24 mars 1966: les travailleuses des ACEC- CHARLEROI débraient et partent en manifestation |
Je reviens dans ce blog sur les grèves des femmes en 1966 – il y a 50 ans - pour l'application du principe « A travail égal, salaire égal »
Ce cinquantenaire a été commémoré
avec faste en ce qui concerne la grève des 3500 ouvrières de la
FN.
Rappelons en effet, combien les mois
de février et mars 2016 ont été riches en activités de
commémoration : le 16 février, très symbolique et émouvante
manifestation des enfants des écoles de Herstal, de la porte de
la FN à « La Ruche » sur le parcours suivi, par leurs
aînées, derrière la dirigeante naturelle de la grève de 1966, la
petite GERMAINE ;
ouverture de la très réussie
exposition « Femmes en colère » organisée par la FGTB
et la CSC au Pré Madame – qui connaîtra un grand succès
particulièrement dans les milieux syndicaux ; commémor-action
organisée par Marianne , l'organisation des femmes du PTB le 20
février, avec une ballade « Sur les traces des grévistes de
la FN » suivie d'une rencontre avec des participantes à
la grève;
colloque universitaire à la Cité
Miroir les 24 et 25 mars « Quand les ouvrières de la FN
changent l'histoire », organisé conjointement par le Carhop et
des universités.
Et combien de publications ! :
Femmes Nouvelles » des FPS, la CSC, la CNE, le Musée
communal
d'Herstal ;
d'Herstal ;
16 février 2016: les écoles de Herstal aux portes de la FN |
le livre de M.T. Coenen :« La grève des femmes de la FN en 1966, une première en Europe » est réédité par le Carhop ;
sans oublier ...en toute modestie,
nos blogs "hachhachh" ( de Hubert Hedebouw ) et « Rouges-Flammes »
qui ont voulu mettre en avant et populariser l'action dans la
grève de la gauche radicale. Et ce n'est pas fini puisque nous intervenons sur ce sujet à l'Université Marxiste les 20 (en nl) et 23 août( en fr)
Le combat des femmes des ACEC ( Ateliers de Constructions Electriques de Charleroi) a été, lui beaucoup moins évoqué, voire ignoré, ou, pour le siège de Herstal, considéré un peu comme une réplique herstalienne du tsunami de la FN.
Pourtant, c'est là sans doute que l'
affrontement entre les forces en présence ( patronat, organisations
syndicales et les ouvrières) a été le plus dur ,le plus
conflictuel, même si il fut de beaucoup plus courte durée.
S'écrivit là bas – on s'en rendra
compte à la lecture de ces lignes - une page assez sombre du syndicalisme dans
notre pays, qui tourna le dos – dans le fait de ses principaux
dirigeants - à ce qui est pourtant un de ses fondements
, la SOLIDARITE .
Et c'est là, on peut le supposer, que
se joua l'issue des grèves de Liège : l' élargissement du
combat des femmes de Liège pour « A Travail égal , salaire
égal » à la grande usine soeur de Charleroi en aurait fait
un combat plus puissant et national.
La reprise du travail aux ACEC, sur une proposition minimale, par
contre , isolerait et affaiblirait , les travailleuses de la FN
Herstal déjà éprouvées par 2 mois de grève.
FLEURON INDUSTRIEL ET BASTION OUVRIER
FLEURON INDUSTRIEL ET BASTION OUVRIER
Les ACEC ont été une importante
entreprise dans le paysage industriel et social dans notre pays
Créé en 1881 , l'ensemble industriel
constitué autour de la Compagnie générale d'électricité, qui
prit en juillet 1904 le nom d'Ateliers de constructions électriques
de Charleroi (ACEC) , a disparu comme tel de la carte industrielle
fin juin 1989 à l'occasion de la filialisation de la dernière de
ses entités.
Les ACEC produisaient toute la gamme de
produits électriques , électro ménager, chauffage ,radio-
télévision, électro mécanique lourd ou léger ( turbines,
moteurs diesels, pompes, petits moteurs, transfo etc.), câblerie,
électricité nucléaire, engineering industriel etc.
2015: les travailleurs d'EFACEC toujours au combat |
Avec 4 sièges industriels en Belgique
( Charleroi, Gand, Ruysbroek -au sud de Bruxelles- et Herstal ),
l'entreprise avait un caractère national, qui devint vite d'ailleurs
international avec des filiales aux quatre coins du monde.
Je me souviens avoir rencontré en
1975, lors de la révolution des oeillets, la commission des
travailleurs d' EFACEC à PORTO au Portugal, qui luttaient pour les 40
heures de travail/ semaine.(Je découvre aujourd'hui sur le net que, alors que la maison mère belge a disparu , ils sont toujours au combat!)
C'était en quelque sorte un fleuron du capitalisme à la belge – comme ont pu l'être COCKERILL ou la FN.
C'était en quelque sorte un fleuron du capitalisme à la belge – comme ont pu l'être COCKERILL ou la FN.
Fleuron du capitalisme, associé au nom
des Empain ou de la Société Générale, les ACEC étaient aussi un
bastion avancé de la lutte sociale et syndicale .
Dans le combat contre le projet de loi
unique anti social du gouvernement Eyskens ( PSC-- libéraux)
en
décembre 1960 , le 19 au soir, les travailleurs desA.C.E.C. de Charleroi (10000 à l'époque) se
prononçaient en faveur de la grève au finish dès le lendemain,
date du début de l'examen de la loi par la Chambre.
Alors que ,le 20, les ouvriers communaux
des 2600 communes du pays suivaient massivement le mot d'ordre de
grève illimitée de la CGSP , à Marcinelle, les ACEC refusent de prendre le travail .
20 décembre 1960: les travailleurs des ACEC manifestent à Charleroi |
C'était le début , de la grève du
million de 60-61. Et les ouvrières nombreuses aux ACEC
seront loin d'y être inactives, comme le prouve cette photo d'une
manifestation des grévistes des ACEC devant la prison de Charleroi
pour la libération des militants emprisonnés.
SEPTEMBRE 1962 :
LES OUVRIERES DES ACEC - CHARLEROI JOUENT L'AVANT PREMIERE
Fait relativement méconnu , et rappelé
dans son livre par MT Coenen :
le 27 septembre 1962, les ouvrières
des ACEC , inquiètes des résultats des négociations en commission
paritaire nationale des fabrications métalliques au sujet de
l'égalité salariale, amènent les délégués syndicaux à tenir
une assemblée « sauvage » du personnel féminin, sauvage
parce que tenue en dehors des crédits d'heure attribués par la
direction pour les activités syndicales. Six délégués sont mis à
pied pour 6 semaines.
Le 1er octobre, les travailleuses
décident de partir en grève d'avertissement pour la levée de cette
sanction et pour soutenir l'action syndicale pour l'égalité
salariale.
Les délégués seront réintégrés le
5 octobre, mais le 1er novembre 1962, 150 femmes représentant tous
les services de l'usine manifestent en ville avec des calicots « A
travail égal, salaire égal »
et ce, plus de trois ans avant le 9
février 1966, début de la grève à la FN de Herstal.
Au congrès de la CSC d'octobre 62 ,
une déléguée des ACEC expliquera le sens de cette action : «
les travailleuses en ont assez d'être payées à 75% des salaires
des hommes. Il est grand temps que cette injustice cesse ; Les
ouvrières des ACEC ont manifesté leur mécontentement et leur
impatience devant la lenteur des pourparlers...L'avantage va aux
seuls patrons puisqu'ils paient moins aux femmes pour un même
travail ...» (1)
LA LUTTE DES OUVRIERES DES ACEC EN 1966
Je me suis basé pour rédiger ce blog sur * MT Coenen La grève des femmes de la FN , une première en Europe POL-HIS 1991
* Bulletin du CRISP:"C. DEGUELLE « Les grèves féminines de la construction métallique et la revendication pour l'égalité de rémunération » Courrier hebdomadaire du CRISP 18/1966 (n°s 325-326) http://www.cairn.info/revue-courrier-hebdomadaire-du-crisp-1966-18-page-1.htm
* "La Gauche" (en particulier "La Gauche" mars-avril 2016 p9) et "La Voix du Peuple" (hebdo du PC - Grippa) de février à juin 1966.
Je me suis basé pour rédiger ce blog sur * MT Coenen La grève des femmes de la FN , une première en Europe POL-HIS 1991
* Bulletin du CRISP:"C. DEGUELLE « Les grèves féminines de la construction métallique et la revendication pour l'égalité de rémunération » Courrier hebdomadaire du CRISP 18/1966 (n°s 325-326) http://www.cairn.info/revue-courrier-hebdomadaire-du-crisp-1966-18-page-1.htm
* "La Gauche" (en particulier "La Gauche" mars-avril 2016 p9) et "La Voix du Peuple" (hebdo du PC - Grippa) de février à juin 1966.
Le 21 février,
à la 2ème assemblée des ouvrières de la FN, un cortège
d'ouvrières des ACEC du siège voisin de Herstal entre à La Ruche, drapeau rouge en tête.
Le problème des ouvrières aux ACEC est similaire à celui de la FN
A Charleroi par exemple - 1600 ouvrières- le salaire minimum femmes ( catégorie 100 ) est de 20.02 F , alors que le minimum hommes ( catégorie 106) est de 27.96 F ,soit une différence de près de 8 F/H, ( -28% )!
La pression venant de la base, mobilisée par l'exemple de la FN amène la représentation syndicale intersiège ( c'est à dire regroupant les délégués et permanents FGTB et CSC des 4 sièges, Charleroi, Herstal, Ruysbroek et Gand) à exiger une hausse de salaire pour toutes les ouvrières de 6.40 F/h ... en 4 ans soit 4x1,60 F.
Et comme les négociations ne peuvent concerner que la période couverte par les conventions en cours, soit 2 ans, les 6,40 F deviennent 3,20 F en 2 ans. (2)
Le problème des ouvrières aux ACEC est similaire à celui de la FN
A Charleroi par exemple - 1600 ouvrières- le salaire minimum femmes ( catégorie 100 ) est de 20.02 F , alors que le minimum hommes ( catégorie 106) est de 27.96 F ,soit une différence de près de 8 F/H, ( -28% )!
La pression venant de la base, mobilisée par l'exemple de la FN amène la représentation syndicale intersiège ( c'est à dire regroupant les délégués et permanents FGTB et CSC des 4 sièges, Charleroi, Herstal, Ruysbroek et Gand) à exiger une hausse de salaire pour toutes les ouvrières de 6.40 F/h ... en 4 ans soit 4x1,60 F.
Et comme les négociations ne peuvent concerner que la période couverte par les conventions en cours, soit 2 ans, les 6,40 F deviennent 3,20 F en 2 ans. (2)
le 14 mars ,
c'est, tout naturellement que les 250 ouvrières du siège de
Herstal, proche de la FN réunies en assemblée, décident de
refuser la proposition patronale , présentée à tous les sièges
des ACEC, sans attendre les résultats de la conciliation nationale.
Elles ne se sont pas mises en tenue de travail , refusent le vote
secret et partent en grève, « malgré les efforts des
représentants syndicaux qui se soucient de ne pas gêner la
conciliation ».
A Charleroi, les
travailleuse réunies en assemblées dans les quatre secteurs de
l'usine mandatent leurs délégués pour déposer un préavis de
grève en cas d'échec de la conciliation sur l'augmentation de
3,20 F.
Le lundi 21 mars ,
oubliant ce mandat, les représentants syndicaux, parmi lesquels
Ernest Davister secrétaire permanent de la Centrale des Métallurgistes FGTB
carolo ( oui, oui , le même qu'en 60-61) vinrent défendre, la
proposition de "la dernière chance" du conciliateur social :à la place
des 3,20 F en 2x1,60 F, il s'agira de 1,5 F en 3x0,50 F!
Davister , qui lui même
avait déclaré en frappant sur sa poche :« Si nous
n'obtenons pas les 3,20F à la conciliation , nous remettrons le
préavis de grève qui est ici » , menaçait maintenant
que la grève ne soit pas reconnue par les centrales et donc non indemnisée.
Ils « se firent
chahuter par les ouvrières dont la plupart proclamaient qu'elles
marcheraient même sans allocation de grève . Une grande partie
de l'assistance réclama une manifestation le lendemain en face de
l'entreprise et manifesta leur opposition à l'organisation d'un
référendum , jugeant cette procédure inutile , demandant le dépôt
immédiat d'un préavis de grève » (3 )
Mais le lendemain, 22
mars, il y eut référendum , pour ou contre les propositions du
conciliateur , accompagnées du message suivant aux
travailleuses, imprimé sur les bulletins de vote ; message ,
en toute « démocratie », a peine orienté (!!!) :
« Ces
augmentations constituent un minimum garanti et un à valoir sur les
conclusions d'une comparaison (à
étudier ndlr) entre
salaires féminins et salaires masculins.
Afin que votre
information soit complète, sachez que vos collègues de Ruysbroek ,
consultés par bulletin secret, ont accepté cet accord par une
majorité de 82%.
Cet accord constitue
le maximum que les négociations permettaient d'obtenir. Le rejeter ,
c'est s'engager dans la voie de la grève. » (4)
Et les
collègues de Herstal en grève depuis 10 jours ? Et la
solidarité avec la FN ? Pas un mot !
Malgré
tout, malgré aussi l'absence au vote des ouvrières (plus d'une
centaine aux Transfos) qui refusent de participer à ce vote, la
majorité des 950 ouvrières présentes rejeta l'accord (une aumône)
à 54% des voix , ce qui n'empêcha pas les dirigeants de proclamer,
à la grande colère des travailleuses, cette majorité( en dessous des 66%) trop faible
pour la grève !
C'EST
VOUS QUI VENEZ DE HERSTAL ? NE PARTEZ PAS : NOUS
DEBRAYONS AUSSI !
Mais
le vent tourne... : Arnold Hauwaert (5), journaliste à
« La Voix du Peuple » a tellement bien décrit cette
journée du jeudi 24 mars:
»Une arrivée
inattendue fait sensation : un groupe de femmes de la FN descend
d'un car, déroule deux calicots et distribue un tract .
Immédiatement, un
énorme courant de sympathie se manifeste. Les ouvrières s'arrêtent,
forment des groupes, remercient les femmes de la FN , leur offrant
café et tartines. La température monte rapidement. Les
travailleuses des ACEC entendent pour la première fois le chant de
combat : « Le travail , c'est la santé... »
7h. L'entrée des
salariés est terminée . Les travailleuses de la FN sont attablées
dans un café voisin devant un café fumant. C'est qu'il fait glacial
à Marcinelle !
Et tout à coup, la
porte s'ouvre, cinq à, six jeunes filles entrent en trombe et,
s'adressant aux ouvrières liégeoises : « C'est vous qui
venez de Herstal ? Ne partez pas, nous débrayons aussi ! »
Et elles repartent
Tout le monde est
rapidement dans la rue.
La camarade Germaine
s'adresse aux femmes des ACEC. Derrière les grilles , dans la cour,
on assiste à un remue ménage extraordinaire. On apprend que dans 3
secteurs ( câblerie, transfo, moyennes machines )toutes les femmes
ont spontanément quitté le travail. Débordés, les délégués les
ont réunies , et l'on discute ferme.
Et c'est bien vrai
qu'elles arrivent, de tous les coins de l'usine, elles accourent,
entourant leurs camarades de Liège. Elles empoignent les deux
calicots et s'en vont en cortège vers une autre division de
l'usine : le département électronique
photos "Voix du Peuple" |
Dans l'après midi, on
apprendra que les femmes de la pause de 14h n'ont pas pris le
travail, et que dans certains départements, les hommes aussi sont
rentrés chez eux.(5)
Cela
vaut la peine de rentrer dans ces détails qui nous enseignent
comment naissent des solidarités et de là, des petits ou grands
combats pour la justice sociale . Il y avait ce matin là un noyau
ferme organisé et uni qui savait ce qu'il veut, le groupe venu de
Herstal et il y avait la révolte et la colère des centaines de
travailleuses de Charleroi se sentant grugées , encore peu ou pas
organisées dans les 4 secteurs de l'usine , mais soumises au tir de
barrage, à l'intimidation et aux menaces de ceux là même qui
auraient dû les soutenir.
C'est
cette rencontre , cette alchimie interne au monde du travail entre
la conviction et le leadership des unes et la colère et la révolte
des autres qui a été le déclencheur et qui a permis, dans le
calme, la première journée d'action aux ACEC, avec d'emblée une manifestation en ville.
12-
15 AVRIL : GREVE, PIQUETS, COMITE d' ACTION
Le
30 mars, en assemblée à
Charleroi, un nouveau « maximum que les négociations
permettent d'obtenir » (1,70 F en place des 3,20 F) avait été
rejeté massivement ; le préavis de grève générale est
enfin déposé.
Mais,
c'est le lendemain 13
avril qu'un nouveau
« nouveau maximum » est présenté en assemblée par Ernest Davister , chahuté . (2) (on passe
de 1,70 F à 2 F en 3 fois, en place des 3,20 F exigés)
de 1,70 F à 2 F en 3 fois, en place des 3,20 F exigés)
Opposé
à la grève, il annonce que aucun mouvement de grève ne sera
indemnisé par le syndicat !
Une
délégation des liégeoises est présente aux portes de l'usine .
En
fin de matinée, la grève est effective à 90%.
Un
comité d'action est formé le 13 avril
«
Les discussions qui se sont déroulées entre les dirigeants
syndicaux et le patronat pendant la durée du préavis légal de
grève n'ayant abouti à aucun résultat acceptable, et à l'échéance
de ce préavis, les dirigeants syndicaux n'ayant pas respecté leur
engagement envers les ouvrières des ACEC de Charleroi, celles ci ont
créé un comité d'action, qui décide de poursuivre la grève
jusqu'à entière satisfaction malgré les manoeuvres de division
syndicales »(6)
14
avril
Le comité d'action organise les piquets le 14 avril et
distribue des appels à la grève.Une délégation des grévistes de
Herstal est toujours là !
Des gros bras de la délégation insultent et
bousculent des femmes du piquet, allant jusqu'à les frapper ; à
l'entrée du département «électronique", les ouvrières liégeoises
furent violemment prises à partie, l'une d'elles fut projetée au
sol, une autre eut les vêtements déchirés.
A l'entrée de Beausart, une ouvrière des ACEC fut
projetée contre les grilles et fut blessée au bras.
Et dans ces conditions lamentables, un nouveau
« référendum » est néanmoins organisé, boycotté
pourtant par la moitié des ouvrières ; la proposition est à
nouveau rejetée à 62% , mais la délégation appelle à la reprise
du travail, le quorum de 66% n'étant toujours pas atteint.(!)
15
avril « les ouvrières de la division
"électronique" d’abord, des divisions "mécanographie"
et "transformateurs" ensuite, se remettent en grève en
exigeant la démission d’un délégué syndical, accusé de
violences physiques sur des ouvrières des ACEC ; elles
entraînent avec elles, par solidarité, les hommes occupés dans ces
divisions, outrés par les méthodes utilisées pour mettre en
échec les revendications féminines ; cette protestation touche au
total près de 500 travailleurs,... qui rejoignent
donc les rangs des ouvrières déjà restées en grève. »
Le mouvement , bien que non reconnu
s'est consolidé - 80 à 90 % des femmes sont en grève- et s'étend aux ouvriers.
18 - 20 AVRIL :
LE FRONT DE GREVE SE BRISE
Durant
le week- end des 16 et 17 avril, la situation bascule.
Des proches de la la
délégation syndicale, dirigée par Robert Dussart - par ailleurs
dirigeant du parti communiste officiel, farouchement opposé à
toute grève des travailleuses aux ACEC , suivant en cela son permanent social démocrate Davister, s'introduisent discrètement dans le Comité
d 'Action. Comme Davister et Gailly en 1960, , il avait maintenant lui aussi ses "trouble - fêtes": les 1600 femmes des ACEC!
Le Comité d'action fait soudain place à un « Comité de grève »,
auquel se "rallient" les délégués lors d'une assemblée présidée par les femmes du Comité d'Action le
lundi 18 à la Maison des 8 heures. Le mot d'ordre de grève au
finish est dans toutes les
têtes, mais la confusion règne sur "qui est qui" et "qui veut quoi."
Mais...
, après avoir rencontré les dirigeants Davister (FGTB) et Doyen
(CSC), une délégation du "comité de grève - comité d'action" obtient une rencontre avec la direction pour le lendemain à
11h, ensemble avec les délégués, pour discuter de la
future reclassification des métiers féminins .
Dans
ce cadre le tout nouveau "comité de grève- ex comité d'action" appelle... à la reprise
du travail (!!!) pour le lendemain, de manière- croit-il sans doute- à
assurer la sérénité de cette rencontre.
La
direction entérine l'augmentation de 2 F sur 2 ans- pourtant rejetée par 59% des ouvrières - , accepte la
constitution d'une délégation féminine , accepte la réalisation
dés 1968 de « a travail égal, salaire égal »
et pour ce faire, promet un timing d'études et de négociations d'une
nouvelle classification jusqu'au 2ème semestre 1967.
Et
sur ces belles paroles, tout peut rentrer dans l'ordre : une
certaine reconnaissance , pour la première fois, est donnée aux travailleuses, et le principe du travail égal pour un salaire égal au 1/01/1968 est aussi, pour la première fois, entériné par une direction d'usine, pour autant
bien sûr que les travailleuses en grève reprennent le travail, et ...qu'elles oublient leurs
collègues et soeurs de Herstal qui leur avaient montré la voie !!
Si,«le
mardi matin, le désarroi était grand parmi les ouvrières dont
certaines refusaient de reprendre le travail. », le lendemain,
mercredi 20 avril, tout était terminé aux ACEC de Charleroi. :
il y aura eu en tout et pour tout 4 jours de grève.
15
avril - ACEC HERSTAL : « MESDAMES STOPPEZ LA GREVE »
Le
même accord salarial – avec référendum par bulletin secret -
devait être proposé aussi aux grévistes des ACEC Herstal , à
l'arrêt depuis le 14 mars .
LA RUCHE 15 avril: assemblée des ACEC HERSTAL:distribution du bulletin de vote |
A
des travailleuses qui subissent un écart salarial par rapport aux
salaires masculins des plus élevés – 9,10 F- les 2F (sur 2 ans en
trois fois - dont 1 F tout de suite) sont présentés comme de « brillants résultats »
et
la solidarité syndicale des travailleurs a des soucis à se faire
quand on lit :
« le
siège de Herstal est le seul à se battre et les ouvrières de
Charleroi ne bougeront pas , d'autant plus que les permanents de
Charleroi ont affirmé qu'aucune indemnité de grève ne serait
versée
Oubliez
les autres entreprises et les autres sièges. » R
Gillon
« N'oubliez
pas non plus qu'il faut voir le problème de la libre concurrence :
vous ne voulez sans doute pas que l'on ferme vos usines ! [..]»
Klentjes
« A
Charleroi, la situation est confuse, personne ne bouge.Vous n'avez
jamais eu et vous n'aurez jamais la solidarité de Charleroi . »
« On
veut isoler Liège syndicalement et politiquement... »
... »Faîtes
attention, car les Flamands sont vos concurrents »
« Vous
devez signer l'accord proposé, car ce sera un moyen de solutionner
rapidement le conflit de la FN : lundi, je pourrai partir, si il
y a accord chez vous , avec une arme terrible contre les patrons de
la FN : grâce à vos 2F , la FN pourra obtenir 3,25 F.
Montrez
votre solidarité aux ouvrières de la FN , arrêtez la grève de
telle sorte qu'on puisse dire que les 350 femmes des ACEC ont apporté
aux 3500 femmes de la FN une vraie solidarité. »(!!) (G.
Barbe)(7)
Inutile
de dire que ces propos furent accueillis par les huées des
travailleuses , d'autant
plus que l' annonce en pleine assemblée de l'extension de la grève à
Charleroi hommes et femmes réunis ce même jour -le 15 avril- avait fait l'effet d'un coup de canon !
Le vote à bulletin secret donna la majorité pour la poursuite de la grève .
Mais comme cette situation ne pouvait satisfaire, ni le patronat, ni les principaux dirigeants syndicaux, ni le gouvernement – qui, de fait , avaient décidé de siffler la fin de la récréation- on revota une deuxième fois aux ACEC Herstal , après que Charleroi ait repris le travail, et le 21 avril le travail reprenait.
Ces quelques extraits montrent les effets dévastateurs dans le mouvement syndical dans les années 60, après la grande grève 60-61 partie dans l'unité la plus grande de la classe ouvrière, du « chacun pour soi » social démocrate des principaux dirigeants des centrales syndicales : Liège contre Charleroi ; les Wallons contre les Flamands, avec une dose de chantage à l'emploi , et surtout la primauté absolue donnée à la concertation de quelques uns avec le patronat sur la mobilisation et l' action collective de toutes et tous .
Le vote à bulletin secret donna la majorité pour la poursuite de la grève .
Mais comme cette situation ne pouvait satisfaire, ni le patronat, ni les principaux dirigeants syndicaux, ni le gouvernement – qui, de fait , avaient décidé de siffler la fin de la récréation- on revota une deuxième fois aux ACEC Herstal , après que Charleroi ait repris le travail, et le 21 avril le travail reprenait.
Ces quelques extraits montrent les effets dévastateurs dans le mouvement syndical dans les années 60, après la grande grève 60-61 partie dans l'unité la plus grande de la classe ouvrière, du « chacun pour soi » social démocrate des principaux dirigeants des centrales syndicales : Liège contre Charleroi ; les Wallons contre les Flamands, avec une dose de chantage à l'emploi , et surtout la primauté absolue donnée à la concertation de quelques uns avec le patronat sur la mobilisation et l' action collective de toutes et tous .
Mais, c'était
le but de la manoeuvre : la reprise forcée des ACEC - aucun vote à Charleroi n'a donné l'adhésion des syndiquées aux propositions des conciliateurs nationaux - , cette reprise forcée allait donner au Ministère du Travail le "la" de ce que devrait être pour lui la négociation à la FN , qui redémarrait la semaine suivante après plus de 6 semaines de rupture de contact, et qu'il avait charge de piloter.
Un accord du même ordre de grandeur - assez minimal - (2F sont bien loin des 6F40 et même des 3F20 exigés aux ACEC), accord qu'il pourrait alors imposer sans difficulté à la direction réticente et rétrograde de la vieille FN et que les travailleuses seraient, la rage au ventre, forcées d'accepter, épuisées après 10 semaines de grève et poussées au recul par ceux là mêmes qui avaient pourtant reçu mandat de défendre au plus loin leurs "5 F tout de suite et pour toutes".
A la FN, ce sera - le 5 mai- 2F immédiatement + 0.50 à 0.75 F suivant les catégories au 01/01/1967.
C DEGUELLE dans le bulletin du CRISP cité l'explique clairement:
"Le cadre de la solution est tracé pour les ACEC ; lorsqu’il ne restera plus que le conflit de la F.N. à résoudre isolément, le Ministère du Travail pourra s’inspirer de la solution trouvée par les parlementaires sociaux pour les ACEC"( §152)
L'analyse du Parti Wallon des Travailleurs (PWT) (8) (section ACEC Charleroi) pourtant peu suspect d'anti-syndicalisme primaire est dure et sans appel :
Un accord du même ordre de grandeur - assez minimal - (2F sont bien loin des 6F40 et même des 3F20 exigés aux ACEC), accord qu'il pourrait alors imposer sans difficulté à la direction réticente et rétrograde de la vieille FN et que les travailleuses seraient, la rage au ventre, forcées d'accepter, épuisées après 10 semaines de grève et poussées au recul par ceux là mêmes qui avaient pourtant reçu mandat de défendre au plus loin leurs "5 F tout de suite et pour toutes".
A la FN, ce sera - le 5 mai- 2F immédiatement + 0.50 à 0.75 F suivant les catégories au 01/01/1967.
C DEGUELLE dans le bulletin du CRISP cité l'explique clairement:
"Le cadre de la solution est tracé pour les ACEC ; lorsqu’il ne restera plus que le conflit de la F.N. à résoudre isolément, le Ministère du Travail pourra s’inspirer de la solution trouvée par les parlementaires sociaux pour les ACEC"( §152)
L'analyse du Parti Wallon des Travailleurs (PWT) (8) (section ACEC Charleroi) pourtant peu suspect d'anti-syndicalisme primaire est dure et sans appel :
Rapport de la section ACEC du PWT ( La Gauche 04/06/1966) |
Les
délégués membres du PC tendance Moscou se mirent à la
disposition de Davister et interdirent la diffusion de « Dynamo »
(journal de la section ACEC du PC ndlr)parce qu'un rédacteur,
étranger aux ACEC n' y prenait pas position contre la grève des
femmes. L'un des délégués déclara que « selon lui et les
autres communistes de la délégation, les conditions objectives pour
un débrayage n'étaient pas réunies » (9)
Les
attitudes des régionales CSC et FGTB ne peuvent être dissociées.
Du
début jusqu'à la fin, Davister (FGTB) et Doyen (CSC) ont filé le
parfait amour.
L'empressement
qu'ils ont mis à collaborer avec le patronat n'a d'égal que le
mépris qu'ils manifestèrent à l'égard des masses et de leurs
aspirations .Leur
plus grand souci a été de faire accepter n'importe quoi aux
ouvrières et d'éviter à tout prix une extension à Charleroi du
conflit liégeois.
Comment
mieux démoraliser les grévistes liégeoises qu'en les laissant
seules dans la lutte, ou en les isolant le plus tôt possible en
faisant reprendre le travail à Charleroi !» (10)
Il apparaît assez clairement que l'extension du mouvement pour "A travail égal, salaire égal"à Charleroi
a été farouchement combattue par les directions syndicales et
politiques.
La Voix du Peuple11/03 ( édito de E. HASARD |
Et
avec la plus grande sympathie des centaines de travailleuses de
Charleroi.
Mais
l'absence semble t-il (mais aucun bilan ne m'est connu) , au sein du Comité d'Action
fraîchement créé ,d'un noyau uni et ferme sur les objectifs,
construit patiemment au fil des années, tel que le noyau rassemblé
à la FN autour de la communiste Germaine Martens, a favorisé les coups tordus et le coup d'arrêt donné au mouvement.
On le voit, le combat des femmes des ACEC à Charleroi pour l'égalité de salaires a été difficile et semé d'embûches: les résultats en ce mois d'avril 1966, n'ont sans doute pas été à la hauteur de leurs espérances, mais elles ont pris date dans le grand combat pour l'égalité: débrayages, manifestation en ville, résistance aux violences des gros bras anti grève, création d'un comité d'action, reconnaissance d'une délégation féminine, autant d'actions courageuses, qui justifient - 50 ans après- notre respect et notre refus de les oublier.
Et , comme leurs camarades de la FN, elles ont bien servi le mouvement syndical, mouvement à l'époque essentiellement masculin, en lui apportant, ainsi qu'à toute la société, un vent frais de combat, de solidarité, d'égalité,et de ...féminisme.
Merci à toutes.
NOTES
ANNEXE
Récapitulatif propositions et votes aux ACEC mars- avril 1966
On le voit, le combat des femmes des ACEC à Charleroi pour l'égalité de salaires a été difficile et semé d'embûches: les résultats en ce mois d'avril 1966, n'ont sans doute pas été à la hauteur de leurs espérances, mais elles ont pris date dans le grand combat pour l'égalité: débrayages, manifestation en ville, résistance aux violences des gros bras anti grève, création d'un comité d'action, reconnaissance d'une délégation féminine, autant d'actions courageuses, qui justifient - 50 ans après- notre respect et notre refus de les oublier.
Et , comme leurs camarades de la FN, elles ont bien servi le mouvement syndical, mouvement à l'époque essentiellement masculin, en lui apportant, ainsi qu'à toute la société, un vent frais de combat, de solidarité, d'égalité,et de ...féminisme.
Merci à toutes.
NOTES
(1) MT Coenen La grève des
femmes de la FN , une première en Europe POL-HIS 1991 p p 81-82
(2)voir en annexe le récapitulatif des négociation aux ACEC
(3)Voix du Peuple n°12 25/03/1966 p20
(4)cité dans Voix du Peuple n°13 01/04/1966
(5)Arnold Hauwaert, journaliste à la Voix du Peuple,à l'époque dirigeant du Parti Communiste Wallon; militant communiste toute sa vie. Décédé le 16 février 2015.
Article de "La Voix du Peuple n°13 1966 du 1er avril p12: "Les femmes des ACEC ( Charleroi), débraient"
(6) "cité dans "La Voix du Peuple" n° 16 22/04/1966
(7) "La Voix du Peuple " n°16 du 22/04/1966 compte rendu de l'assemblée des grévistes des ACEC Herstal
(8)PWT: Parti Wallon des Travailleurs confédéré avec l'UGS bruxelloise,tendance gauche socialiste. fondé en février 1965 suite aux exclusions en 1964 du courant de gauche du PSB- a une implantation ouvrière dans la région de Charleroi .
(9)L'attitude du Parti Communiste-" tendance Moscou" d'opposition à l'extension de la grève des femmes aux ACEC - du moins dans la fraction dominante du parti et dans le chef de Robert Dussart - est confirmée par un article de Roger. Romain militant communiste de Courcelles dans son blog en 2006
http://courcelles.skynetblogs.be/archive/2006/03/29/29-03-2006-la-greve-des-femmes-a-la-fn-de-herstal-a-travail.html
10)"La Gauche" n° 22 du 04/06/1966
(11) Parti Communiste Wallon: branche wallonne du PC Grippa ou encore appelé "tendance Pékin" fondé en juin 1963 après l'exclusion de Jacques Grippa et d'autres militants"pro chinois" au Congrès d'Anvers du Parti Communiste en avril 1963..
(2)voir en annexe le récapitulatif des négociation aux ACEC
(3)Voix du Peuple n°12 25/03/1966 p20
(4)cité dans Voix du Peuple n°13 01/04/1966
(5)Arnold Hauwaert, journaliste à la Voix du Peuple,à l'époque dirigeant du Parti Communiste Wallon; militant communiste toute sa vie. Décédé le 16 février 2015.
Article de "La Voix du Peuple n°13 1966 du 1er avril p12: "Les femmes des ACEC ( Charleroi), débraient"
(6) "cité dans "La Voix du Peuple" n° 16 22/04/1966
(7) "La Voix du Peuple " n°16 du 22/04/1966 compte rendu de l'assemblée des grévistes des ACEC Herstal
(8)PWT: Parti Wallon des Travailleurs confédéré avec l'UGS bruxelloise,tendance gauche socialiste. fondé en février 1965 suite aux exclusions en 1964 du courant de gauche du PSB- a une implantation ouvrière dans la région de Charleroi .
(9)L'attitude du Parti Communiste-" tendance Moscou" d'opposition à l'extension de la grève des femmes aux ACEC - du moins dans la fraction dominante du parti et dans le chef de Robert Dussart - est confirmée par un article de Roger. Romain militant communiste de Courcelles dans son blog en 2006
http://courcelles.skynetblogs.be/archive/2006/03/29/29-03-2006-la-greve-des-femmes-a-la-fn-de-herstal-a-travail.html
10)"La Gauche" n° 22 du 04/06/1966
(11) Parti Communiste Wallon: branche wallonne du PC Grippa ou encore appelé "tendance Pékin" fondé en juin 1963 après l'exclusion de Jacques Grippa et d'autres militants"pro chinois" au Congrès d'Anvers du Parti Communiste en avril 1963..
ANNEXE
Récapitulatif propositions et votes aux ACEC mars- avril 1966
FGTB – CSC | DIRECTION | COMITE NATIONAL CONCILIATION | |||||
DATE | 03/03/66 | 03/03/66 | 11/03/66 | 18/03/66 | 30/03/66 | 12/04/66 | |
Montant/h : + | 6,40 F | ||||||
en | 4 ANS | ||||||
= | suivt acc.national (18/02) | ||||||
Montant/h : + | 3,20 F | 0,80 F | 1 F | 1,50 F | 1,70 F | 2 F | |
en | 2 ANS | 2 ANS | 2 ANS | 2 ANS | 2 ANS | 2 ANS | |
pour | 1966-1967 | 1966-1967 | 1966-1967 | 1966-1967 | 1966-1967 | 1966-1967 | |
soit | 2x1.60 F | 2x0,40 F | 2x0,50 F | 3x 0,50 F | 1 F + 0,70 F | 1 F +0,70 F+0,30 F | |
immédiat | 1,60 F | 0,40 F | 0,50F | 0,50 F | 1 F | 1 F | |
VOTES | VOTE 1 | VOTE 2 | VOTE 3 | VOTE 4 | |||
HERSTAL | 260 | NON 100 % | NON | NON 59 % | OUI 65% | ||
date vote | ouvrières | 22/03/66 | 31/03/66 | 15/04/66 | 20/04/66 | ||
CHARLEROI | 1600 | NON 54% | NON | NON 59. % | |||
date vote | ouvrières | 22/03/66 | 01/04/66 | 14/04/66 | |||
RUYSBROEK | 500 | OUI 80% | |||||
date vote | ouvrières | 22/03/66 | |||||
GAND | 50 | ? | ? | ? | |||
dare vote | ouvrières |
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