27/03/1920 : MEETING A SCHAERBEEK CONTRE L'INTERDICTION D'ENSEIGNER DE GEORGES EEKHOUD |
Le 21 février 1920 , la revue progressiste française « CLARTE », créée autour d 'HENRI BARBUSSE, publie une nouvelle du grand écrivain belge (flamand d'expression française) GEORGES EEKHOUD, « DES HOMMES » : ce texte rend hommage à six soldats allemands , fusillés à BRUXELLES pour avoir eux-mêmes refusé de fusiller des otages belges.
Cette
publication est accompagnée d'un hommage à GEORGES EEKHOUD présenté
dans la série « Les grandes figures de l'Internationale », que la revue
consacre à des personnalités comme GORKI, LIEBKNECHT , ROMAIN ROLLAND,
JOHN REED, BERTRAND RUSSEL, LENINE etc.
Eau forte pour "LA NOUVELLE CARTHAGE" par KURT PEISER |
Issu d'une famille de la
vieille bourgeoisie anversoise, le roman le plus noté de Geoges Eekhoud est « La Nouvelle Carthage »
dans lequel il décrit les ouvriers, les marginaux, les parias de la
métropole.Il y oppose les enjeux
capitalistes à la misère des usines.
Proche des idées anarcho -
socialistes, il adhérera à la section Art et Enseignement de la Maison du
Peuple. Il ralliera en 1894 l'Université
Nouvelle de Bruxelles, dissidence progressiste de l'ULB, créée par la gauche,
suite à l'interdiction d'enseigner prononcée contre le grand géographe Elisée
Reclus, qui avait le malheur d'être de conviction anarchiste.
Il est connu aussi pour avoir
gagné , en 1900, son procès à la Cour
d'Assises de Bruges , poursuivi
qu'il était pour "atteinte aux bonnes mœurs" dans " Escal Vigor" un des
premiers romans modernes qui traite de l'homosexualité masculine.
Il est l'ami de Verhaeren et
de Maeterlinck et partage un temps avec
eux , dans les années d'avant guerre et tout au début de la guerre, un certain
patriotisme belge.
A
la fin de la guerre, il est au centre d'une affaire d'interdiction
professionnelle . Il est accusé de défaitisme et d'activisme en novembre 1918 pour avoir "défendu l'idée d'une Université flamande à Gand, à Bruges ou
dans toute autre ville des Flandres, l'établissement des cours
techniques flamands et la connaissance par mes compatriotes des deux
langues française et flamande."
Sur Georges EEKHOUD, lire sur ROUGEs FLAMMEs https://rouges-flammes.blogspot.com/2014/10/1914-1918-uomini-contro-georges-eekhoud.html
"Quant aux bruits répandus", poursuit il "activiste
ou passiviste, ils doivent être démentis. »
Suite à cette déclaration, pourtant modérée, il sera forcé de démissionner, en décembre 1918, des cours de littérature qu'il donnait à l' ACADEMIE DES BEAUX ARTS de BRUXELLES et dans les deux écoles normales pour instituteurs ( filles et garçons) de la VILLE DE BRUXELLES.
La « victoire » de novembre 1918 , le jusqu'au boutisme du gouvernement du Havre et des chefs du POB , opposés durant toute la guerre à toute tentative de paix, ainsi que l'alignement des activistes bourgeois pro Kayser du Raad van Vlaanderen sur la Flamenpolitik (administration séparée de la Belgique), ont donné des ailes aux chauvins patriotards belgicains, (incluant certains socialistes et les fransquillons) qui appellent à la répression. « Défaitisme », « activisme », « pacifisme » , ils veulent prolonger l'Union Sacrée en lançant des dénonciations tous azimuts.
A travers une vingtaine de meetings dans tout le pays , la campagne pour la réhabilitation de GEORGES EEKHOUD culmina dans une conférence de masse à SCHAERBEEK le 20 mars 1920.
Sous la pression de ce mouvement , l' auteur de "LA NOUVELLE CARTHAGE" fut réhabilité par le ROI ALBERT , qui le nomma à l'ACADEMIE DE LANGUE ET LITTERATURE FRANCAISE.
Il ne retrouvera néanmoins pas ses chaires professorales de la Ville de Bruxelles
Suite à cette déclaration, pourtant modérée, il sera forcé de démissionner, en décembre 1918, des cours de littérature qu'il donnait à l' ACADEMIE DES BEAUX ARTS de BRUXELLES et dans les deux écoles normales pour instituteurs ( filles et garçons) de la VILLE DE BRUXELLES.
La « victoire » de novembre 1918 , le jusqu'au boutisme du gouvernement du Havre et des chefs du POB , opposés durant toute la guerre à toute tentative de paix, ainsi que l'alignement des activistes bourgeois pro Kayser du Raad van Vlaanderen sur la Flamenpolitik (administration séparée de la Belgique), ont donné des ailes aux chauvins patriotards belgicains, (incluant certains socialistes et les fransquillons) qui appellent à la répression. « Défaitisme », « activisme », « pacifisme » , ils veulent prolonger l'Union Sacrée en lançant des dénonciations tous azimuts.
Arrestations, campagnes de presse, interdictions professionnelles,
condamnations, interdictions de séjour , tout sera bon pour faire taire.
Restant debout, bien que meurtri, dépassant l'épisode de l'interview,
Georges Eekhoud répond par ce magnifique texte- fait de refus de la haine,
d'humanisme et de fraternité, - qu'on devrait enseigner dans toutes les écoles
: « DES HOMMES ».
Un
mouvement , né à partir de ses étudiants de l' ACADEMIE, parmi
lesquels MAGRITTE, et appuyé par ROMAIN ROLLAND, BARBUSSE, ENSOR, le
mouvement "CLARTE" prit la défense du vieux "Maître" calomnié .A travers une vingtaine de meetings dans tout le pays , la campagne pour la réhabilitation de GEORGES EEKHOUD culmina dans une conférence de masse à SCHAERBEEK le 20 mars 1920.
Sous la pression de ce mouvement , l' auteur de "LA NOUVELLE CARTHAGE" fut réhabilité par le ROI ALBERT , qui le nomma à l'ACADEMIE DE LANGUE ET LITTERATURE FRANCAISE.
Il ne retrouvera néanmoins pas ses chaires professorales de la Ville de Bruxelles
Sur Georges EEKHOUD, lire sur ROUGEs FLAMMEs https://rouges-flammes.blogspot.com/2014/10/1914-1918-uomini-contro-georges-eekhoud.html
DES
HOMMES !
A Léon Bazalgette.
C'est
au Tir National de Bruxelles que les Allemands fusillèrent nombre de Belges
convaincus d'avoir entretenu des intelligences avec les Alliés. Et la liste de
ces victimes est longue. On les a exhumées pieusement pour leur faire d'imposantes
funérailles nationales. Journaux et orateurs ont exalté leur courage, leur
patriotisme, leur talent, leur adresse et leur ingéniosité d'informateurs. Rien
de mieux ; rien de plus juste. Je m'associai de grand coeur à ces témoignages
d'admiration.
Mais
en lisant les articles dévolus à ces braves, il m'arriva de tomber sur un
alinéa où l'on faisait entendre, sommairement et presque négligemment, qu'à
côté de ces patriotes dont le journal ne se lassait de publier les noms et de
ressasser les états de service et les titres à notre reconnaissance, avaient
été enfouis une demi-douzaine et peut-être plus, de soldats allemands —oui,
des Allemands que leurs propres compatriotes avaient passé par les armes parce
qu'ils refusèrent de faire l'office de bourreaux !
Le
journal n'en disait pas davantage sur le sort de ces fusillés allemands. C'est
à peine s'il les félicitait. Il ne citait pas leurs noms, à ceux-là. Mettons
qu'il les ignorait. Et à supposer qu'il les eût connus, sans doute ne les
eût-il pas jugés dignes d'être mentionnés. Il est probable que leurs
compatriotes même, les avaient voués comme odieux et méprisables à l'obscurité
et à l'anonymat...
On
les avait jetés dans une sorte de fosse commune. Voués pour jamais à l'oubli,
au néant...
Pour
ma part, j'avouerai que le paragraphe ou ne peut plus laconique enregistrant
cette insubordination de soldats allemands et le châtiment qu'elle leur avait
valu, m'arrêtèrent dans ma lecture pour me plonger dans des méditations à la
fois douloureuses et consolantes.
(...)
Ah
! quel courage, quelle volonté, quel caractère autrement résolu, il leur avait
fallu à ces héros obscurs pour aller au-devant du trépas, pour le choisir, le
conjurer, le préférer à la vie !
(...)
Si
l'on songe aux atrocités commises par les soudards dans tant de nos cités et de
nos villages, à quelles extrémités cette écume du militarisme ne se
livra-t-elle pas sur des transfuges chez qui l'uniforme n'avait pas étouffé
tout sentiment d'humanité !
Crachats,
coups de pied, et le reste... Songez à Aerschot, à Tamines, à Gelrode...
On
tenta préalablement de les faire revenir sur leur incroyable détermination. On
feignit d'attribuer leur rechignement à une pusillanimité passagère, à une
réaction nerveuse, à une crise de sentimentalisme indigne d'un mâle, d'un dur à
cuire. Cette faiblesse ridicule leur passerait. Ils finiraient par se faire une
raison comme les autres et par se résigner aux inéluctables nécessités de la
discipline. Certes, il répugne à un vrai soldat d'être réduit à devoir
descendre froidement des civils, des hommes désarmés, de faibles femmes !
Mais
ces civils n'ont-ils pas contribué à compromettre le succès des armées
allemandes ?
(...)
Puis,
pour ces exécutions, le soldat n'est qu'un instrument de la loi martiale. Il
n'encourt aucune responsabilité.
Menaces,
sophismes, tentatives de persuasion ou d'intimidation ; rien n'eut de
prise sur ces âmes droites, butées dans leur foi humanitaire !
Nos
réfractaires tinrent bon...
(...)
Hélas,
ils n'auront peut-être même pas connu la sympathie, le remerciement fraternel,
la gratitude de ceux dont se détournaient leurs fusils !
N'importe.
Ils auront éprouvé la suprême volupté des grands stoïques, des confesseurs
sublimes : celle d'avoir tout un monde contre eux, de se sentir menacés par
tout un océan de préjugés et d'erreurs — mais de se savoir seuls justes, d'être
seuls à avoir raison contre tout un monde.
(...)
Qui les guide,
qui les inspire ? Le seul amour de l'humanité.
Encore
une fois, nul plus que moi, n'admire les fusillés belges du Tir National— le
Tir National, quelle sinistre ironie dans ce nom ! quelle cible patriotique que
ces coeurs et ces poitrines ! —
Nul
ne lira et relira leurs noms avec plus de piété, nul ne rendra hommage plus
fervent à tant de beaux Belges !
Mais c'est pourtant à vous, soldats de l'ennemi, que je songe peut-être
avec plus de solidarité et de communion encore. Eux, les nôtres, savaient que
les attendaient la gloire, la reconnaissance de tout un peuple. Désormais
l'immortalité serait acquise au moindre de leurs noms. Tandis qu'à vous les
pauvres, répudiés
ou méconnus, ne demeure que l'approbation de votre conscience !
Des nôtres furent de vrais Belges, vous fûtes, vous, de vrais Hommes !
Des hommes comme j'en souhaite à l'Humanité future, au monde nouveau, à
un univers de chaleur cordiale et de spirituelle clarté...
Oui,
les Six ou les Sept, — on ignore même jusqu'à leur nombre, mais ils
représentent tout de même un formidable total — vous fûtes de dignes Allemands
de la patrie de Schiller, de celui qui chanta avec Beethoven, la fraternité des
peuples en son « Ode à la Joie ».
C'est
à pleines gerbes que je voudrais répandre des fleurs sur votre fosse commune et
en baisant les lèvres de vos plaies, j'exalterais un des plus beaux gestes de
protestation et d'exécration que le véritable courage osa dresser contre la
Guerre !(2)
GEORGES EEKHOUD - février 1920
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