lundi 7 mars 2016

EGALITE HOMME FEMME: LES OUVRIERES DE LA FN – HERSTAL AVAIENT ALLUME LE FEU ;ELLES ONT SOUFFLE SUR LES BRAISES

C'est l'occasion maintenant , cher lecteur , de découvrir aussi comment cette grève des femmes a entraîné un renouveau à gauche des revendications et des organisations féministes.
Présomptueux  peut être pour un homme,  même s'il  a été solidaire, d'écrire sur ce sujet..., mais je me place sans problème sous le contrôle de « la moitié du ciel ».

Affiche de l'Union des Femmes, reproduite sur une "bâche" HERSTAL 02/2016
Cet article  est  le 5ème de "ROUGEs FLAMMEs"  consacré à la  grève de la FN de 1966





L'UNION DES FEMMES

L'Union des femmes , fondée en 1965 , était une organisation dans la mouvance communiste regroupant des femmes reconnues, qui avaient donné leur nom pour populariser des revendications spécifiques aux femmes – comme l'égalité des salaires.
 Il y avait notamment Yvonne JOSPA, (1) communiste qui avait fondé pendant la guerre, l'association secrète du Comité de défense des Juifs qui sauvera de la déportation des milliers d'enfants juifs.
Elle sera également l'une des fondatrices  du Mouvement contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie (M.R.A.X.), Cécile DRAPS, avocate communiste , qui avait été active dans les comités de défense du FLN ( Front de Libération Nationale algérien ) pendant la guerre d'Algérie,
Elena HAZARD , femme engagée d'une grande sincérité et d'une grande compétence 
Il y avait aussi Germaine HANNEVART (1887-1977), qui était une pionnière du féminisme en Belgique , et était d'autre part connue pour avoir organisé l'hébergement des enfants de la république espagnole en 1936, et pour son combat constant pour la paix ( guerre de Corée, Vietnam) (2)
Elle avait été présidente de la Fédération Belge des femmes universitaires, et   membre active de la «  Porte Ouverte » 
années 30 : une réunion de la Porte Ouverte G Hannevart 3ème à g.
La Porte Ouverte créé en 1930 ,  "regroupe des femmes et des hommes décidés à réaliser l'émancipation économique de la travailleuse. Il entend obtenir pour les femmes les mêmes chances, les mêmes droits et le même traitement que les hommes dans tous les domaines du travail, de l'emploi et de la sécurité sociale" 
En 1934,en pleine crise, elle avait créé crée le journal «La travailleuse traquée».
Elle y dénoncera en 1934 un arrêté royal autorisant des quotas de femmes dans chaque industrie afin de les remplacer par des chômeurs masculins. 
 En 1935 , un autre arrêté royal réduisait le traitement des membres féminins de l'enseignement et celui des agents féminins de l'état !!!
Une grande campagne est menée par « La Porte Ouverte » dont l'objectif est «A travail égal, salaire égal» .
Germaine Hannevart est la porte parole de seize mouvements féminins auprès du Premier Ministre Van Zeeland, qui finit par abroger ces projets discriminatoires.

FEVRIER 1966 - FN
Cécile Draps 2012
En février 1966, témoigne Cécile Draps « la rencontre entre les femmes du Comité d Action autour de Germaine Martens ,et la poignée de militant(e)s communistes -  Union des femmes, s'est faite, parce que nous étions là, militant(e)s engagé(e)s, enthousiastes et mobilisé(e)s 24h sur 24, et que nous avons répondu tout de suite et vite, au besoin qu'elles avaient d'exprimer leurs revendications , de les faire connaître , de les crier dans la rue , à leur besoin aussi d'étendre leur mouvement aux autres usines, alors que ceux la mêmes qui auraient dû être à leurs côtés, freinaient des 4 fers
Notre rôle a été essentiellement un rôle de soutien logistique à leur mouvement, et bien sûr aussi de soutien moral et politique, parce que au début, les pressions de la structure syndicale étaient très fortes pour qu'elles reprennent le travail. 

Notre rôle a été essentiellement un rôle de soutien logistique à leur mouvement, et bien sûr aussi de soutien moral et politique, parce que au début, les pressions de la structure syndicale étaient très fortes pour qu'elles reprennent le travail. 

Nous nous rencontrions chez Germaine à Saint Nicolas avec ses camarades et c'est elles qui parlaient pour rédiger le texte des tracts du Comité d'Action, que nous imprimions.
Comités d'action FN et ACEC Herstal aux ACEC -Charleroi


J'ai eu l'idée de faire une affiche , et c'est un ami, graphiste professionnel, Julien DAWLAT qui, en solidarité,l' a dessinée. 

Nous les accompagnions – comme chauffeur notamment – aux autres usines  pour les diffuser , au nom du Comité d'Action.Je les ai accompagnées aussi à Charleroi, aux ACEC, je pense que c'était le jour du démarrage de la grève là- bas.Il se fait que cette affiche – simple, belle, accrocheuse, - correspondait parfaitement à la revendication des femmes, qui s'en sont emparées.Nous les avions collées sur des dizaines de panneaux et les avons amenées pour les manifestations . Et 3000 femmes dans la rue avec plein de panneaux avec la même affiche accrocheuse , ça impressionne !En fait, nous les avons aidées à prendre possession de la rue (manifs répétées de l'usine à « La Ruche » pour les assemblées) ,qui était de fait le lieu de rassemblement et de mobilisation , puisqu'il n' y avait pas de piquets. »
Et cette affiche, présente sur des dizaines de photos et de films, a fait le tour du monde et est restée dans l'histoire, comme symbole de la grève ., ... et une rare trace historique de  "l'Union des Femmes"

LE COMITE « A TRAVAIL EGAL, SALAIRE EGAL »

Le 21 avril 1966 est créé à Bruxelles un comité d'action « A travail égal, salaire égal »


Suzanne GREGOIRE photo CArCOB
A l'origine de ce comité 2 femmes, engagées à gauche,  Marthe van de Meulebroek et Nicole Gérard auxquelles se rallient ,des enseignantes, des juristes, et aussi , la communiste Suzanne Grégoire , ancienne ouvrière à Herstal, ancienne conseillère communale de cette ville en 1938, résistante contre le nazisme sous l'occupation , déportée à Ravensbrück en 1943, puis de 1946 à 1949, élue députée communiste de Bruxelles.
Secrétaire administrative de l'Association Internationale des Juristes Démocrates en 1966 , elle soutint  activement le comité de grève et  ravivait  ainsi  ses racines liégeoises et prolétariennes.(3)

voir : Hubert HEDEBOUW:"Suzanne Grégoire, une grande dame"

http://hachhachhh.blogspot.be/2011/12/suzanne-gregoire-une-grande-dame.html



Ce comité est né du soutien apporté aux ouvrières par plusieurs d'entre elles pendant la grève :
Marthe van de Meulebroeke était professeur de morale à l'école normale Emile André à Bruxelles :
« La grève des femmes a été pour moi une révélation. Après 48,( 1948 ndlr) et le droit de vote des femmes on croyait que tout allait suivre.Je ne m'étais pas rendue compte à quel point le salaire des femmes était inférieur à celui des hommes.[...]
En découvrant l'ampleur des discriminations, j'ai été scandalisée.[...](4)

Le comité exige notamment l'application effective de l'article 119 du Traité de Rome interdisant toute discrimination de salaire fondée sur le sexe, l'enseignement mixte à tous les niveaux ,pour donner aux filles les mêmes chances d'accès à tous les métiers ,la mise en place par les pouvoirs publics de structures, crèches, jardin d'enfants ,garderies etc .
Dans la foulée de la grève elles organisent une manifestation le 2 juin à Bruxelles, pour continuer le combat des femmes de la FN, qui avaient repris le travail le 10 mai.
A leur appel, répondent 175 signatures d'associations, d'hommes politiques, d'universitaires , de direc(teur)trices d'écoles, avocat(e)s, enseignant(e)s, employées et ouvrièr(e)s essentiellement issu(e)s du monde laïque et de la gauche .
Guy Cudell bourgmestre PSB de St Josse leur ouvre sa maison communale pour leur conférence de presse du 26 mai 66.
Mais , les 2 grandes organisations syndicales FGTB et CSC ne s'associent pas au mouvement , qu'ils ne veulent pas voir sortir d'un cadre purement revendicatif et syndical
Et les 2 grandes organisations féminines, les Femmes Prévoyantes Socialistes et les Ligues ouvrières féminines chrétiennes , pourtant massivement présentes à la manifestation du 25 avril à Liège ( grande manifestation de soutien à la grève à l'appel de la FGTB et de la CSC ), ne souhaitent pas y donner une suite pluraliste.
A peu près seule comme organisation « féministe » le groupement de « la Porte Ouverte » s'associera au comité.
La manifestation du 2 juin rassemblera entre 1000 et 1500 personnes .
Le 8 octobre 1966, le comité se structure :
La présidence d'honneur est confiée à Pierre Vermeylen ,connu pour son soutien au féminisme, tout récent « ancien » ministre PSB de la Justice du gouvernement Lefèvre – Spaak (PSB-PSC ;1961-1965) et très bientôt ministre de l' Education Nationale ( PSB-PSC ;1968-1972).
« Pendant quelques années, une trentaine de ces femmes se sont réunies avec moi pour préparer des conférences de presse, des publications et des conférences »explique – t- il dans ses mémoires.

"Ce que  nous voulons" (expo "femmes en colère" 02/2016
La présidence est exercée conjointement par Marthe Van de Meulebroeke et Marijke Van Hemeldonck, pour le côté flamand . Suzanne Grégoire , du parti communiste , est trésorière
Le comité fort de ses compétences juridiques et sociales , se mue en fait de « comité d'action » en groupe d'études et groupe de pression aux objectifs institutionnels - on appellerait ça aujourd'hui un
« think tank », un laboratoire d'idées.
Il adresse des memorandums au gouvernement, il publie des dossiers pédagogiques sur tous les aspects du combat féminin contre les discriminations, il tient des conférences de presse.
Des femmes , personnalités en vue des grandes organisations – FGTB, PS, CSC - comme Annie Massay (FGTB), Emilienne Brunfaut (PS), et Miette Pirard (CSC) finiront par le rejoindre plus tard . , de même que des intellectuelles comme Eliane Vogel Polski et Marie Denis (5)
Situé politiquement à la frontière floue de la gauche institutionnelle et gouvernementale et de la gauche radicale, le comité  est surtout lié ( de1966 à 1978) à la sphère bruxelloise  intellectuelle laïque de gauche , et il jouera historiquement le rôle positif de diffuseur d'idées , de passage du flambeau entre le combat ouvrier de 66 pour l'égalité de salaires et le néo- féminisme des années 70 , dont elles seront partie intégrante.
Et il n'hésitera pas à soutenir ,dans les années 70 ,l'action des Marie Mineur vers les ouvrières de la région du Centre .

LES MARIE MINEUR : L' EGALITE + LA LIBERTE

Les années 70, dans la foulée de mai 68 seront les années du développement tous azimuts des organisations féministes, en Belgique comme dans le reste de l'Europe.
Et elle connaîtront de grands moments comme la journée des femmes du 11 novembre 1972, où 8000 femmes (et hommes) se rassemblent au passage 44, en présence de Simone de Beauvoir ; comme la publication à la même occasion , en 1972 du '' petit livre rouge des femmes » , brochure qui aborde tous les aspects du combat féministe, y compris le combat des femmes au travail. Tiré à 15000
exemplaires, il sera épuisé en quelques mois .

1973 Le Docteur PEERS dans la rue après sa libération.

Et des grands combats comme celui de 1973 pour la libération du médecin communiste, le Docteur Peers jeté en prison pour pratique illégale d' interruptions de grossesses , qui se poursuivra dans la rue pour exiger la dépénalisation de l' avortement.
Dolle Minas , Front de Libération des femmes, Groupe d'action pour la libération des femmes , autant de groupes qui naissent en 1970, 1971 dans la foulée de mai 68.(6)
Ils ne réclament plus seulement l'égalité, mais aussi la liberté de la femme en tant qu'être humain, seule maître de son corps, de sa sexualité, de son choix de maternité ;  »notre corps nous appartient », « mon ventre, c'est chez moi »
Mais, dans le cadre de la commémoration des  50 ans de la grève de la FN, mon attention est attirée par le combat des Marie Mineur (7) ,organisation féministe en milieu ouvrier, active principalement dans la région du Centre, mais aussi à Charleroi et Liège.
Je me réfère pour ce paragraphe exclusivement à  l'ouvrage : " Jeanne Vercheval, un engagement social et féministe" de Claudine Marissal et Eliane Gubin édité par l'Institut pour l’égalité des femmes et des hommes- 2011.(8)Que je référence ci dessous (JV – IEFH) 
Dans les années 70, c'est elles qui , pour ce que j'en connais, porteront le plus loin l'héritage de la grève des femmes de 1966.
Leur animatrice principale : Jeanne Vercheval , militante féministe de gauche .
Issue de famille ouvrière, de conviction communiste, elle avait été de 1963 à 1967 la cheville ouvrière de l'action anti- impérialiste et du soutien au Vietnam et avait créé les comités d'action anti impérialistes des jeunes.
Comme les autres organisations féministes , les Marie Mineur se jetteront dans le combat pour soutenir le docteur Peers et pour la dépénalisation de l'avortement .
Militantes ouvrières en milieu ouvrier, elles vivent de très près la détresse des femmes du peuple obligées d'interrompre leur grossesse, qui n'ont pas les moyens de se payer un avortement aux Pays Bas.
Mais les Marie Mineur ont un engagement politique et rappellent sans cesse la dimension sociale de la lutte des genres.
« Elles sont d’autant plus réceptives aux théories anticapitalistes que leur région subit de plein fouet le déclin industriel ; beaucoup ressentent personnellement les difficultés sociales au quotidien. »
« Notre but vise principalement à toucher les femmes de milieu modeste. Femme travailleuse – épouse et fille de travailleur – notre mouvement se met donc au service des moins favorisées ».



photo www.labiso.be
« Les Marie Mineur réclament la mixité de l’enseignement dans toutes les écoles et à tous les niveaux, un même contenu éducatif pour les filles et les garçons. [...] Les Marie Mineur refusent l’exploitation du corps des femmes par la pornographie, le cinéma, le théâtre et la publicité. [...]
Les Marie Mineur réclament la généralisation de l’éducation sexuelle, la légalisation des moyens anticonceptionnels et le droit des femmes à l’avortement libre et gratuit. [...]
Les Marie Mineur défendent avec force le principe « À travail égal, salaire égal ». Elles dénoncent la réglementation spécifique du travail féminin : si réglementation il y a, elle doit s’appliquer aux deux sexes de la même manière, car le travail féminin n’est pas un travail d’appoint, il a la même valeur que le travail masculin. [...]
Dans la sphère privée, les Marie Mineur réclament une participation égale des père et mère au processus éducatif et aux tâches ménagères. « Répartissons les travaux de la maison, selon les goûts de chacun et sa disponibilité (repassage, nettoyage, bricolage, jardinage) [...]. Que disparaisse cette affreuse boutade ‘femme à tes casseroles !! Hommes et femmes sont capables de tout faire. Question d’apprentissage ! » (JV- IEFH pp145-146)

Dans les années 70, les Marie Mineur interviendront dans plusieurs grèves
« En Hainaut, terrain d’action privilégié des Marie Mineur, des grèves éclatent à la faïencerie Boch-Keramis à La Louvière (1971-72 et 1975), à l’usine de relais de centraux téléphoniques Siemens à Baudour (1976), à la fabrique de pantalons Farah à Obourg (1977)et SA Confection industrielle (ex-Salik) à Quaregnon (1978-79) [...]
« Nous étions présentes lors des grèves, on nous demandait un coup de main pour les piquets. On allait parfois chercher les enfants à l’école, tout simple-ment. On était là. On était disponible. Et ça, petit à petit, les travailleuses du coin le savaient : ‘on téléphone aux Marie Mineur ! »(JV- IEFH pp145-146)
Et dés 1975 , quand la crise du choc pétrolier de 1973 éclate, elles se lancent dans le combat contre le chômage qui frappe en premier lieu les femmes ( 60% des chômeurs indemnisés , en 1977 sont des femmes.)
                           photo www.labiso.be
« Les Marie Mineur publient le Livre blanc sur le chômage des femmes ,[...] (qui) expose clairement les risques d’exclusion et la manière de s’en protéger.
Une douzaine de comités de chômeuses se créent en moins de deux mois dans la région louviéroise. Conduits par quelques femmes motivées, ils touchent chacun plusieurs dizaines de chômeuses.
Les Marie Mineur assurent leur coordination.
Le 7 février 1977, Jeanne et ses amies organisent dans les rues de La Louvière une manifestation qui rassemble quelque 600 femmes. Elles réclament du travail, la suppression des exclusions du chômage, le respect des droits de tous les travailleurs sans emploi et la réduction du temps de travail à 36 heures par semaine »(J.V- IEFH p 150-151)
« Inlassablement, les Marie Mineur interpellent le monde syndical. Elles dénoncent la faible représentation féminine dans les structures syndicales, l’absence des femmes dans les négociations sociales, même dans les secteurs où les travailleuses sont majoritaires (à titre d’exemple, la fermeture de Farah à Obourg a été négociée en concertation avec les permanents syndicaux masculins), le manque d’autonomie des commissions syndicales féminines, ... En 1977, une table ronde du textile (un secteur principalement féminin) réunit au meeting final 2.000 participants «
dont 1.800 femmes. À la tribune des permanents syndicaux, pas de femmes ! »(J.V- IEFH p 155)
Mais à force de faire trotter les délégués, comme l'avait fait petite Germaine et les ouvrières de la FN en 1966, « la stratégie de l’aiguillon porte ses fruits et, à la fin des années 1970, les syndicats intègrent peu à peu les intérêts des travailleuses et des chômeuses. » (JV – IEFH p159)
Et là commence un autre épisode, celui écrit par les militantes et militants au sein des organisations syndicales pour l'égalité ses genres.
Voilà , ami lecteur ,à travers ces années de combat des années 60 et 70 quelques figures de femmes militantes engagées à gauche , qui à travers différents types d' engagement, divers groupes ou organisations , ont soutenu et continué le combat des ouvrières de la FN .
Celles ci avaient allumé le grand feu du combat pour l'égalité des femmes et des hommes, d'autres avaient entretenu la braise, et grâce à elles et à toutes celles et ceux qui les ont suivies le feu qui couve ne pourra plus jamais être éteint.

MARIANNE organisation des femmes du PTB  (Photo Solidaire, Martine Raeymaekers)



(1) sur Yvonne JOSPA: https://fr.wikipedia.org/wiki/Yvonne_Jospa
(2) sur Germaine HANNEVART : "Des femmes dans l'histoire en Belgique, depuis 1830" p200
 Suzanne van Rokeghem,Jacqueline Aubenas,Jeanne Vercheval-Vervoort - Luc Pire 2006
      et "Dictionnaire des femmes belges: XIXe et XXe siècles - p307 -Eliane Gubin- Racine 2006
(3) Suzanne GREGOIRE: José GOTOVITCH " Du Rouge au tricolore. Résistance et Parti Communiste" p 525 Labor 1992
 et le blog de Hubert Hedebouw : Suzanne Grégoire, une grande dame! décembre 2011

(4) cité dans "Le féminisme est dans la rue: Belgique 1970-1975"- p22 - Marie Denis,Suzanne Van Rokeghem - POL-HIS
(5) Sur le comité " A travail égal, salaire égal" voir
"La grève des femmes de la FN en 1966, une première en Europe"Marie- Thérèse COENEN POL-HIS 1991 pp 197-208
(6) sur le renouvea féministe des années 70 voir op cité "Le féminisme est dans la rue: Belgique 1970-1975"
(7)Marie Mineur « Militante ouvrière, très probablement épouse de militant, elle a créé à Verviers en 1872 la seule section féminine de l’Association internationale des Travailleurs. Elle a pris la parole dans des meetings avec beaucoup d’énergie et milita durant une vingtaine d’années dans des cercles
anarchistes et rationalistes « pour le triomphe des idées d’émancipation »
 Un livre lui a été consacré : "Marie Mineur. Marie rebelle" de Freddy Joris édition Avant propos 2011

mercredi 2 mars 2016

«UN DIRECTEUR S'APPELAIT Mr  EGA :NOUS AVONS CRIE: « EGA - LISATION » QUAND , EN 1966, LES OUVRIERES DE LA FN – HERSTAL ALLUMERENT LE FEU DU COMBAT POUR L'EGALITE ( I) .

UN PRINCIPE UNIVERSEL


(1)
Il y a quelque temps, le docteur VANDEPAER de « Médecine pour le Peuple  - Herstal » m'expliquait que le combat des femmes de la FN en 1966 dépassait de loin le cadre d'une revendication salariale , bien sûr des plus importantes et des plus justifiées , mais faisait partie du « patrimoine de l'humanité »
Sa remarque , lourde de sens, vaut d'être méditée.
Le combat pour l'égalité des femmes et des hommes...
Pour les patrons, l'égalité, fût elle proclamée par la Révolution Française et par toutes les déclarations aussi universelles soient elles, était - et est toujours - un mot creux ;
ils ont au contraire besoin , pour accumuler les profits, de toujours plus de main d' oeuvre à bon marché et donc de multiplier les divisions et les inégalités , entre hommes et femmes bien sûr, entre belges et immigrés ou réfugiés, entre CDI et intérimaires, entre jeunes et vieux ,entre temps plein et temps partiel, entre statutaires et contractuels, entre contrat ci ou contrat ça , entre commission paritaire XYZ ou ZYX, entre ouvrier(ère)s de Flandre, de Wallonie ou... de Roumanie et du Maroc etc. etc.
Pour eux le salaire sera toujours inégal, et ils manipuleront les dossiers pour tenter de rendre impossible d'établir ce qu'est vraiment un  travail « égal »...
Ils aiment bien , les patrons , leur presse et leurs porte parole claironner le droit à l'égalité des hommes et des femmes dans le monde entier, mais leur vertueuse indignation s'arrête aux portes de nos blanchisseries , de nos grandes surfaces , des bureaux d' embauche, et des bureaux de chômage.

L'égalité , principe proclamé il y a plus de 200 ans , par la Révolution Française, mais toujours renié depuis par les institutions et les gouvernements de la bourgeoisie, ce sont donc ces femmes ouvrières, en février 1966, à Herstal, qui en ont relevé le drapeau, abandonné dans les fonds de tiroirs poussiéreux de multiples commissions d'étude.
Leur mot d'ordre « A travail égal, salaire égal » est universel, du moins tant qu' existera le salariat.
Il concerne les femmes par rapport aux hommes, mais aussi toutes les victimes des discriminations salariales au travail.
C'est d'abord pour cette raison, parce qu'elles se sont battues pour un principe universel, ce grand principe de l'égalité de la femme et de l'homme , valeur portée par la gauche , que je pense que nous devons rendre hommage aux femmes en colère de 1966.


UN COMBAT OUVRIER DE GAUCHE :ACTION, DEMOCRATIE, SOLIDARITE

C'est ensuite pour l'exemple exceptionnel de combat ouvrier , un combat clairement marqué à gauche.
  • D'abord ce combat s'est mené par la lutte , dans la rue, et c'est la rue et la grève qui ont imposé le rapport de force au patronat. Débat toujours, ô combien actuel  d'ailleurs: est ce la rue qui prime sur la concertation ou le contraire ?
17 février:derrière Germaine,  en marche vers "LA RUCHE"
Faut il reprendre le travail pour négocier ou continuer la grève en négociant , fort du rapport de force
ainsi créé ? Les ouvrières de 1966 ont clairement choisi la 2ème solution, malgré toutes les pressions, dés le 1er jour, pour les renvoyer à leurs machines .
Elles ont refusé d'être bâillonnées par des "accords de paix sociale » et par des règles de bonne conduite ( dépôt de préavis, concertation préalable) : elles sont parties en grève spontanée - « sauvage » dit on pour effrayer le bon peuple- et ont dû attendre 5 jours pour être reconnues comme grévistes par leur syndicat, qu'elles ont entraîné derrière elles.

  • "COMBAT n° 12 1966"   
    Ensuite, leur combat est monté de la base et fut très largement démocratique ; peu de mouvements sociaux en Belgique ont montré une telle mobilisation massive, dans une si longue durée, une telle participation aux assemblées, et aux manifestations , une telle unanimité.

Combien de grèves n'ont elles pas été vécues comme uniquement affaire de militants dévoués qui tiennent les piquets ,la grande masse restant à la maison.  ?
ASSEMBLEE  A " LA RUCHE" - (sur une bache à HERSTAL 02/2016)
Combien de manifestations n'ont elles pas été de tranquilles promenades entre deux aller et retour en car  ?
Pour les femmes de la FN , des ACEC , de SCHREDER et toutes les autres ce ne pouvait être le cas : la grève devait être active, les manifestations combatives, avec mots d'ordre et chansons, les assemblées massives, les décisions démocratiques et collectives (toujours à main levée, sauf ...pour la reprise du travail).

  • Enfin ce combat s' est mené dans la solidarité , avec les femmes des autre usines soumises aux mêmes discriminations – Schreder, ACEC , Jaspar etc - malgré les pressions continues pour éviter tout élargissement du mouvement, malgré la condamnation publique dans leur propre camp (2) des actions menées vers la grande usine soeur (1600 ouvrières) des ACEC de Charleroi .
14 mars: appel du comité d'action des ouvrières de la FN aux travailleuses liégeoises
  • Solidarité aussi de tous les travailleurs de tout le pays, et des pays voisins, par les collectes, les motions , les délégations aussi bien FGTB que CSC , la solidarité des commerçants, de Herstal, des coopératives – sans oublier bien sur les ouvriers de la FN eux mêmes.
C'est pour avoir fait vivre ces principes de gauche du combat ouvrier, l'action, la démocratie et la solidarité, toujours actuels aujourd'hui, pour avoir démontré que c'était ainsi qu'il était possible de gagner, que – je pense - nous devons dire merci à ces magnifiques grévistes de 1966, à leur comité de grève et avant tout à ces courageuses femmes des Comités d'Action , groupées derrière la communiste Germaine Martens, qui ont agi en lanceuses d'alerte, entraînant dans l'action la grande masse , imposant le tempo démocratique de la base à leurs organisations , organisant l'élargissement du mouvement.


  • Solidarité aussi des femmes , syndicalistes , intellectuelles, étudiantes, juristes, professeurs, journalistes , militantes politiques, toutes ces  féministes – (et les hommes solidaires) - désireuses de se battre pour un principe universel : l'égalité  des femmes et des hommes, et qui soudain voyaient éclater sous leurs yeux , souvent ébahis, la dure réalité de la discrimination des femmes au travail.
Ca existait donc, il y a à peine 50 ans, de ne pas même avoir de douches pour se laver de toute l'huile et la crasse de 8h de machines – «  tu peux aller chercher un seau d'eau chaude, mais il faut rattraper le temps perdu . Et les toilettes sont toujours aussi sales ; la faïence des chiottes est partie ; elles datent sûrement de 1900»  !
Et en 1975, rien n'avait changé!
Ces femmes, notre « moitié du ciel » ,méprisées , humiliées au travail ,
 traitées comme des sous m.... !

LES FEMMES  MACHINE de LA FN

Alors que quelques années plus tôt, moi, à mon athénée en région bruxelloise, après un match de basket de 30 minutes, nous avions filles ou garçons, des douches bien chaudes et des toilettes bien propres à notre disposition !
Le patronat leur reprochait leur « absentéisme », mais personne jusqu'alors ne s'était inquiété de structures d'accueil pour leurs jeunes enfants, dont forcément les femmes devaient seules avoir la charge en cas de problème de garde.
Déjà pas de douches, alors des crèches ? des salles d'allaitement  tant que vous y êtes  ! Ca ne va pas la tête ???

Je devais avoir les mêmes yeux ébahis il y a quelques jours quand une camarade m'a décrit les conditions de travail dans une blanchisserie industrielle du XXIème siècle , quelque part en Wallonie : contrats précaires , salaires de misère, rythmes infernaux : malgré tous les beaux discours, les discriminations sont là, plus que jamais.

MARIANNE organisation des femmes du PTB  (Photo Solidaire, Martine Raeymaekers)
(1) Mr EGA était   membre important de la direction de la FN. A ce titre il faisait partie de la délégation patronale aux négociations, aux côtés du DG  Drechsel  . voir  Gubbels - "De vrouwenstaking" CERSE 1966 p 53 

(2)A la 7ème assemblée du 28 mars, Guillaume Barbe -secrétaire général adjoint  de la centrale des Métallurgistes FGTB Liège,  désapprouve publiquement l'action des ouvrières de la FN qui se sont rendues aux ACEC de Charleroi ( MT COENEN -"La grève des femmes de la FN..." p142)