Depuis 50 ans , la grève des femmes
de la Fabrique Nationale à Herstal est devenu le symbole presque
mondial de la lutte pour l'égalité salariale entre les femmes et
les hommes au travail.
Sociologues, historien(ne)s, expert(e)s
ont disséqué et analysé ce conflit social qui a, en 1966 paralysé
une des principale usines de la région liégeoise pendant près de 3
mois , du 16 février au 10 mai 1966.
Ce blog pour mettre, 50 ans après, la
lumière sur des militantes oubliées de ce grand combat .
Même si l'affiche « A travail
égal salaire égal » a fait le tour du monde, et est en
quelque sorte devenue la carte de visite de la grève, le courant de
gauche qu'elle y a représenté , aussi bien parmi les ouvrières
que dans la solidarité autour de la grève , est largement occulté
.
Pourtant, il fait bien partie de
l'histoire de la gauche ouvrière de cette époque.
Germaine, dont je veux parler aujourd'hui était une militante
communiste, ouvrière à la FN de 1926 à 1968
9/02/1966 : GERMAINE ,
ELLE FAIT UN DRAPEAU D'UN MANCHE DE BROSSE ET D 'UN CHIFFON ROUGE ;
« Le mercredi
9 février, un premier mouvement de protestation s'organise
spontanément au sein des ateliers.
C'est une ouvrière
du grand hall , la vieille Germaine qui donne le ton
Elle fait un
drapeau d'un balai et d'un chiffon rouge et entraîne ses compagnes
derrière elles
« Tap dju,
tap dju on z'a assez rigolé d' nos autes .»
( voir :
Marie Thèrèse COENEN : « La grève des femmes de la FN
en 1966 » POL-HIS 1991 p110 ; sera référencé par
la suite MTC)
Laissons la parole à celle qui lança
le mouvement la communiste GERMAINE MARTENS ; en 1966, elle
est à 2 ans de la pension et travaille à la canerie.
« Nous
sommes parties en grève pour obtenir « A travail égal,
salaire égal »
Les
syndicalistes nous le promettaient depuis plus d'un an, mais nous
n'avions rien vu venir
L'article
119 du Traité de Rome , déclaration de principe du Marché Commun,
obligeait les états membres à payer aux femmes le même salaire
qu'aux hommes , pour un travail égal .
Et
cela pour janvier 1965 au plus tard.
Mais
à l'usine, la femme la mieux payée en décembre 65 gagnait 5
francs de moins que n'importe quel manoeuvre masculin.
C'est
pourquoi nous avions comme revendication 5 francs d'augmentation
pour toutes : cela unifiait tout le monde, et nous obtenions
ainsi l'égalisation avec les salaires masculins les plus bas.
Quand
nous avons reçu notre feuille de paie du mois de janvier 66, et
qu'on a vu que l'augmentation n'y était toujours pas, nous avons
compris qu'il fallait arrêter nos machines. Nous sommes allés dans
tous les ateliers et nous avons poussé sur les boutons pour arrêter
la production .
Nous
avons appelé à une réunion générale . Quand toutes les
femmes ont été dans la salle , les délégués sont venus et nous
leur avons dit qu'il fallait satisfaction pour nos salaires.
Ils
nous ont répondu : « Attendez, on va discuter avec
les patrons .»
Nous
avons répondu : « Non, nous avons attendu assez
longtemps ! Nous vous donnons 8 jours ; si dans 8 jours,
nous n'avons pas eu satisfaction, nous partons en grève.
Et
nous sommes retournées à nos machines bien décidées à faire
ainsi »
[...]
Nous
étions quelques femmes à nous voir souvent à l'usine dans les
groupes ( les unités de production) et aux toilettes ;
On
parlait politique comme les hommes . Une femme qui a travaillé des
années à l'usine fait aussi bien de la politique qu'un homme. Elle
connait mieux la politique, car c'est elle qui a le porte monnaie
pour vivre , et l'homme ne l'a pas !
Comme
on ne voyait rien qui changeait, nous parlions beaucoup de grève
entre nous, et avec les ouvrières.
Nous
étions connues des ouvrières depuis des années ; je parlais
dans toutes les assemblées syndicales et je poussais les autres à
parler.
C'est
nous qui avons arrêté les machines et appelé toutes les ouvrières
à la réunion . J'en ai même battu une qui ne voulait pas
arrêter.
On
ne s'appelait pas Comité d'Action à l'époque, mais nous étions
vraiment un groupe d'ouvrières qui agissait ensemble»
« Interview
de Germaine » dans « La Parole au Peuple n°15 janvier
1975
(En août 1974,
une nouvelle grève des femmes a eu lieu à la FN ; une
militante, a alors rencontré et interviewé Germaine Martens ,
alors pensionnée, pour le périodique « La Parole au Peuple »
)
16/02/1966
: «C 'ETAIT LA REVOLUTION »
« Dans
la semaine qui suit, des arrêts de travail se font de manière
sporadique sans que les délégués pissent maîtriser le mouvement :
« les femmes discutaient entre elles . Si ce n'était à un
endroit, c'était à un autre.Les chefs ne disaient rien.
C'est
pendant cette semaine que nous avons inventé la chanson : « le
travail , c'est la santé »
Le
16 février : « Dés 8 heures du matin ...les femmes
entendaient le rapport des délégations FGTB et CSC présentes au
grand complet.
C'était
non !
Immédiatement,
l'assemblée se déchaîna immédiatement dans un concert de cris et
de bruits inimaginables.
Plusieurs
délégués intervinrent sans succès pour apaiser l'assemblée ,
mais aucun d'eux ne réussit à ramener le calme , et quand l'un
d'eux proposa de suivre la procédure normale et de déposer un
préavis de grève, l'assemblée s'y refusa avec une telle vigueur
que le micro passa aux mains des femmes, tandis que l'Internationale
s'élevait .. suivie de « Le travail, c'est la santé »
panneau de Germaine: "Qui tiresse leu plan" |
« En
cortège, les femmes traversent les halls pour arrêter celles qui
travaillent encore
Quand
elles voyaient une machine qui tournait encore, clac, elles coupaient
la courroie. C'était vraiment la révolution » (MTC
pp110-113 : témoignage
de Rita Jeusette et article du Drapeau Rouge)
Les
femmes sortent et défilent dans les rues de Herstal. Elles vont
jusqu'à la maison communale.
Le
lendemain, le 17, assemblée générale « L'ambiance est très
nerveuse . »(Le Soir -18/02) « Les dirigeants
syndicaux suggèrent d'adopter une procédure d'attente pour
permettre les négociations. Ils se font huer. Toutes les femmes qui
prennent la parole à la tribune disent leur décision d'aller
jusqu'au bout . L'assemblée survoltée décide à l'unanimité de
poursuivre immédiatement la grève jusqu'à ce que les patrons
cèdent » (MTC p.117)
21/02/1966
LE COMITE D'ACTION DES OUVRIERES DE LA FN
« Ce
comité est créé à l'initiative du noyau d'ouvrières qui ont été
à l'origine du mouvement dés le 9 février, autour de Germaine
Martens
Il
se forme en dehors des structures syndicales .C'est le noyau le plus
radical .
Il
interviendra plus tard dans les tentatives de rallier d'autres
entreprises comme les ACEC à Charleroi.
Il
sera très actif dans les assemblées , organisera des
rassemblements devant l'usine et distribuera de nombreux tracts.
C'est
également ce comité qui , avec l'aide de la section liégeoise de
l'Union des femmes diffuse l'affiche « A travail égal, salaire
égal » qui couvre bientôt les murs de Herstal. » (MTC
p123)
Le
lundi 28 février, les délégations FGTB et CSC proposeront la
création d'un comité de grève, composé de 29 militantes , présidé
par Charlotte Hauglustaine ( FGTB), avec comme secrétaire Rita
Jeusette (CSC) et qui intègrera le 3 mars des femmes actives dans
le comité d'action dont la communiste Germaine Martens.
Le
comité de grève aura pour tâche de gérer les produits des
collectes de solidarité et de recevoir des informations sur les
négociations, la direction du mouvement et les négociations
restant le monopole des organisations syndicales , bien qu' en fin de
mouvement, le 26 avril, 6 militantes du comité de grève
participeront pour la première fois aux négociations. (MTC p150)
Le
Comité d'Action continuera néanmoins son action , surtout pour
étendre le mouvement à d'autres usines, malgré la désapprobation
de certains dirigeants des syndicats.
Donnons
la parole au COMITE D'ACTION:
« Dés
le début, nous nous sommes rendus compte que les dirigeants
syndicaux ne voulaient pas de cette grève...
Dés
la première assemblée, alors qu'ils [...]venaient de se se faire
traiter de « VENDU » par toutes les ouvrières, ils
annonçaient que seuls les grévistes syndiqués pourraient y
assister.
C'est
sur ce fait précis que la formation d'un Comité d'Action a été
décidée....
Nous
nous sommes réunies à plusieurs ouvrières après l'assemblée .
Nous
avons stencilé un premier tract ... La grève avait démarré grâce
à l'unité active de TOUTES les ouvrières, syndiquées ou non
syndiquées.
On
n'avait pas demandé aux ouvrières si elles étaient syndiquées ou
non pour faire grève .
On
n'avait pas à le leur demander pour participer aux assemblées.
Dans
ce tract nous avons demandé à nos camarades de se réunir avant
l'assemblée et d'y entrer toutes ensemble, syndiquées et non
syndiquées . Ce fut notre première action et notre premier
succès . »
L'ELARGISSEMENT DE
LA GREVE : ACEC (HERSTAL – CHARLEROI), SCHREDER ( ANS)
« Dés
le début de la lutte, toute notre action a porté principalement sur
2 objectifs :
- les 5 frs /heure pour TOUTES les ouvrières, quelle que soit leur catégorie, ce qui unifiait la lutte
- l' élargissement de la grève aux autres entreprises occupant du personnel féminin, ce qui devait permettre une action plus puissante.
Nous
sommes allées en délégation avec des calicots portant nos mots
d'ordre aux portes des ACEC de Herstal, de chez Schreder à Ans, des
Cristalleries du Val Saint Lambert , de chez Englebert.
Et rapidement,
notre action a porté ses fruits .
Ce
furent d'abord nos camarades des ACEC de Herstal qui rejoignirent la
lutte et formèrent leur comité d'action, ensuite celles de Schreder
à Ans. La lutte fut également menée chez Jaspar, et cela malgré
les bobards [... ]: « Le problème de la FN n'était pas
celui des ACEC , celui des ACEC pas celui de chez Schreder , celui de
chez Schreder pas celui de chez Jaspar .[...]
On
voudrait vous dire deux mots de notre action pour l'élargissement de
la grève aux ACEC de Charleroi : nous nous sommes rendues
plusieurs fois avec des camarades des ACEC Herstal aux ACEC
Charleroi, toujours dans le but d'élargir la lutte.
Dés
notre première action,( 24 mars) avec tracts et calicots, toutes les
ouvrières de Charleroi débrayaient pour 24 heures, et organisaient
spontanément une manifestation dans les rues de Charleroi, avec nos
calicots en tête, portés par des femmes des ACEC.
Nous
y sommes retournées à plusieurs reprises, et à chaque fois, nous
avons été accueillies chaleureusement ;
Finalement,
suivant notre exemple, les ouvrières de Charleroi débrayèrent
contre l'avis de leurs dirigeants, et formèrent elles aussi leur
Comité d'Action »
UNE MANIFESTATION A LIEGE
«
Nous avons également réclamé , avec toutes les ouvrières une
manifestation régionale à Liège.
Ils
attendirent le deuxième mois de grève (
le 7 avril) pour organiser une
manifestation à Herstal seulement et limitée aux femmes en grève.
Alors que les ouvrières demandaient une manifestation à Liège avec
la participation de toutes les femmes et de tous les
travailleurs[...]
...
et nous avons montré (
le 25 avril à Liège)
qu'après 11 semaines de grève, nous n'avions rien perdu de notre
combativité et que les ouvrières , malgré toutes les pressions des
dirigeants syndicaux, malgré les lourds sacrifices consentis ( en
période de travail, un couple de travailleurs mari et femme à la FN
peut gagner en moyenne 3000 francs par semaine ; en période de
grève, la femme étant gréviste et le mari chômeur , c'est ramené
à environ 1500 francs) que les ouvrières réclamaient encore la
lutte jusqu'à la victoire et les 5 francs d'augmentation tout de
suite. » (« Rencontre
avec les grévistes de la FN » Union
des Femmes – n°3 juin 1966)
L'ELARGISSEMENT
DE LA GREVE : CHRONOLOGIE
- 21/02 : En signe de solidarité, 248 femmes des ACEC HERSTAL arrêtent le travail et envoient une délégation à l'assemblée de la FN.
« Les grèves féminines de la construction métallique et la revendication pour l'égalité de rémunération »Courrier hebdomadaire du CRISP 18/1966 (n°s 325-326)§128 – (sera référencé par la suite « CRISP »)
- 03/03 :
arrêt de travail chez SCHREDER
à Ans
- 14/03 : les ouvrières des ACEC HERSTAL partent en grève, « malgré les efforts des représentants syndicaux qui se soucient de ne pas gêner la conciliation. »(CRISP §150)
- 21/03 : les 60 ouvrières de SCHREDER partent en grève.
- Pas de grève à JASPAR : Les ouvrières obtiennent une hausse des salaires directs( de1,47 à 2,5 frs)
- 22/03 :ACEC HERSTAL : « les ouvrières décident de poursuivre la grève contre l'avis du délégué ; Les ouvrières ont durci leur action et elles constituent également un comité d'action. » (MTC p161)
- 24/03 : ACEC CHARLEROI ( 1600 ouvrières) débraie pour 24 heures
« Une
délégation de grévistes de la F.N. et des ACEC de Herstal se rend
aux ACEC de Charleroi et y détermine la majorité des ouvrières à
déclencher une grève de solidarité de 24 heures. Environ 250
grévistes organisent alors un cortège à travers la ville. »(CRISP
§167)
« Plusieurs
centaines de travailleuses se sont rendues en cortège au siège de
la CSC et à la Maison du Peuple en scandant des slogans assez
désagréables pour les délégations syndicales »(
Le Soir 25/03/1966, cité dans MTC p.141)
- 31/03 assemblée chez SCHREDER :vote la poursuite de la grève , reconnue par les syndicats.
- 1/04 : Les ouvrières des ACEC HERSTAL votent la prolongation du mouvement.
- 13/04 : les ouvrières des ACEC CHARLEROI partent en grève
« La
majorité d'entre elles ne sont pas en tenue de travail.Une
délégation du comité d'action des ACEC HERSTAL manifeste devant la
porte.
Le
permanent FGTB déclare qu'en cas de débrayage, les indemnités ne
seront pas versées par le syndicat. Aucun vote ne peut intervenir.
« La
situation était donc tendue entre les ouvrières et les
représentants syndicaux, qui s’efforçaient de garantir la reprise
du travail. »
Sous
l'impulsion du parti communiste wallon, un comité d'action est
créé. »
« A partir
du 14 avril, le "Comité d’action" avait organisé
des piquets de grève et distribué un tract appelant à la
grève. »(MTC p 163à165)Le 15 avril, le conflit s'étend à d''autres secteurs dont des hommes .
« Le samedi 16 avril, alors que les piquets de grève du comité d’action empêchaient le travail, les permanents syndicaux régionaux de la métallurgie rencontrent une délégation de grévistes groupées autour de ce comité. La délégation de grévistes exprime sa volonté de voir régler rapidement la reclassification des ouvrières. »
Le 19 avril, les femmes du comité d'action exigent de participer à la rencontre avec la direction !!
La Wallonie titre : « Constitution d' un syndicat féminin ? »[.. .] »Pour préparer cette réunion, le comité d'action appelle toutes les ouvrières à être au travail ce matin »
- 19/04 :
reprise du travail aux ACEC
HERSTAL et
le 20/04 aux ACEC
CHARLEROI :
elles obtiennent une augmentation de 2 frs et une révision des
classifications des métiers féminins.
- 3/05 : reprise du travail chez SCHREDER à Ans après 6 semaines de grève : elles obtiennent 2 frs d'augmentation et une commission d'égalisation des salaires.
Et
le 5 mai, les femmes de la FN votent par 1320 voix contre 205 la
reprise du travail suit e à un accord en conciliation sociale
qui leur accorde 2,75 fr/h d'augmentation.
Le
10 mai, les ouvrières, drapeaux en tête, rentrent à l'usine,
marqunat officiellement la rentrée,. (MTC p157)
« FAIRE
TROTTER NOS DELEGUES »
On
le voit, la grève des femmes de la FN et son élargissement à
d'autres usines a été un conflit social dur et n'a pas été un
« long fleuve tranquille ».
Les
délégations de la FN et les directions régionales des grandes
centrales syndicales semblent avoir été prises au dépourvu par un
mouvement spontané, qu 'elles n'avaient ni prévu, ni suscité.
L'ambiance
générale était plutôt, peut on le dire, à la concertation, à
la négociation au sommet de conventions collectives, par secteur
national, en échange de la garantie de la paix sociale.
Il
se fait que dans ce processus ,des catégories entières de
travailleurs, discriminées au niveau du statut et du salaire étaient
oubliées, comme par exemple les femmes .
Le
cahier du CRISP 18/1966 explique bien ce processus des années 60 .
Et
particulièrement ,les conséquences de l' accord de type nouveau du
7 janvier 1965 entre Fabrimétal ( l'organisation patronale des
fabrications métalliques) et les 3 centrales syndicales .
En
résumé, les organisations syndicales à tous les niveaux- national,
régional, local, garantissent la paix sociale pour une durée de 2
ans, ( aucune autre revendication que celles traitées par les
conventions, et surtout aucune grève) en échange d'avantages ( 0,5%
des salaires ) versés à ces organisations, comme « avantages
aux seuls syndiqués »
Assemblée générale des ouvrières : au micro : Robert Lambion |
« Le délégué syndical d’entreprise ne peut donc plus apparaître comme "l’homme de combat" à l’état pur, il est aussi chargé d’une fonction médiatrice.
Vis-à-vis des
travailleurs de l’entreprise, ce glissement du rôle du délégué
rend évidemment le contact plus difficile. Ceci est d’autant plus
vrai : lorsque apparaît dans l’entreprise une situation
conflictuelle touchant une catégorie de travailleurs dont le
degré d’intégration est faible tant dans l’entreprise que dans
l’organisation syndicale. Tel est le cas des ouvrières
particulièrement nombreuses et concentrées dans la construction
métallique de la région de Liège.
Elles sont peu intégrées dans l’entreprise : les
salaires les plus bas et les tâches les moins qualifiées leur sont
réservés ; le personnel de maîtrise est surtout masculin ;
le travail les engage fortement du point de vue utilitaire, mais peu
du point de vue humain.
Même lorsqu’elles sont massivement
syndiquées (comme à la F.N.), elles sont peu intégrées dans
l’organisation syndicale, en ce sens que leur pénétration dans
les postes de responsabilités est peu prononcée ; leurs
revendications sont noyées dans les revendications masculines ;
et pourtant elles sentent d’autant plus la nécessité d’être
défendues qu’elles sont peu intégrées dans l’entreprise .
Dans le cas des grèves de la F.N. et des ACEC, un facteur de durcissement du conflit a été l’apparition de "comités d’action", composés d’ouvrières et constitués en dehors de l’obédience syndicale. Ces comités, qui se veulent directement représentatifs des ouvrières sont du type "organe de combat" et cherchent à prendre appui aussi bien sur les travailleurs non syndiqués que sur les membres des organisations pour faire pression sur ces dernières. » (CRISP §59-63)
Dans le cas des grèves de la F.N. et des ACEC, un facteur de durcissement du conflit a été l’apparition de "comités d’action", composés d’ouvrières et constitués en dehors de l’obédience syndicale. Ces comités, qui se veulent directement représentatifs des ouvrières sont du type "organe de combat" et cherchent à prendre appui aussi bien sur les travailleurs non syndiqués que sur les membres des organisations pour faire pression sur ces dernières. » (CRISP §59-63)
La tête de la manifestation du 7 avril - HERSTAL |
La tête de la manifestation du 25 avril - LIEGE |
Entre ces 2 photos, chercher l'erreur
Quoi
qu'il en soit, l'objet de ce blog n'est pas de reprendre à
posteriori l'une ou l'autre polémique ,
de
faire le procès ou l'éloge de tel de tel , que ce soit des
délégations syndicales, des directions régionales , du comité de
grève ou des femmes du comité d'action mais de rendre hommage aux
3800 ouvrières en grève, et parmi elles à leur comité de grève
bien sûr, mais aussi ( rendons à César ce qui appartient à César)
à ce groupe de courageuses ouvrières des Comités d'action (FN,
ACEC HERSTAL et CHARLEROI) , ces lanceuses d'alerte.
Elles
ont allumé l'étincelle.
Noyau
radical de la grève, elles s'inscrivaient dans l'action
revendicative syndicale, comme élément
moteur. Dans un monde syndical presque exclusivement masculin, elles ont osé chanter « Nous les femmes, on va marcher »
moteur. Dans un monde syndical presque exclusivement masculin, elles ont osé chanter « Nous les femmes, on va marcher »
Elles
ne voulaient ni chasser, leurs délégués, ni les écarter,ou se
substituer à eux ce qui eut été suicidaire, même si aucune femme
n'était déléguée, mais elles voulaient les « faire
trotter », comme le disait leur chanson.
« Faire
trotter NOS délégués » – tous des hommes , rappelons
le - exprime bien la volonté de la masse des ouvrières que LEURS
délégués se démènent, fassent leur boulot, pour faire aboutir
LEURS revendications légitimes d'ouvrières, femmes adultes
discriminées parce que femmes, considérées , de même que les «
gamins » , comme une main d' oeuvre à bon marché.
« Augmentation
de 5frs/h », « A travail égal salaire égal ».
Et
ce quelles que soient, d'autre part les obligations de LEURS délégués
-hommes , de garantir la paix sociale, contractées en leur nom , au
plus haut sommet, avec Fabrimétal.
Ce
sera d'ailleurs le mérite et l'honneur de très très nombreux et
nombreux délégués et permanents FGTB et CSC durant toutes ces
années 60 et 70 de rester avant tout des délégués de combat
dévoués entièrement aux travailleurs, même si le patronat tentait
d'acheter la « paix sociale » .
On
ne leur rendra jamais assez hommage.
C'est
la grève et la mobilisation de toutes les ouvrières, en masse,et
dans la durée, qui a créé le
rapport de force permettant aux
délégués, mandatés par les assemblées générales fréquentes
régulières et massives (16 février :2500 femmes , le 17 :
3000 ,le19, 2500;le 28,2500 etc.) de négocier en position de
force face à un patronat de combat. Qui finit par proposer 50
centimes !!!
COMBAT n°10 1966 p11 |
« 50
centimes, ce n'est pas assez, on ne demande pas la charité... »
C'est
l'unité de toutes par l'unanimité au sein des assemblées, par la
constitution du comité de grève qui unifia la grève et
centralisa la solidarité tout y en intégrant les femmes du comité
d'action, c'est la clarté de leur revendication qui leur permit de
tenir une grève de 12 semaines.
.
Et
ce sont aussi les comités d'action de la FN et des ACEC Herstal,
qui ont été le fer de lance de l'extension du mouvement , vers les
ACEC de CHARLEROI.
Ces
lanceuses d'alerte, en ce 50ème anniversaire, le mouvement ouvrier
tout entier , les syndicats, les organisations féminines,les partis
et organisations de la gauche politique se doivent de de leur
rendre hommage et de les remercier.
N'
ont elles pas été la conscience des syndicats ,n'ont elles pas
insufflé un vent nouveau , un vent féminin qui allait pour les
années futures bouleverser aussi leurs structures?
Le
syndicat n'est la propriété de personne, sauf des travailleurs.
Et si j'écris
aujourd'hui ces pages, ce n'est pas comme ancien combattant
nostalgique, - j'avais 23 ans en1966- mais c'est pour que ce courant
radical de la grève de 1966 ne soit pas jeté aux oubliettes d'une
commémoration consensuelle, quels qu'aient pu être ses erreurs
.Les erreurs font aussi partie de l'histoire de la gauche. Et
qui parmi les combattant-e-s de ce 1e grand conflit de femmes peut
prétendre n'en avoir pas commises. ?(1) PCW : parti communiste wallon ,aile wallonne du PC ( Grippa)- avec des sections à Liège, Charleroi, Centre et Mons- Borinage.Organisation de la gauche de la gauche de 1963 à 1968.
Active dans la solidarité avec le VIETNAM,le mouvement anti impérialiste et le soutien aux luttes ouvrières.
(2) Union des Femmes organisation féminine dans la mouvance du PC Grippa , créée en septembre 1965 par des personnalités reconnues comme
*GERMAINE
HANNEVART :
(1887-1977), docteur en biologie en 1922, franc-maçonne à partir de
1927, fut la Présidente de l'Association des Femmes Universitaires
de 1932 à 1952, dont elle avait été la co-fondatrice en 1921.
Initiée au Droit humain dès 1927, elle fera mettre à l’étude de
son atelier de nombreuses questions relatives à la condition
féminine.
Membre
du groupe belge de la Porte Ouverte aux préoccupations féministes
Elle
participa activement avant-guerre au Comité de Vigilance des
Intellectuels Antifascistes et à la solidarité avec l'Espagne
républicaine », professeur de biologie au Lycée Jacquemain
jusqu'en 1948
* YVONNE
JOSPA:(
1910-2000) militante du Parti communiste de Belgique.Elle fonde
l'association secrète du Comité de défense des Juifs qui sauvera
de la déportation des milliers d'enfants juifs.
Elle sera également l'une des fondatrices de l'aile belge du
Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples fondé
à Paris en 1949. Le mouvement sera rebaptisé en 1966: Mouvement
contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie (M.R.A.X.).
C'est également en 1966 que meurt son mari.* CECILE DRAPS :Avocate engagée, a défendu devant les tribunaux (français et belges) des membres du FLN algérien (Front de Libération Nationale). Elle est l’une des rares femmes avocates à la Cour de cassation
ELENA HAZARD, femme engagée d'une grande sincérité et d'une grande compétence, fut , un temps , journaliste de "La Voix du Peuple" hebdo du PC Grippa.
Plusieurs
femmes du Comité d'action de la FN étaient membres de l'Union des
Femmes
lire
Marie Thèrèse COENEN : « La grève des femmes de la FN en 1966 , une première en Europe » POL-HIS 1991
en ligne
lire
Marie Thèrèse COENEN : « La grève des femmes de la FN en 1966 , une première en Europe » POL-HIS 1991
en ligne
C. DEGUELLE « Les
grèves féminines de la construction métallique et la revendication
pour l'égalité de rémunération »Courrier
hebdomadaire du CRISP 18/1966 (n°s 325-326) http://www.cairn.info/revue-courrier-hebdomadaire-du-crisp-1966-18-page-1.htm
Robert GUBBELS : De vrouwenstaking - CERSE 1966
sur Union des Femmes:
"Jeanne Vercheval, un engagement social et féministe" C. Marissal et E Gubin Carhif 2011 p39
Robert GUBBELS : De vrouwenstaking - CERSE 1966
sur Union des Femmes:
"Jeanne Vercheval, un engagement social et féministe" C. Marissal et E Gubin Carhif 2011 p39
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