mardi 26 mars 2024

COMMENT ILS NOUS ONT « COUILLONNÉ » : 40 ANS DE « MAINS DANS LE CAMBOUIS » LIBÉRAL. VOILA POURQUOI NOS PENSIONS SONT SI BASSES !



Action combinée du "Gang des Vieux en colère", des CSC Seniors et 
des Pensionnés et Prépensionnés FGTB -Gare centrale Bruxelles-
contre la suppression par la SNCB du tarif senior (février 2024)

 

Le mercredi 13 mars 2024, dans le débat des présidents de parti à la RTBF le président du PS, Paul Magnette, s’est permis de qualifier « ceux du PTB », donc ses 25000 membres, ses candidats, ses dirigeants,  de « couillons ».        Comme vieux « couillon » de 80 ans, je voudrais tracer, à partir de mon vécu, le pedigree de ceux qui, depuis plus de 40 ans nous ont, eux, très largement couillonnés.

 J’ai 80 ans et je suis pensionné depuis maintenant 16 ans ! J’ai eu le temps de découvrir quelle place nous est réservée dans cette société, et à quelle sauce on veut nous faire mourir à petit feu.                                           

On dit souvent que l’on juge la qualité d’une société à la place qu’elle accorde à ses jeunes et à ses aînés.        

La vie dans le système ultra-libéral de l’argent roi, avec des pensions légales parmi les plus basses d’Europe, est difficile pour la grande majorité des seniors. Nous avons fait face à l’explosion des factures de l’énergie suivie d’une hausse insupportable des prix du caddie. De même, la part non remboursée des soins de santé grève de plus en plus notre budget.

Ne plus pouvoir économiser, ne pas pouvoir aider ses enfants ou ses petits-enfants s’ils sont en difficulté, renoncer à tel ou tel voyage, à telle ou telle dépense, c’est le vécu d’une majorité de pensionnés, alors que les profits et les dividendes distribués par les multinationales de l’énergie, de l’agro-industrie, de la finance ou de Big Pharma n’ont, eux, jamais été aussi élevés !

 


Publicité d'AXA pour la pension complémentaire par capitalisation

Dans les années 80, la petite chanson a commencé dans les entreprises : « Vous n’aurez pas assez avec la pension légale, il faut maintenant penser à vos vieux jours »

Sont alors arrivés, les gens des assurance privées, avec leur attaché case et leur plan d’assurance- groupe. On a appelé cela le 2ème pilier, avec des pensions à 2 vitesses : il y avait des contrats plus ou moins intéressants ; des entreprises qui n’avaient tout simplement pas d’assurance groupe. Une part de la somme investie était d’ailleurs un complément d’assurance-vie et pas de pension.

Est aussi venu le 3ème pilier, l’assurance ou épargne pension individuelle. Les assurances et banques se sont rempli les poches avec ce juteux marché.

En même temps, la pension légale, basée sur la solidarité de la sécurité sociale a été détricotée ; elle n’a plus été liée au bien- être.

Personnellement, pour notre ménage plutôt privilégié de 2 pensionnés, le taux net de remplacement, rapport entre les revenus nets du travail et le montant net de nos


Action à la gare de Huy février 2024
deux pensions était autour  de 60%. (Moins encore, si on tient compte des avantages extra légaux propres à certaines entreprises, tels que les chèques - repas, l’assurance hospitalisation, l’assurance - groupe etc.)

Ce système libéral nous a conduit à la situation actuelle : de plus en plus de pensionnés et surtout des pensionnées vivent en dessous du seuil de pauvreté ; et beaucoup rencontrent des difficultés à boucler les fins de mois.

Ce qui est une honte pour un pays riche comme la Belgique.

 La grande majorité des pensionnés sont touchés :les seniors supportent de moins en moins d’être ainsi méprisés et le font savoir : Gang des vieux en colère, CSC Seniors, Prépensionnés et pensionnés FGTB, etc.

 



Nos pensions en Belgique sont parmi les plus basses d’Europe occidentale.

(1)

Taux de remplacement net 2020 (Données OCDE 2020)
En Belgique, un retraité touche en moyenne, en net, 61.9% de son dernier salaire net

Pourquoi ?

Comment est-ce possible, alors que, le département des Pensions a été dirigé, par un ministre socialiste (PSB, puis PS ou SP - spa) pendant 31 années sur 43 ?

Sans interruption, par exemple, de mai 1988 à décembre 2012 !

Les noms de Alain Van der Biest, Léona Detiège, Marcel Colla, Gilbert Mottard, Frank Vandenbroucke, Bruno Tobback, Marie Arena sont dans notre mémoire, avant que les libéraux ne s’emparent du département en 2012, imposent l’âge légal à 67 ans, détricotent le système de pension anticipée et de prépension et tentent, en vain, avec le triste sieur Bacquelaine de donner le coup de grâce au système de solidarité, déjà bien affaibli.



Ministres des Pensions 1977-2024
 
 PS- spa

Parmi les principales raisons, il y a le calcul de la pension sur l'ensemble de la carrière, la fixation  de la "carrière complète" à 45 ans, le taux de 60% (pour les "isolés"), doublé d'un plafond salarial dans le calcul du revenu de pension.
Mais il y a une cause largement occultée : le montant de la pension, qui est une partie différée du salaire, n’a pas été lié à l’évolution réelle, hors index, des salaires bruts.

On appelle cela la liaison au bien-être.

Pourtant en 1972-1973, des ministres socialistes de la Prévoyance sociale, Louis Namèche et Frank Van Acker, avaient fait voter une loi qui ajustait le montant des pensions au bien- être. Chaque année, le Parlement aurait dû définir un coefficient d’ajustement : après une augmentation de 8% en 1973, il avait été établi pour 1974 à 4%. (2)



projet de loi Namèche - Van Acker (votée le 28 mars 1973)

Mais la loi Namèche-Van Acker (3) n’a été appliquée que pendant 3 ans, 
les arrêtés d’exécution n’ayant plus jamais été votés !
Depuis 2007, une « enveloppe bien être » destinée notamment à augmenter les pensions est discutée entre partenaires sociaux et gouvernement tous les 2 ans, mais cela représentait des cacahuètes pour la grande majorité des pensionnés ; dans mon cas, moins de 10€ net par mois tous les 2 ans. 
C’est ressenti comme une aumône aux plus pauvres, non comme l’application du droit pour tous les seniors de vivre dans la dignité.

Actuellement, cette enveloppe concerne un lent ajustement de la pension minimum et, pour le pensionné moyen, un one shot de 2%, 5 ans après le début de la pension.


L’étude du CEPAG estimait, ainsi, le recul du montant des pensions par rapport au niveau des salaires bruts de 1977 à 2018 à un minimum de 82% !

On ne peut comprendre cette dégradation sur le long terme de nos pensions légales de retraite qu’en analysant le rôle déterminant de la Commission Européenne dans leur lente mise à mort.

Celle-ci, vampirisée par les lobbys des multinationales, notamment des banques et des assurances, est à la chasse des « dépenses publiques », responsables, selon elle, des « déficits publics ».

Et les dépenses liées au « vieillissement » sont depuis des décennies dans son collimateur.

Le but, clairement avoué, est de minimiser  la pension légale pour favoriser le développement des  2ème et 3ème piliers  basés sur la capitalisation, assurance collective d’entreprise (appelée souvent assurance groupe) ou assurance individuelle.

S’ouvrait ainsi au secteur financier privé des banques et des assurances, le juteux marché de la « pension complémentaire ».

J’ai connu, dans les années 80, la pression à l’embauche pour rendre  "fortement souhaitable" la participation aux assurances groupe.

40 ans plus tard, 24 entreprises d'assurances et 179 fonds de pension géraient, au 1er janvier 2018, en Belgique, quelques 80,3 milliards € de réserves acquises par 3,7 millions de personnes !

Une résolution du Parlement Européen, sur proposition de la Commission avait été à ce sujet particulièrement claire : "le financement des pensions ne peut être entièrement laissé au secteur public, mais doit reposer sur des systèmes à trois piliers, comprenant des régimes de retraite publics, professionnels et privés, dûment garantis par une réglementation et une surveillance spécifiques destinées à protéger les investisseurs". (Résolution du Parlement européen du 20 octobre 2010 ).

En 2013, le même Parlement européen invitait les Etats membres « à constituer des pensions professionnelles complémentaires par capitalisation" ».


Le salaire différé de la sécurité sociale devient un « investissement » !

Et inévitablement l’écart des revenus se creuse : ce sont les revenus les plus hauts, avec les emplois les plus stables, et les carrières les plus complètes, qui bénéficient le plus de ce système libéral ; les revenus les plus bas, les statuts les plus précaires, les carrières les plus courtes (majoritairement les femmes) sont quasi exclues de la pension complémentaire. 

Ce sont les pensions à 2 vitesses : les travailleurs pauvres deviendront  des pensionnés encore plus pauvres. 

La Commission Européenne ne s’est pas seulement attaquée au montant de la pension légale ; elle a aussi, et recommandé le recul de l’âge de la retraite, et condamner tout système de pension anticipée ou de prépension (RCC).

Et c’est cette orientation qui a été suivie depuis 40 ans par les gouvernements successifs et leur ministre des Pensions (le plus souvent, on l’a vu, socialiste).

C’est Marcel Colla qui, se conformant aux directives européennes, a cosigné l’arrêté royal de décembre 1996 sur l’allongement de la durée du travail des femmes de 60 à 65 ans, au nom de l'égalité de traitement entre hommes et femmes (!). « Égalité » par le nivellement par le bas.


 C’est Frank Vandenbroucke qui a systématisé et   règlementé le système par capitalisation dans la loi sur   les  pensions complémentaires (LPC) de mai 2003. C’est   aussi feu Michel Daerden, qui, dans le « livre vert » de   2010, a appelé les seniors à rester 3 ans de plus au travail   tout en rêvant « d’arriver au seuil du bien-être (1500€)   en   généralisant une pension complémentaire".
 Quant à la ministre Lallieux, elle est parvenue à faire des   économies supplémentaires sur les pensions des   fonctionnaires, tout en mangeant la promesse socialiste   de   rétablir l'âge légal à 65 ans, ne fut ce que pour les   métiers pénibles.

 Mais je n’en ai vu aucun, à ma connaissance du   moins, proposer l’application, avec effets   rétroactifs de la loi Namèche – Van Acker.


On le voit, les 13 ministres socialistes en charge des Pensions ont, sans état d'âme, enfourché le cheval néo libéral ; c'est sans doute le premier secteur public soumis à la privatisation, partielle sans doute, mais aux effets désastreux.

Pour contrecarrer ces politiques libérales, la première chose, c’est de redonner tout de suite sa place déterminante à la pension légale pour tous, en commençant à « rattraper » ce qui nous est dû et en redonnant aux seniors la dignité qu’ils méritent !

C’est dans ce sens que va le programme du PTB pour ces élections du 9 juin  (4) :  

 


·    Les personnes qui ont travaillé toute leur vie ont droit à un revenu décent. Nous augmentons la pension minimale à 1 850 euros net par personne.

·    La pension légale des salariés et des indépendants est portée progressivement à 75 % du salaire moyen ou du revenu professionnel.

·       Nous ramenons l’âge légal de la pension complète à 65 ans.

·       Nous réinstaurons la possibilité de la pension anticipée à partir de 60 ans après 40 années de travail.

·       Les personnes qui ont exercé pendant 35 ans un métier pénible doivent pouvoir prendre leur pension plus tôt.

·       Les plus de 55 ans doivent à nouveau pouvoir bénéficier d'aménagements de fin de carrière assortis d'indemnités afin que le travail reste faisable pour les travailleurs plus âgés.





(1)  PTB : L'écart de pension par rapport à nos pays voisins - Service d'études du PTB | Kim De Witte 2019.

(2)  CEPAG : La liaison à l'évolution des salaires -2018.

(3)  Chambre des représentants : Projet  de loi majorant les pensions des travailleurs salariés 22-11-1972

(4)Programme PTB 2024   https://www.ptb.be/programme/pension


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