Suzy Rosendor nous a quitté mercredi dernier 19 août, elle qui
allait avoir 87 ans dans quelques jours ! Disparition
bouleversante tant elle était inattendue : Suzy m’était toujours apparue
ces derniers mois comme une amie, toujours alerte, dynamique
et organisée, à l’esprit vif et si attentionnée.
Il y a
quelques temps, elle avait voulu me faire un cadeau, un bel objet asiatique, je ne sais trop pourquoi :
« elle aimait faire des cadeaux » dit elle. Ca c'était Suzy.
Toujours aux petits soins aussi pour notre camarade Fons Morenhout, sur qui elle veillait avec tant de sollicitude.
Toujours attentive aux choses de la politique, elle m'envoyait mails et messages pour discuter telle ou telle question.
J’avais
connu Suzy il y a près de 60 ans maintenant, alors que nous avions trouvé dans
le parti communiste prochinois l’espoir de lendemains qui chantent.
Hélas, l’espoir
s’effondra en moins d’un lustre !
Je
revoyais Suzy à la librairie « Joli Mai » qu’elle avait ouverte près
de la place Flagey à Ixelles ; elle apportait ainsi sa pierre à la
diffusion des idées révolutionnaires.
Nous nous sommes ensuite perdus de vue.
Depuis quelques années, nous nous sommes
revus, avec son ami de toujours, Fons Moerenhout, son amie de tous
les combats Cécile Draps et quelques autres.
Un temps pour discuter du bilan de ces années 60, un autre pour échanger sur les élections, une autre
A Manifiesta avec Fons Moernhout ( capture d'écran tiré de " camarade Moerenhout" d'Annie Thonon) |
fois à Manifiesta ; elle était aussi, discrète et efficace, l’inspiratrice des petites fêtes organisées pour l’anniversaire de notre Fonske.
Discrète efficace et courageuse c’est ainsi que je la vois aussi, à travers les récits ci dessous de son engagement total comme porteuse de valises, dès ses 25 ans, aux côtés des combattants pour l’indépendance algérienne. Jeune mère de famille, elle avait abandonné ses études à l’ULB , prenant tous les risques du travail clandestin.
Et ce combat des porteurs de valise pour l'Algérie, elle a voulu le porter, toujours avec le même courage jusqu'à la fin de sa vie : conférences, interviews, projections de film, colloques, de Bruxelles à Alger, pour que les jeunes générations connaissent cette expérience de solidarité et d'internationalisme.
Elle me confiait, après le colloque d'Alger en 2017 combien elle avait été heureuse d'y avoir participé et d'y être honorée, mais aussi combien elle avait été peinée de voir l'Algérie encore si pauvre.
Il y a
peu, je lui demandais pourquoi elle avait tant de peluches de Nounours partout
chez elle, dans le salon, dans le bureau, dans le hall.
Elle
nous explique alors que quand elle avait 6 ans, en 1940, elle se promenait à
Anvers dans un parc avec son nounours. Quand son père est venu la chercher d’urgence
pour fuir la barbarie nazie et partir , elle avait abandonné à tout jamais son nounours, et , petite fille de 6 ans, elle en avait pleuré.
Je suis sûr que tous les nounours du monde épris de justice et de liberté lui feront une haie d'honneur pour son dernier voyage.
Une grande camarade nous a quitté.
Que son engagement et son courage inspirent les combattants de demain !
SA VIE
Festival des Libertés 2014 (photo G. CHERIFI) |
(Rédigé par Paul-Emmanuel Babin)
L'ALGERIE
2017 Colloque d'Alger sur "le Front du Nord" organisé par l'Ambassade de Belgique |
De son côté, Suzy Rosendor (née en 1933 à Anvers), témoignant de cette période, précise d’emblée qu’elle était un «électron libre». «J’ai accompli beaucoup de missions», se remémore-t-elle. Mme Rosendor avait des contacts directs avec les membres du Comité fédéral (Ladlani et Omar Boudaoud), avec Rabah Nehar (responsable de l’UGTA) ainsi que Abdelmadjid Titouche alias Marc Dujardin, chef du FLN en Belgique.Elle a assuré le transport de nombre de militants et même de membres de la «Spéciale» «vers Paris, Lille, Amsterdam ou Cologne, mais aussi les liaisons au-delà des frontières en ayant plusieurs fois la charge des documents et archives du FLN», détaille sa note biographique.
Elle est également «chargée de trouver des logements à Bruxelles pour les militants en
clandestinité et participera aussi à la filière médicale». Summum de l’humilité, Suzy Rosendor confie : «J’ai même été jusqu’à nettoyer des appartements à Francfort.» Des «planques» pour les activistes FLN.2012 les 50 ans de l'indépendance à Saint Josse, avec Cécile Draps |
Elle me confiera lors d’un entretien en 2017 quelques détails de son parcours au Parti communiste :
Elle avait rejoint en 1962, la section d’Uccle du Parti Communiste,
tout en y faisant remarquer que la
lutte de libération algérienne était sous la direction du FLN (Front de Libération Nationale), et pas du parti
communiste. Des militants communistes français désapprouvaient d’ailleurs la
position de la direction du parti sur l'Algérie. En ce qui la concerne, un
responsable du Comité Fédéral de Bruxelles du PCB l'avait mise en garde à
propos de ses activités pour l'Algérie et le FLN.
Le PC interdisait en effet à ses militants toute activité de soutien direct et forcément clandestin au FNL.
En 1963, avec la section d'Uccle, elle a vécu la rupture
entre PC « révisionniste » et PC « marxiste - léniniste » dirigé par Jacques Grippa.
Tout de suite, elle devient responsable dans l'administration de la
nouvelle Fédération Bruxelloise. Elle était aussi responsable de la maison d'éditions « Le Livre International ». Elle a vu beaucoup de moyens mis en œuvre et l'engagement de nombreux employés permanents à Bruxelles. En même temps, l’activité de la
section de base déclinait, de nombreux membres étant permanents attachés à
d'autres tâches. C'est une des causes de l'échec de ce parti.
En 1966, Suzy Rosendor n'a pas accepté, au sein du PC - Grippa les exclusions
de Maurice Delogne, Fons Moerenhout et d’autres
camarades.
Elle a rendu ses comptes en ordre et a quitté le parti,
se mettant « en dehors du parti », dont elle a néanmoins été "suspendue".
Ce qui ne l'a pas empêché, bien au contraire, de rester toute sa vie fidèle à ses profondes convictions révolutionnaires.
2015 Avec Fons Moerenhout à Pékin. |
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