Ce
8ème article de la série « UOMINI CONTRO » rencontre
une des plus grandes figures, oubliée parce que controversée, de la
résistance à la grande guerre impérialiste, JEF VAN EXTERGEM ,
militant et secrétaire des JGS d' ANVERS à laquelle il avait
adhéré à 13 ans !
1946: REUNION D'HOMMAGE A JEF VAN EXTERGEM ASSASSINE PAR LES NAZIS: "car il y a quelque chose au dessus de tout, c'est de vivre pour un grand idéal et de lui avoir tout donné jusqu'a la fin" |
Il
avait 16 ans en 1914.
Fondateur
en 1916 avec la JGS du VLAAMSCHE SOCIAAL DEMOCRATISCHE ARBEIDS
GEMEENSCHAP ( VSDAG) et d'un journal « DE SOCIALISTISCHE
VLAMING), il se ralliera en 1917 à la fraction minoritaire au sein
du POB qui publiera dés juin 1917 le journal « DE NIEUWE
TIJD »
Partisans
comme leurs camarades de GAND de la paix immédiate et de la
conférence de STOCKHOLM, sympathisants comme eux de la révolution
russe, ils mêleront ,eux, à ce combat le combat flamand. C'est
pourquoi, on les qualifiera de « socialistes activistes ».
Dans
ce post, je me contenterai de vous livrer ma traduction - bien
imparfaite sans doute – de larges extraits du compte rendu du
procès de JVE à la COUR D'ASSISES d' ANVERS du 14 au 16 juin 1920.
Sa découverte en néerlandais sur le net m'a
bouleversé, et je ne sais si il a jamais existé en français.
Et
si vous trouvez ce texte trop long et fastidieux, il suffit de lire
le réquisitoire du substitut pour réaliser qu'on a là le procès
politique d 'un internationaliste communiste, flamand, condamné
à 20 ans de prison,
parce que révolutionnaire.
La
place centrale accordée à la lutte pour la FLANDRE dans son
combat socialiste , puis communiste, , fait partie de l'histoire
des communistes et du mouvement démocratique de ce pays et de leurs
débats, et doit être traitée comme tel et certainement pas comme
une « trahison de la patrie. »
EMILE
VANDERVELDE, qui,lui, avait trahi pour de bon en 1914 les idéaux du
socialisme , était ministre de la Justice en 1920 et a accepté que
se déroule ce genre de procès, que CAMILLE HUYSMANS a appelé « la
furia fransquillonne »
Remarquons
d'ailleurs – est ce un hasard ? - que nombre de jusqu'
auboutistes pour la guerre ont été
aussi de farouches adversaires
de tout mouvement flamand - le plus célèbre est JULES DESTREE ,
encore lui !- , et que d'autre part un antimilitariste comme
CELESTIN DEMBLON , député de LIEGE, a , avant et après la guerre
, fait preuve de la plus grande ouverture à cette question. De même,
CAMILLE HUYSMANS, initiateur de la CONFERENCE DE STOCKHOM pour la
paix .
CELESTIN DEMBLON |
JEF
VAN EXTERGEM sera libéré en 1921, contre signature d'un engagement
à ne plus avoir d'activités politiques qu'il signa.
En
fait , cette libération sous condition parmi d'autres, résultaient
de la pression des partisans de l'amnistie exercée sur VANDERVELDE
par des socialistes anversois, dont CAMILLE HUYSMANS et WILLEM
EEKELEERS, et de façon plus générale par l'aile gauche du POB dont
JOSEPH JACQUEMOTTE et par tous les progressistes.
VANDERVELDE
lui même était opposé à une loi d'amnistie.
JVE
sera à nouveau emprisonné de 1925 à 1928 (il avait continué à
s'engager politiquement)
Il
rejoint le Parti Communiste à sa libération en 1928 .
Fondateur au sein du PCB du « VLAAMSE KOMMUNISTISCHE PARTIJ »en
1937, il le dirigera ,dés 1940 dans la clandestinité.
Il
sera arrêté par la GESTAPO en avril 1943, détenu et torturé à
BREENDONCK, puis déporté en décembre 1943 en ALLEMAGNE .Il
mourra de faim au camp de ELLRICH en mars 1945.
L'
écrivain flamand LOUIS PAUL BOON a écrit en 1945 :
LOUIS PAUL BOON |
« Cela
ne peut pas être que JEF VAN EXTERGEM soit seulement connu comme
un
communiste et que la grande figure flamande qu'il a été soit
perdue de vue.
Nous
devons voir en lui l'idéaliste, le résistant qui dans son dernier
adieu disait : « C'est un sentiment magnifique que de
mourir pour son idéal. »
Nous
devons voir en lui l'homme qui a voulu développer le mouvement
flamand à un niveau plus élevé, qui l'a placé sur une base
sociale et essayait de l'élargir aux masses populaires »
Quelle
plus belle réponse, en 2014 , aux nationalistes de la NVA ,- la
droite la plus libérale et anti populaire qui soit - et à leur
« compréhension » pour la collaboration avec les
nazis, que la figure du camarade JEF VAN EXTERGEM .
Quand
même une question : Y a t' il quelque part dans ce pays un
monument, une plaque commémorative, un nom de rue, de place ou
d'école , ne fut ce qu'une tombe qui lui soient
dédiés ?
PORTRAIT DE JVE par le peintre J. VAN RIET |
14
juin 1920 :COUR D'ASSISES D'ANVERS
Le
président , le comte de LICHTERVELDE :
Vous vous êtes depuis le début jetés dans l'activisme ?
JVE :Qu'entendez
vous par activisme ? Parlez vous de l'activisme de BRIJS, de
TACK, de BORMS
Le
président :
Pour que MM les jurés aient une claire idée de ce qu'est réellement
l'activisme, je vais donner un aperçu de tout ce mouvement
L'activisme
est né en 1916, avec le mouvement pour obtenir de l'occupant, la
néerlandisation de l' UNIVERSITE DE GAND.
Le
4 février 1917, un CONGRES FLAMAND a été convoqué où fut
constitué le RAAD van VLAANDEREN (RvVl).
Peu
après, il y a eu le voyage à BERLIN - à la suite duquel l'
ADMINISTRATION SEPAREE fut instaurée.
Rapidement,
le RvVl évolue vers la séparation politique, laquelle fut
proclamée le 22 décembre 1917.
En
juin 1918, il y a eu la « PROCLAMATION AU PEUPLE ALLEMAND »
etc.
JVE
Votre court aperçu sur l'activisme est non seulement incomplet, mais
il n'est pas correct
L'activisme
n'est pas né en 1916, mais bien en décembre 1914, avec la parution
du « VLAAMSCHE POST »
Vous
ne parlez uniquement que de l'activisme bourgeois- mais ne consacrez
aucun mot à ce que fut l'activisme de mes camarades socialistes et
le mien.
Notre
travail était indépendant complètement du RvVl.
C'est
tellement vrai que dans aucun journal « activiste-bourgeois »
nos idées ne pouvaient circuler.
C'est
pourquoi, nous avons créé le « SOCIALISTISCHE VLAMING »
J'ai
par la suite été rattaché à la fraction anversoise de la
« minorité socialiste », laquelle a systématiquement
refusé de nommer des représentants au RvVl.
Le
président :
Après l'Armistice, vous êtes allés en HOLLANDE
JVE :
Non , en ALLEMAGNE !
Puis
je vous donner quelque explication, Mr le président ?
Et
bien, à travers mon dossier, vous pouvez constater que j'étais un
révolutionnaire passionné.
J'ai
vu éclater la révolution en ALLEMAGNE, et comme j'étais certain,
que si je restais ici , je serais arrêté, j'ai décidé d'aller
d'abord étudier la révolution allemande ;
J'y
ai , comme socialiste beaucoup appris.
Il
y avait aussi une deuxième raison pour mon départ, c'était mon
pressentiment qu'il y aurait ici, au début, une inquisition
militaire.
Le
président :
Inquisition militaire ! Quels mots ! Mais vous n'en avez
aucune preuve, et je vous interdit d'utiliser de telles
expressions !!
JVE
donne l'exemple de 2 citoyens d' ANVERS, membres du conseil
provincial (Gouwraad ) , qui pour cette raison uniquement seront
arrêtés après l'armistice, jugés par un conseil de guerre, et
sont toujours 19 mois après en prison !
Son
père, par contre, membre du même conseil, est parti après l'
ARMISTICE . Rentré au pays, il na pas été poursuivi- le ministre
VANDERVELDE ayant exprimé sa volonté de ne plus poursuivre les
membres des conseils provinciaux. (Gouwraad)
C'est
ça la justice en BELGIQUE.
(....)
JVE :
Je serai calme, mais pense quand même pouvoir dire la vérité !
Le
président : Vous avez déjà dit tout ça pendant la
guerre, sous l'occupation ennemie.C'était toujours POUR les
Allemands.
JVE :
(
très vif, malgré sa promesse de de rester calme)
POUR
les Allemands ? Moi ? Jamais ! Jamais !, Jamais !
AVEC
les Allemands, c'est possible, car rien ne pouvait se faire ici ;
tout devait avoir l'autorisation des Allemands.
Le
COMITE NATIONAL devait aussi travailler AVEC les Allemands pour le
ravitaillement de la population. Ce n'était cependant pas POUR les
Allemands.
Je
connais toutefois, des gens, qui ont non seulement agi AVEC , mais
aussi, POUR les ALLEMANDS, et qui circulent maintenant librement, ont
même été décorés, et occupent de hautes fonctions ! »
Il
cite l'exemple de l' écrivain flamand HERMAN TEIRLINCK qui en
publiant son roman « JOHANN DOXA » d'abord en Allemagne,
puis en Flandre, en retira des centaines de marks,. Il est maintenant
précepteur de la Cour !
« ANSEELE
et E. BRAUN ont, en 1914 - alors que le sang des martyrs belges était
encore chaud à LOUVAIN , AERSCHOT, VISE etc .- écrit au
noble officier allemand VON ARDENNE :
« Mes
félicitations pour votre noble avancement, mes regrets pour votre
départ »
Cela
, c'était AVEC et POUR les Allemands.
Le
député BUISSET à demandé VON DER der GOLTZ d'instaurer le
Français comme seule langue officielle en BELGIQUE :c'était
AVEC et POUR les Allemands.
Le
député VERSTEYLEN s'est fait photographier , en compagnie de ses
chères filles, lesquelles étaient accompagnées d'officiers
allemands en « uniforme d'assassin » :c'était AVEC
et POUR les Allemands ;
VAN
EXTERGEM est si en colère, qu'il ne peut plus s'exprimer)
Le
président :(
après quelques instants de silence pénibles) Vous
avez édité un journal appelé « DE SOCIALISTISCHE
VLAMING »
JVE
(
revenu au calme) :
Oui, j'en étais l'éditeur . J'ai donc signé comme éditeur
responsable en cas de poursuites, à la demande de l'imprimeur .
L'éditeur,
les rédacteurs et les collaborateurs n'en ont jamais retiré un
sou.Quand nous avions rendu nos articles, nous allions nous mêmes le
diffuser aux meetings et fêtes.
DE
SOCIALISTISCHE VLAMING n'a jamais eu plus de 50 à 60 francs en
caisse.
La
feuille était enregistrée auprès de la la censure comme tract –
donc nous ne devions pas accepter les communiqués allemands.
Il
était imprimé à 1500 exemplaires et coûtait 37,5 francs de frais
d'impression.
Je
suis poursuivi pour ce journal, mais VOORUIT, le journal du ministre
ANSEELE qui avait l'autorisation « d'être vendu et diffusé
dans toute la BELGIQUE », autorisation que même « LA
BELGIQUE » ou « LE BRUXELLOIS » n'avaient pas, ne
fut pas poursuivi.
(...)
JE
SUIS REPUBLICAIN
A
GAND, vous l'avez insulté de « lange zwibzwab » et de «
gaillard aux longues pattes qui a besoin tous les ans de de 2,5
millions ».
A
LAKEN, vous l'avez appelé « le garde champêtre de LA PANNE »
Le
président s'étend très longuement sur ce point.
JVE :...
J'ai toujours été fortement républicain. C'est donc compréhensible
que je ne porte pas le roi dans mon coeur . Mais, jamais je ne
l'ai attaqué par
..MM
les jurés, je veux surtout parler à vos sentiments.
Vous
avez tous reçus une éducation bourgeoise.
Vous
êtes éduqués dans l'amour de la patrie, l'amour des lois, l'amour
du Roi.
J'ai
été élevé dans la haine de la patrie ( de l'état), dans la haine
des lois, dans la haine du Roi.
Les
premiers mots de L'INTERNATIONALE sont « L'état opprime et la
loi triche »
Voyez
ce que j'ai écrit dans « LE JEUNE SOCIALISTE » en juin
1914
« ...
l'amour de la patrie n' existe pas, cela , nous les ouvriers devons
le comprendre, le ressentir
...
l'amour de la patrie est un mensonge » etc .
Ne
pensez pas, MM les jurés que je fus le seul à le dire ou à
l'écrire ?
Le
député TROCLET a écrit dans son « Catéchisme pour le
conscrit socialiste » : « C'est très simple :
la patrie représente un patrimoine ; moi, je n'ai pas de
patrimoine, puisque je n'ai rien !; je n'ai donc pas de
patrie ! »
Voyons
maintenant ce que les socialistes disaient du Roi :
Ferdinand
Hardijns l'appelait «Luppe Kaneel» dans VOORUIT.
Dans
chaque manifestation socialiste, on chantait : « Vive la
grève générale, nous tordrons le cou de LEOPOLD »
Une
chanson socialiste bien connue : « A bas la guerre, sabres
et canons – Vive la République, à bas le roi de carton» !
Louis
BERTRAND a écrit une brochure sous le titre : « Saligaud
II» etc. etc .
J'ai
appris tout cela de mon enfance ; mon père m'emmenait dés
l'âge de 4 ans dans les « Maisons du Peuple »
Quand
vous soupesez tout cela, MM les jurés, je suis intimement convaincu
que vous ne me déclarerez pas coupable d'avoir soutenu « avec
intention de nuire » la politique de l'ennemi , mais vous
direz : « ce garçon a agi en toute fidélité à ses
principes, que lui avaient inculqués les dirigeants socialistes .»
Ces
principes, jamais je ne les ai désavoués, et jamais je ne les
désavouerai.
(...)
UNE
REPUBLIQUE DE FLANDRE
Le
président : Mais vous vouliez réaliser tout ça avec
l'aide de l'ennemi. Vous suiviez la politique du « RAAD VAN
VLAANDEREN» ( RvVl) et vous agissiez pour la séparation
administrative.
PROCLAMATION DU RvVl , allié au militarisme allemand |
JVE :Nous
étions en dehors du RvVl, et allions beaucoup plus loin que la
séparation administrative.
Nous
voulions une REPUBLIQUE DE FLANDRE.
Notre
seul objectif était d'apporter une solution socialiste et
internationale à la question flamande.
Alors
que que nous nous dressions comme socialistes pour la liberté de
tous les peuples, nous ne pouvions pas quand même pas omettre la
liberté de notre propre peuple !
(...)
Le
président :Vous êtes partisan d'une « REPUBLIQUE DE
FLANDRE ». Qu'entendez vous par là ?
Jusqu'en
1918, nous étions, nous les JGS partisans d'une BELGIQUE fédérale,
persuadés que nous étions qu'une paix négociée se ferait ;
Si
les Allemands gagnaient la guerre ,ce serait la germanisation ;
si l' ENTENTE la gagnait , ce serait - c'est aujourd'hui clairement
prouvé – l'âge d'or de la francisation .
Le chemin du milieu était donc une paix négociée, comme les
stockholmistes la voulaient.
Alors,
les Allemands auraient évacué la BELGIQUE, mais sous la condition
que la BELGIQUE devienne réellement impartiale, ce qui n'est
réalisable que si les éléments germain et latin sont équilibrés,
avec une FLANDRE et une WALLONIE libres dans une BELGIQUE libre.
Lentement,
il est devenu de plus en plus clair qu'il ne pouvait être question
d'une paix négociée.
La
grande offensive de printemps des EMPIRES CENTRAUX avait échoué,
et nous avions la conviction que la grande contre-offensive de l'
ENTENTE échouerait aussi.
GRAVURE DE FRANS MASEREEL |
Nous
prévoyions, que si c'était le cas, les prolétaires en auraient
assez de se faire massacrer et que la révolution mondiale serait
inévitable. Avec comme conséquence naturelle, un soviet mondial (
« Wereld Soviet »)
Alors,
nous nous posions la question, nous les JGS, : « Comment
la FLANDRE et la WALLONIE doivent elles se rattacher à ce Soviet
mondial ? Comme une BELGIQUE unitaire et centralisée, ou bien ,
chacun séparément comme une WALLONIE des conseils et une FLANDRE
des conseils.
C'est
cette dernière solution que nous avons estimé la meilleure, et nous
avons voté une motion en faveur d'une REPUBLIQUE de FLANDRE.
Tout
cela peut paraître maintenant dérisoire, parce que la révolution
mondiale n'a pas éclaté ;
Au
contraire, l'offensive de l'été 1918 de l' ENTENTE a réussi.
En a résulté la paix de VERSAILLES, qui est la « paix »
la plus honteuse qui ait jamais été conclue !
UNE
PAIX NEGOCIEE
Le
président : Vous avez
aussi agi fortement pour une paix négociée.
JVE :
Oui et j'en suis fier
Le
président : MM les jurés,
notez que l'action pour une paix négociée a été entreprise après
la bataille de CAPORETTO, donc, quand c'était le mieux pour les
Allemands.
JVE :
... Je me suis dressé, dés le 1er jour de la guerre, contre le
carnage ; En décembre 1914, je tenais déjà à l'école un
discours internationaliste .
Voyez
mon article « HAUT LES COEURS » dans VOORUIT – qui a
été écrit en décembre 1915 et il n'était pas alors question de
la défaite de CAPORETTO.
Durant
toute la guerre, je suis resté fidèle à mes principes socialistes
de haine contre les massacres inhumains des peuples .
STOCKHOLM 1917 MANIFESTATION SOCIAL DEMOCRATE POUR LA PAIX |
Jamais,
je n'ai pris en compte que le combat pour ces principes, serve
aujourd'hui la boutique des EMPIRES CENTRAUX, ou demain la boutique
de l' ENTENTE.
Mon
grand effort visait à ce que les soldats , sur tous les fronts ,
retournent leurs armes pour les diriger vers les poitrines des
exploiteurs et des capitalistes .
Contre
l'Internationale du capital qui envoie au feu les travailleurs , les
uns contre les autres, devait se dresser l' INTERNATIONALE du
prolétariat, qui aurait écrasé le monstre capitaliste.
Le
président : Mais les
dirigeants socialistes, ont dit quand même, durant toute la guerre,
que les intérêts de la patrie passaient avant tout.
JVE :
En effet, dans tous les pays
les sociaux patriotes ont choisi le côté des gouvernements
bourgeois;ce sont les plus grands hypocrites et traîtres qui courent
sous le soleil !
En
temps de paix, ils sont contre le carnage, mais quand la guerre est
là, quand les travailleurs , qui devraient tous être frères, se
massacrent par millions, alors, les dirigeants socialistes se
taisent; pire, ils crient :« jusqu'au bout ! »
Seul
CAMILLE HUYSMANS a en partie, compris son devoir socialiste. Il est
le seul parmi tous les chefs socialistes de BELGIQUE !
Je
suis heureux d' avoir, pas seulement en temps de paix, mais surtout
en temps de guerre, d'avoir crié : « A BAS LA GUERRE,
SABRES ET CANONS »...
NI
LE HAVRE, NI BERLIN
Le
président : Oui, oui ,
mais cela a servi la politique de l'ennemi ;
JVE
Moi, servi la politique de l'ennemi ? Jamais, mes mains sont
pures, ma conscience est tranquille.Je suis un internationaliste et
voulait, aussi vite que possible l'internationalisation de la
question flamande....
(...)
Pour
vous le prouver, je vais vous lire l'article que j'ai publié le 30
août dans « HET VLAAMSCHE NIEUWS » sous le
titre : « le seul et grand projet »:
(...)
Nous
, passivistes et activistes sommes flamands et avons à peu près les
mêmes buts, mais une mise en oeuvre différente..
...
Ce n'est pas en restant aveugles, chacun dans son propre camp - les
uns et les autres espérant ici et là voir se lever le salut de
notre peuple que nous sauverons la FLANDRE.
Mais
bien en tenant tête consciemment à tout ce qui nous nuit, en
faisant connaître nos revendications au monde , à la place
d'essayer , par la flatterie d'arriver , les uns au HAVRE, les autres
à BERLIN.
Les
Flamands doivent se libérer des connexions qui les lient et être
indépendants dans leurs actions.
Le président :J ' ai
sous les yeux un article paru dans « HET VLAAMSCHE NIEUWS,
adressé au citoyen HAASE ; Vous y attaquez violemment le
gouvernement belge et la BELGIQUE centralisatrice, que vous qualifiez
de prison, dans laquelle les Flamands sont enfermés, sans pouvoir
faire entendre leur voix dans le monde.
(...)
JVE :
J'ai écrit au citoyen HAASE (*):
« Vous pouvez être notre meilleur allié, vous devez mettre un
contre poids à la politique des « ALL-DEUTSCH » (
les nationalistes pangermanistes)
qui appliquent leur « FLAMENPOLITIK » avec des
intentions cachées.
Mon
but était donc d'obtenir que HAASE soutienne les internationalistes
flamands .
Je
le répète ,... je voulais une solution socialiste,
internationaliste au problème flamand ;
Notre
politique apparaît une fois de plus tout à fait différente de
celle des activistes bourgeois
* HAASE dirigeant des socialistes indépendants allemands, qui avaient rompu avec le SPD . Les spartakistes avaient rallié ce parti , avant de fonder en déc 1918 le KPD
* HAASE dirigeant des socialistes indépendants allemands, qui avaient rompu avec le SPD . Les spartakistes avaient rallié ce parti , avant de fonder en déc 1918 le KPD
Le
Ministère Public :
Evidemment , nous savons déjà cela.
Aucun
d'entre eux n'allait aussi loin que vous . Vous vouliez la REPUBLIQUE
DE FLANDRE.
C'est
compréhensible que le RvVlv. ne puisse pas être d'accord avec ça !
Le
président : Vous avez
tenu beaucoup de meetings ?
JVE
Oui , et à ces meetings, je
parlais des voleurs des « comités », et j'y disais que
notre peuple n'était pas seulement plumé par les barbares allemands
, mais aussi -,et ce qui est plus grave- par les « grands
patriotes de la bande de voleurs qui s'est substituée au « COMITE
NATIONAL »
TEMOIGNAGES
De
nombreux témoins défilent à charge ou à décharge ;
Certains
ont vu JVE protégé par des soldats allemands lors de ces meetings,
d'autre protégés par un groupe de la JGS.
Certains
enquêteurs font état de rumeurs- sans en avoir la preuve -sur une
visite de JVE à des camps de prisonniers flamands à GOTTINGEN, où
il aurait eu une activité pro allemande ; « Il
devait être en liaison avec l'ennemi »
BORMS
,(*) dirigeant du RvVl , condamné à la peine de mort témoigne entre 2
gendarmes .;
Le
président : « Vous avez souvent entendu JVE parler
AUGUSTE BORMS(*) |
BORMS :
Oui, le plus souvent c'était contre les Allemands. Il prônait surtout la révolution, et souvent, il rejetait le travail du RvVl.
Il nous mettait des bâtons dans les roues.
JVE :
Vous souvenez vous d'une réunion Prinsesstraat, où j'ai proposé de
rompre toute relation avec les Allemands ?
BORMS :
... je trouvais cette proposition dangereuse ; cela aurait
représenté la destruction de tout ce qu'on avait construit...
JVE
était très socialiste, je peux même dire bolchévik ; Il
était donc constamment plus radical que nous , en révolte contre
les pratiques du militarisme allemand.
Il
disait que nous ne devions pas seulement être révolutionnaires
contre LE HAVRE, mais aussi contre BERLIN
nait
surtout la révolution, et
(....)
Les
minoritaires socialistes n'ont jamais voulu nommer de délégués au
RvVl, nous n'avons jamais pu les faire bouger de cette position cela,
malgré que nous les ayons sollicité à plusieurs reprises.
* AUGUSTE BORMS était le principal dirigeant du RvVl; Il fut condamné à mort en 1919, mais maintenu en prison. En 1940, il se mit au service des nazis. Fusillé à ETTERBEEK en 1946
Les
directeur et professeur de l' ECOLE MOYENNE I de OUDAEN témoignent
Avant
la guerre, JVE refusait de participer au cortège du 21 juillet ;
Il était très révolutionnaire.
En
décembre 1914, il tint dans ma classe un discours internationaliste.
Les
autres élèves parlaient tous de « Notre Roi », « Notre
Patrie », « La Belgique ». JVE parlait dans un sens
pacifiste et antimilitariste
JVE
au professeur RULLENS : Vous souvenez vous de la conclusion de
mon speech ?:
« A
bas le patriotisme !
Vive
l'Internationalisme !
A
bas la guerre si cruelle et si barbare !
Vive
la Paix universelle !
Vive
la République mondiale !
16
juin 1920 , REQUISITOIRE : « IL VOULAIT ALLUMER LA
REVOLUTION »
Mr
DE VOOGHT , substitut du procureur du Roi:
Ce
procès est important à plu sieurs points de vue . En général,
on qualifie les faits dont VAN EXTERGEM est accusé
d' « activisme » et aussi de « défaitisme ».
L'activisme
est un mot, par lequel on veut dire : action effective contre la
patrie et ses intérêts, contre le gouvernement légal et les lois,
au bénéfice de l'ennemi.
Vous
avez entendu , MM les jurés, ce que JVE écrivait, peu avant la
guerre dans un article : « L'amour de la patrie n'existe
pas, c'est un leurre. » Ces idées, l'accusé les a conservées
durant toute la guerre. JVE porte le mépris sur les institutions de
la patrie.
Le
directeur de l' ECOLE MOYENNE est venu témoigner que JVE ne voulait
jamais participer aux
cortèges
patriotiques du 21 juillet.
Malgré
l'invasion étrangère, malgré l'occupation allemande, il n' a
jamais voulu prendre ses distances par rapport à ses pensées
pernicieuses.
Déjà
en décembre 1914, il tint , au cours de Mr RULLENS un discours
contre le patriotisme et pour l'internationalisme .
Ne
pensez pas que JVE soit allé dans le mouvement activiste pour
soutenir les activistes flamands dans leurs revendications.Personne
n'est allé aussi loin que lui : il voulait une REPUBLIQUE DE
FLANDRE ! Cela n'était seulement qu'une petite composante de
son programme ; qu'il a utilisée pour militer pour son grand
objectif : allumer la révolution.
Regardez
Messieurs son travail : les 9/10 de ses meetings sont dirigés
contre les comités.
Il
essayait d'exciter le peuple ; La population était très
mécontente contre les comités, et JVE a encouragé ce
mécontentement par la dénonciation publique d' irrégularités
réelles ou imaginaires.
Ce
faisant, il voulait attiser la haine parmi les assistés et les
moins favorisés, encourager la lutte entre les pauvres et et les
mieux nantis.
Que
voulait l'accusé ? Le seul but de ses faits et gestes , son
grand idéal, était le renversement de toute autorité légale...
JVE
OUI !
Mr
DE VOOGHT ,substitut:
IL VOULAIT LA REVOLUTION
JVE :OUI
, OUI
Mr
DE VOOGHT , substitut : A
partir du moment où il pensait ne plus pouvoir exploiter la
politique allemande, pour ses buts révolutionnaires, et bien , alors
MM les jurés, il change de cap et dit : « Ca ne va pas
AVEC les Allemands, , alors CONTRE les Allemands » , et il met
sur pied un mouvement révolutionnaire.
Il
voulait l'internationalisation , la transformation révolutionnaire
de tout !
Il
a lui même établi le résumé de la première partie de mon acte
d'accusation : JVE ne nie pas qu'il veut renverser le pouvoir
légal de l' Etat.
Ainsi
, permettez moi de ne pas m'étendre sur la question de sa
culpabilité pour les actes visés par l'article 115 du Code Pénal,
et c'est là la première inculpation pour laquelle je vous demande
le jugement de l'accusé.
Pour
cette infraction, je ne dois pas démontrer l'intention de nuire ,
car cela n'est pas demandé par la loi.
Venons
en maintenant à la deuxième accusation : « avec l'
intention de nuire, avoir soutenu la politique de l'ennemi, en
sapant, en période de guerre, la confiance dans le ROI et dans
l'ETAT, des soldats, matelots, ou d'autres citoyens.
Messieurs,
dois je prouver qu'il a sapé cette confiance? Ne l'avez vous pas
lui même entendu attaquer le roi de la façon la plus violente ?
Un
témoin à décharge n'est il pas venu déclarer ici : «
être sorti de l'enfer du militarisme belge, pour être rentre
dans l'enfer du militarisme allemand »
Le
militarisme allemand, il pouvait l'attaquer, c'était même louable,
mais, en temps de guerre, attaquer nos institutions militaires,
c'était malfaisant et doit être puni !
Tout
ce qu'il a dit et écrit peut se résumer en 3 mots d'ordre :
A
bas le militarisme !
A
bas le Roi !
A
bas la Belgique !
Allumer
la révolution en temps de guerre, c'est soutenir la politique de l'
ennemi ! Il n'y a aucun doute possible.
Il
me faut encore prouver l'intention de nuire.
Mais
Messieurs c'est JVE qui dans chaque article a voulu clairement
montrer qu'il agissait « avec l'intention de nuire »
Voyez
son article du 16 mai 1916 intitulé « VLAANDEREN VRIJ »
Nous
y lisons : « D'où que nous en soit accordé le droit,
nous l'acceptons, et si besoin est , SANS ou CONTRE LE GOUVERNEMENT
BELGE ! »
Dans
son article « HAUTE TRAHISON » dans « ONS LAND »
il ne voit rien d'autre et dit que « la trahison contre la
BELGIQUE, est un devoir pour les Flamands »
L'intention
de nuire, est clairement prouvée . D'ailleurs , il a parlé à SINT
NIKLAAS, sous la protection des Allemands !
Le
jury ne laissera pas un tel dangereux idéaliste revenir dans la
société tant qu'il ne s'est pas calmé et qu'il n'a pas purgé la
peine qu'il mérite.
DECLARATION
DE JEF VAN EXTERGEM
Il remercie son avocat, commis d'office Me RADAMAECKER ,
qui l' a assisté dans sa défense.
Il remercie le jury et la Cour qui lui ont donné les moyens de se
défendre.Il s'émerveille lui même d'avoir pu parler si vertement
sans avoir dû quitter la salle d'audience.
Il
remercie même le Ministère Public :
« En
effet, les 3/4 de son réquisitoire me seront concédés par 90% des
socialistes anversois , non comme une honte, mais comme un honneur .
Je
ne sais pas MM les jurés quel sera votre verdict, mais j'ai l'intime
conviction d'avoir toujours été fidèle à mes idéaux, même si on
m'accuse de trahison !!
Et
je veux vous dire que ces idéaux, je ne les renierai jamais !
C'est
beau de pouvoir lutter en pleine liberté pour son idéal, mais c'est
encore mille fois plus beau, mille fois plus noble de pouvoir
souffrir pour lui.
Depuis
9 mois complets, je suis enfermé entre 4 murs blancs . Jour
après jour, j'ai pu soupeser ce que j'ai fait et quelles en étaient
les motivations.
Et
bien, Messieurs, à aucun moment, je n'ai eu le sentiment d'être un
judas, un traître.
La
trahison signifie de subordonner les valeurs les plus élevées aux
intérêts les plus bas ; par exemple, vendre son idéal pour de
l'argent, des honneurs ou des avantages.
Jamais
je n'ai eu la tentation de servir « avec l'intention de
nuire » la politique de l'ennemi.
J'ai
seulement et simplement servi mon idéal socialiste, , et je me fiche
de qui aurait pu en tirer avantage.
Ou
vous me renvoyez dans ce tombeau de briques qu'est la prison de la
« Begijnenstraat », où vous me rendez la liberté - cela
n'aura pas la moindre influence sur ma façon de penser.
Votre
réponse aux questions sera t - elle affirmative, alors je
sacrifierai à mes idées, avec bonheur et fierté , la plus belle
partie de ma jeunesse; votre verdict sera t- il négatif, alors je me
battrai après ma libération avec encore plus d'enthousiasme et
d'ardeur que jamais.
Fidèle
à mes principes socialistes et à la lutte pour l'avenir de mon
peuple opprimé,ma devise sera toujours : Vive le Socialisme
International ! Vive la Flandre !
(
Contrairement à l'habitude, VAN EXTERGEM s'est exprimé cette fois
très calmement ; il est néanmoins très ému)
Son avocat Me RADEMAECKER insiste que ce jeune homme a
cru dans les paroles de ses aînés proférées dans les Maisons du
Peuple, les VANDERVELDE, ANSEELE, CAMILLE HUYSMANS, Dr TERWAGNE etc.
Il
a appris de ces orateurs que la propriété est un vol, que l'ouvrier
est insatisfait dans tous ses besoins, et qu'il lui reste un seul
moyen pour mettre fin à cela : le renversement révolutionnaire
de l'ordre existant .
Que
les guerres sont seulement les conséquences des rivalités entre les
capitalistes des différents pays, dans lesquelles les prolétaires
n'ont rien à voir ; qu'un socialiste doit donc toujours
combattre de toutes ses forces le militarisme et le massacre des
peuples.
Tels
sont les principes qui lui ont été inculqués.
MAI 1944 lettre de JVE à sa soeur depuis le camp nazi |
Sachant
cela, Messieurs, ne vous étonnez vous pas de trouver ici sur les
bancs de la Cour d'Assises ce jeune homme, qui pendant la guerre
était encore un enfant ?
JEF
VAN EXTERGEM, un gamin exceptionnellement doué, a cru les leaders
socialistes ....
vous
savez comment il s'est jeté dans la lutte et quels effets cela a eu
sur lui quand il a appris que ses maîtres s'asseyiaient à la table
du Roi, s'installaient dans les hôtels ministériels, acceptaient
la fonction de chef des renseignements etc. etc.
Et
si à un certain moment , il est entré en contact avec BORMS, qui
lui a appris que les Flamands étaient opprimés et rejetés, et si
il lui a apporté sa collaboration, ce n'est pas pour « l'
activisme », mais pour mettre fin à l'injustice infligée aux
Flamands par le gouvernement belge.
L'avocat
de la défense demande en conclusion de sa plaidoirie que JVE
retrouve la liberté, 9 mois de détention préventive étant déjà
une « beaucoup trop lourde peine pour ce jeune idéaliste. »
Après
délibération, le jury répond affirmativement aux principales
questions posées.
La
Cour condamne alors JEF VAN EXTERGEM à 20 ans de détention, à la
privation à vie de ses droits civils et aux frais du procès.
voir en néerlandais le rapport stenographique du procès publié par VLAAMS MARXISTISCH TIJDSCHRIFT n°1 1976
voir aussi sur cette période, la vie de P DE GROOT, camarade hollandais de JVE. Expulsé de BELGIQUE en 1923, il sera dirigeant du PC des PAYS BAS
voir aussi Het socialistisch aktivism tijdens de Eerste wereldoorlog Mieke SERTYN
BTNG-RBHC, 07, 1976, 1-2, pp 169-196.pdf
http://www.journalbelgianhistory.be/fr/system/files/article_pdf/BTNG-RBHC,%2007,%201976,%201-2,%20pp%20169-196.pdf
voir dans SOLIDAIR, article de K MERCKX 6/11/2009
http://www.solidair.org/index.php?id=1340&tx_ttnews[tt_news]=16150&cHash=27de30d76cc45b92e29d8c3112bab83b
voir dans SOLIDAIR, article de K MERCKX 6/11/2009
http://www.solidair.org/index.php?id=1340&tx_ttnews[tt_news]=16150&cHash=27de30d76cc45b92e29d8c3112bab83b
bonjour,
RépondreSupprimermonument ou rue , tombeau... pour Jef Van Extergem? Je ne n' en connais pas. Seulement il y a, que je sais, une plaque commémorative au café Rode 7 (7 Rouge) Sint Jansplein 7, Antwerpen. Où se trouvait jusqu'il ya quelques années Le Club Jef Van Extergem. A l' interieur du café Rode 7 il y a en vue un grand portret de Van Extergem jeune. Jef lui- même se réunisait là avec ses amis politiques. Mon ami Louis Paul Boon, m' raconté dans le temps l' histoire dramatique de Van Extergem. Et en se moment je travaille a un roman biografique, racontant cette vie tragique avec comme titre:' De tedere anarchist' (L' anarchiste tendre'), à paraître en 2016.
avec mes salutations amicales,
Marc Andries
www.marcandries.be
intéressant, marc andries. On attend avec impatience ce roman biographique. Et, je suppose que l'avis de Boontje y percera
RépondreSupprimerCher Hubert Hedebouw,
RépondreSupprimerMon roman biografique sur la vie et actions de Jef Van Extergem, paraîtera le 17 octobre 2016 chez Ed. LUDION (411 p).
Un long interview avec moi est publié dans le dernier no de MEERVOUD.