JULES
DESTREE : PELERIN DE LA GUERRE
A la mi octobre 1917 ,en pleine déroute
militaire du gouvernement provisoire , à la veille de la prise du
pouvoir par les bolchéviks, arrive à Petrograd , tel un carabinier
d'Offenbach , un infatigable combattant pour la guerre au finish ,
dirigeant du Parti Ouvrier Belge (POB) , député socialiste de
Charleroi depuis 1894 , brillant avocat de 54 ans , JULES DESTREE .

Mon
instituteur nous en parlait avec tellement de vénération.
Rue,
place, avenue JULES DESTREE , école JULES DESTREE, institut JULES
DESTREE, musée DESTREE..., pas possible d'y échapper.
Par
la suite, dés les années 60 et 70 et la marche vers le fédéralisme
et la régionalisation, le régionalisme wallon s'est emparé de sa
mémoire avec celles d' ANDRE RENARD, et de bien d'autres, qui seront , en 2011, honorés à titre posthume de
la distinction de "COMMANDEUR du MERITE WALLON".
JULES
DESTREE, ancien ministre des Sciences et des Arts en 1920-21,
père du régionalisme wallon ...
Sa
statue à Charleroi est toujours un endroit de ralliement de telle ou
telle manifestation ...
Et
voilà qu'aujourd'hui , derrière cette figure légendaire de mon
enfance et de ma jeunesse militante , se dresse un autre visage .
Dans un post précédent , j'avais déjà
détaillé son
action belliciste en Italie fin 1914 et en 1915, pour que ce pays
entre en guerre aux côtés des Alliés , son admiration pour
les nationalistes irrédentistes italiens comme Mussolini et
D 'Annunzio. (1)
Hubert
Hedebouw dans son blog d'avril 2014 avait déjà publié de larges
extraits des « Fondeurs de neige »
http://hachhachhh.blogspot.be/2014/04/julien-lahaut-et-le-corps-acm-autos.html
En
août 1917 , le gouvernement du Havre décide de le charger d'une
mission en Russie : ministre de Belgique à Pétrograd. Il y
est nommé par arrêté royal du 1er septembre 1917.
Le
voyage du Havre à Petrograd via Londres, l'Ecosse, la Norvège puis
Stockholm prenant 20 jours , il arrive quand sa mission n'a déjà
plus aucun sens : pour ses amis du gouvernement provisoire tout
est déjà fini
Et
au lyrisme guerrier enveloppé d'un raisonnable drapeau rouge du
« patron » du POB succédera à la mi- octobre, dans
les salons de Petrograd, le chauvinisme feutré à la fois
russophobe , et germanophobe , xénophobe en un mot, du « prophète
inspiré » de Charleroi, et aussi un mélange de lucidité et
d'aveuglement .(2)
Quoi
qu'il en soit, en ce mois d'octobre 1917, alors que « le monde
va changer de base » le prophète ne semble plus inspiré du
tout ; il n' a manifestement pas l'air heureux de sa mission ,
mais reconnaissons qu'il a un réel talent littéraire pour
transmettre sa vision noire et pessimiste .
Rien
ne trouve grâce à ses yeux : le bateau, « médiocre
vapeur » est « noir et puant »,
l 'émigré russe rentrant au pays , « banni
misérable »a « un foulard sale autour du cou,
cachant l'absence de linge, des vêtements minables et des chaussures
de sport.
Petrograd,
est un « cloaque infâme », la foule de « pauvres
gens y est sordide », et les popes ...
Mais
lisez plutôt :
« Petrograd
ne me plaît pas. Je n'y suis pas venu en touriste
ni en voyage de plaisir, je le sais bien, mais mes yeux n'ont pas
renoncé à trouver à l'étranger les joies précieuses que peuvent
donner les visions différentes de celles auxquelles on est habitué.
Je les
cherche
vainement ici....
Misère
et saleté. Telles sont les impressions d'arrivée.
Petrograd
est, dans cette arrière-saison, un cloaque infâme. Une boue
liquide, gluante, couvre les rues et les trottoirs. Elle a jailli sur
les fenêtres des étages inférieurs, elle s'étale dans les
ornières, elle gicle traîtreusement sous le pied qui se risque à
peser sur un pavé déchaussé.
Jamais
je n'ai rien vu d'aussi ignoble, sauf certaines rues fangeuses de
Constantinople.
La
foule est innombrable et sordide.C'est une foule de pauvres gens,
voilà tout. On y voit surtout des soldats oisifs,croquant des
graines de tournesol. Si on regarde bien,on aperçoit de temps en
temps, un type très accusé de juif, de chinois, de moujik.
Parmi
toute cette crapule, la palme est, sans contredit, aux popes. Avec
leur longue robe crasseuse et luisante, aux manches évasées, leurs
cheveux longs et leur barbe en désordre, ils évoquent vraiment le
maximum de la malpropreté pouilleuse, graisseuse et mal odorante. »(3)
Ajoutons
y sa rencontre avec KERENSKI, le chef du gouvernement provisoire,
auquel il présente des lettres de créance, à quelques jours de sa
chute , le 26 octobre:
« Et
lui, eh bien , il est extrêmement déplaisant. Les traits sont ronds
et bouffis, d'expression vulgaire ; les yeux sont petits, fureteurs
et fuyants. Il n'y a, dans ce regard-là, ni intelligence, ni
générosité, mais simplement de la ruse et de la fourberie .
Maintenant
que je l'ai vu, je crois plus facilement à ce qu'on m'a dit de son
manque de sincérité, de son verbalisme, de sa jalousie féroce
contre tous ceux qui semblaient menacer sa popularité.»(4)
D'ailleurs
, son jugement ne sera pas plus favorable au nouveau président
bolchévik du Conseil des commissaires du peuple, Vladimir Lénine,
qu'il rencontrera au palais Smolny le 14 janvier 1918.
Il
est là, accueillant, souriant, visiblement satisfait de la visite.
C'est un homme jeune encore, court, robuste, blond, d'apparence
vulgaire.
La
mise est simple, presque négligée, celle d'un contremaître qui
ferait des écritures. Le poil est blond : cheveux, moustache en
perpétuelle agitation, et très dessinées sur les tempes, et
barbiche, la tête ronde est massive, comme un boulet enfoncé sur
les épaules, le nez écrasé et rond du bout, les yeux petits et
fuyants sous des paupières en
éventail, des rides en pattes d'oies qui s'ouvrent et se déploient
comme si elles participaient au clignotement des paupières et
au sourire des lèvres.
Les
manières sont communes; impression générale : un homme du peuple,
quelconque, où il y aurait du Mongol et du Boche »(5)
Le
décor est planté : l'Ambassadeur de Belgique n'aime ni la
Russie,ni les Russes,ni les dirigeants russes, bolcheviks ou
non; plutôt gênant pour un diplomate dont la
mission serait de gagner leur raison et leur coeur pour les appeler
au sacrifice suprême !
Seuls
auront grâce à ses yeux le ministre des Affaires Etrangères du
gouvernement provisoire :
«
distingué ,parlant le français ,accueillant, charmant, [...] un Occidental qui me donne l'impression que je suis à Londres
ou Paris »
Même
Trotski qu'il admire pourtant sera qualifié de « juif
rusé » Remarquons
par ailleurs le contraste avec l 'appréciation qu'il avait
portée sur Mussolini 3 ans plus tôt.(6)
« QUI
A CESSE D' ETRE SOCIALISTE ? »
Mais
ce qui est plus étonnant, c'est que , Destrée qui , comme toute la
direction du POB – excepté Camille Huysmans - est un farouche
partisan de la guerre jusqu'au bout, ne peut cacher ses doutes, et
son trouble devant ce qu'il appelle « le défaitisme » –
qui est en fait le refus de la guerre venant à la fois , au sein
de l 'ex - Internationale du « centre » pacifiste,
et de la gauche révolutionnaire.
Le
centre pacifiste, ce sont les initiateurs du projet d'une conférence
pour la paix des socialistes à Stockholm, Camille Huysmans ex
- secrétaire de l'Internationale, les partis sociaux démocrates
hollandais et scandinaves, soutenus par des socialistes français (
Longuet) ,anglais, suisses, le parti socialiste italien. Se
joindront à eux la majorité des socialistes russes (les mencheviks
et les socialistes révolutionnaires)
En
Belgique ce courant restera minoritaire au sein du Conseil général
du POB.
La
gauche révolutionnaire, c'est les bolchéviks russes, les
spartakistes allemands autour de Rosa Luxemburg et Liebknecht,
d'autres groupes internationalistes allemands, des minoritaires ici
et là Henriette Roland Holst, Henri Guilbeaux etc.
Sous
le paragraphe « Socialisme et défaitisme. »Destrée
s'interroge :
Comment
se fait-il que dans une lutte intéressant si profondément les
masses, de l'issue de laquelle dépendait si évidemment la liberté
du monde, l'impérialisme militariste allemand ait recruté des
complaisants, précisément parmi les socialistes.
Il
y a eu, en Russie, des révolutionnaires défaitistes avérés,
depuis le premier jour.
Le
parti socialiste officiel italien, les minoritaires français,
l'Independent Labour Party en Angleterre, et même certains
socialistes belges, et encore des socialistes neutres de Suède, de
Hollande et des pays Scandinaves se sont prononcés contre la guerre,
ont souhaité sa fin à n'importe quel prix, ont cherché des excuses
aux Allemands,ont affaibli l'esprit de résistance, ont préconisé
des mesures qui ne pouvaient profiter qu'aux agresseurs.
![]() |
STOCKHOLM 1917 : MANIFESTATION SOCIALISTE POUR LA PAIX |
Deux
infirmités morales peuvent expliquer le défaitisme : la
lâcheté et la vénalité.
Accuser
ceux qui n'adoptent pas les points de vue officiels d'être, soit des
lâches, soit des
vendus,
est facile, mais un peu sommaire.
Reste
toujours à savoir pourquoi, une fraction importante du parti
socialiste qui, dans son ensemble, ne peut être considérée comme
couarde ou achetée, a déserté la lutte contre le militarisme
allemand et écouté avec faveur les campagnes défaitistes.
Je
vois bien la part de l'Allemagne dans des manifestations comme
Kienthal, Zimmerwald (7a) ou Stockholm (7b)
Mais,
j'avoue ne pas me résigner à n'y voir que l'Allemagne.
Il
y a aussi une part de socialisme. Un socialisme bien inattendu, j'en
conviens, et bien différent de celui que nous imaginions en 19l4.
Et
de se poser la bonne question :
Qui
donc, des défaitistes ou de nous, a cessé d'être socialiste ? Pour
moi, j'hésite et l'antinomie m'obsède. »(8)
Tout
son séjour en Russie sera traversé par cette interrogation :
Ministre
de Belgique , de conviction jusqu'auboutiste , il est là pour prôner
la continuation de la guerre jusqu'au bout.
Mais
ayant des yeux et des oreilles, il comprendra très vite que c'est
peine perdue, « mission impossible » , que les Russes
veulent la paix immédiate
« C'est
donc pour la paix et contre la guerre que s'est faite l'union des
esprits.
Dès
maintenant, virtuellement, la Russie trahit l'Alliance.
Les
membres du Gouvernement provisoire y mettent des formes, ils
comprennent
que
leur honneur international exige la guerre et que leurs électeurs
exigent la paix, et ils cherchent la conciliation de ces extrêmes.
Mais
les journaux et les partis ne s'embarrassent pas de ces tactiques
savamment équilibrées.
La
volonté de la paix est chaque jour plus impérieuse et plus
catégorique.
Pourquoi
les Alliés s'obstinent-ils à continuer la lutte, puisque la Russie
en a assez ? »(9)
Le
capitaine Jacques Sadoul , membre de la mission militaire française
en Russie, présent à Petrograd
à la même époque , et qui se ralliera à la révolution exprimera cela
de façon très claire :
![]() |
Capitaine Jacques SADOUL |
« Le
désir d'une paix immédiate, à tout prix, est général ;
Sur
ce point, tous les Russes que j'ai vus, sans exception sont d'accord
avec les bolcheviks et séparés seulement les uns des autres par une
différence de netteté, disons le mot, d'honnêteté dans
l'expression de ce voeu : la fin de la guerre, coûte que coûte.
Que
le peuple russe ait dans son ensemble le dégoût et la haine de la
guerre, qu'il aspire ardemment à la paix, quelle qu'elle soit, qu'il
ait pu apercevoir dans la Révolution un plus sûr moyen d'arriver à
cette paix, tout cela me paraît aujourd'hui d'une évidence
éclatante.
Je
sais que telle n'est point l'opinion des représentants alliés.
S'ils
ne comprennent pas, c'est qu'ils ne veulent pas comprendre. »(10)
«
LA BOUSSOLE PERDUE »
Mais
cet éclair de « lucidité » n'est qu'une face de Jules
Destrée.
Décontenancé
par la multiplication des tendances « socialistes » dont
la plupart se prononcent en paroles du moins pour la paix sans
annexion ,il regrette amèrement la disparition politique du parti
de droite réactionnaire les « cadets » ( le parti
constitutionnel démocrate de droite, représentant la bourgeoisie )
Seuls,
les cadets (constitutionnels-démocrates K. D.)ont osé résister au
courant. Considérés comme subversifs il y a un an, ils sont
maintenant à l'extrême droite.
Le
parti de la Liberté Populaire est le parti bourgeois, semblable aux
partis libéraux ou progressistes d'Occident ...
Les
cadets comptent dans leurs rangs des personnalités éminentes de
l'Université et du Barreau : Milioukoff,[... ] Ils soutiennent avec
loyauté le gouvernement provisoire.
Dans
tout autre pays, un parti ayant de pareilles ressources
d'intellectualité, serait un des facteurs de l'évolution nationale.
Ici,
les cadets sont peu écoutés et traités en suspects.La masse les
accuse d'impérialisme et les traite de contre-révolutionnaires.
Où
va ce navire, perdu dans la tempête, sans boussole pour marquer sa
route et le mener au port ?(11)
![]() |
Traduction de la note MILIOUKOV avril 1917 |
Après février 1917,
Milioukov, professeur d'université à Moscou, qui avait essayé de
sauver la monarchie, devient ministre des Affaires étrangères du
gouvernement provisoire et envoie , le 18 avril, une note aux
gouvernements alliés dans laquelle il promet que la Russie
continuera la guerre « jusqu’à la victoire finale » et
« remplira tous les engagements pris envers nos alliés »
et dés lors le respect des traités. Il n'était un secret pour
personne qu'il « convoitait Constantinople et les Détroits »
« Le 21 avril (4 mai), à l'appel du Parti bolchévik,
les ouvriers de Pétrograd cessèrent le travail et manifestèrent
pour la paix. Il y eut plus de 100000 manifestants, ouvriers et
soldats. Des manifestations eurent lieu aussi à Moscou, dans
l'Oural, en Ukraine, à Cronstadt. Des résolutions de protestation
contre la note de Milioukov affluèrent des Soviets de nombreuses
villes à l'adresse du Soviet de Pétrograd.
Les manifestations d'avril marquèrent le
début d'une crise politique. Sous la poussée des masses, les
ministres Milioukov et Goutchkov furent forcés à démissioner .»Et c'est eux que le ministre de Belgique regrette !Normal , puisque tous deux voulaient mener la guerre impérialiste jusqu'à la victoire totale de leur camp.
On le voit, c'est plutôt lui qui en Russie n'a plus de boussole, complètement désorienté par une situation politique qui lui échappe, tellement différente de l'ambiance d' Union Sacrée des salons de Londres , de Paris ou du Havre ,tellement opposée aussi aux appels à la guerre de Mussolini ou D 'Annunzio dans l'Italie de 1915 , qui l'avaient tellement enthousiasmé.
LES
BUTS DE GUERRE DES ALLIES – LES TRAITES SECRETS
Mais
ce qui est remarquable et est largement occulté, c'est que la
volonté irrépressible de paix montant de toute la Russie, dépassait
de loin le dégoût de la guerre , un simple rejet pacifiste ou la
volonté des soldats de rentrer à la maison .
La
prise de conscience politique de la nature impérialiste de la guerre
s' était répandue en Russie.
Prise
de conscience développée par la propagande léniniste, qui dés
1914 avait caractérisé cette guerre comme une guerre de brigandage
pour le partage du monde, mais aussi par la publication des
traités secrets signés entre les Alliés, dont la Russie tsariste.
Le
mot d'ordre de « paix immédiate sans annexion, ni
contribution » était devenu celui de tout le peuple russe,
particulièrement après le choc de la note Milioukov.
Le peuple russe ne voulait plus se battre , ni pour une Constantinople russe, ni pour la Mésopotamie anglaise, ni pour le Liban français, ni pour aucune annexion impérialiste ...
Sans doute est ce là une des leçons les plus marquantes de 1917. Toujours d'ailleurs d'une brûlante actualité!
Le peuple russe ne voulait plus se battre , ni pour une Constantinople russe, ni pour la Mésopotamie anglaise, ni pour le Liban français, ni pour aucune annexion impérialiste ...
Sans doute est ce là une des leçons les plus marquantes de 1917. Toujours d'ailleurs d'une brûlante actualité!
Révélateur
est à cet égard la conversation, fin octobre, entre Jules Destrée
et un interlocuteur russe Skobeleff, dirigeant menchevik , ministre
un temps du gouvernement provisoire , vice-président
du Comité exécutif central pan-russe
(VTsIK) issu du 1er
congrès des soviets
(juin 1917).
S
: -Nous avons besoin de paix, plus qu'ailleurs, à raison des
causes psychologiques (la Révolution) et matérielles (la crise de
ravitaillement et des transports).
Pourquoi
ne veut-on pas le comprendre et veut-on nous forcer à lutter ?
D:
- Il faut se battre, quand même, parce qu'il est des paix auxquelles
on ne peut pas souscrire.
S:
- Il faut
que les Alliés nous aident. Il faut qu'ils publient ce qu'ils
veulent, qu'ils enlèvent à nos adversaires l'argument des traités
secrets. En précisant clairement les buts de guerre.
Et
en les limitant, comme les Soviets l' ont fait, à ce qui est
équitable et démocratique. Quand je dis aux soldats qu'ils se
battent pour la liberté belge, ils comprennent et restent à leur
poste ; mais quand le bolchevik vient les
railler de risquer la mort pour que l' Angleterre conquière la
Mésopotamie, ils ne comprennent pas et s'en vont.
Le silence prolongé de l'Entente accélère la décomposition russe. »(12)
Le silence prolongé de l'Entente accélère la décomposition russe. »(12)

Henri Barbusse écrit
en juillet 1919 , en préface aux très intéressantes lettres
de Jacques Sadoul :
« lls
en sont responsables ( de
la paix séparée entre la Russie et l'Allemagne ndlr),
parce qu'ils n'ont jamais déclaré leurs buts de guerre.
L'histoire n'aura malheureusement aucune peine à établir que les
Alliés ont, pendant toute la durée de la guerre, honteusement caché
les fins qu'ils poursuivaient.
C'est
aux yeux des peuples, la tache dont ne se laveront jamais les
gouvernements occidentaux, et qui, à jamais discréditera leurs
manifestations verbales relatives au droit et à la justice.
On
cherchera en vain, entre leurs paroles et leurs actes, ce rapport
absolu qui s'appelle la loyauté[...]...nous savons trop aujourd'hui
pourquoi les Alliés n'ont pas avoué leurs ambitions: elles
étaient inavouables. »(13)
Mais les Soviets ont
publié trois de ces traités et dés 1917, le monde entier en
connaîtra les clauses
- l'accord secret sur Constantinople du 18 mars 1915, entre la France, l'Angleterre et la Russie accordait à la Russie le contrôle de Constantinople et des Dardanelles , principal but de guerre de l'Empire tsariste. Il fut publié par les Izvestia le 23 novembre 1917 .
-
![]() |
voir https://archive.org/stream/secretagreements00buxtiala/secretagreements00buxtiala_djvu.txt |
- le traité secret de Londres signé le 27 avril 1915 entre la Russie, l'Angleterre, la France et l'Italie, publié par les Izvestia ,journal du Soviet des députés ouvriers et soldats de Petrograd dés le 28 février 1917.
- les accords secrets Sykes - Picot du 16 mai 1916 entre la France et l'Angleterre , validés préalablement par la Russie tsariste le 26 avril 1916. Ces accords prévoyaient un partage de l'Empire ottoman ente les 3 grandes puissances alliées.Ils furent rendus publics par le nouveau gouvernement soviétique appliquant ainsi leur engagement de « procéder immédiatement à la publication complète de tous les traités secrets »(14)
- Les accords de Saint Jean de Maurienne du 20 avril 1917 , entre la France, l'Angleterre et l'Italie , complétaient les 2 traités précédents en précisant la part du gâteau réservée à l'Italie dans le dépeçage de l'Empire Ottoman. Le tsar ayant été renversé, et Milioukov chassé, le gouvernement provisoire russe n'aurait jamais osé entériner cet accord .
Cette seule carte
des accords de saint Jean de Maurienne illustre à elle seule, mieux
que 100 discours, la vraie nature de la "Grande Guerre" . Le
partage du monde et de ses richesses !
« Les accords
secrets conclus ainsi par les puissances en ce qui concerne leurs
zones d’influence dans la Turquie d’après guerre ont été,
après leur publication, dénoncés de différents côtés comme les
preuves matérielles de l’impérialisme des États qui disaient
mener la guerre pour le triomphe de la justice et la liberté des
peuples. »
« LE
RUSSE » EST UN IVROGNE ASIATIQUE , UN ENFANT BARBARE, SALE ET
PARESSEUX, LACHE ET MENTEUR ...
Je ne peux vous
faire grâce, ami lecteur des 20 pages ( pp155 à 175) des « Fondeurs
de neige » intitulées « Psychologie populaire » où
éclatent la xénophobie , l' arrogance intellectuelle du bourgeois
occidental certain de sa supériorité .
Ce texte devrait
être utilisé dans les bibliothèques que l'auteur a pourtant créées
et dans les écoles dont il a pourtant été ministre, comme exemple
de littérature encourageant la xénophobie, bien opposés à 180 degrés aux idéaux
universalistes du socialisme !
Je
ne peux qu'être stupéfait que cet ouvrage , non pas anticommuniste
, non pas antisoviétique, mais xénophobe et raciste ait pu être
publié en 1920 à Bruxelles , alors que l'auteur, ancien
Ministre de Belgique en Russie, était Ministre
des Sciences et des Arts du gouvernement belge. Pauvre petite
Belgique ; la honte ! Poor little Belgium! Shame!
"Ce peuple est dénué de génie créateur" J Destrée - Le Russe dort tout habillé, où il peut,sur des tapis, sur un escalier. Il se couche tard, se lève plus tard encore. Il est remarquablement paresseux. Boire du thé et fumer des cigarettes lui paraissent les occupations essentielles de l'existence.
- Le marquis de Custinne disait : »Ils ont une dextérité dans le mensonge, un naturel dans la fausseté dont le succès me révolte autant qu'il m'épouvante. »
- Généralement les Russes manifestent leur intelligence par la manière d'employer de mauvais ustensiles[...]. Ce peuple ...est dépourvu de génie créateur. Ils ont tiré leurs sciences et leurs arts de l'étranger. Ils ont de l'esprit, mais c'est un esprit imitateur. » (de Custinne.)
- Ils sont très courageux, j'en conviens, quand ils sont à dix contre un. Mais c'est un genre de courage que j'apprécie peu.
- Européen, hypocrite lecteur , mon semblable, mon frère .Il fut un temps où, toi aussi, tu étais bavard, imprévoyant, gaspilleur, brave et lâche à la fois, bon et cruel par intermittences, ignorant, imitateur et vaniteux ; ce fut quand tu avais de six à dix ans. En réalité la psychologie populaire russe est une psychologie puérile.
- « Demain comme hier, la Russie reste un sujet d'inquiétude pour l'Europe. » !!(Jules Destrée 1920, Paul Henri Spaak 1946, François Hollande 2016 ? Après telle lecture, la réponse à la question « Qui a cessé d'être socialiste ?» , vous semblera évidente ,non ?
LES
BUTS DE GUERRE DE JULES DESTREE ?
Le
bilan de sa mission en Russie est nul , d'une part de par l' aveuglement idéologique anti bolchévique de Mr l'Ambassadeur, qui est réel, mais – il y avait encore plus
aveugle que lui - surtout de par le blocage du gouvernement belge du Havre au
diapason des impérialistes français et anglais; alors que Destrée , en
diplomate responsable quand même, quémandait au Havre de pouvoir établir des
contacts avec le gouvernement de Lénine, la réponse invariable
était « d'éviter tout contact avec le gouvernement actuel
. »(16)
Jacques Sadoul décrira cette
politique :
« Nous
persistons à nier que la terre tourne, c'est-à-dire affirmer que le
gouvernement bolchevik n'existe pas. »
" Cette
action (
des Alliés) infiniment simple et imaginée sans
efforts consiste essentiellement à maintenir inébranlablement
l'attitude adoptée à l'égard des leaders bolcheviks et
spécialement de Lénine et Trotzky :
Ces
hommes sont des agents de l'étranger. La dignité des Alliés leur
interdit d'engager avec ces individus une conversation ..." (17)
Notons
cependant que, malgré son inefficiente ouverture diplomatique,
Jules Destrée lui même , tout au long de son livre, sussurera la
même thèse : le soir de la prise du palais d'Hiver,il avait
écrit
« Le
coup d'Etat est donc accompli. Il n'y a plus d'autorité. Cela
presque sans combat. Il n'y a que quelques morts et blessés, et le
pillage du Palais d'Hiver.
C'est
peu pour une telle secousse. L'impression générale est la stupeur.
Tant d'audace, de méthode, d'organisation déconcertent. C'est trop
fort pour être russe, me dit un Russe, il doit y
avoir de l'allemand là-dessous. »(18)
Il est , en chemin, chargé d'une
ambassade à Pékin en hiver 1918 et puis rentre au pays .
Il se présente à Charleroi aux
élections de novembre 1919 , comme député sortant POB , est élu ,et est nommé Ministre des Sciences et des Arts.
Comme
ministre , il réformera l’École normale pour améliorer la
qualité de l’enseignement primaire, augmentera le salaire des
instituteurs en plaçant sur le même pied les hommes et les femmes,
et augmentera le nombre et le montant des bourses d’études. Il
introduira aussi un cours de morale au programme de l'école
primaire .
Il
sera l'auteur de la loi de 1921 sur les bibliothèques favorisant
leur ancrage public,et l'accès au livre gratuitement et pour tous.
Beau
bilan, incontestablement.
Mais me direz vous au terme de cet
épisode de ces « Aventures au pays des soviets » ,
Destrée, s'il était aveuglé par son jusqu'auboutisme et voulait,
accroché au char anglo-français ( et italien), battre militairement
l'impérialisme allemand , au moins était - il mu ,lui, par un
patriotisme sincère , par la volonté de chasser et de vaincre
« les Boches », qui avaient en violant sa neutralité,
envahi le pays , massacré , martyrisé et affamé ses populations civiles .
Il n'avait pas lui même , ni ses amis socialistes de visées
annexionnistes pour leur pays;
il se battait « pour la liberté belge » bafouée , comme il l'avait proclamé avec Vandervelde , 3 ans durant , de Rome à Petrograd.
il se battait « pour la liberté belge » bafouée , comme il l'avait proclamé avec Vandervelde , 3 ans durant , de Rome à Petrograd.
Et bien détrompez vous cher lecteur !
![]() |
Appel aux annexions du Comité de Politique Nationale |
Le
Comité de politique nationale vit le jour le 18
décembre 1918 à l'initiative de personnalités très à droite comme Paul Nothomb.
II regroupait, à ses débuts, des hommes appartenant à tous les milieux politiques et prônait une extension du territoire de la Belgique au détriment de l'Allemagne , mais aussi du Luxembourg et des Pays-Bas. Son objectif était donc de jouer un rôle en politique étrangère ,d'influencer le gouvernement en prévision de la conférence de paix de Paris et du futur traité de Versailles, avec des buts d'annexion
Le gouvernement avait l'ambition de réunir au royaume la Flandre zélandaise, le Limbourg néerlandais, les Cantons de l'Est et le grand-duché de Luxembourg.Notons en passant que les Pays bas dont on voulait amputer le territoire était neutre dans la guerre!!
Albert Ier, qui était opposé à une trop grande humiliation de l'Allemagne, intervint lui-même à la conférence. Il réclama des indemnités de guerre et la révision du traité des XXIV articles concernant le statut de l'Escaut.
En vain ; la Belgique ne reçut "que"( sic) les cantons d' Eupen ,Malmédy et Saint - Vith, et en Afrique le Ruanda -Urundi.
II regroupait, à ses débuts, des hommes appartenant à tous les milieux politiques et prônait une extension du territoire de la Belgique au détriment de l'Allemagne , mais aussi du Luxembourg et des Pays-Bas. Son objectif était donc de jouer un rôle en politique étrangère ,d'influencer le gouvernement en prévision de la conférence de paix de Paris et du futur traité de Versailles, avec des buts d'annexion
![]() |
Comité de Politique Nationale Bulletin d'adhésion |
Albert Ier, qui était opposé à une trop grande humiliation de l'Allemagne, intervint lui-même à la conférence. Il réclama des indemnités de guerre et la révision du traité des XXIV articles concernant le statut de l'Escaut.
En vain ; la Belgique ne reçut "que"( sic) les cantons d' Eupen ,Malmédy et Saint - Vith, et en Afrique le Ruanda -Urundi.
Jules
Destrée ne quitta le Comité que sur injonction de son parti qui "ne
peut tolérer, après 1920, l'adhésion de socialistes au Comité de
Politique nationale dont les idées étaient
devenues conservatrices".
Parmi les autres socialistes membres de ce comité, on retrouve
Richard Dupierreux et Louis Piérard. *19
Ainsi se terminent "Les aventures d' Emile et Jules au Pays des Soviets".
Disons , en conclusion que ce n'est pas une page des plus glorieuses de la direction du Parti Ouvrier Belge ,et qu'en place d' un socialisme fraternel, internationaliste et universaliste , elle nous montre , hélas , un visage de chauvinisme , de bellicisme de nationalisme étroit voire de xénophobie des plus rebutant.
NOTES
Ainsi se terminent "Les aventures d' Emile et Jules au Pays des Soviets".
Disons , en conclusion que ce n'est pas une page des plus glorieuses de la direction du Parti Ouvrier Belge ,et qu'en place d' un socialisme fraternel, internationaliste et universaliste , elle nous montre , hélas , un visage de chauvinisme , de bellicisme de nationalisme étroit voire de xénophobie des plus rebutant.
NOTES
1Voir
« ROUGEs FLAMMEs « JULES DESTREE EN
ITALIE https://rouges-f:lammes.blogspot.be/2014/07/1914-1918-uomini-contro-et-un-homme.html
2Prophète
inspiré : voir Aimée
BOLOGNE LEMAIRE dans GEORGES JACQUEMIN - JULES DESTREE .
Service du Livre Luxembourgeois 1999
http://www.servicedulivre.be/servlet/Repository/Jules_DESTRÉE.PDF?IDR=5386


3
Jules Destree « Les Fondeurs de Neige – Notes sur la
révolution bolchevique à Petrograd pendant
l'hiver 1917-1918 »
Van Oest 1920 pp 27-33

texte intégral pp 31- 35: http://bd.fondazionegramsci.org/bookreader/libri/ST._2_360_En_Italie_avant_la_guerre.html#page/1/mode/1up
7 aKienthal,
Zimmerwald voir
https://rouges-flammes.blogspot.be/2015/09/1914-1918-uomini-contro-zimmerwald.html

14Sur
les accords secrets : voir3) Les accords secrets interalliés
sur la Turquie et leur modification pendant la Conférence de la
Paix http://www.imprescriptible.fr/mandelstam/c8/p3
et ROUGEs FLAMMEs
https://rouges-flammes.blogspot.be/2015/01/je-suis-lawrence-1914-1918-grande.html
et
https://rouges-flammes.blogspot.be/2015/05/1914-1918uomini-contro-mai-piu-vogliam.html
16Jean
Stengers : « Belgique
et Russie, 1917-1924 : gouvernement et opinion » Revue
belge de philologie et d'histoire
Année 1988 Volume 66 Numéro
2
http://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_1988_num_66_2_3628
17Capitaine
jacques Sadoul op cité
18Jules
destrée op cité p 89
19 voir Michel Dumoulin :"Nouvelle histoire de Belgique: 1905-1950"pp 35-40
19 voir Michel Dumoulin :"Nouvelle histoire de Belgique: 1905-1950"pp 35-40