Hubert
nous a quitté. C’est tellement difficile à réaliser.
Je me disais encore, il y a quelques jours :« On se reverra peut-être, comme chaque année, à Liège le 1er Mai, ou à Manifiesta… », tellement persuadé qu’avec la force qui était la sienne, soutenu par la grande armée des camarades, il surmonterait la maladie.
Hélas, la grande faucheuse en
a décidé autrement.
Nous sommes, tous en deuil, et sa brutale disparition me
cause déjà un grand vide.
Avant de connaître Hubert, j’ai connu Berten.
Quand un jour, fin 1969, je l’ai pour la première fois
rencontré dans la chambre qu’il louait sous les toits, quelque part dans la
banlieue de Bruxelles.
C’était un « militant du SVB », l’organisation
de la gauche étudiante de Louvain, acquise au marxisme, qui s’était fait
embaucher à la chaîne à Citroën Forest.
Ensemble, on a créé un journal d’usine « La
Chaîne », « La Cadena » en espagnol, qu’il alimentait en
nouvelles et que, nous, militants de UUU (Usines, Université, Union- gauche
radicale bruxelloise) diffusions à la porte de l’usine.
Ce sont ces expériences qui créent des liens de confiance
durables et qui dépassent les chemins différents que nous avons pu prendre l’un
et l’autre.
J’ai retrouvé Hubert 40 ans plus tard, quand j’ai, enfin,
adhéré au PTB.
Assez habilement, mais sans tralala, il m’a mis à
l’épreuve en me proposant un sujet chaud : « si ça te dit, tu ne pourrais pas essayer de faire
le tour du problème des "Éros center" qui va venir au Conseil communal ? »
Il publiait un blog « hachhach » (H.H. - Hubert Hedebouw), qu’il a fait vivre pendant 15 ans, de 2008 à décembre 2023.
Blog assez unique dans la région liégeoise, avec ses
recherches très fouillées sur le patrimoine et sur le passé industriel, ses
articles sur la révolution liégeoise, les suivis de balades du dimanche matin,
etc.
Soucieux
d’être proche du peuple travailleur, il privilégiait l’étude locale, pour laquelle
il mettait en œuvre sa rigueur intellectuelle et sa passion d’apprendre, qui en
ont fait un interlocuteur incontournable pour toutes les questions
d’aménagement du territoire, de sauvegarde du patrimoine, de défense de la
nature urbaine.
J’ai ainsi
découvert un camarade éminemment cultivé, capable d’expliquer à la fois la
peinture de Léonard Defrance, les détails de la houillère d’Oupeye ou l’histoire
de la Chartreuse !
C’est lui
qui m’a conseillé de créer un « blog ». Je ne savais pas ce que
c’était, et j’ai commencé « ROUGEs FLAMMEs ».
Ensemble,
on a lancé de 2014 à 2016, à « La Braise », un programme de
conférences mensuelles du mercredi « Un autre regard sur la Grande Guerre »,
alternative de gauche aux commémorations officielles.
Hubert en
était la cheville ouvrière : il établissait les connexions tantôt avec
l’IHOES, ou tel groupe artistique, il organisait des visites d’exposition, il
avait de multiples contacts, mais, homme discret, il n’aimait pas, se mettre en avant.
Et le voilà
à faire le tour de Herstal avec un drapeau rouge, pour nous guider sur les
traces des grévistes à l’occasion des 50 ans de la grève des ouvrières de la FN
pour « à travail égal, salaire égal ». Il répétait ainsi le geste de
la petite Germaine, militante communiste et figure charismatique de la grève de
1966 : « elle fait un drapeau d’un manche de brosse et d’un chiffon
rouge. » Il aimait prendre ce genre d’initiatives, pas toujours
programmées, mais le plus souvent bien à propos.
J’ai alors découvert
un homme d’ouverture, capable du dialogue le plus large, du curé du coin au
syndicaliste, qui avait définitivement rompu avec le sectarisme et le gauchisme
du passé. Et il ne manquait pas de m’en faire la remarque, quand mon naturel de
vieux gauchiste des années 70 revenait au galop. Et de m’expliquer patiemment qu’il
fallait unir et non cliver.
Parce que
Hubert était un homme franc qui disait ce qu’il avait à dire. Et ses jugements
sur les un-e-s et les autres pouvaient parfois être implacables.
Et quand
cela ne lui plaisait pas, on le voyait s’agiter sur sa chaise, tortiller impatiemment
ses papiers, torturer son stylo, en signe de désapprobation.
C’était un
militant apprécié de tous, aussi parce qu’il était toujours prêt à rendre
service, en ne ménageant pas son temps et sa peine. S’il n’avait pas sa langue
en poche, il avait le cœur sur la main.
Cela dit, où
il n’était pas trop au top, c’est dans l’usage du GPS : pas sûr que nous arriverions
à bon port par le chemin le plus rapide…
C’est à
lui, parmi les militants proches, que je m’adressais quand j’avais une question
politico-personnelle difficile à résoudre. On m'avait proposé comme tête de liste
régionale aux élections de 2019; nous avons longuement ensemble fait le tour de
la question. Il savait bien où je mettais les pieds et ses conseils étaient francs
et sensés.
C’est avec la même franchise et le même bon sens que, il y a quelques semaines, il m’a interpelé sur 30 ans de ma vie : « Maxime, qu'as-tu eu à aller vendre des bouchons de hauts - fourneaux, alors que tu aurais pu être journaliste comme ton père ? »
Et il ajoutait, tellement confiant
dans l’avenir : « A un de ces jours. Comme pour les prochains mois je ne compte
pas trop m'éloigner de la Citadelle, on est en train de faire des projets pour
faire du vélo dans le coin. Wanze est dans nos possibilités ! »
Nous
perdons tous un camarade de grande valeur, parti bien trop tôt.
Si personne n'est irremplaçable, je dirais bien que, pour moi en tout cas, oui, Hubert est irremplaçable.
Ils ont, avec Paula, avec tous les anciens du SVB, d’Amada et du PTB, par leur travail
assidu de plusieurs décennies, par belles et par laides, créé les conditions de
l’émergence d’un grand parti marxiste de la gauche radicale en Belgique, fait unique en Europe.
Le « fiston »,
la « petite sœur cheminote », tombés sans doute dans la marmite de la
potion magique révolutionnaire quand ils étaient petits, et tous leurs
camarades de la génération suivante étaient alors là, fidèles au poste, pour
reprendre le flambeau.
Merci à
toi, camarade Berten-Hubert.
Immense respect.
Condoléances
émues à Paula, Raoul et Line, Laura, et Rafik, aux petits enfants aussi, et à toute la famille et aux proches.
Proches ?
En fait ne le sommes - nous pas tous, ses proches ?