Beaucoup est écrit ces derniers jours sur l'avocat MICHEL GRAINDORGE , le défenseur des 13 de CLABECQ, des familles des victimes des tueurs du Brabant ou sur son action contre les génocidaires rwandais.
Beaucoup est écrit aussi
sur « l'affaire Graindorge » où il fut emprisonné en 1979, pendant 4 mois de détention préventive , inculpé de complicité dans l'évasion avec prise d'otage de son client François Besse. Il sera ensuite
complètement acquitté.
J'ai, quant à moi,
partagé, quotidiennement, de 1961 à 1968 ses années du Parti
Communiste, - ou DES Partis communistes-puisque nous avons
,ensemble avec bien d'autres camarades , été militants actifs de 3
« variantes », « dissidences » ,
« tendances »..
Bouleversé par sa disparition, je veux lui rendre hommage en retraçant ici comment j'ai vécu ces 10 années de combat commun.
Bouleversé par sa disparition, je veux lui rendre hommage en retraçant ici comment j'ai vécu ces 10 années de combat commun.
LA GRANDE GREVE
J'ai rencontré pour la
première fois Michel aux piquets de grève de l'ULB en janvier 1961
, dans la grande grève 60-61. Lui étudiant en droit en 2ème candi
, moi jeune bleu de 1ère Polytech.
Entre les participations
aux grandes manifestations à la Maison du Peuple contre la loi
unique, nous voulions arrêter le fonctionnement de l' ULB qui
prenait ainsi sa place aux côtés du mouvement ouvrier et syndical.
En face de nous, en
« contre piquet », chargé d'assurer la « liberté
d'étudier », HERMAN DE CROO, président des Etudiants Libéraux
et futur ministre et président de la Chambre et ses amis.
Michel était aux
Etudiants communistes et membre du parti.
Dans « En avant »
, la revue des EC de janvier 1962, Michel écrira :
« Jamais autant
que qu'à la Grande Grève, nous avons senti la faillite de notre
société. Qu'on ne s'y trompe pas ! Ce n'est pas par romantisme
ou par exaltation puérile que nous avons fait grève si nombreux aux
cotés des ouvriers ; Les étudiants se rendent compte de plus
en plus que notre vieux régime n'est plus capable de résoudre ses
problèmes, que sa « démocratie » sert une petite classe
de parasites, que la machine de l'état appartient à quelques mains
seulement et que l'ensemble de la population , ouvriers, paysans,
intellectuels n'est pas maître de la nation.
Nous avons clairement
exprimé notre opposition à la loi unique, et nous avons dit
pourquoi nous y étions opposés.
Mais par delà cette
loi unique, nous avons montré notre aspiration à changer
profondément notre société. »- en avant- n°16 p 42
BATAILLE POUR LA CULTURE
A la rentrée
universitaire d'octobre 1961, c'est Michel qui devient le
« secrétaire politique « du Cercle des Etudiants
Communistes de l' ULB ».
article sur marxisme et religion En avant n°17-18 |
Brecht s'invite à la
Cité av Paul Héger avec la présentation par le Théâtre
Populaire de « Si les requins étaient des hommes » .
Salle comble.
Aussi le renforcement des
EC est un objectif :250 membres au 1er MAI. Je me souviens, motivé
par Michel avoir arpenté les couloirs, cartes d'adhésion à la
main pour réaliser ces objectifs.
En même temps grosse
offensive sur le syndicalisme étudiant .
Mais par delà le
rayonnement culturel du marxisme, c'est la question de la libération
du Tiers Monde qui est au centre de nos préoccupations : Cuba,
le Congo et l'Algérie, avec la lutte contre l'OAS et contre les
groupes fascistes belges , dont – le MAC (Mouvement d'Action
Civique).
Et nous étions dans la
rue après le massacre du métro CHARONNE – quand plusieurs
manifestants anti OAS furent tués par la police à Paris en 1962.
Un CUAC Comité
universitaire anti colonialiste est créé , qui invite JACQUES
VERGES, et participe, le 12 mars 1962, à une conférence de JP
SARTRE en collaboration avec le cercle du Libre Examen, le Comité
pour la Paix en Algérie, devant 6000 personnes dans la grande salle
du Centre Rogier.
Et ça discute
ferme, entre camarades à la Cité : le rôles des communistes
dans les révolutions ,+ bien sûr, STALINE, le XXIIème congrès du
PCUS etc.
Les EC sont manifestement
l'organisation étudiante la plus dynamique.
Michel en a une grande
part du mérite .
Toujours très présent
sur le terrain, ouvert à, tous, il était un vrai dirigeant
étudiant, à l'écoute de tous, et écouté par tous - aussi bien
les présidents plutôt droitiers des cercles facultaires que nos
camarades trotsk. des ES.
Il était et a toujours
été un homme de dialogue et d'écoute , ayant du temps pour chacun. Quand il arrivait à la Cité, il fallait avoir la patience de l'attendre : un mot avec l'un , interpelé par un autre, plaisantant avec un troisième.
A l'été 1962, nous nous
retrouvons pendant 15 jours à Rochehaut au dessus de la Semois dans
un
1962 : STAGE D'ETE DES EC à ROCHEHAUT -Michel est en haut à gauche |
Michel en est bien sûr
la cheville ouvrière.
Il adorait et suscitait les débats sortant du cadre purement politique: nous avons ainsi passé des heures à discuter du problème des malformations de foetus à cause de la thalidomide. ( affaire Softenon)
Il aimait aussi briser les tabous, franchir des soi disant lignes rouges: je me souviens d'un passage dans une boîte gay où le sujet de débat à notre table , était, cette fois l'inversion de température dans la vallée de la Semois!
Michel n'était pas une machine politique ; c'était tout simplement un homme, avec son engagement, mais aussi ses tourments intérieurs, ses besoins de solitude et d'évasion. C'est ainsi que à la rentrée d'octobre 62 des EC, il revint plus tard de vacances, et déjà, le parti avait statué : il était écarté du secrétariat politique des étudiants.
Il adorait et suscitait les débats sortant du cadre purement politique: nous avons ainsi passé des heures à discuter du problème des malformations de foetus à cause de la thalidomide. ( affaire Softenon)
Il aimait aussi briser les tabous, franchir des soi disant lignes rouges: je me souviens d'un passage dans une boîte gay où le sujet de débat à notre table , était, cette fois l'inversion de température dans la vallée de la Semois!
Michel n'était pas une machine politique ; c'était tout simplement un homme, avec son engagement, mais aussi ses tourments intérieurs, ses besoins de solitude et d'évasion. C'est ainsi que à la rentrée d'octobre 62 des EC, il revint plus tard de vacances, et déjà, le parti avait statué : il était écarté du secrétariat politique des étudiants.
Je garde de ces années
61 – 63 une impression de richesse intellectuelle tranquille, de
succès de masse aussi, dans une atmosphère de grande camaraderie, de bonne humeur consensuelle, une sorte d'humanisme communiste,
teinté de romantisme, que seules les provocations des fascistes
pouvaient perturber.
Michel symbolisait bien
tout cela.
1963 : LA
RUPTURE
Mais le mouvement
communiste était en fait , à l'échelle mondiale, en plein débat :
c'est dans la cellule « étudiants » du Parti que peu à
peu la polémique idéologique, née dans la Fédération bruxelloise, allait s'amplifier.
Je nous vois encore dans
la salle du 26 rue St Christophe – dans des discussions sur la
coexistence pacifique, sur le passage au socialisme sur toutes les
thèses dites - « chinoises »
Je revois Michel, sortant
un petit livre : « il y a des camarades dont on ne parle
jamais, je voudrais citer les thèses des camarades albanais »
à propos des points de vue de Togliatti., le dirigeant du grand PC
Italien, qui flirtaient plutôt avec le réformisme.
Jean B. , membre du BP du
PC répondait : « En Albanie, quand on cloue une planche
pour un coffrage, la planche est soviétique, le marteau est
soviétique, le clou est soviétique, et bien souvent aussi , le
maçon est soviétique! » Le ton était donné. Voilà un
alignement sur le chauvinisme de grande puissance qui n'était pas
fait pour emporter notre adhésion !
Nous
avions rédigé nos propres thèses sur la coexistence pacifique qui
paraîtront dans la tribune de discussion du Drapeau Rouge. Et dans une intention politique évidente, les EC organisaient en décembre 1962 une expo sur la Chine, toujours non reconnue par la Belgique.
DEC 1962: EXPO DES EC SUR LA CHINE |
Michel, s'il était un
homme de dialogue et d'ouverture, n'était pas un homme de
compromission. Il était entier, et avait des principes. Il avait
découvert, 4 ans plus tôt, le marxisme alors qu' il était soigné
pour la tuberculose au sanatorium d' Eupen, et n'était pas prêt à
le brader au nom de quelque compromis historique que ce soit.
Il n'était pas prêt à
accepter de subordonner l'engagement révolutionnaire de la planète
– et le sien en particulier - à la politique extérieure
soviétique de coexistence avec le « tigre en papier »
américain.
Homme
passionné, aux idées rigoureuses, il ne pouvait, dans ce débat,
qu'être aux côtés des plus faibles, des peuples colonisés qui
s 'émancipaient, souvent les armes à la main, aux côtés de
la grande Chine indépendante , pauvre mais fière, aux côtés des
révolutionnaires du Tiers Monde.
Il
n'était pas non plus un carriériste politique, un homme d'appareil,
négociant par tactique ses positions politiques en fonction d'une
place, d'une carrière éventuelle.
Ce
grand débat, m' a profondément marqué. Et a, je crois, été ,en
quelque sorte, été une piqûre contre l'idéologie réformiste.
Nous
nous sommes , la majorité des étudiants communistes – et Michel
en a été le moteur - rangés derrière Jacques Grippa, dirigeant de
la Fédération bruxelloise du PC – où il était majoritaire .
Exclu du PC officiel au congrès d'Anvers de avril 1963, il
a constitué un nouveau « parti communiste » qu'on
appellera « pro chinois » ou « tendance Grippa »
Les réactionnaires
parleront de Michel « Grain de riz » ! Il sera le
dirigeant de la jeunesse, pionniers, jeunes et étudiants communistes
rassemblés.
Ont suivi 4 années de
militantisme débridé : soutien aux mineurs de Zwartberg, aux
femmes de la FN, aux travailleurs de Cockerill.
Comme une brigade
volante, dans le combi VW de la Fédération bruxelloise, nous
parcourions le pays,que nous inondions de tracts et d'affiches et,
débordant de moyens matériels, nous étions sur tous les coups :
comité de soutien aux révolutionnaires congolais, exposition sur
Cuba et l'Amérique Latine, manifestations contre le transfert du
SHAPE ( commandement militaire de l'OTAN) à MAIZIERES CASTEAU .
Mais quand nous nous
comptions , dans les rues de Bruxelles le 1er mai, nous étions tout
au plus quelques centaines – 297 exactement le 1er mai 1964 !
Et aux élections de 1965, on ne pavoisait pas, avec des scores entre 1 et 2%. suivant les régions - bien loin derrière le PC , parfois en cartel. avec ses alliés, (24000 voix pour le PC Grippa voix contre environ 240000 pour le PC officiel qui avait 6 élus à la Chambre., dont à Bruxelles Pierre le Grève militant trotskiste ,figure charismatique du soutien à l'Algérie, élu en cartel avec le PC).
On aurait pu s'interroger sur notre tactique d'alliance à gauche, qui en fait n' existait pas.
Et aux élections de 1965, on ne pavoisait pas, avec des scores entre 1 et 2%. suivant les régions - bien loin derrière le PC , parfois en cartel. avec ses alliés, (24000 voix pour le PC Grippa voix contre environ 240000 pour le PC officiel qui avait 6 élus à la Chambre., dont à Bruxelles Pierre le Grève militant trotskiste ,figure charismatique du soutien à l'Algérie, élu en cartel avec le PC).
On aurait pu s'interroger sur notre tactique d'alliance à gauche, qui en fait n' existait pas.
Je nous revois aussi tous
les deux, Michel et moi – cela devait être à l'automne 63- , lui
avec un masque de Kennedy, moi avec un masque de Kroutchev, déambuler
bras dessus, bras dessous dans le restaurant universitaire ; je
tapais sur les tables avec ma chaussure comme Mr K. l'avait fait à
l'ONU, et notre petit sketch ne pouvait que susciter les rires et le
soutien des étudiants, ... et la grimace de nos camarades de l'UNEC
(EC tendance Moscou)
LE VIETNAM
Mais c'est le Vietnam qui
a été le révélateur politique de ces années
Aux mots d'ordre
officiels, « pacifistes » des manifestations, et marches
anti atomiques centrés sur la « Paix au Vietnam », nous
opposions le soutien aux combattants dits du « Vietcong »
, à leur guerre populaire contre l'impérialisme américain :
« FNL vaincra ».(*)
(*) FNL: Front National de Libération du Sud Vietnam, organisation d'unité nationale pour l'indépendance créée pour libérer le Sud Vietnam - en 1960.
(*) FNL: Front National de Libération du Sud Vietnam, organisation d'unité nationale pour l'indépendance créée pour libérer le Sud Vietnam - en 1960.
Et ils ont vaincu !
Nous chantions leur
hymne : « Libérons le sud , camarades » nous
diffusions leur journal : « Le Courrier du Vietnam » ;
célébrions leurs héros – Nguyen Van Troy - fusillé à
Saïgon en 1964; nous nous engagions à partir là bas- en « brigades
internationales » - s'ils nous le demandaient.
Je revois le JANSON, le
grand auditoire de l' ULB : débat sur le VIETNAM, présidé par
Paul DANBLON de la RTB.
Michel se lève au milieu
des centaines d'auditeurs, et parle, de sa voix forte, chaude,
convaincante.
Il défend le peuple
vietnamien , le FNL. Il stigmatise la guerre américaine et prend ses
distances du pacifisme « bêlant » Orateur hors pair, il
parle bien, et aussi il parle juste. Il est ovationné , il
emporte l'adhésion.
Dans la foulée , en
février 1967, c'est l'affaire KAPLAN.
ULB - 21 janvier 1967 : KAPLAN NE PARLERA PAS! |
A l' ULB, le cercle du
Libre examen , avait organisé un cycle de conférences sur le
Vietnam ; et la première , annoncée pour le 27 janvier, devait
donner la parole au sous secrétaire d'état américain Harold
Kaplan.
Il ne pouvait être
question pour nous tous, Michel et ses camarades – comme pour
de nombreux étudiants progressistes- de donner une tribune , comme
si de rien n'était, - au représentant d'un état qui bombardait,
massacrait, assassinait le Vietnam et y était responsable de crimes
de guerre.
KAPLAN ne parlera pas !
Le mot d'ordre est lancé, et des débats passionnés sur la liberté
d'expression traversent la cité universitaire.
Au jour dit, dans le
Janson bourré à craquer, le drapeau du FNL est brandi : FNL
vaincra ! Les fascistes belges et vietnamiens se lancent à
l'assaut, puis saccagent les locaux de gauche et font un autodafé de
nos livres et brochures.
Mais Kaplan n'a pas
parlé. !
Qu'à cela ne tienne, les partisans de la liberté d'expression pour tous, même les
criminels de guerre remettront le couvert, protégés par la police (!) en organisant au centre ville, un nouveau débat entre le secrétaire
d'ambassade US Floyd et... un dirigeant du Parti Communiste officiel
Pierre Joye.
Et on pourra voir cette
scène étonnante : un dirigeant du PC assister sans broncher à
l'arrestation de dizaines de militants perturbateurs, dont Michel, et aussi son
propre neveu Robert Fuss.
L'Association pour la
Paix et l'Indépendance des Peuples (APIP) , animée par Jeanne
Vercheval, présidée par le baron Allard, le « baron
rouge » et patronnée aussi par Germaine Hannevart, militante féministe vétéran du soutien à l'Espagne républicaine, créait des comité d'action anti impérialistes
des jeunes; ils allaient sur les plages chanter les chansons de Bob
Dylan.
La Marche anti atomique
de avril 1967 fut ainsi transformée en une puissante marche
anti-impérialiste. Nos panneaux rouges , « FNL vaincra »,
« US , assassins, hors du Vietnam », « Chassons
l'OTAN » etc. amenés par camionnettes entières, inondaient
toute le cortège de 20000 personnes.
Le petit parti
d'activistes était parvenu, sur cette question du soutien au VIETNAM
en tout cas, dans de larges couches de la jeunesse, à mettre sa
marque anti impérialiste, et ce grâce au travail de masse de ses militants.
Notre action, souvent qualifiée de "gauchiste" par la gauche bien pensante, ne faisait que se joindre- ne l'oublions surtout pas aujourd'hui- au puissant mouvement mondial, et au mouvement des jeunes américains eux mêmes, qui défilaient au Pentagone en 1967 aussi avec le drapeau du FNL(*)
(*) voir à ce sujet http://www.gauchemip.org/spip.php?article3715
Notre action, souvent qualifiée de "gauchiste" par la gauche bien pensante, ne faisait que se joindre- ne l'oublions surtout pas aujourd'hui- au puissant mouvement mondial, et au mouvement des jeunes américains eux mêmes, qui défilaient au Pentagone en 1967 aussi avec le drapeau du FNL(*)
(*) voir à ce sujet http://www.gauchemip.org/spip.php?article3715
Mais 1967 était
décidément une année riche en rebondissements : en mai, le
grand magasin , l'Innovation organise une « quinzaine
américaine ». Là aussi les militants des comités d'action
interviennent et diffusent des tracts contre la guerre au Vietnam.
Quelques jours plus tard,le 22 mai-
le magasin brûle complètement : 323 morts dont 263 furent
identifiés. Parmi ceux-ci, 67 membres du personnel de l'Innovation.
On compte également 150 blessés. Entre 150 et 200 pompiers
sont intervenus sur le lieu du sinistre .L'horreur intégrale !
La police tente cette
fois une vraie provocation : perquisitions, interpellations de
nombreux militants, tentant de lier les actions Vietnam à
l'incendie !
Nous avons Ann(i)e, ma femme et moi
été arrêtés chez mes parents et retenus une journée à la PJ avec un mandat spécifiant
« homicide involontaire » ( sur 300 personnes, quand même!!). Quel réconfort à notre
sortie de retrouver Michel, Maître Graindorge en fait, pour nous
rassurer et nous conseiller.
1967 LA CHINE ... et
RE-RUPTURE
Dés 1966, nous avions
été conquis par la Révolution Culturelle chinoise , que nous
considérions à l'époque comme LA réponse à la dégénérescence
de l'Union Soviétique vers des rapports de production capitalistes.
La Chine , avec le président Mao , resterait rouge en mobilisant les
masses contre les "responsables du parti qui prennent la voie
capitaliste"(*)
(*) Que penser aujourd'hui du bilan de la Révolution culturelle: vous comprendrez aisément, cher lecteur que ce ne peut être l'objet de ce modeste blog...
Nous organisions une expo – encore une – sur « la grande révolution culturelle prolétarienne » et nous n'hésitions pas, Michel y compris, à brandir le « petit livre rouge ».
(*) Que penser aujourd'hui du bilan de la Révolution culturelle: vous comprendrez aisément, cher lecteur que ce ne peut être l'objet de ce modeste blog...
Nous organisions une expo – encore une – sur « la grande révolution culturelle prolétarienne » et nous n'hésitions pas, Michel y compris, à brandir le « petit livre rouge ».
C'est l'attitude vis à
vis de la Chine qui allait accélérer la désagrégation de notre
fameux parti communiste « tendance Grippa »
Doté d'une force
militante indéniable, d' un engagement de ses membres hors du
commun, c'est la direction suprême qui n'était pas à la hauteur,
pas seulement par ses pratiques autocratiques et terroristes, mais
pour son concept politique sectaire.
Avec les jeunes communistes, dans une cité d'Ixelles , Michel prend la parole |
Confondant parti de la
classe ouvrière avec brigade d'activistes, c'était la fuite en
avant sur tous les fronts, sans débat aucun et sans bilan. Un
impressionnant appareil aux moyens considérables ( locaux, maison
d'éditions, journal hebdomadaire, imprimerie, permanents, véhicules
) pouvait donner l'impression d'un puissant parti.
Mais construire une
organisation solide , démocratique, construisant son unité
idéologique par la confrontation d'idées et le débat, implantée
dans les masses, créant des alliances, et comptant avant tout sur
ses propres forces, n'était pas à l'ordre du jour.
Bien au contraire :
toute critique – voire toute question dérangeante- devenait une
provocation et ceux qui osaient, devenaient fraction à exclure,
groupe anti parti, à excommunier.
Peu à peu , le « petit
groupe compact » en même temps qu'il commençait à remporter
d'indéniables succès sur le front anti-impérialiste, se
bunkerisait en secte, entourée d' « ennemis » de
toute part. On gardait jour et nuit les locaux contre toute attaque.
A la moindre alerte, qualifiée de « nouvel incendie du
Reichstag » on se constituait en « groupes de 3 »
comme à l'époque de la Résistance, ... et on changeait les
serrures de tous les locaux !
Cette contradiction ne
pouvait qu'entraîner conflits , scissions et désagrégation.
Des dirigeants et
militants exceptionnels ont ainsi été traités de traîtres,
excommuniés et rejetés à la poubelle de l'histoire, les uns
après les autres (les uns ayant d'abord servi à éliminer les
autres, avant de tomber à leur tour!) , avec les dégâts humains
qu'on peut imaginer et les haines tenaces qui s'installeront entre les "épurateurs" et les "épurés" , qui souvent partageaient pourtant la même analyse. Quel gâchis!
Ne citons que les plus
connus Herz et Yvonne Jospa, Sam Herssens, vétérans du PC et de la
résistance, Fons Moerenhout, Albert Faust, Jeanne Vercheval, Marthe
Huysmans, Cécile Draps, le journaliste Arnold Hauwaert , René Raindorf, rescapé d'Auschwitz., et tant
d'autres.
Michel Graindorge fut de
ceux-là.
Dirigeant du "PC grippa", il était constamment sur la brèche: un jour, il s'envolait vers la Nouvelle Zélande pour assister au congrès du PC; un autre jour nous nous entassions dans sa dernière acquisition - une petite 4CV d'occase - pour rejoindre le camp des pionniers dans la vallée de l'Ourthe. Grand moment; il s'était enfin résolu à avoir une voiture, lui qui n'était pas un fada de toutes ces contraintes matérielles .
Dirigeant du "PC grippa", il était constamment sur la brèche: un jour, il s'envolait vers la Nouvelle Zélande pour assister au congrès du PC; un autre jour nous nous entassions dans sa dernière acquisition - une petite 4CV d'occase - pour rejoindre le camp des pionniers dans la vallée de l'Ourthe. Grand moment; il s'était enfin résolu à avoir une voiture, lui qui n'était pas un fada de toutes ces contraintes matérielles .
Envoyé par le parti en
Chine pour exiger des explications sur la révolution culturelle,
avec mission de rencontrer ou Mao, ou un de ses plus proches , les
autres dirigeants chinois étant pour J. Grippa, des comploteurs en
puissance, il y rencontra le premier ministre Chou En laï.
Renforcé à l'époque,
dans son soutien à la révolution culturelle, homme entier et honnête , il ne pouvait , à son retour avaler plus longtemps
encore, de nouvelles couleuvres, comme la découverte d'un complot
maoïste mené en Chine, depuis l'entourage du président Mao lui même,
s'il vous plaît, par l'intermédiaire d'agents de la CIA, pour
détruire le glorieux parti de Belgique !!!
Un jour de septembre
1967, Michel affiche, seul, un journal mural de soutien à la
Révolution culturelle dans les locaux du Parti , rue des Palais.
Il a osé ! Le
rebelle ! Je le vois encore, immédiatement après son geste,
venir , avec Jacques Wattiez, dans notre appart. d'Ixelles nous
expliquer, les larmes dans la voix, son action « dazibao »(*)
Dazibao est le nom chinois de "journal à grands caractères", utilisé massivement pendant la révolution culturelle.
Dazibao est le nom chinois de "journal à grands caractères", utilisé massivement pendant la révolution culturelle.
« Nouvelle
provocation anti parti ! » Très vite, le « Groupe
Graindorge », pourtant majoritaire sera exclu à travers de mémorables scènes de
réunions fanatisées, et... les serrures seront à nouveau
changées ! Bonnes affaires pour les serruriers !
Et c'est pourtant un
dirigeant exceptionnel de la Résistance , commandant des Partisans
armés, qui a tenu tête à la Gestapo, dirigeant du parti communiste
pendant des années, Jacques Grippa, qui a initié ce cours
autodestructeur basé sur le principe : « le parti se renforce
en s'épurant ».
1968
Cette rupture , Michel
l'appellera la « sortie du tunnel », « respirant
enfin le vent frais » , en découvrant , hors de la bulle
sectaire, nombre de nouveaux amis, nombre de thématiques en débat,
le monde réel.
Puis
vint 1968 qui commence par la JANUARI - REVOLTE » à LOUVAIN.
Je
nous revoie encore à quelques uns dont Michel , entrer à LEUVEN par
la campagne, sautant au dessus des mini- canaux qui entourent la
ville pour éviter les barrages de la gendarmerie qui bloquaient tout
accès.
Nous
voulions être là pour soutenir le mouvement démocratique des
étudiants. Nous nous étions
joints au cortège, qui n'était d'ailleurs pas que
« démocratique » .
On
entendait le « WALEN BUITEN » nationaliste au milieu
du beau chant des Noirs américains « WE SHALL OVERCOME »
et de « BOURGEOIS BUITEN »
Aussi
les slogans contre la hiérarchie catholique : « SUENENS
of BARRABAS? BARRABAS ! ».
Et
puis ce furent les attaques de la gendarmerie et les auto pompes.
Nous
savions que la tendance progressiste du SVB ( STUDENTENVAKBEWEGING)
avec PAUL GOOSSENS, WALTER DE BOCK, et les futurs fondateurs d' AMADA
- PTB , LUDO, HERWIG, KRIS et tant d'autres se battaient , eux , à
l'opposé des nationalistes , pour la démocratisation de
l'enseignement, pour l'union avec la mouvement ouvrier wallon, pour
une « université populaire au service des travailleurs. »
Ils allaient aux portes de COCKERILL à OUGREE. Ils imprimaient au
mouvement son caractère anticapitaliste.
Nous éditions, nous, avec Michel, une
brochure de soutien :«LES ETUDIANTS FLAMANDS DE LOUVAIN ONT RAISON DE SE
REVOLTER» sous le label « collection Clarté » du
PC(M-L)B.
Mais avec Michel, Michel nous allions rompre aussi avec ce 3ème parti communiste où
s'étaient regroupés pourtant nombre de militants expérimentés
vétérans du PC : Henri Glineur, Jean Derkenne, Xavier Relecom .Nous avions assisté à la conférence de La Louvière de novembre 1967 de "reconstitution" du PC(ML)B, et participions au Comité Central , mais nous refusions de reproduire, comme si de rien n'était, , sans analyse autocritique des
politiques et pratiques de secte, et
sans surtout une réorientation fondamentale, - la nième
auto-proclamation en « seul et authentique » Parti
Communiste avec SA presse , Clarté, SON Comité central, SON Bureau
politique, SA reconnaissance par les camarades chinois ou albanais.
Le mouvement des masses ,
pour le Vietnam , lui, était toujours plus, puissant et en avril
1968, nous montions vers l'ambassade américaine, galvanisés par un
groupe de percussion entraînant.
Nous avons vu ce jour là
les flics, complètement dépassés, prendre le tram pour rejoindre
l'ambassade.
Indubitablement le
mouvement VIETNAM aura été un ferment de l'explosion des
universités, dans toute l'Europe, en 1968.
Le 13 mai 1968, au soir , l'Université de Bruxelles entre en contestation : Michel est tout naturellement un des leaders qui, suivant le plan prévu, appellent, à la fin d'une conférence de Melina Mercouri, à l'occupation du Janson.
Le 13 mai 1968, au soir , l'Université de Bruxelles entre en contestation : Michel est tout naturellement un des leaders qui, suivant le plan prévu, appellent, à la fin d'une conférence de Melina Mercouri, à l'occupation du Janson.
Les jours suivants, dans
la grande salle de la Cité il présidera à la constitution du
comité d'occupation, et nous parcourrons les auditoires pour faire
arrêter les cours .
Les événements de Mai
68 à l' ULB ont suffisamment été décrits, pour ne pas y revenir
ici.
ULB MAI 68: L' ASSEMBLEE LIBRE SOUS LES CALICOTS DE SOMVILLE |
En cela, il se distinguait radicalement du courant réformiste qui voulait
avant tout des réformes de gestion, des élections et des postes
dans les conseils d'administration.
D'autres camarades, dont
j'étais, voulaient , à partir du mouvement de mai , centrer l'
action vers les usines, et nous menions des enquêtes au
charbonnage en grève de Cheratte , à Cockerill Athus.
Dans ce débat fraternel
, mais quand même assez doctrinaire entre nous, Michel disait :
« Le mouvement
étudiant en tant que tel est un mouvement de gauche révolutionnaire.
Une nouvelle
avant garde naît dans toute l'Europe ( SDS à Berlin , 22 mars à
Paris, SVB à Louvain et 13 mai à Bruxelles) Ces avant- gardes
joueront un rôle de « détonateur », de « catalyseur »,
de « bélier » pour la révolte des ouvriers
Les étudiants
doivent se battre sur leur terrain . Il faut faire de
l'université une base rouge, un bastion où le pouvoir est aux
étudiants»
Il faut bien admettre que
notre réponse , truffée comme il
était de rigueur à l'époque de citations de Lénine et Mao, influencée aussi par les camarades français de l'UJC(ml) avec qui nous étions en contact depuis 2-3 ans, était très unilatérale,
doctrinale, et peu dialectique: « amener les étudiants progressistes
à sortir en grand nombre des universités pour aller aux usines
servir les luttes du peuple .» était notre crédo, ce qui
laissait peu de place à la contestation révolutionnaire de
l'université elle même, et aurait laissé le terrain à la mouvance réformiste .
Si, pour une fois, on
avait su marcher sur nos 2 jambes...
Dans l'après mai 68, des
camarades , dont Robert Fuss (*), participeront à la formation de
« Usines Université Union », que personnellement je
rejoindrai avec d'autres anciens « grippistes » et qui
sera dans les années 1969- 1971, à la fois une force contestataire se proclamant "gauchiste"
à l' université et un groupe de soutien aux combats des
travailleurs : Citroën, Michelin et Forges de Clabecq.
Mais là commence une
autre histoire ...
* Robert Fuss , dirigeant étudiant à l'ULB, membre du parti Grippa, fonda en 1969 UUU, puis en 1972 La Parole au Peuple . Etabli en usine aux Forges de Clabecq, il disparut dans un accident de voiture en février 1973
* Robert Fuss , dirigeant étudiant à l'ULB, membre du parti Grippa, fonda en 1969 UUU, puis en 1972 La Parole au Peuple . Etabli en usine aux Forges de Clabecq, il disparut dans un accident de voiture en février 1973
L'analyse objective par les
historiens de cette période du mouvement communiste en Belgique reste à faire.,
incluant aussi bien le cours droitier du PC, les responsabilités de la scission de 1963, les "dissidences "
marxistes- léninistes , leur cours sectaire , toute cette pratique de scission et d'exclusions. En allant aux causes profondes et
lointaines dans la conception communiste du parti, des rapports démocratiques
en son sein et tout simplement dans la conception communiste de
l'homme comme être humain. Et il ne s'agit pas d'un
« détail de l'histoire » dans la mesure où une
génération de militants sincèrement communistes et
révolutionnaires a été ainsi laminée, où ces 10 grandes
années, cette décade exceptionnelle, de la grève du million, de
Zwartberg, puis des grèves de 1970 , des luttes de libérations
de Cuba, d'Algérie, du Vietnam et du Congo,cette décade de Che
Guevara, Lumumba Ho Chi Minh et Mao Tse toung, cette décade de la Chine et
de mai 68 était objectivement porteuse de grands progrès.
Si les communistes
des années 60 avaient su s'en saisir..., que de temps aurait été gagné, que d'expérience et de capital humain auraient été préservés !
Michel Graindorge aura en tout cas été un de ceux qui aura vraiment essayé, vraiment, avec toute sa force et sa passion.
Michel Graindorge aura en tout cas été un de ceux qui aura vraiment essayé, vraiment, avec toute sa force et sa passion.
1970 : LES COMMISSIONS PUBLIQUES D' ENQUETE
AVRIL 1972 : manifestation d'Anvers à Brasschaat |
Michel, fidèle à son
choix de mai 68 , d' activer la contestation démocratique et
révolutionnaire dans les institutions de l'appareil d'état ,
notamment dans la justice, partit en croisade contre l'enfermement
d'enfants entassés dans des homes mammouths tels que «Vrij en
Vrolijk» à Brasschaat, où ils étaient maltraités, victimes de
sévices, et où de surcroît la direction détournait les deniers
de l'état.
Il avait pour ce faire, à
la fois sa compétence de juriste, sa remarquable capacité
d'ouverture aux autres, aussi bien les jeunes victimes des homes -
maisons de correction du XXème siècle – et leurs parents , que
les intervenants (assistants sociaux, éducateurs, juristes,
journalistes).
Il avait surtout,
chevillée au corps, « une volonté portée par une
passion de vérité et de justice ». comme le disait la
journaliste Michèle Cedric
Il mit en avant l'idée
d'une Commission Publique d'Enquête .
« Ce n'est ni un
meeting, ni un tribunal populaire»
« La tenue d'une
Commission Publique d'Enquête, c'est à dire l'organisation de
larges débats faisant appel à la population , a été rendue
nécessaire d'une part par la gravité de la situation régnant à
Vrij en Vrolijk, et d'autre , par l'attitude des autorités
officielles, et plus particulièrement des ministères de la Justice
et de la Santé Publique qui ont toléré pendant des années un tel
scandale. »
« La Commission
Publique d'Enquête exige : l'élimination immédiate de la
direction de Vrij en Vrolijk, la mise en accusation populaire et
permanente du ministre de la « Justice » Vranckx.*
La presse publie des
articles : « Brasschaat , c'est le bagne à 12 ans »
Le parlement en est saisi
en séance plénière.
Il en fait une affaire
politique qui déstabilisa l'establishment de la « protection de la
jeunesse », le gouvernement et le BSP-PSB du ministre VRANCKX..
* ALFONS VRANCKX, ministre BSP de l'Intérieur - lors des évènements de Zwartberg, puis de 68 à 73 de la Justice- auteur d'un projet de loi 430 sur le maintien de l'ordre ( loi anti casseurs), responsable de saisies d'ouvrages, et d'expulsions d 'immigrès( affaire SOUSSI)
Arrivé au terme de cette grande décade qui est le cadre de ce post, je me dois de rappeler aussi la
présence active de Michel, lors de la "semaine grecque", en avril 1970, aux côtés de son ami de toujours, JOSY DUBIE, président du Libre Examen, aux côtés de tous les antifascistes. (voir http://rouges-flammes.blogspot.be/2015/03/avril-1970-les-etudiants-de-bruxelles.html )
Adieu, Michel.
Arrivé au terme de cette grande décade qui est le cadre de ce post, je me dois de rappeler aussi la
présence active de Michel, lors de la "semaine grecque", en avril 1970, aux côtés de son ami de toujours, JOSY DUBIE, président du Libre Examen, aux côtés de tous les antifascistes. (voir http://rouges-flammes.blogspot.be/2015/03/avril-1970-les-etudiants-de-bruxelles.html )
Adieu, Michel.
J'espère , avec ces
quelques lignes, avoir été fidèle à ta mémoire, à ton parcours.
Je sais que c'eût été
tellement mieux de reparler de tout ça de vive voix.
Mais on croit qu'on a encore tout le temps devant soi, pour se revoir et se rencontrer...
Mais on croit qu'on a encore tout le temps devant soi, pour se revoir et se rencontrer...
La grande faucheuse voit
les choses autrement ...
Je dois te dire ma
surprise et ma fierté à la fois, quand je te découvre il y
quelques heures membre du PTB . Et je me dis quelque part, que nous nous sommes
quand même retrouvés...
Merci pour ce post
RépondreSupprimer