Nous sommes, dans le blog précédent, partis sur les
traces de Joseph Thonet, dans la « bonne ville » de Huy,
au tournant des années 1900 (1 https://rouges-flammes.blogspot.be/2018/01/grandes-figures-de-chez-nous-huy-sur.html)
Pionnier du socialisme à Huy , militant dés 14
ans aux Jeunes Gardes Socialistes puis au POB , gérant de la
coopérative « Les Campagnards de Tihange » , nous le
retrouvons aujourd'hui, en juillet 1914, à Bruxelles . Nous
sommes à quelques jours de la grande conflagration mondiale, qu'on
appellera « La Grande Guerre » ; il a 31 ans .
A
BAS LA GUERRE !
JUILLET
1914
Le 29 juillet 1914, Joseph Thonet assiste au fameux
meeting socialiste international contre la guerre au Cirque Royal à
Bruxelles avec la présence de Jean Jaurès.
Meeting du 29 juillet 1914 Cirque Royal Bruxelles photo :http://history.2014-18brussels.be/fr/non-a-la-guerre |
Jean
Jaurès était là ! Son discours a été acclamé par toute la
salle.
Quel
orateur! Un tribun !Une voix chantante, Une péroraison qui
emballe dans un enthousiasme indescriptible !
Quand
nous sommes sortis du Cirque, , une manifestation s'organisa., et aux
cris de « A bas la guerre ! », nous défilâmes dans
les rues de Bruxelles . Nous étions encore pleins d'illusions. »
Le
surlendemain , (31 juillet 1914)
Jaurès était assassiné à Paris ...(2)
HUY: Le pont de fer détruit pour retarder l'armée du Kayzer |
A Huy, les premiers « uhlans »arrivèrent
le 15 août .
C'est la nuit précédente que le détachement belge fit
sauter le grand pont( le Pontia) puis celui de la Neuve Voie (le
pont de fer) pour retarder la marche allemande.
Dés
son arrivée, l'armée allemande prend possession du Fort et ce sans
aucun combat. Elle y établit un camp de discipline pour les
réfractaires et les déserteurs de ses propres troupes.
Les Allemands établissent leur
Kommandantur au café de la gare du Nord.
15 août 1914 :les troupes allemandes entrent dans Huy photo:"La guerre 14-18 vécue au Collège Saint-Quirin." |
Dans
la nuit du 23 au 24 août, des soldats, ivres
suite au pillage de quelques bonnes caves à vin, provoquent une
fusillade qu'ils cherchent ensuite à faire passer pour un acte de
rébellion des habitants .Des soldats
allemands mirent alors le feu à 28 maisons, rue des Jardins.(3)
Ce n'est pas pour autant que Joseph Thonet sombra dans
la haine du Boche et le social-chauvinisme , comme le firent la
plupart de ses camarades du POB et tant de socialistes à travers
toute l'Europe qui oublièrent en une nuit des années d'éducation
internationaliste . »
« L'Internationale sera le genre humain »
chantaient ils dans les rues de Bruxelles. Dans ses « Souvenirs
et mémoires » Thonet rend hommage à son grand camarade
allemand , le socialiste Karl Liebknecht , député au Reichstag,
et rappelle qu'il vint en Belgique début septembre 1914 pour
constater par lui même , à Liège, à Andenne les crimes de
l'impérialisme allemand.
A la tribune du Reichstag le 2 décembre 1914, il
refusera, seul, de voter les crédits de guerre en condamnant
explicitement « la
violation de la neutralité de la BELGIQUE et du LUXEMBOURG,
violation de traités solennels, l'invasion d'un peuple pacifique,
le traitement cruel infligé à la population civile des territoires
occupés ,la
dévastation de localités entières, l'arrestation et l'exécution
d'innocents pris comme otages, le massacre d'individus désarmés.
La
suite est connue : exclu du groupe socialiste, arrêté et mis
en forteresse le 1er mai 1916, libéré par la révolution à Berlin,
en octobre 1918, Karl Liebknecht sera assassiné , avec Rosa
Luxemburg le 15 janvier 1919, par des détachements des « Corps
francs » , secteurs les plus extrêmes du militarisme allemand,
avec
la complicité active du ministre social démocrate de la Guerre ,
Gustav Noske .(4)
En
1923, en prison, Thonet , l'internationaliste, affichera au mur
de sa cellule les portraits de Karl et Rosa.
PRISONNIER
EN ALLEMAGNE
Joseph Thonet , continua son travail pour la
coopérative « Les campagnards de Tihange ». Muni d'un
passeport délivré par l'autorité allemande, il franchissait chaque
semaine la frontière hollandaise pour acheter des graines et
semences à Maastricht. Il profitait de ces voyages autorisés pour
porter illégalement des lettres de familles de la région de Huy
destinées à leurs soldats et pour rapporter les réponses via la
poste restante.
Il assurait ainsi , par solidarité, un service
régulier de correspondance entre les soldats de la région et leurs
familles.
« J'ai
porté et rapporté des milliers de lettres . Il en était de
dangereuses , notamment celles relatant les atrocités commises par
les soldats du Kayzer en Belgique et destinées à des journaux de
Paris et de Londres . Je devais chaque fois modifier ma façon
de passer ces lettres, une fois dans les poches extérieures de mon
pardessus, une fois dissimulée dans un pot de miel, quelques fois
roulée en paquet au milieu de quelques kilos de savon mou » .
Arrêté en février 1915 sur dénonciation, il fut
d'abord emprisonné à Liège, puis transféré dans un camp de
prisonniers en Allemagne , et enfin détenu au secret en prison
pendant 31 jours où il connaîtra l'isolement et la faim. Aucun
échange de lettres avec sa famille n'était autorisé et la
nourriture tout à fait insuffisante : « J' ai eu
une faim terrible. Pour l'apaiser, j'ai volé 2 pommes de terre
crues ; j'ai été malade comme un chien. Le gardien m'a sorti
de mon lit et j'ai dû rester debout toute la journée.. »
Après 3 mois de privation de liberté, il rejoindra
finalement Huy et sa famille fin avril 1915.
LA
FAIM , LE FROID ,LA MISERE
Mais la guerre, qui est en général présentée
exclusivement comme un combat patriotique sur le champ de bataille ,
pour la démocratie et la civilisation, a représenté pour les
masses travailleuse un combat pour survivre dans l'océan de misère,
face au recul incommensurable de leurs conditions d'existence.
Le peuple a connu la faim, le froid, la misère.
« Sur
la Belgique pendant la 1ère guerre mondiale, il y a le cliché
d'une nation unie qui a
substitué
à toutes ses contradictions internes la résistance à l'envahisseur
détesté.
Mais
en réalité, le pays , occupé, restait sous haute tension, du fait
de la pénurie de vivres »écrit
le professeur Vrints de l'Université de Gand
Joseph
Thonet évoque la misère régnant dans le pays : les secours en
1916 étaient de 7fr/semaine pour les adultes, 6 fr pour les enfants
de 10 à 16 ans et 5fr pour les enfants de moins de 10 ans.
Reprenant
un memorandum du parti ouvrier, à l'autorité allemande , il
rappelle que l'industrie est à l'arrêt, que tout commerce est
devenu impossible, que pour la classe des travailleurs, c'est la
misère la plus noire.
« Dans
l'arrondissement de Liège, la mortalité générale a augmenté
entre 1913 et 1917 de 58%. Dans celui de Charleroi, le nombre de
morts nés est en augmentation de 57% pour la même période.
Partout,
le rachitisme des nourrissons est un véritable désastre. »
Pour l'alimentation, alors que la production de pommes
de terres suffit pour donner à chacun 600g par jour, on a distribué
à Bruxelles, en 1916-1917, 60 g/jour, et à Seraing 25g !
Sans oublier la question du charbon, puisque « aux
affres de la faim, s 'ajoutent les souffrances du froid : à
la veille de l'hiver, les ménages sont sans charbon »
Au
sein de chaque commune, on retrouve un comité d’alimentation
(chargé de la gestion du magasin communal de ravitaillement qui vend
des denrées), un comité de secours (chargé de la distribution des
secours) et un comité de chômage (chargé de la distribution de
secours aux chômeurs)
Joseph
Thonet,
est un des 4 représentants du POB au sein du comité local de Huy
du Comité National
de Secours et d'Alimentation, qui est composé de représentants des partis parlementaire : 6 libéraux, 4 catholiques et 4 socialistes.
de Secours et d'Alimentation, qui est composé de représentants des partis parlementaire : 6 libéraux, 4 catholiques et 4 socialistes.
Et là où il est , il se bat :il proteste quand le
CNSA prend des décisions injustes :par exemple, la règle du
comité de secours était de priver les chômeurs propriétaires de
leur maison de l'allocation de 0,50 fr ( Oui 50 centimes!!!) par jour
- si leur maison valait plus de 5000fr.
« Les
grands manitous qui étaient à la tête de cet organisme disaient
littéralement : « mangez vos briques, avant de venir
solliciter un secours de 0,50 fr !! ... Le parti catholique
était représenté par un prêtre, le curé de Saint Rémy,un brave
homme ... et nous évaluions - Dieu lui aura pardonné ses pêchés -
la maison du chômeur à un taux moindre pour qu'il touche ses
misérables 50 centimes !..
Il sera arbitrairement exclu, en mars1918, avec 2 de
ses camarades, du comité local par le Comité National, pour ses
prises de position anticapitalistes sur le caractère impérialiste
de la guerre . Et ce malgré le soutien des organisations du POB
de Huy ! Une seule pensée était admise, celle du chauvinisme
et de la guerre jusqu'au bout .
NOVEMBRE
1918
Le
10 novembre 1918 était un lundi : malgré la présence de
troupes allemandes encore stationnées chez nous, un cortège se
forma en ville . Il y avait là des gens de toute opinion avec une
majorité de travailleurs ; On chantait la Brabançonne, puis
l'Internationale et la Marseillaise.Nous lancions aussi des mots
d'ordre surtout à destination des soldats allemands: « A
bas le gouvernement impérialiste allemand ! Vive la république
allemande »
C'est
alors que je fus agressé par un groupe de jeunes catholiques , qui
me jetèrent à terre et me piétinèrent. »
Mais le lendemain 11 novembre 1918, c'est Joseph Thonet
qui, convoqué au commissariat fut arrêté et mis au cachot pour
attitude « non patriotique ».
Il est vrai que il avait dénoncé publiquement devant
la population stupéfaite, en passant rue Hors Château , l'ancien
bourgmestre Louis Chainaye , qui comme administrateur et actionnaire
de la société Rhenania d'Aix la Chapelle , aurait eu une
responsabilité dans la collaboration économique avec l'occupant.
(5)
« L'
ERE NOUVELLE » : UNE GAUCHE RADICALE A HUY
Joseph Thonet , avant la fin de la guerre, rassembla
autour de lui un cercle de réflexion politique d'une vingtaine de
membres , « L'ère nouvelle » orienté à la gauche
du POB, qui dans un premier temps en octobre 1918 rédigea un
programme d'action :
Fonds Thonet - CArCoB |
- Programme minimum de l'après guerre : le suffrage universel immédiat, la journée des 8 heures,les pensions ouvrières, un salaire minimum et un impôt progressif sur le revenu.Il dénie au gouvernement du Havre toute légitimité pour réaliser ce programme et avec lucidité décrit ce qui allait se passer (avec la participation de 4 ministres socialistes , Vandervelde , Anseele ,Wauters et Destrée , )« Le gouvernement du Havre ne manquera pas de battre monnaie sur le terrain patriotique:discours grandiloquents, manifestations flamboyantes, tout y passera . Et toute cette ferblanterie n'aura qu'un but : amener les partis d'opposition à une prétendue collaboration de reconstruction. Pendant ce temps, on s'efforcera à nouveau de ligoter la classe ouvrière... »
- Pour un régime républicain
- « le groupe rejette toute participation socialiste dans les ministères bourgeois »Il rappelle les résolutions du congrès d'Amsterdam de l'Internationale en 1904 qui avait condamné la participation des socialistes français au gouvernement bourgeois et précise que « la collaboration de Vandervelde et Brunet au cabinet belge ne relève d'aucune décision du parti »
- « le groupe se prononce pour « la reprise des relations internationales « - c'est à dire des relations avec les socialistes des pays en guerre , ou ...en révolution ( socialistes allemands autrichiens ,mais aussi bolchéviks russes,spartakistes allemands ) refusées obstinément par la direction du POB en rappelant simplement « Prolétaires de tous les pays , unissez vous »
- Au sujet de la paix, « l'Ere Nouvelle » , présageant ce qui allait se passer au traité de Versailles s'oppose à « tout esprit de conquête et toute visée impérialiste et se prononce pour le droit des peuples à disposer d'eux mêmes. »
Ces positions ,peu connues ,de la gauche socialiste de
Huy, rejoignaient de fait le combat de la gauche du POB regroupées
autour de Joseph Jacquemotte et du journal « L'Exploité ».
Au congrès de décembre 1918, alors que la majorité du parti votait
– pour la première fois, et ce fut loin d'être la dernière !
- la participation du POB au gouvernement bourgeois , la minorité ,
proclamait :
« C'est
au moment où les trônes croulent que nous irions nous associer à
la bourgeoisie, pour lui permettre de nous exploiter ? Non
citoyens !»
« Le
parti s'est constitué, non pour consolider la société capitaliste,
mais pour la renverser et lui substituer une société nouvelle ;
Il y a antinomie entre la collaboration et la lutte des classes »
Fonds Thonet - CArCoB |
Joseph Thonet lui même renouant avec la tradition des
Jeunes Gardes Socialistes de sa jeunesse, animait une conférence
tous les samedis soir à 19h. Encore, et toujours, l'éducation
idéologique au centre de ses préoccupations.
1919 -1921 : LE CLASH HUBIN -THONET
LUTTE
DE CLASSE ou COLLABORATON ?
C'est en septembre 1919, qu'au sein du POB de Huy, le
conflit entre la droite et la gauche s'exacerba.
Georges Hubin , député , exigea avec violence , dans
un article public du journal « Le Travailleur »
l'exclusion du parti ouvrier de Joseph Thonet sous le titre « Il
faut en finir »
Fonds Thonet - CArCoB |
Georges Hubin fut une figure contrastée du socialisme
belge, qui nécessiterait à lui seul plusieurs articles. Ouvrier
carrier, syndicaliste, (nous l'avons vu en tête des manifestations
de 1902 et condamné à 6 mois de prison) puis appelé à gérer une
carrière coopérative, sculpteur sur pierre, échevin de Vierset
Barse pendant 36 ans , député à la Chambre de 1896 à 1946 (50
ans!), c'était en quelque sorte le pape du POB à Huy .(6)
Il pouvait difficilement tolérer une opposition sur sa
gauche. Il avait épousé politiquement les thèse jusqu'au
boutistes ( de mener la guerre jusqu'au bout) et chauvines , opposé
à toute conférence de paix à Stockholm en 1917, et farouchement
opposé, en 1919 à tout reprise de contact avec les socialistes
allemands , quels qu'ils soient.(7)
Georges Hubin |
Thonet ne fut pas exclu- la discussion fut
postposée.Mais ,en décembre 1920, c'est lui qui rédigea sa lettre
de démission , après 23 ans de militantisme au sein des JGS et du
Parti Ouvrier.
Le Congrès du POB avait en effet décidé
l'incompatibilité entre l'appartenance au POB et à la gauche
regroupée dans « Les Amis de l'Exploité », les
contraignant à se dissoudre ou à démissionner.
Cette
rupture, souvent célébrée avec emphase comme une grande victoire,
l'était certes, au niveau de la fidélité aux principes de lutte
de classe, au milieu d'un océan d'idéologie réformiste et de
collaboration avec la bourgeoisie. Mais , c'est presque seul que
Joseph Thonet, rejoignit le Parti Communiste, la plupart de ses amis
et camarades de combat faisant défection .
« Nous
perdîmes momentanément la première bataille, nous allions nous
organiser pour en gagner d'autres »
« Est
ce à dire que les camarades qui ont quitté le POB ont eu tort ?
Non, mille fois non !
Nous
devions quitter le POB qui ne nous permettait plus de défendre le
socialisme de lutte de classe . Nous devions quitter le POB qui
voulait étouffer en nous la confiance dans le socialisme
marxiste.Nous étions forts de caractère... »
Nouvel engagement politique :il sera membre du 1er
Comité Directeur du Parti Communiste , et il militera activement
dans le Comité de secours à la Russie où il côtoie Célestin
Demblon et son ami l'écrivain Jean Tousseul.
Nouveau travail , nouveau logement ,il avait quitté ,
après plus de 15 ans de travail « Les campagnards de Tihange »
à la rue des Jardins et le logement y attenant; il trouva du boulot
dans le privé et déménagea rue des Trois Ponts à Huy.
Une nouvelle étape de sa vie, un nouveau combat
commençait. Il avait 38 ans.
« MES
PRISONS » : 1923, 1930, 1932, 1933 - 1934
Emprisonné à 4 reprises en 11 ans , jugé 2 fois en
Cour d'Assises ! On pourrait prendre Joseph Thonet pour un
dangereux criminel récidiviste !Et encore, ne sont pas comptées là
les 6-7 comparutions et condamnations au tribunal correctionnel ou de
simple police de 1930 à 1946 !
En fait c'est le parcours d'un militant communiste
,tête dure, au parler franc, courageux , à une époque où la
peur du rouge et la répression qui l'accompagne étaient
quotidiennes.
Belle leçon encore aujourd'hui sur la caractère très
relatif des notions de « démocratie » et de
« justice » proclamées par la classe au pouvoir.
« LE
GRAND COMPLOT » 1923 - LA COUR D'ASSISES
Très édifiant, de se plonger dans ce rocambolesque
procès de la Cour d'Assises de Bruxelles , véritable complot monté
de toutes pièces contre 18 dirigeants du tout jeune Parti
Communiste de Belgique accusés eux mêmes de « complot contre
le sûreté de l'état ! » .
Parmi eux (les plus connus), Joseph Jacquemotte, War van Overstraeten, Oscar van den Sompel , Felix Coenen, Julien Lahaut (qui sera libéré parce que non membre du PC) Henri Glineur , Léon Lesoil , et aussi Joseph Thonet de Huy.
Parmi eux (les plus connus), Joseph Jacquemotte, War van Overstraeten, Oscar van den Sompel , Felix Coenen, Julien Lahaut (qui sera libéré parce que non membre du PC) Henri Glineur , Léon Lesoil , et aussi Joseph Thonet de Huy.
Arrêté à son domicile le 8 mars 1923, après une
perquisition où sont confisqués des documents professionnels ou
du ménage, des livres et cahiers des enfants, il est incarcéré à
la prison de Forest à Bruxelles. C'est 4 mois plus tard, 4 mois de
prison, que s'ouvre le procès du « Grand Complot »
Assises de Bruxelles 1923 Les 15 accusés et les avocats |
Déjà à la fin de l'année 1920, Thonet décidait le
groupe de Huy dont il était l'âme, à quitter le parti socialiste
et à former un groupe à caractère vraiment révolutionnaire.
Propagandiste fougueux, Thonet est l'un des soutiens les plus solides
de l'organisation communiste »
Acte d'accusation qui en fait est un fameux éloge du militant !
Acte d'accusation qui en fait est un fameux éloge du militant !
« En
conséquence, les accusés sont accusés d'avoir arrêté entre
plusieurs personnes la résolution d'agir pour soit détruire,
soit changer la forme du gouvernement, soit faire prendre les
armes aux citoyens contre l'autorité royale,les Chambres
législatives ou l'une d'elles , avec la circonstance qu'un ou
plusieurs actes ont été commis pour en préparer l ' exécution. »
Devant le vide de preuves de l'accusation, après de
flamboyantes plaidoiries de la défense, avec Mes Jules Destrée
(« c'est un artiste qui parle ») et Me Henri Rolin
(« il a fait pleurer le jury et même des avocats ;
l'acquittement était certain après ce plaidoyer ») le
jury en son âme et conscience, vota l'acquittement général !
Victoire totale, après quand même 5 mois de prison !
Victoire totale, après quand même 5 mois de prison !
Jacquemotte a brillamment exposé , dans une brochure "Le grand complot", la contre
accusation mettant en évidence le contexte politique de
cette provocation: le réveil prolétarien et l'action du Parti
Communiste, l'action contre la guerre et l'occupation de la Ruhr., la
grève générale des mineurs du Borinage de 1923.
« L’on
ne saurait, avec plus de netteté, déclarer que les poursuites
engagées contre les inculpés visent exclusivement à mettre le
communisme hors la loi. Mieux encore : à mettre hors la loi
toute la doctrine du socialisme de lutte de classe, ...(8)
LIEGE 1er MAI 1930
la police provoque des incidents en interdisant des
prises de parole, chargeant sabre au clair des militants.
Poursuivis pour rébellion et insultes, 7 militants sont condamnés
à plusieurs mois de prison ferme ( 2mois 1/2 pour Thonet, qui sera
libéré le 15 juillet)
LA
GREVE DE 1932 :
Début
juillet 1932, une grève est déclenchée par les mineurs au Borinage
contre les baisses de salaires- oui vous avez bien lu le patronat
minier , en raison de la grande crise appliquait des baisses de
salaire jusqu'à 30%!-.
La
grève prit de l'extension dans le Centre et à Charleroi. et le
Parquet procéda à des arrestations pour empêcher les militants
communistes de rester en contact avec les mineurs de la province de
Liège.
« 10
juillet , c'est dimanche ; le soir, deux gendarmes frappent à
la porte et exhibent à ma femme un mandat d'amener ...ils me
conduiront à la prison Saint Léonard . Le lendemain, puisqu'il
n' y a aucun motif d'arrestation le juge nous inculpe – à 18 ! -
de crime contre la Sûreté de l'Etat !!"
Rions
un instant ,ami lecteur, à cet extrait d'une lettre du prisonnier
Thonet au ministre de la Justice
« Monsieur
le Ministre
.Je
vous ai demandé il y a quelques semaines des faveurs résultant de
notre régime politique... j'ai demandé au directeur de la prison
de pouvoir lire les oeuvres de Maxime Gorki,Romain Rolland et Henri
Barbusse. Il m'a répondu que Gorki était russe.
J'ai
demandé a pouvoir recevoir des revues telles que « Monde »,
« Vu » et « Lu », il m'a répondu que Vu
publiait des articles de l'Humanité, qui était un journal
subversif »
« Aujourd'hui,
on m'a refusé un bloc notes!
Le
17 septembre 1932, après la reprise du travail par les mineurs, les 18
de Liège furent libérés- 2 mois et une semaine de
prison ferme sans motif !
« LE
JOURNAL PARLE » A SAINT GERMAIN
Chaque
samedi, au carrefour Saint Germain, à Huy, le camarade Joseph prend
la parole à 5 heures, à
la sortie des usines Nestor Martin et Vandenkieboom, pour informer les travailleurs sur les problèmes du moment .Le public nombreux était passé de quelques dizaines à quelques centaines , et les flics étaient toujours là.
la sortie des usines Nestor Martin et Vandenkieboom, pour informer les travailleurs sur les problèmes du moment .Le public nombreux était passé de quelques dizaines à quelques centaines , et les flics étaient toujours là.
« Après
avoir fait une remarque qui comparait l'indemnité d'un chômeur à
la liste civile du Roi je fus interrompu par par un fils de châtelain
. « Oh toi ,espèce de fainéant et parasite, tu n'as jamais
travaillé », Quelques jours plus tard , convoqué par un juge
d'instruction, je fus accusé d' insulte au Roi !»
Appelé
à comparaître- libre- devant la Cour d'assises de Liège en
décembre 1933, il fit une déclaration toujours d'actualité 84 ans
plus tard, ne trouvez vous pas ?
« Mon
crime ? Avoir dit qu'en Belgique, c'est un scandale de voir le
Roi toucher 9500000 par an, les ministres 125000 , les députés
40000, les hauts fonctionnaires des traitements de 80 à 80000, alors
que il y a des milliers de chômeurs qui ont faim et froid, que les
invalides ont subi des sacrifices, que les vieux pensionnés touchent
toujours moins , que les classes moyennes sont chargées de taxes
et d'impôts et menacés de misère par la haute finance, que des
ingénieurs, malgré leurs études sont insultés par un patronat
rapace.
Cela,
je l'ai dit. Est ce cela insulter le Roi ? La personne du Roi
m'est indifférente. Nous ne luttons pas contre des personnes, nous
luttons contre un régime. »
Verdict:16
mois de prison ferme et 500 francs d'amende !
C'est
en mars 1934 qu'il fut arrêté comme un criminel , en pleine rue , à
la sortie de la Gare du Nord à Huy
,et
transféré à la prison de Namur pour y purger sa peine. En octobre
1934, après 6 mois 1/2 de prison, il bénéficia d'une
libération conditionnelle.
1936 :
GREVE GENERALE
Commencée par les dockers d'Anvers, elle se répandit
dans tout le pays.
A Liège, le 12 juin, les ouvriers mineurs occupèrent
les charbonnages. A la FN, les femmes entrèrent dans les ateliers ,
appelant les hommes à entrer en grève ; l'usine fut occupée
au chant de l'Internationale . Toute la métallurgie était à
l'arrêt !
Et à Huy, dont l'histoire ouvrière est tellement
occultée ? Joseph Thonet nous livre quelques détails de
« Juin 36 à HUY »
« Dans
la région hutoise, la grève des métallos fut générale.
J'accompagnais
une colonne d'ouvriers allant débaucher certaines usines qui
continuaient le travail ; les usines Preudhomme- Prion se mirent
en grève.
Chaussée des Forges, les ouvriers de chez Thiry
étaient déjà dans la rue.
Puis,
ce fut l'arrivée aux Usines Godin aux Forges:les portes étaient
fermées, mais les ouvriers poussèrent sur la porte qui céda. ...On
entra dans les ateliers ( après
avoir éteint -dans une papeterie- cigarettes et pipes) et
on demanda aux ouvriers et ouvrières de cesser le travail ;
chacun et chacune abandonnèrent leur vêtement de travail...
Quand
nous sommes sortis, les gendarmes à cheval , étaient arrivés par
le Pré de la Fontaine dans la cour de l'usine .Aucun incident
ne se produisit.
Les
autre jours de la semaine, des manifestations semblables eurent lieu
vers Amay et Ampsin. A la Centrale électrique, les démarches
n'aboutirent pas , mais un nombre limité d'ouvriers y fut maintenu.
On
peut dire que le mouvement gréviste dans la région hutoise fut
général.
Les
grévistes se retrouvaient tous les jours en fin de journée au
Vélodrome de Tihange, où plusieurs milliers de travailleurs se
rassemblaient.Malgré la présence de militants socialistes et
syndicalistes, les ouvriers exigèrent que je prenne la parole. ;
je leur demandais d'être ferme , et maintenais chez eux un moral
d'acier »
Quelques jours plus tard la victoire était acquise et
la première loi accordant des congés payés par le patron fut votée
au Parlement.
« UNE PROVINCE
ROUGE »
Aux élections provinciales du 7 juin 1936, Joseph
Thonet fut élu comme conseiller provincial pour le district de Huy.(
1 PCB,1 libéral, 1 catholique, 2 rexistes et 4 socialistes )
Au conseil provincial de Liège, avec 10 élus
communistes et 34 élus socialistes,, le POB et le Parti Communiste
avaient la majorité. Ils décidèrent donc une coalition de gauche
, et Joseph Thonet devint ainsi le premier député permanent
communiste (avec un autre militant du PC Grognard).
C'était aussi, à 53 ans, son premier mandat électif !
Il eut en charge tout ce qui concernait l'agriculture, y
compris l'enseignement agricole, la formation professionnelle ,le
tourisme.
A noter que la députation permanente fit voter en date
du 12 octobre 1936 la pension pour tous les fonctionnaires nommés
au 1er janvier 1937 à l'âge de 60 ans à la place de 65 !
Décision cassée par le
gouvernement belge en 1937.
Centre de vacances de Wégimont |
De même , l'interdiction pour tout fonctionnaire de
tout cumul d'emplois rémunérés .ainsi qu'une révision des barèmes
des traitements.
Cela fait rêver, non ? Plus de 82 ans plus tard !
A l'heure de Publifin!
A l'heure de Publifin!
Au crédit du camarade Député permanent, la création
du Centre de repos et de vacances de Wégimont. Il s'imposait, au
lendemain de la conquête des congés payés, d'offrir aux
travailleurs une structure accessible à tous avec auberge de
jeunesse, camping, hébergement pour 200 personnes, à prix modique,
avec piscine, plaine de jeux.
En mai 1940, dans la Belgique envahie , en plein chaos
,Joseph Thonet,, après une arrestation et 3 jours d' incarcération
à Namur , rejoint Liège et refonde avec des députés anti nazis, restés au pays, une « Députation Permanente patriotique »
qu'il tente de mettre au service du ravitaillement de la population
et de l'aide aux chômeurs.
En vain ! Appuyée par les rexistes , l'autorité sur ordre des nazis, interdit aux 2 députés communistes toute activité.... Jusqu'en septembre 1944 et la Libération. (9)
En vain ! Appuyée par les rexistes , l'autorité sur ordre des nazis, interdit aux 2 députés communistes toute activité.... Jusqu'en septembre 1944 et la Libération. (9)
Mais commence ici une autre page d'histoire, la grande, glorieuse et aussi tragique page d'histoire de la Résistance, de la presse clandestine, « L'Espoir » édité dés le début de l'occupation, du parti clandestin, des Partisans Armés, l'histoire de Joseph Thonet, et de sa famille son fils Victor,commandant du Corps 024 des Partisans Armés, exécuté par les nazis, Mariette,l'épouse de Victor,résistante, déportée à Ravensbrück, sa fille Micheline , résistante, incarcérée à Huy et libérée par la Résistance, et aussi son épouse Célinie ,emprisonnée 6 mois à la citadelle ; même son fils aîné, Joseph , fut arrêté comme otage pendant 1 mois.
NOTES
Sur la biographie de Joseph Thonet :voir:
* GOTOVITCH, José : "VictorThonet (1883-1973)", Bruxelles CArCOB 2016
http://www.carcob.eu/IMG/pdf/biographie_victor_thonet.pdf
* Joseph Thonet :Mémoires et souvenirs, Bruxelles, s.d.
1. Mon enfance ; 2. Mon adolescence; 3. Ma jeunesse; 4. Jeune Garde socialiste; 5.Les débuts du mouvement ouvrier dans la région hutoise; 6. Mon activité au sein du POB; 7/ Souvenirs de propagande socialiste; 8. Souvenirs d'autrefois; 9. 1914-1918;10. 1914- 1918 suite; 11. 1919; 12. Les Amis de l'Exploité; 13. 1921; 14. Le premier appel du P.C.B.; 15. Mes prisons: à Forest en 1923; 16. En Cour d'Assises du Brabant du 9 au 26 juillet 1923; 17. Mes prisons: à Liège en 1930; 18. Mes prisons: à Liège en 1932; 19. La Cour d'Assises de Liège des 13 et 14 décembre 1933; 20. Mes prisons: à Namur en 1934; 21. La grève générale pour les congés payés en 1936; 22.Députation permanente de Liège; 23. La guerre de 1940-1945;
(1)https://rouges-flammes.blogspot.be/2018/01/grandes-figures-de-chez-nous-huy-sur.html
(2) Ce meeting du Cirque Royal a été magnifiquement
décrit dans « Les Thibault » - (L'été 1914) de Roger
Martin du Gard (1936) , prix Nobel de littérature. C'est un roman ,
et les événements historiques ,le meeting et la manifestation
,sont, selon les historiens, aussi romancés. Il n'empêche, c'est
à lire, c'est tellement beau ! (Chap LII, LIII)
(3) Incendie de la rue des Jardins
http://www.st-quirin.be/pdf/La%20guerre%2014%20SQ.pdf
Remarquons
ici les 2 versions historiques:
« Qui a sauvé la
ville de Huy du massacre? » le directeur de Saint Quirin,
l'abbé Thibaut , ou le bourgmestre Louis Chainaye.?http://lesresistantsdelamemoire.be/forum/topic-1315+1914-comment-le-bourgmestre- chainaye-sauva-sa-vie-et-huy.php
(4)Sur le voyage de Liebknecht en Belgique,
relaté par C. Fabry dans « Liebknecht en Belgique pendant la
guerre » lire ROUGEs FLAMMEs :https://rouges- flammes.blogspot.be/2014/10/1914-1918-uomini-contro-cest-alors-que.html
(5) L'affaire « Godin -Rhenania » :
une instruction avait été ouverte par le parquet militaire contre
des notables et industriels de Huy dont l'ancien bourgmestre Mr
Chainaye , liés aux Papeteries Godin ou à la société
Rhenania.(société de produits chimiques fondée en 1852 par des
industriels allemands et Eugène Godin de Huy dont , en 1914, le
tiers des actionnaires était belge)
Jugés en Cour d'Assises, en 1921 ils furent
acquitté. Un des inculpés, administrateur délégué des
papeteries Godin s'était, lui, suicidé en prison.
« Justice large pour les gros, sévère pour les
petits » dira Thonet
Louis Chainaye ,figure de la bourgeoisie hutoise, sera
glorifié par un nom d'avenue dans les beaux quartiers.
(6) Georges Hubin :http://www.si-valleeduhoyoux.be/images/Monographies/PDF/GeorgesHubin.pdf
(7) 1917 Déclaration jusqu'auboutiste de Georges Hubin dans : »La Russie de mars 1917 à mars 1918: Entre deux révolutions»André Damany .p104
(7) 1917 Déclaration jusqu'auboutiste de Georges Hubin dans : »La Russie de mars 1917 à mars 1918: Entre deux révolutions»André Damany .p104
(8) Sur le grand complot lire la contre accusation de
Joseph Jacquemotte .
Le Pic « Le grand complot communiste, une machine de guerre de la bourgeoisie »
http://www.centremlm.be/Parti-Communiste-de-Belgique-Le-grand-complot-communiste-contre-la-surete-de-l
Le Pic « Le grand complot communiste, une machine de guerre de la bourgeoisie »
http://www.centremlm.be/Parti-Communiste-de-Belgique-Le-grand-complot-communiste-contre-la-surete-de-l
Jean
Flinker « Le grand complot » angles d' attac - octobre2017 http://bxl.attac.be/spip/IMG/pdf/angles_d_attac_octobre_2017_journal_electro_.pdf
(9) voir JosephThonet : "Une province rouge"Editions Germinal,Bruxelles 1938
(9) voir JosephThonet : "Une province rouge"Editions Germinal,Bruxelles 1938
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