Ethiopie, titre usurpé à l’Empereur Haïlé Sélassié, la Belgique s’est prononcée, à l’instar des Pays-Bas, pour une reconnaissance de facto et a soutenu Lord Halifax qui considérait que chaque membre de la SDN avait liberté de choix, sans que cela entre en contradiction avec la charte de la SDN.
Texte intégral pdf (48 pages)
***
Table des
matières
Introduction
L ’Autriche - Un peu d'histoire
1932-1934 -
Un peu d’histoire
Articles
de E. PARISET
Conflit austro-allemand et
rivalités impérialistes
Les intrigues guerrières en Europe centrale.
La grave leçon d'Autriche
Les complications en Autriche
1938, l’Anschluss - Un peu
d’histoire
Articles de E. PARISET
L’Autriche sous le joug de
Hitler
Hitler a
osé tenter cette aventure, parce
qu’il a pu pouvoir compter sur la passivité complice de l‘Angleterre.
Hitler a menacé d’une grêle d’acier et de fer ceux qui s’opposeraient à sa politique.
Sauver la paix
Les catholiques ne sont pas très
fiers des évêques autrichiens
Le plébiscite de la « Grande Allemagne », prélude à de nouveaux
coups de force
L’Anschluss a mis Hitler en appétit
La Sarre - un peu d’histoire
Articles de E. PARISET
Sous le signe du traité de « paix » de
Versailles, la bataille pour la Sarre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire