mardi 19 août 2025

GRANDES FIGURES DE CHEZ NOUS : LE DOCTEUR ROOSENS (1886-1944), BOURGMESTRE DE BRASSCHAAT, RÉSISTANT, DÉCÉDÉ AU FORT DE HUY LE 31 MARS 1944.

 

1926 : le Doteur Roosens avec son épouse et ses 2 enfants

En voyant la photo du monument aux 15 personnes décédées au Fort de Huy de 1940 à 1944, mon attention est attirée par le nom de Joseph Roosens, de Brasschaat, mort  à Huy le 31 mars 1944. Né le 9 septembre 1886, il avait 57 ans ; il était docteur en médecine.
Un médecin venu de Flandre, que faisait-il donc au Fort de Huy ?

 BOURGMESTRE DE BRASSCHAAT


 Brasschaat est une commune voisine de la       Ville  d'Anvers. En 1920, elle comptait 6800  

 habitants; elle en a aujourd'hui 38 000. Elle est   administrée par une majorité NVA (18 sièges   sur  33) . Le bourgmestre en titre: Jan Jambon . 
 Elle a abrité de 1820 aux années 2000 un camp   militaire, que l'occupant allemand a transformé   en camp de prisonniers de 1940 à 1944, où 85   personnes furent fusillées.
 Elle abrite aujourd'hui le "Gunfire museum,"   musée de l'Artillerie militaire. 


 



Le docteur Roosens a été bourgmestre de    Brasschaat de 1924 à 1942.

Ce n’était certes pas un homme de progrès.   Parmi ses prédécesseurs, citons le comte  Armand Reusens, qui se fit construire le     château   de Brasschaat, Ferdinand Charles Louis Antoine, comte de Baillet la Tour, bourgmestre de 1902 à 1908. Appelé alors par le Roi à la fonction de gouverneur de la province d’Anvers, ce dernier fut remplacé par son cousin, Ferdinand, baron du Bois de Nevele, bourgmestre de 1908 à 1924.

C’est le décès de celui- ci, en février 1924, qui a précipité l’accession anticipée au mayorat, et ce pour une durée de 17 ans, du Docteur Jozef Roosens.

Que du beau monde en vérité dans le Parti Catholique, qui apparait en ce début du XXe siècle comme le parti de la fusion de l’aristocratie, toujours vivante comme classe sociale, et du haut clergé, avec la grande bourgeoisie catholique, tous largement francophones.

Roosens a probablement été le choix de ce parti d’Ancien Régime pour se préparer au verdict du suffrage universel qui sera appliqué pour la première fois au scrutin communal de 1926.

« Le docteur Roosens avait fait la guerre de 1914-1918 en tant que capitaine - médecin. Avec son frère Cyriel, aumônier de l’armée, il avait partagé avec les soldats l’horreur du front de l’Yser.

Après la guerre, il devient capitaine - médecin au camp de Brasschaat et  il rendait visite aux malades de sa commune après ses heures de service. Il faisait tous ces déplacements à cheval.

Après sa nomination à la maison communale, en tant que bourgmestre en juillet 1924, il démissionna de son poste de capitaine.

Il échange alors son cheval contre une moto avec un side-car, bien utile pour visiter les patients à travers les pistes de charrette et les chemins de terre. »





Comme ses prédécesseurs, Roosens était  très lié à l’évêché et au prélat de Belgique, le cardinal Van Roey, avec qui il négocia la création à Brasschaat d’un réseau d’écoles secondaires catholiques.

Sous ses mandats, ont été fondées la Sint-Jozefskliniek (clinique Saint-Joseph), et à l'occasion du centenaire de la municipalité, le Sint-Michielscollege (collège Saint-Michel), ainsi qu'un internat pour jeunes filles à Maria-ter-Heide.

Il répondait ainsi à la demande de la grande bourgeoisie d'Anvers, qui fuyait de plus en plus la ville et s'installait au vert, entre Merksem et la frontière hollandaise. Leur plus gros souci était l’éducation de leurs enfants qui devaient toujours se rendre à Anvers pour étudier.

Savourons leurs arguments pour implanter des écoles à Brasschaat : « les jeunes sont exposés à tous les dangers physiques et moraux dans les tramways, trains et autobus ; ils peuvent aussi voir   des images obscènes pendant la pause- déjeuner en ville. »

 Signe des temps aussi, suite à la pression exercée par une « Union des écoles catholiques flamandes », le collège Saint Michel, inauguré en 1931, sera une école entièrement flamande avec quelques concessions pour les francophones, et ce, malgré la résistance de la noblesse et de la bourgeoisie francophones de Brasschaat ainsi que des officiers francophones du camp militaire.

Sans doute, le Docteur Roosens, bourgmestre roturier et forcément bilingue, après des décennies de règne des comtes et barons fransquillons, fut-il aussi le symbole de cette évolution. Populaire, il l'était sans aucun doute, atteignant des sommets dans les voix  de préférence aux élections communales de 1938. Mais le courant dominant dans le parti catholique était dirigé contre la gauche, socialistes et communistes.  Cela les a conduits, à former une « Vlaamse concentratie », en fait une coalition des catholiques avec les nationalistes d’extrême droite du VNV (1) - et même dans certaines communes avec Rex(2) de Léon Degrelle - ouvrant ainsi les portes du collège échevinal, pour la première fois, à un échevin VNV.

Le journal du VNV : "Volk en staat" du 18/10/1938 
"le VNV rentre dans les collèges de ...Brasschaat"

LES "OORLOGSBURGEMEESTERS", BOURGMESTRES DE LA COLLABORATION : UN COUP D’ÉTAT MUNICIPAL.

Le 10 mai 1940, l’Allemagne nazie attaque en même temps, les Pays Bas, la Belgique, le Grand- Duché de Luxembourg et la France.
D’emblée, sa situation stratégique, à proximité du port d’Anvers et sur la route de la Hollande, plonge Brasschaat dans la guerre, avec les va et vient des troupes françaises, suivies par les envahisseurs allemands. Elle est aussi la cible de bombardements de la Luftwaffe.
Après la capitulation de Léopold III, le 28 mai, Brasschaat est occupée par les troupes allemandes, qui s’installent notamment dans une partie du collège et transforment le camp militaire en camp de détention pour les prisonniers de guerre et les résistants. 85 personnes y seront fusillées par les nazis de février 1943 à août 1944.

À Anvers, dès le mois d'août 1940, suite au sabotage de lignes téléphoniques, la Feldkommandatur menace de placer en détention le bourgmestre et 20 citoyens en cas de récidive et de leur infliger de lourdes peines.
Roosens est interrogé par la Gestapo.
Le 27 janvier 1941, la feldkommandatur lui retire tout droit à exercer sa fonction de bourgmestre, interdiction confirmée en février 1941 par le gouverneur d'Anvers (de la collaboration).
Suite à cet acharnement de l'occupant, la commune, dorénavant sans bourgmestre, est gérée par le collège échevinal.
Le 11 janvier 1942, le Moniteur publie l'arrêté de destitution de Jozef Roosens, 
Lui, qui avait, aux élections de 1938, ouvert la « liste du Bourgmestre » à l’extrême droite nationaliste du VNV, en fut ainsi singulièrement remercié !
Ce n’est que le 18 février 1942 que le bourgmestre légalement désigné a pris congé de la population, par écrit dans la feuille locale « Polder en Kempen ».
"... Ma démission m'a été officiellement communiqué, mais je n'y ai pas donné suite. Je ne pensais pas, dans ces circonstances particulièrement difficiles, avoir le droit de  de me soustraire, par ma seule volonté, aux devoirs que m'imposent le mandat que vous m'avez confié depuis près de 18 ans .. "
Seules quelques personnes savaient alors qu'il était commandant du groupe Nord de l'Armée secrète.

Le 1er février 1942, le « bourgmestre de guerre », comme on aime encore aujourd’hui à les appeler (3), en fait l’usurpateur au service de l’occupant, Hyppoliet  Paelinckx s’installe à la maison communale.
C’est un véritable coup d’État institutionnel orchestré par l’occupant nazi et mis en œuvre par Gerard Romsée, dirigeant du parti fasciste VNV et nommé par l’occupant, secrétaire général de l'Intérieur et de la Santé. Cela faisait de lui l'un des acteurs majeurs de la prise de pouvoir dans les villes et les communes par Rex et le VNV.

A Vilvorde, le "bourgmestre" VNV Borrey
prend ses fonctions le 21 juin 1942. 
De 1941 à 1911, 1452 « bourgmestres », la plupart VNV ou Rex ont été nommés par Romsée, en remplacement des bourgmestres destitués, qu’ils aient été révoqués ou « démissionnaires ». Les  usurpateurs VNV (56% de l’ensemble des bourgmestres en Flandre) contrôlent ainsi 70 % de la population flamande, notamment dans les grandes villes, Anvers, Gand et Bruges, dont le périmètre a été élargi (de même qu’à Bruxelles, Liège, La Louvière et Charleroi).
Cette mesure s’accompagne en général de la dissolution des conseils communaux élus en 1938. Ce « pouvoir local » n’avait donc plus aucune légitimité démocratique.
Le rôle de ces usurpateurs est déterminant dans l’application de l’Ordre Nouveau et de la répression nazie : ils dénoncent les patriotes, ils répertorient les réfractaires au travail obligatoire, ils distribuent les sinistres étoiles jaunes et, si nécessaire, comme à Anvers, la police sous leurs ordres participe aux rafles des Juifs. C’est eux aussi qui sont censés organiser le ravitaillement, à travers la très bureaucratique et détestée structure du CNAA.(4)


Extrait de la liste des bourgmestres de la collaboration
(Wikipedia)


 RÉSISTANCE CONTRE COLLABORATION, A  BRASSCHAAT AUSSI !

Hyppoliet Paelinckx (1894 – 1963) était un instituteur actif dans la vie culturelle de la commune. Politiquement, il avait rejoint le « Frontpartij »(5) après la 1e guerre mondiale, pour ensuite adhérer au VNV, dont il était le dirigeant local.
Nommé le 1er février, il tient le 29 juillet 1942, une réunion publique dans le parc communal sous le slogan " De l'ordre ! L'Ordre nouveau !".
Trois résistants Louis Reintjens, Henri Van den Broeck et Léon Lommaert répondirent en septembre 1943 par une brochure intitulée « L'ordre nouveau, c'est le désordre », tirée à 500 exemplaires, et distribuées, le soir, dans les boîtes aux lettres de Brasschaat.
Ils étaient le noyau d’un groupe de résistance, et étaient en contact avec un commissaire de police de Brasschaat. Plusieurs officiers et agents de la police communale ont participé à ce groupe, rattaché au Front de l’Indépendance pour la résistance civile, mais agissant avec l’Armée secrète pour toute action de type militaire.


Ils publient leurs brochures sous le titre général « Ambtelijke berichten » (qu’on pourrait traduire par « Journal officiel »), « journal de combat de la section de Brasschaat du Front de l’Indépendance ».
Ils y publient notamment une liste noire des traîtres.
Ils éditeront 11 numéros, de septembre 1942 à octobre 1943, avec toutes les précautions, et aussi les audaces nécessaires à la rédaction, qui était très collective, à l’impression et à la diffusion.
Le groupe du FI de Brasschaat tombera par dénonciation d’un traître infiltré, qui avait été caché dans la villa même ou les brochures étaient imprimées et livra à l’ennemi les noms des résistants.
Dans la nuit du 29 au 30 octobre 1943, au moins une trentaine de personnes sont arrêtées à leur domicile. Pour cette opération, la quasi-totalité de la Dienststelle de la Gestapo d'Anvers aurait été impliquée, avec le renfort d'une quarantaine de feldgendarmes.
Deux personnes seulement, directement impliquées ont échappé à l'action, dont le propriétaire de l'immeuble où les « avis officiels » avaient été imprimés, qui a pu s'échapper.

Les prisonniers seront séparés les uns des autres, mis à l’isolement jusqu'au 18 janvier 1944. Vingt quatre personnes de ce réseau du Front de l’Indépendance ont par la suite été condamnées. Douze ne sont pas revenues des camps de concentration..
 Dans les jours qui ont suivi, huit autres personnes ont été arrêtées, et 6 autres  – qui avaient peu de liens avec les « Ambtelijke Berichten », ont été transférés au département IV. D3 de la Gestapo (6)
On suppose que ces six détenus étaient soupçonnés d'être  membres de l'Armée secrète. 
Plusieurs eront emmenés à Saint Gilles et transférés à Huy. Le docteur Roosens, arrêté lui aussi dans cette rafle du 30/10/1943, était-il parmi eux ?
En tout cas, il séjournera à la prison de Saint-Gilles, d’où il sera transféré à Huy le 3/3/1944 (matricule 5325). (7) Sa fille Liliane déclara avoir trouvé son père en prison à Huy : « Il gisait là, à moitié mort, un spectacle terrible ».
Roosens mourut le 31 mars 1944.
Quant à l’"erzatz - burgmeister", Hyppoliet Paelinck, en avril 1943, la résistance, armée cette fois, visa son domicile en y jetant une bombe.

En septembre 1944, les gens attendent avec espoir les premières troupes alliées. Dans les rues, on voyait les Allemands battre en retraite en masse vers Breda, qui réquisitionnaient voitures, chevaux, charrettes et vélos.

Ceux qui avaient collaboré ont fui avec les Allemands.

Le 3 septembre, Bruxelles est libérée, et le 4 septembre, les chars alliés entrent dans Anvers.

À Brasschaat, Paelinckx tient une dernière réunion à la maison communale. Il remet les clefs du conseil au secrétaire Louis De Winter et prend la fuite.

Rien n’est publié, semble-t-il, sur les conditions de son arrestation et de sa détention.

Son procès s’ouvrira, le 6 juillet 1947 devant le Conseil de guerre d’Anvers. Il est accusé d’avoir prêté aide à l’ennemi, et de dénonciations.

Selon plusieurs témoignages, il avait fourni aux Allemands une liste des « mauvais » éléments de la commune, qui avaient été alors soumis à des travaux forcés à Schoten, puis au littoral.  C’est sur ces ordres que la police avait été obligée de dresser cette liste, et de procéder aux arrestations. Les personnes arrêtées étaient conduites à Anvers dans une voiture de la commune.

Paelinckx était, sur ces dossiers, en contact direct avec un agent de la Gestapo.

Des témoignages à décharge viennent à son secours, le dépeignant comme un homme mesuré, incapable de dénoncer quiconque, soucieux du ravitaillement de la population, prêt aussi à intervenir auprès de l’occupant, ici pour empêcher un départ pour le Front de l’Est, là pour sauver un enfant juif.

Condamné à trois ans et trois mois de prison, ( la durée de la préventive ?),et à la privation pour 10 ans de ses droits civils et politiques, il sera libéré après son procès !

« On n’avait pas grand-chose, voire rien, à lui reprocher » écrira le rédacteur de sa biographie, un certain Bart de Wever !  (8)

En 1957, il  retrouvera ses droits .

Quoi qu’il en soit, il se présente aux élections communales de 1958 sur une liste soutenue par la Volksunie (9). Il est largement élu, et voilà le bourgmestre de la collaboration réhabilité et nommé 1er échevin de la commune de Brasschaat ! Élu conseiller provincial Volksunie en 1961, il disparait en 1963, avant d’être retrouvé, mort par noyade, dans le canal Albert. Suicide, accident .. ?


Est-ce à lui que pensait son successeur actuel à la maison communale de Brasschaat, quand il a déclaré que « Les gens qui ont collaboré avec les Allemands avaient leurs raisons » ? 

Place Dr Roosens à Brasschaat, en face de l'ancien
hôtel de ville
Monument aux morts ( dont le Dr Roosens).

La vie du Dr Roosens nous a plongé, on le voit, dans l’histoire de notre pays pendant la première moitié du XXe siècle. Même s’il était politiquement rattaché au vieux parti catholique réactionnaire et plutôt moyenâgeux, même s’il a lui-même, en 1938, tendu la main à l’extrême droite fasciste du VNV, espérant ainsi faire barrage à la gauche socialiste et communiste, il a, au moment décisif de l’occupation nazie, choisi le camp de la résistance.

Patriote, cela lui a coûté la vie. 
N’avait-il pas, lui aussi, ses raisons, et de bonnes raisons ?
C’est de notre devoir dorénavant d’honorer sa mémoire.
Quant à Hyppoliet Plaetinckx, l’usurpateur, collaborateur des nazis, chantre de l’Ordre Nouveau et dénonciateur des patriotes, ne porte-t-il pas, selon vous, amis lecteurs, sa part de responsabilités dans le mort dans les camps des patriotes et résistants qui se sont levés contre l’occupant et ses collaborateurs ?

Le camp de Gross Rosen en  Pologne :
 "Arbeit macht frei".
Citons le Dr Jozef Roosens bien sûr, décédé au Fort de Huy, et aussi ces courageux résistants du réseau du Front de l’Indépendance qui ont publié les «  Verplichte berichten », parmi lesquels Alfons Andries, commissaire de police, Fernand Doms, agent de police, et Théodore Mengal, employé communal, tous trois de Brasschaat, décédés au camp de Gross Rosen. (10)
La clémence dont Paelinckx a bénéficié lors de son procès et la bienveillance à son égard dans sa carrière politique ultérieure ne sont-ils tout simplement pas le reflet de la porosité qui a persisté jusqu’à nos jours, entre l’ancienne collaboration de 40-45 et les élites du nationalisme flamand d’après - guerre ?
II n’y a pas si longtemps que les chefs nazis du VNV, Staf De Clerck et Hendrik Elias étaient honorés, en présence, voire à l’initiative, de responsables du Vlaams Blok,  de la NVA , voire du CD&V,  à l’occasion des cérémonies nationalistes en lien avec la bataille de l’Yser à Dixmude ou Ypres.
Photo 1 : pèlerinage de l'Yser 1973 à Dixmude: hommage au chef VNV, Hendrik ELIAS
 Photo 2 : Veillée de l'Yser 2002 à Ypres  - sous la direction du député NVA Luk LEMMENS :
 portraits de collaborateurs Staf  De Clerck et Irma Laplasse


Symbole de cette porosité aussi, Bob Maes (1924- ) aujourd’hui centenaire, membre en 1943-1944 de la Jeunesse national-socialiste flamande et du VNV, fondateur en 1950 de la milice nationaliste VMO, puis sénateur Volksunie et dans les années 2000 membre d’honneur de la NVA - Zaventem. C’est en 2014 que des ministres NVA en exercice ont célébré son anniversaire.

Rappelons ici la démission forcée en 2001 de Johann Sauwens, ministre Volksunie du gouvernement flamand pour sa participation à une célébration des combattants du Front de l'Est. Cela ne l'empêchera pas de poursuivre une carrière comme député CD &V n

Citons aussi Oswald van Ooteghem (1924-2022),  combattant SS de la Légion flamande,
( Waffen SS - division Langemarck), qui après un an de prison,  refera une carrière
politique comme sénateur et conseiller communal de la Volksunie ; ou  Victor Leemans (1901 - 1971) dirigeant de l'Arbeidsorde, organisation sociale du VNV, nommé en août 1940, sous pression de l'occupant, secrétaire général des Affaires économiques. En 1948, son dossier pénal est classé sans suite ; il sera sénateur PSC-CVP et, en 1965, président du Parlement europé
en.

Cette porosité se manifeste aussi par la carrière des fils, filles et petits enfants d’ex VNV dans les partis nationalistes : on ne compte pas les incidents (hommage aux combattants du Front de l’Est, déclarations antisémites,  etc.,) qui ont émaillé l’actualité des 20 dernières années (11)

2021 : Sous l'égide de Elizabeth Homans NVA - Numéro spécial de Newsweek
pour les 50 ans du Parlement flamand.
Deux dirigeants VNV collaborateurs, Borms et De Clercq sont mis à l'honneur..,
(en même temps que Camille Huysmans, qui a du se retourner dans sa tombe !!)

 Aujourd’hui, les dirigeants de la   NVA, qui occupent les sommets   de   l’État, reconnaissent la  collaboration comme une « erreur », alors qu’elle fut un crime et une trahison, mais la dénazification  en profondeur du nationalisme flamand, reste à faire, de toute évidence. 

Le racisme, dans l’ADN de ces mouvements fascistes et nazis du XXe siècle, doit lui aussi être combattu et éradiqué, alors qu’il se perpétue, aujourd’hui, sous la forme principale de la haine des arabes et des musulmans, voire des "étrangers" ou des migrants.
C’est à cela que travaillent les rassemblements anti fascistes et la coalition 8 mai qui rassemble chaque année des milliers de personnes à Breendonk, réponse massive, et démocratique au pèlerinage et autre « veille  de l’Yser" nationalistes.



NOTES 

(1) VNV :Vlaams Nationaal Verbond (Ligue Nationale flamande); Parti nationaliste flamand d'extrême droite, fondé en 1933 par Staf De Clerck. Aux élections de 1936, obtient d'emblée 16 sièges en Flandre et se range comme 5e parti du pays, derrière Rex (21 sièges). En 1940, s'aligne totalement sur l'occupant nazi, recrute pour le Front de l'Est, participe aux rafles contre les Juifs.
(2) Rex, fondé par Léon Degrelle en 1935, était un parti politique d'extrême droitenationaliste et antibolchévique.   Il était proche du fascisme italien,du phalangisme en Espagne.et du nazisme.   Aux élections de 1936, il obtient d'emblée 21 sièges, pour décliner jusqu'en 1940.  S'est aligné totalement sur l'occupant nazi, crée une légion SS "Wallonie", massacre des  résistants, persécute les Juifs.
(3) L'expression "Bourgmestre de guerre" occulte le fait que la plupart d'entre les maïeurs, de 1940 à 1944, ont été désignés par l'ennemi, et que l'organe élu, le conseil communal a été dissous. Ce fut  un véritable coup d'État institutionnel, au bénéfice des partis fascistes de la collaboration. Il serait plus correct de  parler de "bourgmestres de l'occupation", voire pour les usurpateurs "bourgmestres de la collaboration".
(4) CNAA :Corporation nationale de l'Alimentation et de l'Agriculture  organisme parastatal a
créé pour organiser et  contrôler toute la chaîne alimentaire (production, distribution et transformation) et le rationnement des vivres. La CNAA se base sur le corporatisme et est une émanation de l'Ordre nouveau
(5) Frontpartij: parti politique flamand issu du "Frontbeweging", mouvement des soldats pour l'égalité des droits sur le Front de l'Yser en 1914-1918.  Fondé en 1919, le parti , fédéraliste se présenta aux élections pour atteindre 11 sièges en 1929. Miné par les dissidences d'extrême droite , Verdinaso et VNV, le Frontpartij est dissous en 1933.
(6) Le chef d’enquête adjoint de la Gestapo, Frankenstein , était chargé de combattre la « Résistance nationale » (département IV.D), plus précisément la Brigade Blanche (IV.D1) et le Mouvement royaliste (IV.D2). La section IV.D3 était chargée de lutter contre les autres groupes.
(7) Jean Pierre Evers :  Martyrs du Fort de Huy - juillet 2025.
(8) Encyclopédie du mouvement flamand : biographie de Hyppoliet Paelinkx par Bart de Wever (1998) et Sam Clemen (2023)  on line, (en néerlandais): https://encyclopedievlaamsebeweging.be/nl/paelinckx-hippoliet 
(9) Volksunie : parti fondé en 1954, qui veut incarner les revendications démocratiques  du mouvement flamand. Connait une croissance électorale dans les années 70 et 80 et devient parti de gouvernement . Déchirée entre les courants nationalistes extrêmes et une aile plutôt centriste, elle disparait en 2001. La NVA reprendra alors le drapeau du nationalisme flamand.
(10) Gross Rosen: camp de concentration nazi allemand, construit en 1940 en tant que satellite de SachsenhausenIl fut libéré le  par l'Armée rougeUn total de 125 000 prisonniers a été interné dans ce camp et 40 000 d'entre eux y sont morts.  Parmi eux, trois résistants de Brasschaat dont le nom est repris dans "Le Livre d'Or de la Résistance " pp 369-372.
(11) Citons entre autres , Jan Tollenaere,  Karlijn Deene,  Marie Pierre Romsee.

SOURCES


 

 

 




lundi 28 juillet 2025

JUILLET 2025, IL Y A 100 ANS NAISSAIT MICHELINE THONET, GRANDE FIGURE DE LA RÉSISTANCE HUTOISE.

 


Juillet 2025; le 19 de ce mois, il y a 100 ans, naissait à Huy, Micheline Thonet, grande figure de la Résistance hutoise. 

Micheline  était la plus jeune des 4 enfants ( Joseph, Georgette, Victor et Micheline) de Célinie Lecharlier et de Joseph Thonet, pionnier du socialisme et fondateur à Huy du Parti communiste. Élu député permanent de la Province de Liège en 1936, il fut suspendu de son mandat par l’occupant allemand en 1940. 
Dès l'agression de l'Allemagne nazie contre la Belgique, , la famille Thonet se plongea dans la Résistance, en éditant le 1er journal clandestin « L’Espoir ».
Le père de Micheline échappa à la rafle de juin 1941 et militera dans la clandestinité durant toute la guerre.

De g.à dr. Joseph Thonet, Célinie Lecharlier, Victor Thonet et 
Mariette Verstichel


Sa maman fut arrêtée comme otage et enfermée au Fort de Huy, durant 4 mois.
Le grand frère de Micheline, Victor, après avoir combattu le fascisme dans les Brigades Internationales en Espagne, participa à la Résistance à Andenne. Arrêté et évadé, il fut désigné comme  commandant de l’Armée Belge des Partisans de Charleroi. 
Il dirige notamment la réquisition d’explosifs au charbonnage du Bois du Cazier et l’exécution du bourgmestre rexiste Teugels, dénonciateur des Juifs et des patriotes.
Arrêté sur dénonciation, il fut torturé, puis fusillé par les nazis au Tir National le 20 avril 1943.
Mariette Verstichel, épouse de Victor, résistante elle aussi, fut déportée à Ravensbrück, et libérée en 1945. Le frère de Mariette, Marcel Verstichel, boulanger à Huy, fut déporté en Allemagne dans un convoi « Nuit et Brouillard » (convoi qui ne devait laisser aucune trace) et décapité à Dortmund, le 26 mai 1944.

C'est pour rester fidèle à l'engagement de son frère, fusillé par les nazis, que Micheline rejoignit,  le Front de l’Indépendance. Elle avait 18 ans.
Arrêtée, elle ne dut la vie sauve qu'à l'audacieuse action de la Résistance, qui le 31 décembre 1943, libéra la prison de Huy.
En 1947, elle épousa Albert Bastianelli, avec qui elle fonda une grande famille.
Restée toute sa vie fidèle à son engagement,  son grand frère Victor  lui manqua toujours.  Elle a veillé durant toute sa vie à transmettre, par des témoignages dans la presse  et plusieurs  émissions de télévision, le message de la Résistance. 
Décédée le 2 juin 2018, à près de 93 ans, elle est néanmoins  toujours présente parmi nous, vivante par l'exemple quelle a donné durant ces années sombres.
Son combat, comme celui  de tous les résistants,  a  contribué a ce que nous soyons libres. 
Et aussi à ce que, à la Libération, en 1945, forts de la victoire sur le fascisme,  les travailleurs et  le peuple de  notre pays puissent réaliser de grandes conquêtes:  la sécurité sociale, un système de services publics et des libertés démocratiques.

 MICHELINE THONET NOUS PARLE
 Le plus bel hommage à lui rendre,  en ce centenaire de sa naissance , n'est - il pas de lui donner la parole, à travers les magnifiques témoignages télévisés qu'elle nous a laissées ? 

 * Enquête du Musée de la Vie wallonne. "La seconde guerre mondiale - Entretien avec Micheline Thonet - Bastianelli à Wanze "
2014 - film 8000959  


* RTBF auvio : émission "Jours de Guerre" du 6 juin 2018 (rediffusion de l'émission de 1993 );
"Fait d'hiver" - Réalisation : Eric Poivre et Yvan Sevenans.


Ci dessous, la lettre de Joseph Thonet, son père, dirigeant clandestin du Parti Communiste de 1941 à 1944, quelque part dans le Hainaut, au lendemain de la mort de son fils Victor.

LETTTRE DE JOSEPH THONET A SA FAMILLE (1943)
(extraits IHOES - SERAING - papiers famille  Thonet)

"Cher vous tous 
Nous avons fait une grande perte: nous avons perdu le petit Totor, celui qui est devenu le grand Totor. 
Grand à tous les points de vue, Victor est devenu un héros, un grand héros. Il a rejoint la lignée des plus grands combattants de l'histoire;
Son nom sera prononcé, par les générations nouvelles, avec respect. Son nom sera immortalisé. Nous savons, à présent qu'il n'est plus là, la grande place qu'il occupait parmi nous.

Toi Célinie, tu peux être fière d'avoir donné le jour à un tel homme. Vous autres, mes enfants, vous pouvez être fiers d'avoir un tel frère, vous autres tous de la famille ,vous pouvez être fiers d'avoir un tel neveu.
Je raconterai, un jour, toute sa vie. Aujourd'hui, je veux saluer, en votre nom à tous, de la famille, la mémoire de notre Victor.
Mais la perte de notre Victor nous oblige à des devoirs. Nous devons, malgré les pleurs, travailler pour l'oeuvre pour laquelle notre Victor a donné sa vie.

Toi, surtout Micheline, sa soeur et sa cadette, tu dois t'instruire. Tu dois t'élever aussi haut que notre Victor. Tu as tout un avenir devant toi. N'oublie pas que de grandes tâches nous attendent. 
Que nous aurons besoin de grands caractères comme notre grand Victor.

Ne permettez à personne de salir sa mémoire. Certes, on ne peut salir un homme bon, honnête, courageux, un héros. Mais il y a encore tant de si mauvaises gens qui n'ont jamais fait un pour comprendre la vie dans ce qu'elle a de plus beau et de plus élevé.  
 La vie de Victor est un coffret de nacre. Ce coffret est sacré. Nous le garderons intact toute notre vie.
Et maintenant, courage à tous . Mariette et moi, nous en aurons beaucoup. Tâchez d'en avoir encore plus que nous, car si nous manquons de courage, nous ne respecterons pas la mémoire de celui que nous pleurons.
Écrivez moi une longue lettre. De grosses bises à ,tous et toutes. 

Charleroi 20 avril 1945- 2 ans après l'exécution de Victor


LA LIBERATION DE LA PRISON DE HUY
Extrait de la nouvelle  "La libération de la prison de Huy"  du recueil "Brigades spéciales" de d'André Glaude, lui même résistant dans le groupe d'entraide du Front de l'Indépendance de Huy-Waremme , Solidarité, et rédacteur de son bulletin « L'Entr'aide »

Dans sa cellule, Micheline Thonet pleurait la mort de son frère Victor, un partisan intrépide, chef du corps de Charleroi, capturé, évadé, entré dans la gloire à travers des sabotages et des exploits fabuleux, blessé dans une rencontre, conduit à Saint Gilles et à
Breendonk, torturé, fusillé.
Micheline Thonet pleurait son beau-frère et sa belle-soeur, Marcel et Mariette Verstichel, déportés dans les lointains camps de concentration où la neige n'arrivait pas à couvrir décemment tous les cadavres.
Micheline Thonet pleurait l'absence de son père, illégal depuis le 22 juin 1941, membre du Comité central du Parti Communiste, traqué
sur toutes les routes de Belgique, inlassable militant qui organisait les forces clandestines dans des cités inconnues qu'obscurcissaient
les fumées rouges des usines de la collaboration.
Micheline Thonet pleurait la solitude de sa mère, une femme du peuple douce et vaillante que rien n'avait pu abattre, ni les angoisses, ni un séjour au fort comme otage, ni le départ de son mari dans le maquis, ni l'héroïque sacrifice de son fils.
Micheline Thonet pleurait sa famille dispersée, sa liberté perdue.
Elle mêlait ses sanglots aux larmes de la patrie outragée, des millions de mères endeuillées, de l'humanité meurtrie, des peuples blessés, des nations dévastées.
Larmes de douleur et de colère.
Larmes de mépris et d'horreur.
Larmes d'espoir et de courage.
Larmes qui exprimaient le présent, fécondaient l'avenir.
Larmes des déchirements et des combats : sources mêmes de la victoire.
Un monde naissait dans les larmes.


MESSAGE DE LA FAMILLE THONET A LA COMMEMORATION DU 10 MAI  2025 A HUY  
(lu par Ruben Garcia Otero)

Hommage à notre maman, prisonnière de guerre.

Maman, c’est avec une profonde émotion et un respect infini que nous saluons ta mémoire.
Femme de courage et de droiture, tu as traversé les épreuves les plus
sombres avec une dignité exemplaire.
Ta force silencieuse, ton amour indéfectible et ton esprit résilient resteront à jamais gravés dans nos coeurs.
Tu as affronté l’injustice sans jamais perdre ta lumière intérieure. Tu as aimé sans relâche, protégé sans peur, et inspiré sans le dire.
Nous sommes les héritiers de ta noblesse d’âme.
Aujourd’hui, nous t’honorons.
Nous te remercions pour tout ce que tu as été, tout ce que tu nous as
transmis, pour l’empreinte profonde que tu laisses dans nos vies.
Tu ne nous as jamais quittés. Tu vis à travers notre mémoire et dans le silence de nos pensées.
Tu restes notre repère, pour l’éternité. 

10 mai 2025 une minute de silence en
hommage à Micheline THONET


A lire sur Rouges Flammes  sur la 2e Guerre mondiale

GRANDES FIGURES DE CHEZ NOUS

L'ABBE JEAN SILVESTRE DE LAVOIR (1899- 1945) – SOLDAT DE LA RESISTANCE

A HUY , SUR LES TRACES DE JOSEPH THONET (1883-1973), FILS DU PEUPLE (1)
https://rouges-flammes.blogspot.com/2018/01/grandes-figures-de-chez-nous-huy-sur.html
A HUY, SUR LES TRACES DE JOSEPH THONET (2)
PARTISAN-E-S DE HUCCORGNE
ET, A LA SAINT SYLVESTRE 1943, LES PARTISANS ARMES LIBERERENT LA PRISON DE HUY
S’EVADER DU FORT DE HUY ? L’AVENTURE DE JULIEN LAHAUT ET DE SES CAMARADES
VICTOR THONET (1914 – 1943), ENFANT DE HUY, COMMANDANT DE L’ARMÉE BELGE DES PARTISANS, FUSILLÉ A 28 ANS, PAR LES NAZIS, LE 20 AVRIL 1943.
LE FORT DE HUY (1941-1944), « PAILLASSE HOTEL " OU BAGNE NAZI DE LA FAIM, DES COUPS ET DE LA MORT ?
HOMMAGE AUX MINEURS DU NORD - PAS DE CALAIS, INCARCÉRÉS EN JUIN 1941 AU FORT DE HUY, BAGNE NAZI DE LA FAIM, DES COUPS ET DE LA MORT.

CHRONIQUES D'UNE GUERRE ANNONCÉE
Ces fascicules en pdf regroupent une sélection des articles de politique étrangère rédigés 
de 1933 à 1939 par E. PARISET, nom de plume de mon père Arthur TONDEUR (1908-1999) d’abord pour "Le Drapeau Rouge" hebdomadaire, ensuite pour "La Voix du Peuple" quotidienne.

FASCICULE 1&2 :AUTRICHE, TCHÉCOSLOVAQUIE, MUNICH
FASCICULE 3 : ÉCHEC DU FRONT DE LA PAIX ;ALBANIE, POLOGNE, LE PACTE

FASCICULE 4: ESPAGNE, NON INTERVENTION, NEUTRALITÉ, SPAAK ET LE POB
 CHINE, ÉTHIOPIE