Il était
donc le grand frère de Micheline Thonet, épouse Bastianelli (1925-2018), résistante
elle aussi, qui nous a laissé plusieurs témoignages sur la trop courte vie de
son frère. (2)
Que sait- on de son enfance et de son adolescence ? Il semble être tombé tout petit dans la marmite révolutionnaire. Sans doute, était-il assez casse- cou et en a-t ’il fait voir à sa maman. Inscrit à l’école technique, les études n’étaient pas trop sa tasse de thé, mais il y apprend le métier de peintre en bâtiment.
En août 1935, alors qu’il est par ailleurs soldat au 15ème régiment d’artillerie, il épouse
Victor et Mariette |
LIEUTENANT DES BRIGADES INTERNATIONALES
En octobre
1936, à 22 ans, Victor s’engage dans les Brigades Internationales en Espagne,
où il acquerra le grade de lieutenant.
Rentré
au pays en décembre pour la naissance de sa fille Nadia, il est, en février
1937, arrêté, puis condamné à 8 jours de prison dans le cadre de la toute
fraîche loi Bovesse.
Bovesse
est le ministre de la Justice libéral dans le gouvernement tripartite (POB,
Catholiques et libéraux) Van Zeeland II (juin 1936-novembre 1937).
Et, alors que l’Italie fasciste et l’Allemagne nazie envoient massivement troupes et matériel militaire en Espagne, les gouvernements démocratiques pourchassent, au nom de la politique de non-intervention, les militants antifranquistes devant les tribunaux, en les accusant de « recrutement pour une puissance étrangère ».
A
cet effet, le ministre Bovesse a fait adopter par les Chambres, à l’arraché la
veille de Noêl 1936, un projet de loi répressif permettant de condamner des
dizaines de militants antifranquistes.
Victor
Thonet est, dans le cadre de cette loi, arrêté à Huy le 9 février 1937, et
condamné à 8 jours de prison.
Pinçons-nous
en écoutant le réquisitoire du procureur du Roi, rexiste notoire :
« Le
fait d’enrôler des hommes pour une armée étrangère, est haïssable parce qu’ils
plongent des foyers dans la misère, mais aussi parce que les recruteurs sont
des personnages odieux, qui n’ont pas le courage d’aller eux-mêmes là où ils
envoient les autres. (…) Thonet est un marchand de chair humaine qu’il faut
condamner avec rigueur ».
« Personnage
odieux, sans courage », Victor Thonet, il faut oser le dire !
Raoul
Baligand, capitaine de la XVème Brigade Internationale, futur camarade de combat
de Victor Thonet au sein des Partisans Armés fut lui aussi condamné à 12 jours
de cachot pour « désertion », suite à un retard à la caserne pour
rappel militaire.
Voix du Peuple 29/01/1939 |
Thonet retournera en Espagne jusqu’au retrait définitif des Brigades fin 1938. Le 22 janvier 1939, il fait partie d’un groupe de 35 combattants, venus du centre de l’Espagne, accueillis à la gare du Midi à Bruxelles.
Il est
aussi poursuivi et condamné le 21 juin 1939 pour injures à la gendarmerie,
prenant ainsi la relève de son père, connu pour son « grand rallye des
prisons belges ».
Après le
1er septembre 1939, jour de l’attaque de l’Allemagne nazie contre la
Pologne, la Belgique mobilise son armée et Victor Thonet rejoint son unité.
Il
participera donc d’abord à la « drôle de guerre » et à partir du 10
mai 1940 à la campagne des 18 jours.
« Il
se bat en héros sur la Lys, et sauve sous le feu de l’ennemi des camarades
blessés » (4)
LA
RÉSISTANCE, DE JUIN 40 A JUIN 41.
Après
l’agression de l’Allemagne nazie le 10 mai 1940, le député permanent, Joseph Thonet, père de Victor, et Mariette, sa belle-fille,
furent arrêtés comme communistes par la gendarmerie belge et incarcérés à la
prison de Namur. Après diverses pérégrinations, Joseph ayant été révoqué par l’occupant
nazi de son mandat de député permanent, ils se retrouvent finalement à Huy, avec
Victor, démobilisé après la capitulation de l’armée belge le 28 mai.
Ils
étaient ainsi à pied d’œuvre pour organiser la résistance à l’occupant.
L'Espoir n° 1 10/11/1940 |
Cette
parution n’est pas une initiative hutoise des Thonet, mais s’inscrit dans la
ligne développée par le PC au niveau national, qui publie, dès septembre 1940,
des feuilles locales dans les principales régions du pays.
Comme
ligne éditoriale, ce 1er numéro se veut une réponse à la presse
officielle « qui dit tout ce que l’occupant veut bien qu’elle dise ».
Il
renvoie dos à dos les collabos, comme le Baron de Launoit, patron de
Ougrée-Marihaye, qui « se jettent dans les bras du vainqueur
momentané » et les anglophiles qui misent tout sur une victoire anglaise.
« Le
salut est en nous, travailleurs, et pas dans l’étranger ou ses agents en
Belgique. »
Il dénonce
la guerre inter impérialiste entre les 2 blocs, le bloc Berlin - Rome - Tokyo
contre le bloc Angleterre - États-Unis et salue la politique de paix de l’Union
Soviétique.
« L’Espoir »
fustige aussi Henri de Man, ex-président du POB, liquidateur du parti, mais
aussi des syndicats qu’il veut remplacer par une organisation corporative
rejetant la lutte de classe.
La ligne du parti, qu’on peut résumer par le slogan « Ni Londres, ni Berlin » évolue : dès
janvier 1941, la lutte contre l’occupant nazi, désigné comme responsable de la faim et de la misère passe clairement à la première place, qu’elle occupe déjà, de fait, dans l’action de nombreux militants, et est étroitement liée au combat contre les collaborateurs.
communiste se sera ancré aux mouvements de protestation populaire : les
femmes pour le pain et le ravitaillement, pour le retour des prisonniers,
contre le travail en Allemagne, les grèves ouvrières dans le Borinage, à Gand,
Hoboken etc. qui culmineront dans la grande grève des 100 000 mineurs liégeois,
dirigée par Julien Lahaut, en mai 1941.
A Huy, Victor Thonet grimpe au sommet
d’un pylône sur la Grand Place et y accroche un drapeau rouge orné du marteau
et de la faucille.
Le 1er mai 1941, les militants
sortent en rue, endimanchés, avec un œillet rouge à la boutonnière, au grand
dam des occupants allemands.
A Huy et Marchin, les femmes,
appuyées par les maïeurs, revendiquent des timbres supplémentaires pour envoyer
des colis aux prisonniers.
en bas: Micheline Thonet en 2014
ALORS, SE SONT LEVÉS LES PARTISANS
Le 22 juin 1941, à 4 heures du matin, les nazis
attaquent l’Union Soviétique, c’est l’opération Barbarossa.
En Belgique, c’est l’opération
Sonnewende (Solstice d’été) : la Gestapo et les feldgendarmes arrêtent les communistes et
militants antifascistes dont ils possèdent les noms, et les enferment dans les
forteresses de Breendonk et de Huy.
Enfermé comme voleur de matériel de
l’État à la prison de Namur, il tente une évasion en essayant de desceller les barreaux
de sa cellule. Il est finalement livré à la Gestapo et transféré à Liège.
Chasse à l'homme à la demande des autorités allemandes" |
Il est désigné pour rejoindre les
Partisans Armés de Charleroi dont le principal dirigeant, Valentin Tincler a
été arrêté. Il y retrouve son camarade Raoul Baligand, ancien des Brigades Internationales.
La première phase de la lutte armée est essentiellement une phase de sabotages des installations de l’ennemi, utiles à son effort de guerre. « Il s’agissait de brûler les dépôts allemands, les voitures allemandes, les dépôts
de foin, de bois, de faire sauter des ponts, des cabines électriques ». (5)
Par la suite, face à la répression terroriste de l’occupant, à l’assassinat des premiers partisans et de prisonniers pris en otage, face aussi à la montée dans la population de la haine de l’occupant et des traîtres à leur service, on va passer « de la poudre aux balles ».
Il s’agira alors de viser les
notables de la collaboration :« bourgmestres » nommés par
l’occupant, souvent dénonciateurs, "journalistes" de l’Ordre Nouveau, hauts fonctionnaires
organisateurs du travail obligatoire etc. et, bien sûr, leurs milices fascistes.
L’action de Victor Thonet et des Partisans Armés de la région de Charleroi, durant l’année 1942 symbolise la mise en œuvre de cette double orientation : incendies de convois de paille ou de bois de mine de l’armée allemande, multiples réquisitions de timbres de ravitaillement pour assurer leur subsistance, sabotages de la centrale électrique de Bas Long Pré, grenade dans les caves du Foyer rexiste (6 mars), bombe dans les locaux du « syndicat » corporatiste des collabos (30 avril), dynamitage de la salle des machines de Providence (14 mai), destruction aux ACEC d’alternateurs commandés par les Allemands (25 mai), attaque d’un local de la Sicherheitsdienst à Marcinelle (22 juin) etc.(6)
BOIS DU CAZIER - MARCINELLE |
Notons que, courant 1942, Raoul
Baligand est appelé par l’Etat-Major National au commandement de l’ensemble du
secteur Hainaut, que Victor Thonet est nommé commandant du corps de Charleroi
(024), tandis que Franz Michiels est commandant du groupe du Centre (023).
« DE LA POUDRE AUX BALLES » :
LA GUERRE TOTALE
L’exécution des « bourgmestres »
de l’Ordre Nouveau, a marqué une nouvelle étape dans l’action des Partisans
Armés.
Non élus, ces politiciens fascistes, VNV ou rexistes, sont nommés par la puissance occupante, via Romsée : le secrétaire général VNV du ministère de l’Intérieur est en effet le centre de gravité de la collaboration administrative et policière. Ils sont de fait des usurpateurs mis en place par l’ennemi.
Circulaire du 01/04/1942 contresignée par Teughels interdisant l'école "non juive" aux enfants juifs. |
Parachuté « bourgmestre »
en avril 1941, le rexiste Prosper Teughels participera de fait à l’application
à Charleroi des lois raciales nazies interdisant les écoles aux enfants juifs et obligeant
dès le 27 mai 1942, le port de l’étoile jaune, distribuée d’ailleurs à l’Hôtel
de Ville.
D’autre part,
les conseils communaux sont dissous par Romsée le 28 mai, et des « collèges
échevinaux » sont installés sans plus aucune légitimité démocratique. Le 1er septembre 1942, un « grand Charleroi » de 31
communes regroupant 340000 habitants est créé. Prosper Teughels en est le « bourgmestre ».
L’objectif nazi, dans les 7 grandes villes, Anvers, Bruges, Bruxelles, Charleroi, Gand, La Louvière et Liège, est de concentrer au maximum les pouvoirs, principalement policier, mettant la population sous la coupe de l’occupant nazi, via leur marionnette rexiste. Un tiers de la population belge et la moitié des effectifs de police y sont concentrés. Rappelons que Rex, coquille vide en 1940, ne peut exister qu’en s’identifiant plus qu’entièrement au nazisme : la création dès juillet 1941, de la Légion wallonne par Rex, comme de la Vlaams Legioen par le VNV en Flandre, engagées dans la Waffen-SS et la Wehrmacht sur le front de l'Est, en sont le symbole ; de même, la milice rexiste, « les Gardes wallonnes », supplétifs intérieurs de l’armée et de la police allemandes.
Très bien informé, de l’intérieur de l’Hôtel de Ville, des habitudes du personnage et de la
François Druine policier à Courcelles et résistant. |
Druine, qui est policier à Courcelles et résistant fait le guet. Quand Teughels sort, seul, de l’Hôtel de ville, rue du Beffroi, pour rejoindre le garage des pompiers et y prendre sa voiture, il est abattu par Victor Thonet. (9)
Cette opération de la Résistance est aujourd’hui
encore traitée avec ambigüité.
Qualifiée parfois d' « assassinat » ou
de « meurtre », ne serait-ce pas plutôt, dans les conditions de la guerre totale contre le fascisme, un acte légitime de justice ?
L’usurpateur lui-même est parfois présenté comme
une victime, un « bon bourgmestre », un « collaborateur
modéré ».
Christian Joosten « On a tué le maïeur » Les bourgmestres rexistes assassinés et la Résistance - Charleroi Archives n°9 – septembre 2022. |
Yvonne Ledoux, employée communale à l’Hôtel de Ville, et capitaine de la Résistance explique : « Teughels a donné aux Allemands les listes des Juifs, des francs-maçons, des communistes, de personnalités du parti socialiste, de professeurs. Il avait donné des listes de parrainages par lesquels des électeurs présentent officiellement les candidats aux élections. Il donnait toutes ces listes pour faire arrêter ces personnes. » (10)
Un représentant de l’Etat-major du Front de l’Indépendance
déclarait en 1945 « En 1942, le bourgmestre de Charleroi s’inspirait de
l’Ordre Nouveau. (…) Il s’était ouvertement déclaré l’allié du nazisme et en
cette qualité, était l’ennemi de la patrie loyale et opprimée. Thonet accomplit
son acte de justice en toute sérénité. La radio de Londres lui clama toute sa
satisfaction. (11)
Journal de Charleroi -aux mains de l'ennemi- 25 novembre 1942 Quand les hitlériens osent parler de courage! |
Guerre totale en effet, puisque dès le 27 novembre, les 8 premiers otages, prisonniers à Breendonk, sont fusillés par les nazis, après avoir dû dresser leur propre poteau d’exécution ! Ils seront 68 en tout entre le 27 novembre 42 et le 13 janvier 43, essentiellement des communistes déjà incarcérés dans les geôles nazies.
Huit corps constituaient le Secteur Flandres. Partagée en
deux Secteurs, la Wallonie comprenait dix corps auxquels s’ajoutait celui de
Bruxelles. L’État-major et ses différents services (Armement, Intendance,
Renseignements, Cadres, Presse) se situaient à Bruxelles, indépendamment de la
direction du Corps de Bruxelles.
Le Corps de Charleroi - 024 - est dans ce dispositif, on l’a vu,
un groupe particulièrement actif.
Mais le 23 décembre 1942 et les jours suivants, une vingtaine
de partisans carolos dont l’État-Major local au grand complet, sont arrêtés par
les Allemands. Le commandant Victor Thonet et ses camarades tombent dans une
souricière à l’occasion d’un rendez-vous clandestin à la gare de Marchienne au
Pont.
Alors que Jules Brigonde (César) est laissé pour mort et que d’autres partisans sont arrêtés, Victor (Émile) parvient à s’enfuir et à rejoindre sa planque dans une ferme à Fontaine l’Évêque. Mais les feldgendarmes, manifestement bien informés, cernent le bâtiment ; le chef des Partisans est abattu d’une balle dans la nuque, qui miraculeusement ressort par la bouche sans toucher d’organe vital.
César et Victor seront amenés à l’hôpital, puis, de la prison
de Charleroi à celle de Saint Gilles, et, de torture en torture, ils
retrouveront au camp de la mort de Breendonk, des dizaines de camarades de
Charleroi et du Centre, dont leur compagnon d’armes le commandant Franz
Michiels.
Après avoir résisté à la torture des SS de Breendonk, après
avoir tenté à la prison de Saint Gilles une ultime tentative d’évasion, les
glorieux partisans Victor Thonet, Franz Michiels, Raymond Geenen, Emile Maufort
sont condamnés à mort par le « Tribunal » militaire nazi le 12
avril, et fusillés au Tir National, à 7 heures du matin, le 20 avril 1943.
Les quatre partisans fusillés le 20 avril 1943 |
JOURNAL D’UNE TRAHISON
De toute évidence, la Sipo, la police nazie, avait été informée des rendez-vous et des planques.
Désiré P, (Louis),
partisan armé, arrêté le 21 décembre 1942, est libéré deux heures plus tard,
après avoir dénoncé tous ses camarades.
Ouvrier mineur de fond, il a adhéré en 1935 au Parti
Communiste, dont il est un militant actif. Interpelé à l’époque des grèves de 1936,
il a été retourné par la sécurité de la gendarmerie, qu’il informera des
activités du parti. Après l’exode de 1940, il rejoindra les Partisans Armés et
il continuera son travail de délation, de mieux en mieux rémunéré, vers un chef
de la Sûreté de la gendarmerie belge, qui collabore directement avec la police
allemande, et qui se suicidera dans sa cellule après la Libération.
On l’a vu, après le 21décembre 1942, il travaille en direct
avec la Gestapo, en envoyant à la mort au moins 67 combattants et en prison ou
dans les camps plus de 200 victimes.
Finalement démasqué, il sera, avant toute possibilité
d’interception et de jugement par les Partisans, exfiltré par la SiPo vers les
régions de Huy et de Dinant, où il continuera son sale travail de délation :
c’est ainsi qu’il sera responsable de l’arrestation dans la région de Huy de trois
dirigeants communistes de la Résistance, Georges Glineur, Georges Caraël et
Alphonse Bonenfant. (12)
Désiré P. est arrêté en septembre 1944, et jugé par le
Conseil de guerre de Charleroi, qui se réunit à l’Université du Travail dès septembre
1945.
Condamné à mort en février 1947, sa peine est confirmée par
le même Conseil en janvier 1948, et son pourvoi en cassation rejeté en avril 1948.
La presse peut titrer : « Désiré P. sera fusillé à Charleroi ».
La sentence ne sera cependant pas exécutée.
Les années passant, la politique de répression de la collaboration
évolue.
Sur 2940 condamnations à mort pour faits de collaboration, 1250
accusés sont présents au procès et 242 peines sont exécutées.
Dès l’entrée en fonction du ministre libéral Lilar du
gouvernement Eyskens, en août 1949, plus aucune peine de mort ne sera appliquée,
et après 1950, plus aucune condamnation à mort n’est prononcée.
Peut-on supposer que, avec la « guerre froide », la cible de
l’establishment politique et judiciaire a changé ? L’ennemi n’est plus l’Allemagne
nazie écrasée, mais bien l’URSS communiste.
Peut-on supposer aussi, qu’avec l’épilogue de la Question
royale et l’abdication de Léopold III au bénéfice du prince Baudouin, la
volonté du pouvoir est d’enterrer la problématique « Résistance contre
collaboration » ?
Rendre justice au parti de la Résistance et des fusillés
n’est sans doute plus dans l’air du temps.
Dans la presse, on trouve bien des dénonciations de la
mansuétude vis à vis des inciviques condamnés, mais la « Bataille du Charbon »
de l’après-guerre nécessite le maximum de main d’œuvre pour abattre le précieux
combustible : des centres pénitenciers miniers sont créés, obligeant les
prisonniers allemands à travailler dans les mines (ils sont 52000, de 1945 à
1947) et permettant aux détenus inciviques d’y travailler également. Ceux-ci y
seront rémunérés à la même hauteur que les ouvriers libres et assujettis à la
sécurité sociale. (13)
Désiré P. sauve sa peau, et la peine de mort de ce mineur de
fond sera commuée en 16 ans de… travail à la mine !
Que seront le parcours judiciaire de P., les circonstances précises
de sa mise au travail et de sa libération ? La presse est remarquablement muette
à ce sujet. Celui, dont le procès avait fait la Une des journaux, disparait
des radars. (14)
Il mourra dans son lit à Gilly, en 1991, à l’âge de 75
ans.
HONNEUR ET RESPECT
Charleroi 20 avril 1945 |
Après la Libération, de fervents hommages populaires sont rendus au commandant Victor Thonet.
Le 20 avril 1945, à Charleroi, le deuxième anniversaire de
son exécution est commémoré par un cortège en ville, regroupant, autour de ses
parents, les organisations de la Résistance, des partisans armés, des rescapés
de Breendonk, etc. Hommage lui est rendu devant le monument aux morts.
Le 7 octobre 1945, le peuple de la région de Huy lui fait des
grandioses et émouvantes funérailles.
Après un hommage de milliers de personnes devant sa dépouille mortelle exposée à l’Hôtel de Ville de Huy, c’est depuis une Grand Place noire de monde, que le cortège funèbre l’accompagne à sa dernière demeure, au cimetière de la Buissière.
Pour sa famille, qui est au centre de sa dernière lettre, s’il
y a la fierté pour leur « grand Totor », il y a bien évidemment l’incommensurable
peine de la perte d’un fils, d’un frère, d’un époux.
Sans doute aussi, les années passant, les émotions s’estompant, l’héritage d’un tel homme, au courage hors du commun, est-il lourd à porter pour ceux qui restent.
A nous tous, d’honorer sa mémoire, et de perpétuer, aujourd’hui encore, son idéal et son combat.
Captures d'écran du film "Les funérailles d'un héros" 7/10/1945 - Grand Place Huy |
Le 19 avril 1943.
Ma
chère maman,
Oui,
hélas, comme tu l'auras certainement appris par les journaux, tout est fini
pour moi. Je t'écris cette dernière lettre de la prison de Saint-Gilles, où je
me trouve depuis le premier avril, après avoir passé xx jours dans les cachots
de Breendonk.
Voilà
exactement sept jours que j'ai été condamné à mort avec trois de mes amis. En
ce moment, j'en ai encore pour huit heures à vivre, je passe mes derniers
moments en compagnie de mon ami Raymond Geenen, avec qui j'ai lutté et avec qui
je vais mourir.
Je
comprends très bien que le plus terrible de tout ceci c'est pour vous autres,
ceux qui restent. Pour moi, ce ne sera que l'affaire de quelques secondes, mais
faîtes-moi cette consolation, c'est d'avoir beaucoup de courage, autant que
moi-même j'en ai eu.
Cela
est dur, je le sais, la perte que vous allez subir va être grande, mais ce ne
sera pas inutile, car j'ai la satisfaction de mourir sans avoir rien à me
reprocher ; j'ai fait mon devoir jusqu'à la fin.
Oui, chère maman, j'aurais tant voulu encore
passer de belles années ensemble.
Que veux- tu ? Maintenant le sort est jeté,
c'est fini. Tu dois réagir avec vaillance et être fière de la façon dont je
vais mourir, car c'est celle d'un soldat, d'un combattant qui a lutté jusqu'au
bout pour son idéal ; je ne suis pas sorti du droit chemin.
Une
de mes dernières volontés est la suivante, c'est que tout l'amour, toute la
tendresse que tu avais pour moi, tu reportes tout cela sur Mariette et sur les
enfants et cela je sais que tu le feras car tu es bonne et Mariette l'a mérité.
Elle a toujours été pour moi le femme exemplaire dans les bons comme dans les
mauvais moments et je lui dois beaucoup. Ce sera à vous autres de lui rendre
tout ce que je lui dois.
Maman,
je sais que tu le faisais déjà, mais encore plus qu'avant, tu dois considérer
Mariette comme l'un de tes propres enfants et je suis certain qu'elle-même
saura me remplacer auprès de vous autres. Quant aux enfants, je n'ai pas de
recommandations, je sais que toute votre tendresse et toute votre bonté sera
pour eux puisque c'est un peu de moi-même qui vous restera par eux.
Et
toi, Mimi, sois toujours bien sage et apprends le plus possible, retourne à
l'école même s'il le faut et surtout n'oublie jamais ton grand frère qui
t'aimait beaucoup.
Tu
dois me remplacer auprès de Maman, tu dois la consoler et lui donner la force
de passer ces mauvais moments ; je compte sur toi pour me remplacer le
plus possible auprès d'elle.
Joseph
et Georgette, c'est sur vous autres aussi que je compte pour aider Maman, car
c'est elle qui aura besoin d'être le plus consolée et soutenue pour passer ces
mauvais moments.
Pas
un instant, je ne vous ai oubliés, car vous aussi, je vous aimais beaucoup.
Quant à vous autres, chers Mariette et Valère, mes dernières pensées auront été
pour vous celles d'un frère.
Et
les Tantes et les Oncles, pas besoin de les citer tous, car aussi bien aux uns
qu'aux autres, j'ai beaucoup pensé, aussi, j'avais beaucoup espéré vous revoir,
cela m'aurait fait tant plaisir.
Belle-maman
et bon-papa, à vous autres aussi tous mes remerciements pour ce que vous avez
fait pour ma petite Nadia et mon petit Francis, pas un instant je ne vous ai
oubliés, ainsi que Marcel à qui, j'en suis certain vous pourrez remettre toutes
mes amitiés. Surtout, soyez certains que les sacrifices et les mauvais moments
que vous aurez endurés, n'auront pas été vains.
Vous
pouvez être fiers de votre fille et la considérer au plus haut point, car moi
j'ai la satisfaction de mourir sans rien avoir à lui reprocher.
Donc,
Maman, encore une fois, beaucoup de courage, tu peux te rendre compte que j'ai
gardé tout mon calme et tout mon sang-froid jusqu'au dernier moment et cela
doit être une consolation pour toi, aussi, que tu n'es pas la seule dans
ton cas et que le sacrifice fait par ces milliers de mères portera bientôt ses
fruits.
Je
t'embrasse bien fort et te demande d'embrasser tout le monde pour moi sans
oublier le petit Michel et Claudie.
Donc
à tous, bon courage.
Adieu
Maman, Mimi, Joseph, Georgette, à toute la famille ainsi qu'aux Amis,
Victor
BIBLIOGRAPHIE
GÉNÉRALE
Pierre
Bodart : « Avec l’Armée Belge des Partisans » ; éditions
du Monde Entier 1948.
Yvonne
Ledoux, Benoît Michiels, Yvan Mokan « Partisans au Pays Noir » EPO
1995.
José
Gotovitch – « Du rouge au tricolore ; Résistance et Parti Communiste
» Éditions Labor Bruxelles 1992
Victor
Trido- Breendonk, le camp du silence, de la mort et du crime. Editions J.
Dupuis Charleroi- 1944
IHOES –
« Sur la Résistance au fascisme 1940-1945 : Le Front de l’Indépendance
dans la région de Liège Ourthe Amblève »e IHOES 1993.
« Le Drapeau Rouge clandestin ; pages glorieuses du Parti Communiste de Belgique » Éditions de la Fondation Joseph Jacquemotte Bruxelles 1971.
"Livre d'or de la résistance belge" : ouvrage publié par la Commission de l'Historique de la Résistance instituée par le Ministère de la Défense Nationale. Bruxelles 1948. |
NOTES
( 1) voir José Gotovitch : Maîtron, notice THONET
Victor, Joseph, Vincent ;version mise en ligne le 2 février 2016, dernière
modification le 29 novembre 2022.on line https://maitron.fr/spip.php?article178347
Rouges Flammes : « Grandes figures de chez nous – A Huy,
sur les traces de Joseph (Victor) Thonet, fils du peuple. »
On line: https://rouges-flammes.blogspot.com/2018/01/grandes-figures-de-chez-nous-huy-sur.html
(2) Sur Micheline Thonet :"Fait d'hiver"
dans l'émission "Jours de guerre", présentée par Jean-Jacques
Jespers, en 1993. Réalisation : Eric Poivre et Yvan Sevenans.
Sur Micheline Thonet on line : https://auvio.rtbf.be/media/videos-d-info-archives-emission-jours-de-guerre-en-1993-sonuma-rtbf-2358639
Rouges Flammes « Hommage à Micheline Thonet
On line: »https://rouges-flammes.blogspot.com/2018/06/hommage-micheline-thonet-20071925.html
(3) Eric David : " La condition juridique des volontaires belges pendant la guerre d'Espagne (1936-1939) in Revue Belge d'Histoire contemporaine n°s 1-2 1987; pp 79-80
(4) Discours de l'Échevin Nicolas Rorive aux funérailles de V. Thonet ; Huy 7/10/1945
(5) José Gotovitch « Du rouge au tricolore ; Résistance et Parti Communiste » Éditions Labor Bruxelles 1992; p 159
(6) Pierre Bodart : Avec l’Armée Belge des
Partisans ; éditions du Monde Entier 1948; pp.16-83
(7) Marcel Verstichel, boulanger, né à Huy le 8 octobre 1921 est le beau-frère de Victor Thonet. Venu de Huy pour lui donner des nouvelles de ses enfants, il insiste pour participer à l’opération du Bois du Cazier, après laquelle il rejoindra Huy par le train. Il participe aux actions de résistance dans la région de Huy et d’Andenne. Dénoncé, il est déporté en 1942, et meurt, guillotiné à Dortmund, le 26 mai 1944. Il avait 22 ans. (Voir BELMEMORIAL https://belmemorial.org/all_names/ver.php?s=600&q=)
(8) Raoul Baligand « Un sommet de la Résistance, l’attaque du Bois
du Cazier » Drapeau Rouge Magazine des 2 et 9 janvier 1970.
Delaet
Jean-Louis : historien, directeur du Bois du Cazier 27 avril 1942. L'exploit
des Partisans Armés au Bois du Cazier ;
Pierre Bodart : Avec l’Armée Belge des
Partisans ; éditions du Monde Entier 1948; pp.39-48
(9) voir « Choisir son camp » dans l’émission Jours de
Guerre- présentée par Jean Jacques Jespers ; on line : https://youtu.be/LIB_8XSNjCo
(10) Yvonne Ledoux, Benoît Michiels, Yvan Mokan « Partisans au Pays Noir » EPO 1995 p 38
(11) Cité dans Yvonne Ledoux .. op. cité p.40
(12) Compte rendu de Joseph Pruvot publié dans "Chronique de la Résistance du Front de l'Indépendance" n°6 septembre 1979. Voir Activités du Front de l'Indépendance pendant l'occupation.
(13) Crahay Charlène. Le traitement
pénitentiaire des collaborateurs de la Seconde Guerre mondiale (Belgique,
1946-1951). Faculté de philosophie, arts et lettres, Université catholique
de Louvain, 2019.
on line: http://hdl.handle.net/2078.1/thesis:21472
(14) Yvonne
Ledoux signale sa tentative, à une date inconnue, d’offrir ses services comme
chauffeur de camion au parti socialiste à Gilly. Averti, le maïeur de l’époque
lui interdira La Maison du Peuple. Voir Yvonne
Ledoux, Benoît Michiels, Yvan Mokan « Partisans au Pays Noir » EPO
1995 p.27