(*) puddings, surnom donné à certains
marchands ambulants qui accaparent les produits de première
nécessité pour les revendre aux Allemands, qui paient plus
grassement encore. Et qui affectionnent tout particulièrement ce
succulent dessert.
4 juillet 1916 Verviers Place Saint Remacle: colère populaire contre un profiteur |
Je reviens dans ce 36ème n° de
« ROUGE- FLAMME » sur la REVOLTE DU BEURRE des 4 et 5
JUILLET 1916 A VERVIERS .
Evoquée déjà dans un précédent blog, j'en réécris
et complète le texte aujourd'hui, à l'occasion du centième
anniversaire de ces événements, qui se sont inscrits dans les protestations des travailleurs du pays de Liège pour imposer leur prix du beurre (à 3francs/kg).
voir ROUGEs FLAMMEs:LA REVOLTE DU BEURRE EN PAYS DE LIEGE
http://rouges-flammes.blogspot.be/2015/12/1914-1918-juillet-1916-la-revolte-du.html
voir ROUGEs FLAMMEs:LA REVOLTE DU BEURRE EN PAYS DE LIEGE
http://rouges-flammes.blogspot.be/2015/12/1914-1918-juillet-1916-la-revolte-du.html
J'ai aussi découvert un article du plus grand intérêt
dans la revue « TEMPS
JADIS »
( 3ème trimestre 2009) : « Un épisode du ras le bol
populaire en 1916 à Verviers. »de Michel BEDEUR
Il écrit :
Il écrit :
« Depuis plusieurs semaines, le feu couvait, des incidents arrivaient fréquemment, mais sans réelle gravité. Exemple, en mai au marché de BATTICE, le public s'était déjà révolté contre le prix pratiqué pour le beurre par les fermiers. [...] Les bourgmestres de toutes les communes environnantes étaient intervenus, et avaient alors mis en garde les fermiers et cultivateurs sur les dangers que cette situation créait, alors que les événements ne justifiaient pas ces hausses importantes, qui ne faisaient qu'exagérer les bénéfices de certains.
C'était une lutte entre compatriotes, une révolte de l'exploité contre l'exploiteur, les mercantis ou les « puddings » comme le peuple les appelle alors . (souligné par nous Ndlr)
Dés le 3 au soir s'étaient formés à SOUMAGNE, FLERON et MICHEROUX, , tous villages de mineurs, un cortège qui se rendit de nuit vers VERVIERS .L'action était soigneusement préparée La colère gronde aussi au au marché de BATTICE dès le mardi 4 juillet 1916. Tous, venus donc du pays de Herve, descendent sur Verviers , par le Thier de Hodimont , comme une marée humaine pour faire payer les profiteurs. Un millier d'hommes – de très nombreux mineurs- et moins nombreuses, des femmes ; des citadins de Verviers se joignirent au cortège.
« Les révoltés vont d'abord s'en prendre aux marchands de lait qu'ils rencontrent sur leur passage ,ils renversent le contenu des cruches dans les caniveaux si ceux ci n'acceptent pas leurs revendications et refusent de vendre en baissant leurs prix.
Quelqu'un crie : « Allons chez les marchands ! » Le flot déchaîné se dirige vers les maisons des gros négociants en beurre, oeufs, lait et fromages (soupçonnés de commerce avec l'occupant )
Là, les plus excités vont forcer les portes, investir les immeubles et jeter dans certains lieux toute la marchandise responsable de cette révolte , dans d'autres officines plus connues pour les prix excessifs, la fureur populaire se vengera également sur tout le mobilier des exploiteurs qui passera par les fenêtres dans la rue, formant des tas de meubles, papiers, vêtements aux pieds des immeubles concernés »
Ces destructions se feront principalement rue du Gymnase, place Saint Remacle, rue Saucy et rue Marie-Henriette.
Suivons 100 ans plus tard la manifestation sur Google Map... |
« Les actions n'étaient pas orientées vers le vol ou pillage, mais avaient un caractère de justice populaire. Les participants se considéraient eux mêmes comme justiciers ou délégués du peuple, qui au nom du peuple sanctionnaient les trafiquants. » écrit le professeur VRINTS
Les agriculteurs non plus
n'échappèrent pas aux actions : une partie du cortège se
rendit de ferme en ferme pour les obliger à appliquer des prix
justes .
voir en nl Antoon Vrints "Sociaal protest in een bezet land "(Protestation sociale en pays occupé)
http://www.ingentaconnect.com/content/aup/tg/2011/00000124/00000001/art00003?crawler=true
voir en nl Antoon Vrints "Sociaal protest in een bezet land "(Protestation sociale en pays occupé)
http://www.ingentaconnect.com/content/aup/tg/2011/00000124/00000001/art00003?crawler=true
Le lendemain 5
juillet, les actions continuèrent par des rassemblements devant le
domiciles des commerçants qui pratiquaient des prix abusifs en y
exigeant les prix plus bas. Beaucoup de femmes y participent .Les
commerçants acceptent pour la plupart après de courtes
négociations.Mais chez deux récalcitrants , il y eut encore des
actions radicales.
Michel BEDEUR poursuit : « Les
Allemands qui avaient toléré cette révolte et qui apparemment
avaient été dépassés, prennent des dispositions répressives
contre ce mouvement.Le matin du 5 juillet, (...) les troupes allemandes se dirigèrent vers les rues qui avaient subi le mouvement, mais sans intervention.L'autorité militaire décrétera la fermeture des magasins à 5 heures. Verviers sera pratiquement en état de siège, des affiches placardées vont interdire les rassemblements de plus de 5 personnes et instaureront un couvre feu après 21h »
Mais ces actions portèrent leurs fruits : les laiteries mirent à la disposition de la ville leurs productions ; les prix des produits laitiers revinrent à un niveau acceptable,- « l'on verra même des ventes à fort rabais » et la population de Verviers put aborder l' hiver 1916-1917 de manière plus rassurante.
« Les taches graisseuses de beurre ... resteront visibles pendant plusieurs jours et deviendront des buts de promenade et de curiosités pour de nombreux Verviétois, ainsi que pour des habitants des environs » conclut M. BEDEUR
La « révolte du beurre »
toucha aussi SPA et STAVELOT, où des actions punitives contre les
trafiquants avec l' Allemagne eurent lieu.
ACTIONS POUR LE PRIX DU BEURRE(juin-juil1916-provLIEGE) |
Mais le 5 juillet , un groupe de
travailleurs fit signer une pétition exigeant des prix plus bas pour le beurre et les
oeufs . Des croix noires furent peintes sur les demeures de
commerçants suspects de trafic avec les Allemands.
Le lendemain un décret forçait au
respect des prix imposés.
A Spa, en juin 1916, des groupes,
surtout de femmes, empêchèrent , par des barrages, les agriculteurs
de se rendre au marché, pour les empêcher de faire affaire avec des
commerçants qui vendaient aux Allemands.
Puis, ils se rassemblèrent devant la
maison d'un trafiquant avant d'être dispersés par les soldats
allemands. Là aussi , des croix noires furent peintes sur les
maisons des profiteurs.
On le voit, l ' Union Sacrée , proclamée en août 1914 n'a pas gelé la « lutte de l'exploité contre l'exploiteur », d'autant plus que ce dernier s'enrichissait sans vergogne, pendant que le peuple crevait de faim !
Saluons quand même – 100 ans après - le courage de ces travailleurs, ouvriers mineurs, citadins de Verviers, femmes d'ouvriers, d 'être descendus , sans peur , dans la rue sous occupation militaire .
Cette lutte devait inévitablement ,prendre une forme radicale . A insister pourtant que cette forme violente de justice populaire, spontanée et légitime, ne fit aucun blessé, aucune victime .Seuls les biens des spéculateurs, des trafiquants et des affameurs furent touchés. « QUI SEME LA MISERE , RECOLTE LA COLERE »
On peut regretter aujourd'hui que ces actions de résistance sociale ,ne recueillent , par exemple que quelques lignes au milieu de 27 pages dans des écrits officiels contemporains sur la Grande Guerre.
«Un sentiment de révolte éclate parfois au sein de la population, en raison de ces réquisitions et de la hausse des prix. La situation peut parfois prendre de l’ampleur lors d’émeutes au cours desquelles les protestataires exigent des commerçants un retour à des prix raisonnables.
Ceux qui refusent s’exposent au saccage de leurs installations, comme au cours de l’été 1916 à Verviers, Herve, Dison ou encore sur le marché de la Batte à Liège : légumes, pains, œufs, poules... sont jetés dans la Meuse par des manifestants en colère »
http://www.provincedeliege.be/sites/default/files/media/524/EPL - Dossier 14-18 - 18 - La vie quotidienne à Liège pendant la Première Guerre mondiale.pdf ( avec quand même une grande photo de la place Saint Remacle à Verviers le 4 juillet)
L'histoire
de la Grande Guerre n'est elle pas aussi, celle de ces hommes et ces
femmes qui se sont levés, en pleine guerre , contre les exploiteurs
, de Anvers à Liège , de Gand à Verviers ?
Sur la résistance sociale en 1914-1918, lire aussi :NOUS VOULONS DU PAIN( livre de G. NATH sur GAND 1916) |
http://rouges-flammes.blogspot.be/2016/06/1914-1918-juin-1916-nous-voulons-du.html
sur Verviers "L’insurrection des affamés saccage le centre de Verviers"
http://lesresistantsdelamemoire.be/forum/topic-869+l-insurrection-des-affames-saccage-le-centre-de-verviers.php
et http://www.lavenir.net/cnt/355251
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