jeudi 7 juin 2018

HOMMAGE A MICHELINE THONET (20/07/1925 -02/06/2018)

Micheline Thonet s'est éteinte à HUY , il y a quelques jours . Mais elle est toujours parmi nous, vivante par l'exemple quelle a donné durant les années sombres.
Son combat, comme celui  de tous les résistants,  a  contribué a ce que nous soyons libres. Et aussi à ce que à la Libération, en 1945 ,forts de la victoire sur le fascisme,  les travailleurs de notre pays puissent réaliser de grandes conquêtes:  la sécurité sociale, un système de services publics et des libertés démocratiques.
Restée toute sa vie fidèle à son engagement  , son grand frère Victor, chef de corps des Partisans Armés, arrêté par la Gestapo, torturé , puis fusillé, lui manqua toujours
Pour lui rendre hommage, je reproduis ici d'abord des extraits de la lettre de Joseph Thonet, son père, dans la clandestinité quelque part dans le Hainaut , à sa famille ; ensuite de larges extraits du livre d'André Glaude , lui même résistant de la région de HUY ; ensuite des extraits de l'interview donnée par Micheline Thonet  au journal "l'avenir" en 2010.

LETTTRE DE JOSEPH THONET A SA FAMILLE (1943)
(extraits IHOES - SERAING papiers famille  Thonet)

"Cher vous tous 
Nous avons fait une grande perte: nous avons perdu le petit Totor , celui qui est devenu le grand Totor...Victor est devenu un héros, un grand héros
 (...)
Toi Célinie, tu peux être fière d'avoir donné le jour à un tel homme. Vous autres, mes enfants, vous pouvez être fiers d'avoir un tel frère, vous autres tous de la famille ,vous pouvez être fiers d'avoir un tel neveu
 (...)
Mais la perte de notre Victor nous oblige à des devoirs. Nous devons, malgré les pleurs, travailler pour l'oeuvre pour laquelle notre Victor a donné sa vie.
Toi, surtout Micheline, sa soeur et sa cadette, tu dois t'instruire. Tu dois t'élever aussi haut que notre Victor. Tu as tout un avenir devant toi .N'oublie pas que de grandes tâches nous attendent. Que nous aurons besoin de grands caractères comme notre grand Victor.
(...) 
 La vie de Victor est un coffret de nacre. Ce coffret est sacré. Nous le garderons intact toute notre vie.
Et maintenant, courage à tous .
(...)



 LA  LIBERATION DE LA PRISON DE HUY
 "Extraits de : André Glaude  ; « Brigades spéciales  - pp 154-161 Editions « Arc-en-ciel de Wallonie » 1947
(...)
SON FRERE : VICTOR THONET
 « Dans sa cellule, Micheline Thonet pleurait la mort de son frère Victor, un partisan intrépide, chef du corps de Charleroi, capturé, évadé, entré dans la gloire à travers des sabotages et des exploits fabuleux, blessé dans une rencontre, conduit à Saint Gilles et à Breendonck, torturé , fusillé.
Micheline Thonet pleurait son beau-frère et sa belle-soeur, Marcel et Mariette Verstichel, déportés dans les lointains camps de concentration où la neige n'arrivait pas à couvrir décemment tous les cadavres.
Micheline Thonet pleurait l'absence de son père illégal depuis le 22 juin 1941, membre du Comité central du Parti Communiste, traqué sur toutes les routes de Belgique, inlassable militant qui organisait les forces clandestines dans des cités inconnues qu'obscurcissaient les fumées rouges des usines de la collaboration.(1)
SON PERE : JOSEPH THONET
Micheline Thonet pleurait la solitude de sa mère, une femme du peuple douce et vaillante que rien n'avait pu abattre, ni les angoisses, ni un séjour au fort comme otage, ni le départ de son mari dans le maquis, ni l'héroïque sacrifice de son fils.
Micheline Thonet pleurait sa famille dispersée, sa liberté perdue. Elle mêlait ses sanglots aux larmes de la patrie outragée, des millions de mères endeuillées, de l'humanité meurtrie, des peuples blessés, des nations dévastées . Larmes de douleur et de colère. Larmes de mépris et d'horreur.
SA   MAMAN : CELINIE LECHARLIER 
Larmes d'espoir et de courage. Larmes qui exprimaient le présent, fécondaient l'avenir. Larmes des déchirements et des combats : sources mêmes de la victoire.
Un monde naissait dans les larmes.
(...)


A quelque distance du Palais de Justice, qui écrase la prison de sa masse lourde de dignité, on se concerte au sujet de l'attaque imminente, Wolters partit sonner à la porte d'entrée ; C'était l'heure où il prenait son service.
Un geôlier, nommé Robert , domicilié à Oteppe, , devait selon les conventions ouvrir les battants de chêne . Au moment psychologique, Wolters sifflerait, allumerait une cigarette : signal de l'assaut à déclencher.
Effectivement, Wolters fit craquer une allumette. Il entendait s'approcher des pas, tomber des chaînes, grincer des verrous.Les partisans s'approchèrent sans bruit. Ils étaient un petit groupe perdu dans la nuit. Le coeur battait la charge et le sang se glaçait dans l'attente.
La porte tourna sur ses gonds. Malheur, un boche, clefs en main regardait Wolters stupéfait, pris de panique.

Plan de la prison grifoné par le surveillant WOLTERS 
Nicolas Parent:"L'entité de Wanze durant la 2ème guerre mondiale"
La situation était grave : toute hésitation serait fatale, déterminerait l'échec de l'entreprise. Un partisan bondit à la gorge du fridolin et le terrassa. D'un élan, la brigade
pénétra dans le corridor, repoussa la grille, déferla dans la prison.
Les assaillants firent irruption dans le corps de garde allemand. Un bref vacarme, une courte bagarre s'ensuivit. Les nazis en pan de chemise ou en caleçon s'éveillaient en sursaut, se levaient en désordre. Ils furent maîtrisés sans peine. Un rouquin à tête de Prussien esquissant un geste de défense fut assommé à coups de crosse de pistolet. La crosse se brisa sur le crâne du bonhomme. La place était conquise.
Pas tout à fait. Un maquisard arrachait le fil du téléphone , un autre détruisit le dispositif d'alarme.
A l'étage deux copains s'approchaient de la chambre occupée par le seul fridolin qui ne fut pas encore capturé. On entendait remuer le boche qui s'inquiétant du charivari, ouvrit sa porte , pistolet au poing ; Déjà Mario lui avait saisi le poignet, et grâce à une torsion sans douceur faisait tomber l'arme.(...)
Il n' y avait pas de temps à perdre. Dans vingt minutes, la relève serait sur place.
Il fallait libérer les prisonniers, sans perdre une minute , et vider les lieux.
Des cellules, fusaient des cris de joie, des appels angoissés :
- »Ouvrez, je suis réfractaire. Ouvrez, je suis en danger de mort. Ouvrez, nous sommes des patriotes, les Boches veulent notre peau ; Ils nous fusilleront . De grâce, ouvrez, ouvrez, ouvrez ... »
Ali possédait le trousseau de clefs ; En principe, seuls les détenus politiques devaient être délivrés. Les criminels de droit commun, c'était dangereux de les jeter par dizaines sur la voie publique.Mais comment faire la discrimination? Derrière les portes verrouillées, tous les captifs criaient leur innocence, le grand péril qui les menaçait.
Les voix suppliaient, jubilaient, clamaient le bonheur, la surprise, la fraternité, chantaient la liberté toute proche.
Pouvait on la refuser à cet adolescent, qui frappait désespérément les parois de son cachot, à cette femme qui hurlait la peur d'être oubliée ? Ne laisser aucune de leurs victimes aux mains des nazis, là était l'essentiel. La police s'occuperait du reste. Elle avait des loisirs.

Chaque seconde exposait les partisans au massacre . Ali ouvrit toutes les cellules, ouvrit toute grande la voie de la liberté à ces êtres écrasés par le destin, voué aux ignominies et aux supplices. Ils étaient toute une cohue à renaître à la vie, à délirer d'enthousiasme,à fêter les libérateurs.
Au bout du couloir, sous bonne escorte , les garde-chiourmes, bras levés, verts comme leur défroque, livides de peur et de honte .Ali enferma à double tour, au fond d'une cellule, cette racaille immonde et humiliée.
Sans plus de retard, on évacua la prison.
Un groupe se dirigea vers les Golettes, par la rue d'Italie, battit en retraite par les venelles à flanc de coteau, le long des prés et des venelles boisées.
Le second se rendit à Tihange, se dispersa au passage d'eau. Le troisième qui emportait les fusils des fridolins, monta les Crépalles, le chemin de la Sarte.
A vrai dire, ces gens armés jusqu'aux dents avaient l'air d'une bande de brigands partant en expédition.En tête, marchait Janssen, tout fier des encombrants trophées qu'il ramenait avec ses camarades.
Plaine de la Sarte, survint un boche galonné. Peut être revenait il d'avoir été coucher avec sa belle.Devant ces civils armés, il ne perdit point son sang froid. Il saisit son pistolet.
On n'avait pas le choix ; On l'abattit avec le seul regret de donner prétexte par cette exécution aux représailles des Kommandanturs furibondes .
L' hitlérien avait une bobine réjouie de bourgeois d'Outre Rhin.Il ne paraissait pas bien méchant et semblait appartenir à une excellente famille.
On trouva dans son porte feuille deux photos : le glorieux soudard près d'un arbre garni de pendus, le même guerrier distingué devant un mur au pied duquel gisaient les corps troués d'un lot de fusillés. (2) 




LA RESISTANTE MICHELINE THONET, SAUVEE DE LA MORT
 
 8/11/2010



 Interviewée en 2010 par un journaliste de « L'Avenir », elle témoignait dans le journal du 8/11:
"C'est en mémoire de son frère Victor, fusillé en 1943, que Micheline Thonet est entrée dans la Résistance. Elle avait à peine 18 ans!
Micheline Thonet épouse  Bastianelli (photo L'Avenir 2010)
                                                                                                                                                              -- Le journaliste :Qu'est-ce qui vous a décidé, à votre tour, à entrer en résistance ?
--  M.T.          : "Quand j'ai appris que mon frère Victor, avait été fusillé Ce n'était pas de la vengeance mais je voulais faire quelque chose en mémoire de mon frère. J'ai été contacté par Gustave Opitom, un facteur qui avait formé un groupe Front de l'Indépendance.
Notre Q.G. était installé au Continental, le café de mon oncle installé place du Tilleul à Huy. On m'a fait une fausse carte d'identité. J'avais à peine 18 ans. Mais je n'ai pas eu le temps de faire grand-chose car en novembre 1943, Gustave Opitom a été arrêté. Les Allemands ont pu alors remonter jusqu'à moi. Ils m'ont arrêté le 28 novembre à 5 h 30 du matin. Je suis restée 33 jours à la prison de Huy. Jusqu'à ce que les Résistants viennent me libérer.
Micheline Thonet, détenue alors depuis un mois, se souvient de ce matin-là. «Depuis 33 jours, j'étais nourrie de pain sec et de soupe infecte. J'étais avec une autre jeune fille prise en même temps que moi. Chacune isolée dans une cellule. Régulièrement, je subissais des séances d'interrogatoire. On me questionnait sur mon père pour savoir où il était.
Puis le 30 décembre, grâce à la complicité d'un gardien allemand qui me transmettait du courrier, j'ai reçu un message de ma mère. Elle disait : "l'accouchement de la cousine aura lieu le 31 au matin ." J'ai compris qu'il allait se passer quelque chose».
Bien avant le lever du jour, Micheline est donc habillée et prête à partir. 
«Le gardien allemand regarde par l'oeilleton et se demande pourquoi je suis déjà habillée. Quand il est entré dans la cellule on a entendu du bruit dans les escaliers et les Résistants ont fait irruption.»  

La rapidité et l'audace du commando hutois prennent les Allemands de court. Les résistants libèrent leurs camarades et les deux jeunes filles. Dès la sortie de prison, le groupe se sépare et Micheline se retrouve livrée à elle-même.


«Je me suis cachée près du magasin Bouchat, dans l'entrebâillement d'une porte. Puis après un moment, je suis retournée chez ma soeur en face de la clinique. Le jour même, je suis partie à Marchin. J'utilisais les petits chemins de terre car il y avait des contrôles à la sortie de Huy» .
La jeune femme se fait décolorer les cheveux en blond et part ensuite à Liège. Mais repérée par les Allemands, elle devra prendre la fuite une ultime fois vers les Ardennes où elle attendra la Libération."(2)






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