vendredi 1 décembre 2017

GRANDES FIGURES DE CHEZ NOUS : JEAN TOUSSEUL FILS DU VAL DE MEUSE , OUVRIER CARRIER ET ECRIVAIN POUR LA PAIX.


Huy

C'était dans une petite ville dont les pierres bourgeonnaient
et fleurissaient au soleil, ou se ratatinaient sous la pluie.
Celle ci en avait adouci la taille , fané les dentelles et les fleurs.
On eût dit que le temps avait usé la voix des cloches et les airs de carillon ;
puis les sonneries rebondissaient un matin comme des volées d'hirondelles joueuses.
La fontaine happait , dans les jets d'eau , les couleurs de l'arc en ciel  le jour,
et les lumières des fenêtres le soir.
La Rose de la Collégiale, toute une saison, absorbait les rayons du soleil,
et l'église semblait en gonfler d'aise.
On passait brusquement sous un portail ou sur un pont
où se trouvaient des arbres et de l'eau ;
on gravissait une rue, on suivait une allée sage,et , de deux côtés ou tout au bout,
vous souriaient de vieilles maisons ridées, vêtues à l'ancienne mode ,
et les pavés sonnaient clair comme dans aucune ville du pays [...]

Jean TOUSSEUL – extrait de « Le retour » Paris 1930 pp 7-8



Jean TOUSSEUL !
A l'école primaire, mon anthologie de français était émaillée de ses écrits , qui servaient d'ailleurs souvent de sujets de dictée.
J'en garde l'image d' un écrivain régionaliste, avec une très belle et très attachante plume ; comme HUBERT KRAYNS , il a ancré ses romans dans le tissus de sa région , dans les hommes et les paysages de sa région.
En l' occurrence pour Jean Tousseul, (1)  dans la douceur des bords de MEUSE autour de Seilles et d' Andenne , pas très loin de Huy , mais aussi dans l' extrême dureté du labeur de ses travailleurs.
Il fait partie des « Cent Wallons du siècle » sélectionnés par l'Institut Jules Destrée.
Il fait surtout partie de nos écrivains oubliés ; d' ailleurs il n'y a plus dans nos écoles d'anthologie de français... et il s'y donne par ailleurs moins de dictées.

En ces années de centenaire de 1914-1918, il nous faut aussi célébrer, outre le prolétaire écrivain, un autre  JEAN  TOUSSEUL : le pacifiste, arrêté  en décembre 1918 et emprisonné pendant 4 mois , à la prison Saint Leonard, puis à Saint Gilles..

EXPO ANDENNE 2016
En 1990, l'IHOES (Institut d'Histoire ouvrière , économique et et sociale) a monté , à l'occasion du centenaire de JEAN TOUSSEUL, une exposition « Jean Tousseul et le mouvement social de son temps »(2)
L'année dernière , en décembre 2016, c'est le Service de Cohésion sociale de la Ville d 'Andenne qui réalisait au Centre Culturel une très belle exposition : « Jean Tousseul : La plume au service de la mémoire »

 EXPO IHOES 1990
Ce sont notamment ces belles réalisations , qui m'ont guidé pour la rédaction de ce blog.
Notons aussi le magnifique effort de la Ville d'Andenne qui met en ligne les oeuvres de Jean Tousseul, les rendant ainsi accessibles à tous (3)
Et j'y ai découvert, au delà de la description des coteaux de Meuse, un ouvrier des carrières, fils d'ouvrier des fours à zinc de Sclaigneaux, OLIVIER DEGEE .
Devenu écrivain autodidacte, il prendra en 1916 le nom de plume de JEAN TOUSSEUL, et décrira la réalité sociale de son temps.


OLIVIER DEGEE, OUVRIER CARRIER , ECRIVAIN MILITANT.

  Nous sommes au pays des carrières de calcaire, des mines d'oligiste, des fosses à terre plastique, des fours à chaux, des moulins de minerai, des usines de produits réfractaires : SCLAYN, SCLAIGNEAUX, ANTON, SEILLES, ANDENNE, mais aussi MOHA, VINALMONT,BARSE  ENGIS etc.
Des fonderies sont venues s'installer aussi sur les berges, mais la vie des chantiers où l'on abat les roches de calcaire, anime toute la région 

« Mon père qui n'avait jamais vécu à la campagne eut à choisir entre un champ qui nous eût nourris et l'usine ; Il choisit celle ci : deux fois par semaine, il allait se faire cuire24 h devant les fours à zinc de la vallée.
C'est ainsi que je ne le vis guère durant mon enfance. » - JEAN TOUSSEUL : « La route incertaine »

Lui même , en 1908 , à 18 ans , est engagé comme ouvrier carrier aux  CARRIERES ET FOURS A CHAUX DE LA MEUSE  à SEILLES.

«Allez! Carriers arrachez par le fer et la dynamite, le calcaire à la terre , le danger permanent, mais oublié sur la tête – avez-vous le temps d'y songer ? Chargez votre caisse, poussez la jusqu'aux taques où l'on vous donnera un « vide », chargez la encore, donnez cent mille coups de maquette, détachez ce bloc qu'il faut fuir, dépecer et charger, par cent livres d'un coup.
Allez carriers, jusqu'au soleil couchant, jusqu'au soir de la vie, jusqu'à la destruction complète de l'être, qui très tôt , « n'en voudra plus ».
Luttez, comme des bêtes âpres au gain, pour nourrir de vos sueurs de galère et de sang, le cabaretier obèse qui est en train de devenir maïeur en cultivant ses salades et sa flemme»
Extrait de « Les carriers »(1913)  publié dans « La mort de petite Blanche » - Huy 1918 

Dans « L'Adolescenr » ( février 1918), il décrit aussi avec beaucoup de vérité, et de manière largement autobiographique, le travail des carriers et des chaufourniers :

« On l'occupa sur les gueulards. Il travailla sous les ordres d'un brave homme de chaufournier, très grand, très mince , très asthmatique.
Pierre apportait de l'eau dans les fosses et remuait le charbon avec une houe.L'eau gelait dans ses sabots. L'homme par gestes rythmés et larges de sa pelle couvrait le lit de moellons avec la houille humide .
Parfois une pierre s'en échappait dans une détonation.
 Les gaz montaient des gueulards. Le gamin était ivre.Il avait les jambes molles, le fond du palais sec, la langue dure comme un caillou. »
...
Extrait de « La mort de petite Blanche  (Biographie d'un traîne-misère) » - Huy 1918





Plus tard (1920), il décrit le travail des mineurs :
« L'aimez vous cette houille irréductible , sur laquelle , dans vos royaumes noirs, tombent votre sueur et votre sang.
Songez vous qu'elle réchauffe les petites mains gelées de vos gosses, vos membres rhumatisés, vos femmes en couche, la pièce lumineuse et accueillante des soirs d'hiver ?
Qu'elle mord les machines, et qu'en la dévorant comme vous le faîtes, vous préparez un monde béant, qui cherchera autre chose pour se chauffer et se mettre en mouvement ?
Vous êtes grands, Mineurs, vous êtes les dieux noirs de notre âge, car vous savez vaincre la terre : la nébuleuse primitive étincelle à la pointe de votre rivelaine * ; vous transformez le soleil ! Et le monde entier avec votre gymnastique opiniâtre, vos outils, vos sueurs et votre sang.
Tous ceux qui se chauffent n'y ont pas toujours pensé . »
Extrait de « La mélancolique aventure -  Huy 1920 p 146

* »Rivelaine » : Pic à deux pointes et à long manche, utilisé dans les mines pour couper ou entailler les roches tendres et en particulier la houille

GEORGES EEKHOUD (4) écrira une préface élogieuse pour « LA MORT DE PETITE BLANCHE » et y retranscrit une lettre de l'auteur :

 «  Voici mon histoire en quelques lignes... J'ai 27 ans.
Mon père – il est mort le cher homme - travaillait aux fours à zinc de SCLAIGNEAUX.
Je fréquentai l'école primaire de SEILLES et , pendant 2 ans, l' Ecole Moyenne d' ANDENNE.
J'étais un mauvais élève.
Je lisais les hommes de chez nous : EEKHOUD, LEMONNIER, PICARD et les autres.
Je tombai malade et, sur les conseils du médecin, je me promenai dans les bois de mon village.
C'est ainsi que je fis des vers. [...]
A 18 ans, j'entrai comme ouvrier aux carrières de SEILLES  : Le travail de la pierre me tuait ; je dus m'en aller.
Je vécus misérablement de ma plume. Personne ne m'encouragea.
Désespéré, je retournai casser des pierres . J'y suis resté .
Un peu avant la guerre, j'entrai dans les bureaux de l'administration.... »
Georges Eekhoud : préface à « La mort de la Petite Blanche – Huy - 1920

JEAN TOUSSEUL ET GEORGES EEKHOUD
Il écrira aussi au même GEORGES EEKHOUD :
« Lorsque je griffonnais cette page au crayon – il n' y avait ni encre, ni plume là bas- dans une baraque des carrières de mon pays, je ne soupçonnais guère qu 'elle serait commentée un jour par le grand Eekhoud à l'Université Nouvelle.
Je termine un livre de nouvelles qui paraîtra en mars prochain .
J'y défends les pauvres, les ouvriers, les infirmes, les ivrognes, 
les parias, les prostituées.
J'y maudis les mauvais riches, les cabaretiers, les gazetiers,  J'y parle surtout de mes frères d'ergastule (*), les ouvriers."
Jean Tousseul « Lettre à G. EEKHOUD » 8 février 1918
(*ergastule, mot d'origine latine= prison pour esclaves)


Il décrira plus tard, en 1930, son métier d'écrivain , alors qu'il est déjà édité et reconnu :
  « J'avais vu depuis ma plus tendre enfance ce qu'on appelle les inégalités sociales. Je devins évidemment un écrivain militant. 
Je considère mon métier comme un apostolat . Tout écrivain qui tient une plume accomplit un acte... chez moi cet acte est évidemment révolutionnaire.
Dans tout mon travail, je révélerai l'injuste misère des uns et la criminelle opulence des autres  . Je ferai ainsi mon devoir envers mes ancêtres , ouvriers et artisans pauvres que le travail a broyés ou vieillis avant l'âge et qui n'ont jamais vécu que dans une sainte misère ; je prends mes matériaux dans la réalité »
R. Radelet : « Jean TOUSSEUL interrogé par un journaliste en 1930 » ; paru dans les Cahiers JT n°4 1950 pp 21 -27

CARRIERES  "COLLINET"  A  SEILLES
A noter , cher lecteur que « Les Carrières et fours à chaux de la Meuse », qui ont employé Olivier Degée – Jean Tousseul de 1908 à 1914 étaient familièrement appelées par les ouvriers les carrières Collinet.
C'est l' arrière petit fils de  Léon Collinet fils  le patron de Olivier Degée ,  le baron Rodolphe Collinet qui est l'actuel CEO de CARMEUSE, devenue une multinationale de la chaux, présente sur les 5 continents. Les Collinet sont aujourd'hui une des plus grandes fortunes du pays.
Comme le titrait « L'ECHO » du 12 juin 2010 ,
« Chez les COLLINET, on casse des cailloux depuis 150 ans. Une histoire de famille » !!!
Précisons quand même  que les "cailloux" , ce sont  les milliers d' OLIVIER DEGEE qui les ont cassés.



JEAN TOUSSEUL , CONTRE LA GUERRE  :
« On m'a mis en prison, j'ai donc tort d'avoir raison »

4 Août 1914  : l'armée impériale du Kayser Guillaume II de Hohenzollern déferle sur la Belgique , avec -hélas- la bénédiction des socialistes allemands , qui en l'espace d'une nuit se sont rangés derrière le gouvernement impérial.

La région d' Andenne Seilles est le théâtre d'un des plus grands massacres de populations civiles par l'armée du Kayser, les 20 et 21 août 1914.
Jean TOUSSEUL était présent et tous les hommes de la famille de sa jeune femme ,Madeleine Hubaux, sont massacrés.
Il écrira plus tard:
« Je n'ai pas fait la guerre de 14-18, mais j'ai connu la terrible invasion de la VALLEE DE LA MEUSE. 400 de mes concitoyens ont été tués ou carbonisés autour de moi.
J'ai eu assez de sang froid pour échapper à six tueurs ivres .
La guerre est une stupidité sans bornes . Et je crois que les hommes portent la guerre en eux comme un mauvais levain. » 15/10/1938
ANDENNE  HOMMAGE AUX VICTIMES DU MASSACRE  D' AOUT 1914

Cette douloureuse expérience ne l'a pas transformé en fou de guerre jusqu'auboutiste ;
Mais bien au contraire en fervent partisan de la paix .
Et il n'aura pas de mots assez durs contre précisément ces jusqu'auboutistes , souvent bourgeois bien repus et calés dans leur fauteuil.
En août 1918 il écrit , sous le pseudo FIGULUS , dans le journal namurois « L'ECHO DE SAMBRE ET MEUSE » un article ironique sur les mensonges de la propagande de guerre de la presse (favorable aux Alliés)
Il raille les fausses nouvelles à répétition des commentateurs de guerre  et s'en prend aux « bellicistes aveugles et obèses qui n'ont jamais vu les tranchées que dans les illustrés de foire , qui sont tous aujourd'hui de fervents jusqu'auboutistes »:
« D'ailleurs de nos jours, on martyrise odieusement l'histoire
L'armée du général X a été encerclée sept fois, et celle du général Z décimée complètement quatre fois , plus ou moins, comme à confesse...
Les DARDANELLES ont été franchies huit fois , METZ est tombée cinq fois et les RUSSES sont venus jusqu'aux portes de BUDAPEST !!!
Cette satire de  la propagande guerrière jusqu'au boutiste de l'Entente  sera considérée après l' Armistice en 1918 comme « propos défaitistes »
Et, deuxième crime : leur publication dans un journal paraissant, comme toute la presse non clandestine, sous contrôle allemand : «  L'Echo de Sambre et Meuse »
JEAN TOUSSEUL est arrêté le 10 décembre 1918 , et incarcéré à la prison Saint Léonard où il occupera la cellule 158.
Il sera transféré par la suite à la prison de SAINT GILLES.
 La démarche du pouvoir est d' assimiler tous les pacifistes , qui se sont opposés à la guerre ou à sa prolongation, à des traîtres à la patrie, au service de l'occupant.   Parmi eux, un grand artiste Frans Masereel (5) et aussi Georges Eekhoud lui même.
La guerre 14 - 18 a en effet généré une onde de chauvinisme et de patriotisme ultra nationaliste, alimentée par les nationalistes « belgicains » , mais aussi – hélas- par des dirigeants du POB  ,     qu'on a appelé le « jusqu'au boutisme. » (mener la guerre jusqu'au bout)
Et à l' Armistice, ils s'en donnent à coeur joie : arrestations, campagnes de presse, interdictions professionnelles, condamnations, interdictions de séjour etc. 
Pourtant, cette guerre, présentée comme une guerre pour la démocratie allait en fait apparaître comme une guerre de brigands pour le partage du monde et de ses richesses et,aussi comme une guerre dont profitaient les riches pour se remplir les poches , alors que les pauvres se faisaient tuer au front.
Jean Tousseul écrira en 1920 :
« Je suis convaincu , en demandant la discussion de la paix après Stockholm, d'avoir exprimé le désir de 80% de mes frères et soeurs - qui bêlent avec les autres aujourd'hui, parce que le peuple est ainsi fait – et dont par surcroît les fils et les époux constituaient 80% de notre armée » (5)

Et cette vibrante déclaration de Vidal dans la nouvelle « L'Hote » qu'il définit comme « une vraie page de la vie de prison, brutale et laide , avant que Vandervelde n'intervint » fait, à n'en pas douter , oeuvre de profession de foi de l'auteur :

« Est il raisonnable d'enseigner la morale de Jésus et de renier Jésus 
quand les riches d'un pays veulent doubler leurs capitaux ?
De prêcher la guerre, de ne pas la faire soi-même et de la laisser faire par les autres ?
De crier « Vive la Patrie » et d'affamer ses compatriotes (80% des nôtres ont les ventres calleux de s'être traînés devant l'ennemi!)
- de faire des voeux pour les soldats des tranchées, pour les meurt-de-faim des pays occupés, pour les martyres des camps de concentration et de souhaiter continuer la guerre ?
De sacrifier 300000 hommes pour chasser l'ennemi d'un territoire qu'il veut bien abandonner ? ...
Voilà ce que j'ai écrit. Ai-je tort ? Ai-je raison ? J'ai raison. On m'a mis en prison. 
On va me condamner. Il est donc dangereux d'avoir raison .
 J'ai donc tort d'avoir raison. »

« L'Hôte -Journal d'un condamné politique » dans  "La mélancolique aventure" Huy 1920 » p 48


ROMAIN ROLLAND , prix Nobel
Sous l'effet d'une campagne internationale pour sa libération , animée entre autres par les deux grands écrivains français de la paix,  Romain Rolland , l'auteur de Jean Christophe (prix Nobel 1915) et Henri Barbusse , qui a écrit "Le Feu" ( prix Goncourt 1916) , et dirigée vers le ministre de la Justice POB Emile Vandervelde, il bénéficiera d'un non lieu le 10 avril 1919, après 4 mois de prison.

Henri Barbusse résume la démarche pacifiste de Jean Tousseul dans sa préface à « La Mélancolique Aventure »
HENRI  BARBUSSE , prix Goncourt

« Il crut juste de ne pas acquiescer aux excès du militarisme et à la prolongation inutile de la guerre, et il crut de plus que son devoir était de dire tout haut ce qu'il pensait à ce sujet.
Le sens de sa pensée fut odieusement dénaturé.
 La hideuse et ignoble accusation de "défaitisme" qui aura été pendant toute la guerre le prétexte sommaire et toujours prêt, utilisé par ceux qui n'avaient pas d'autres armes contre les idées et contre les consciences , fit une noble victime de plus.
Jean Tousseul   fut emprisonné. »
Henri Barbusse : Préface à « La Mélancolique Aventure » Huy 1920




Après sa libération , Jean Tousseul s'activera à développer à Liège le mouvement « CLARTE » , qui a grandi en France autour d' Henri Barbusse et Paul Vaillant Couturier et qui se développe aussi à Bruxelles et en Flandre, et qui fut le porteur de ce bouillonnement d'idées , à la fois riche et confus, de l'immédiat après guerre, qui regroupe, pacifisme, anarchisme, internationalisme, communisme , soutien à la révolution russe.
"MONDE" de Henri BARBUSSE, EINSTEIN, GORKI,
 SINCLAIR etc... 1929 :TOUSSEUL en tête de revue
Par la suite , JEAN TOUSSEUL se ralliera au POB, redevenu après 1921, antimilitariste par la magie d'un miraculeux retournement .
Il sera ,non sans contradictions, journaliste , employé au syndicat des cheminots, candidat sur les listes POB à Bruxelles.
Pour, enfin, à travers une vie personnelle torturée, se consacrer entièrement à partir de 1926 à son métier d'écrivain
.Il aura en 1937 le prix triennal de littérature, une des principales distinctions de la littérature belge d'expression française.
Il sera considéré comme un écrivain ouvrier et restera proche, notamment de Henri Barbusse et de la mouvance des « Ecrivains prolétariens » à travers l'hebdo  « MONDE », qui parait à Paris de 1928 à 1935.
Toujours, son pacifisme humaniste et son refus du jusqu'au boutisme guerrier tel qu'il l'avait exprimé en 1918, restera dans ses écrits.
En voici un large extrait , pour vous inciter à la lecture de ce grand écrivain de chez nous...


«Clarambaux,  il faut se garder ferme comme un roc... »
LA RAFALE - extraits (Quatrième roman de la série des  Jean Clarambaux : Le village gris - Le retour – L'éclaircie – La rafale – Le testament.) 

«  La misère régnait sur tout le pays. Chassés par la famine des cités industrielles du pays de Liège, des mendiants squelettiques allaient de porte en porte pour quémander une pomme de terre, un rutabaga, une croûte de pain, une poignée de froment, une betterave ou un navet.
Tout vint à manquer et les Allemands avaient supprimé les distributions de soupe aux affamés du village. Tous les chevaux furent réquisitionnés.
Comme si cette situation n'était pas suffisamment alarmante, les Allemands se mirent à déporter un grand nombre d'hommes valides pour travailler en Allemagne. [...]
La guerre était vraiment trop longue, les gens n'en pouvaient plus.
[...]
On se mit à se disputer entre voisins pour des idées à propos de la guerre. Les uns, « jusqu'au boutistes", voulaient qu'elle continue, pour écraser les Allemands jusqu'au dernier , mais d'autres, pacifistes, dont Jean se fit le porte-parole, pensaient que la prolongation de la guerre était odieuse puisque l'Allemagne était battue et qu'on allait encore sacrifier en vain des dizaines de milliers d'hommes par "dignité militaire". "Il ne faut plus qu'on tue", répétait-il.
Le maître d'école s'était assuré ainsi de nombreux ennemis. Mais il continuait sa campagne. Il parlait vraiment au nom de la muette misère et de la peureuse torture des faibles. Il était indiciblement fort dans sa solitude.
[...]
Novembre 1918 : la retraite allemande en Belgique
Alors qu'on était sans nouvelles fiables sur le déroulement de la guerre, un avion allemand  taub  fit des figures acrobatiques au-dessus de la région, puis les cloches se mirent à sonner dans tout le pays.
Pleurant silencieusement, M. Nalonsart  finit par dire : « Enfin, on ne tue plus. Est-ce possible? »
Le village redevint bruyant comme aux jours des frairies passées : des gens couraient sur les routes, on s'embrassait.
Le drapeau belge flottait sur le toit pointu de l'église et un drapeau rouge bougeait sur la tour de la kommandantur. Un train passa, bondé d'Allemands qui agitaient des drapeaux pourpres pour saluer les paysans qui regardaient passer la révolution. Une grande partie de l'armée allemande désertait.
[....]
Resté seul avec Jean ,... M. Nalonsart lui dit :
" Clarambaux,  il faut se garder, ferme comme un roc, malgré les marées de sottises et de mensonges.  Convaincre son entourage serait le principal, mais, crois-moi, Clarambaux, l'homme peut se consoler de n'y avoir pas réussi en constatant que quatre années d'ignominies ont déferlé autour de ses idées sans avoir d'influence sur elles.
Voilà, lorsqu'on est vaincu, comme les meilleures des consciences le furent depuis 1914, voilà l'unique beauté de la vie, Clarambaux".


(2)voir:http://www.ihoes.be/PDF/exposition/Jean_Tousseul_et_le_mouvement_social_de_son_temps-exposition-fiche_technique.pdf

(3) Bibliotheca Andana   http://www.bibliotheca-andana.be/?s=tousseul

(4) GEORGES EEKHOUD :(1854-1927) écrivain anversois de langue française
voir :https://rouges-flammes.blogspot.be/2014/10/1914-1918-uomini-contro-georges-eekhoud.html 

(5) FRANS MASEREEL: voir:
https://rouges-flammes.blogspot.be/2014/10/1914-1918-uomini-contro-notre-grand.html

(6) Stockholm: projet d'une conférence sur la paix rassemblant  les socialistes des pays belligérants et des pays neutres , mis en oeuvre par Camille Huysmans et d'autres.
voir: https://rouges-flammes.blogspot.be/2017/08/1917-uomini-contro-de-stockholm.html

1 commentaire:

  1. Je garde un excellent souvenir de l'exposition d'Andenne qui m'a fait mieux connaître la vie de ce grand écrivain. J'apprécie particulièrement les livres dans lesquels il décrit la vie des carriers et mineurs; on y retrouve ses racines et on s'y sent chez soi.

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