vendredi 3 novembre 2017

OCTOBRE 1917 : LES AVENTURES D' EMILE VANDERVELDE ET JULES DESTREE AU PAYS DES SOVIETS (1)

Soviet des usines Poutilov petrograd

Nous commémorons en ce début novembre 2017 le centenaire de la révolution russe de 1917.
L'émergence de l'Union Soviétique suite à la révolution d'Octobre m'a marqué dés mon enfance :
mon père Arthur Tondeur (1), a été , après la guerre , secrétaire pour la région de Charleroi des Amitiés Belgo – Soviétiques.
Mes souvenirs d'enfance sont émaillés d'images de rencontres avec des invités soviétiques ( musiciens, artistes , professeurs) ; leur langue douce et chantante résonne encore dans mes oreilles.
Mon père organisait aussi des projections de films soviétiques dans la région ; nous avions ainsi le privilège de voir en « avant première » , en VO ,le dimanche à la maison ,tel ou tel film , distribué par Progrès – Films. Je me souviens par exemple de la trilogie autobiographique de Maxime Gorki , « Ma vie d'enfant » , « En gagnant mon pain », « Mes Universités » du réalisateur Marc Donskoï.  
Et d'un autre film dont le titre était « Stalingrad »...
Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis, et l'Union Soviétique s'est effondrée il y a 25 ans. 
Mais 1917 restera toujours pour moi, la référence d'une rupture radicale avec le capitalisme d'un peuple qui, classe ouvrière en tête, s'est dressé pour son émancipation.
C'est pourquoi en ce centenaire , je ne résiste pas à l'envie de vous faire partager, cher lecteur quelques lectures de circonstance : les témoignages écrits de 2 personnalités de chez nous dont tant de rues , de places publiques et d'écoles portent le nom.
Témoignages contradictoires de 2 célébrités social démocrates, faits à la fois de beaucoup d'aveuglement et de préjugés , mais aussi d'un peu de lucidité, et qui méritent , à mon avis, d'être connus.
Emile Vandervelde voyage en Russie du 18 mai au 25 juin et il   écrira : « Trois aspects de la révolution russe . 7 mai – 25 juin 1917» (2)
Jules Destrée est ministre de Belgique à Petrograd de la mi octobre 1917 au printemps 1918 et écrira « Les Fondeurs de Neige – Notes sur la révolution bolchevique à Petrograd pendant l'hiver 1917-1918 ; »



Les intérêts de la bourgeoisie belge en Russie avant la Révolution sont énormes mines de charbon, sidérurgie, métallurgie, - avec une forte concentration dans le bassin du Donetz - , verrerie, chimie , tramways , production d'électricité . La Belgique petit pays impérialiste , est le plus grand investisseur étranger en Russie ,rapporté à l'importance de sa population.
Mais , plus peut être que les intérêts économiques de leurs amis capitalistes, ce sont les intérêts
politiques qui guident le gouvernement du Havre et la monarchie dans leurs relations avec la Russie révolutionnaire : la pousser et l'encourager , à tout prix , à continuer la guerre.
Et les mieux placés pour se faire , ce sont les dirigeants du Parti Ouvrier Belge (POB), comme ils l'avaient été en Italie (3) pour faire pression sur le Parti socialiste italien et pour soutenir, y compris financièrement , le dissident jusqu'auboutiste Benito Mussolini .
Le tsar est tombé, les sociaux démocrates mencheviks, et les socialistes révolutionnaires de Kerenski participent au pouvoir dans le gouvernement provisoire de Petrograd . Tous rejettent une politique de rupture de la Triple Entente avec le Royaume Uni et la France.
Le discours social chauvin présentant la boucherie impérialiste , guerre de brigandage pour le partage du monde , comme une guerre sainte de la liberté, de la civilisation et de la démocratie ( « les droits de de l'homme » dirait on aujourd'hui) contre les autocraties, les barbaries des Empires Centraux , prend selon les chefs du POB tout son sens dés lors que « la tache » de l'alliance avec l'autocratie tsariste est effacée.
L'historien Jean Stengers décrit ainsi l'attitude d'Emile Vandervelde , le leader du POB :


«Nous luttions pour les libertés du monde et nous avions pour allié l'empereur de toutes les Russies. Nous luttions pour le droit des peuples, et on pouvait nous opposer la Pologne ou la Finlande».
Grâce à la révolution de février, s'écrie Vandervelde, «cette équivoque a pris fin» . C'est dire qu'il va saluer avec enthousiasme la révolution et la nouvelle «démocratie russe». Désormais, déclare-t-il, l'on pourra apercevoir, «dans sa clarté éblouissante, la portée de la lutte suprême qui met aux prises les peuples du monde entier. D'un côté toutes les autocraties, de l'autre toutes les démocraties» (4 )

C'est dire si la révolution de février a été reçue par eux comme du pain béni
C'est donc le 18 mai 1917 que trois dirigeants de premier plan plan du POB arrivent en Russie : Monsieur le Ministre Vandervelde, Louis De Brouckère et le lieutenant Henri De Man.
Avec un triple but :
  • S'opposer , avec les autres socialistes de l'Entente , les français et les anglais , à une paix séparée ou à toute tendance à la paix à tout prix.
  • Appeler à la solidarité avec la Belgique ( the poor little Belgium) et avec les travailleurs belges dans leur lutte contre l'impérialisme allemand.
  • Prendre attitude auprès des sociaux démocrates russes vis à vis des projets de conférence de Stockholm pour une paix négociée - en fait les amener à renoncer à toute conférence pour la paix et à les convaincre du crédo jusqu'auboutiste « le chemin de la paix passe par la guerre » !



TEMOINS DE LA REVOLUTION A PETROGRAD

Cependant , avant d'entamer leur périple guerrier sur le front, les trois compères visitent Petrograd, le Soviet , alors encore dominé politiquement par leurs amis mencheviks et socialistes- révolutionnaires, ils marchent dans les rues , visitent sept usines à Petrograd , des coopératives à Moscou.
Et le récit d'Emile Vandervelde ( 2) ne manque pas d'intérêt , comme témoignage de ce bouillonnement révolutionnaire qui traverse le peuple russe, qui , comme une éruption volcanique, surgit d'en bas , du plus profond des masses ouvrières et populaires.

« Il faut avoir vécu de telles journées, pour savoir ce qu'est l'enthousiasme des premières semaines d'une grande Révolution.
Au Champ-de-Mars, où les morts de la Révolution ont été enterrés, des cortèges défilaient,chaque dimanche, du matin au soir, apportant des fleurs et des couronnes d'immortelles. Sur la Perspective Newsky, où même à la Novoïe Vremia, même au Crédit Lyonnais ou a la Banque de Sibérie, on avait arboré le drapeau rouge, des foules en fête se pressaient, pour le seul plaisir de fraterniser, d'improviser des réunions, d'acheter des livres, défendus hier encore, de respirer enfin l'air de la liberté. »

« Au Conservatoire, à la Maison du Peuple, dans les théâtres impériaux, on donnait, sans relâche,
des concerts-conférences,où la musique presque toujours était excellente et où des milliers d'auditeurs acclamaient, jusque très tard dans la nuit, les principaux orateurs de la Révolution.
Il eût été difficile, au surplus, de dire à qui allaient les préférences politiques de l'Assemblée.
Maximalistes et minimalistes, bolcheviki et mencheviki, léninistes et partisans de Kerensky
ou de Plekhanoff, se succédaient à la tribune. » (5)

Le soviet de Petrograd


Ils situent la structure industrielle de la Russie et de Petrograd en particulier, de même que la force de la classe ouvrière ouvrière dans ces mois du printemps 1917, qui expliquent beaucoup sur le caractère prolétarien et l'issue victorieuse de la révolution en octobre.

« On pourrait trouver dans d'autres coins du monde quelques usines plus gigantesques encore que les ateliers de construction Poutiloff. Mais nulle part, du moins dans les faubourgs d'aucune grande capitale,on ne compte un nombre aussi imposant d'établissements monstres, et on ne trouve une pareille masse de prolétaires travaillant pour le compte d'une aussi faible poignée d'employeurs. »

« Les ouvriers des usines étaient à ce moment les maîtres de la Russie. Ils l'étaient dans toute la force du terme.
Le Soviet qui les représentait, en même temps que la garnison, constituait le seul pouvoir politique capable de se faire écouter du pays, et eux seuls disposaient de la force, par leur milice, par leur association étroite avec les soldats, par leur cohésion surtout et leur propension à agir de concert.
Il n'y avait ni police ni garde d'aucune espèce ; il n'y avait pas non plus d'autorité régulière, d'autorité morale reconnue, d'autorité traditionnelle subsistante, pour s'opposer à leurs volontés.»

Ils décrivent l'émergence dans les usines des comités d'usine et des comités d'atelier , les soviets ouvriers, élus au suffrage universel, et les compétences qu'ils se sont données, dans cette période de double pouvoir :

On trouve dans la plupart des établissements un Comité d'usine élu au suffrage universel des travailleurs des deux sexes, sans distinction d'âge, d'ancienneté ou de capacité technique, sous le régime de l'égalité la plus absolue.
Il contrôle toute l'activité de l'établissement [...]non plus dans l'intérêt des actionnaires, mais dans celui des ouvriers. Il s'intéresse moins aux conséquences financières de l'exploitation qu'aux conditions de travail qu'elle crée. La différence principale consiste en ceci que les « recommandations » des travailleurs sont, dans les circonstances actuelles, bien plus impérieuses que celles des actionnaires et qu'il est autrement plus difficile de les éluder. »

«  Les comités d'atelier : on en trouve dans tous les ateliers importants.
Ils sont élus, comme les précédents, au suffrage universel.
Ils exercent le pouvoir disciplinaire en lieu et place du contremaître. Ils ont en général le droit exclusif d'embaucher,de débaucher, d'admonester et de punir. Le contremaître n'exerce plus qu'une autorité technique. » 

Ils décrivent la soif révolutionnaire d'égalité et de partage des compétences qui balaie les usines , le combat aussi contre les contremaîtres despotes notamment dans les entreprises contrôlées par les capitalistes étrangers :

« Tel ingénieur fut obligé de prendre pour de longues semaines la place d'un manoeuvre.
Dans certaines mines du Donetz, tout le personnel des bureaux, le directeur- gérant compris, dut descendre à la fosse et connut expérimentalement les douceurs de l'abattage, tandis que des mineurs, dont certains étaient illettrés, siégeaient gravement dans le fauteuil directorial, sur la chaise haute du comptable ou autour de la table du Conseil d'administration. »

« Il ( le contremaître ) est presque toujours mal vu[ ...]à fortiori , quand il est brutal, quand il est injuste, quand il abuse de son pouvoir, très étendu en somme, pour favoriser ses créatures ou rendre la vie impossible à ceux qui se refusent à faire le sacrifice de leur dignité d'homme.
[...]le contremaître expert et exercé dominait son monde [...] enfin et surtout, parce que, une proportion considérable des surveillants et techniciens étaient des étrangers, Anglais, Français ou Belges, un peu trop tentés, dans la naïveté de leur orgueil national, de considérer leurs hommes comme les représentants d'une humanité inférieure et de se conduire comme des « civilisateurs » aux colonies. »

Bien sûr, ce reportage du plus grand intérêt,  transmettant, on peut le supposer, assez fidèlement la réalité révolutionnaire des usines , est émaillé de considérations raisonnables sur la « bonne volonté réciproque, chez les patrons comme chez les ouvriers, qui fera que la Russie échappera au chaos industriel » ; traversée aussi par cette   arrogance des     socialistes des pays développés d'Occident  sur l'improbable « révolution  sociale telle     que   prévue par les théoriciens du socialisme »:

« La Révolution ouvrière suppose des conditions positives, constructives ; elle exige une capacité industrielle et politique dont le prolétariat urbain de la Russie n'a pas encore fourni la preuve et qu'il ne saurait acquérir en un jour." (sic)


Il n'empêche, il met en évidence la vague de fond ouvrière et populaire , la soif de révolution traversant toute la société russe, qui finalement porta les bolchéviks au pouvoir grâce à leur fermeté sur les principes , grâce à leur programme – le paix, le pain et la terre – le seul répondant aux aspirations des masses les plus larges de la classe ouvrière et de la paysannerie , et à leur maîtrise tactique des réactions à l'évolution politique des événements , rapide, faite d'avancées et de reculs .


VANDERVELDE &Co : « PREDICATEURS DE LA GUERRE SAINTE »

1917 VANDERVELDE  s'adressant aux soldats russes pour continuer la guerre.

Passons maintenant à l'étape militaire , but principal de leur voyage
Savourons , avec stupéfaction quand même  dans ce cadre, cet « éloge de la guerre » présentée comme une guerre sainte, salvatrice de la révolution :
Vandervelde reprend à son compte ces horribles lignes sur la guerre, qu'il attribue de façon énigmatique à George Bernard Shaw  , pourtant, par ailleurs, pacifiste britannique et plus tard ami de l'Union Soviétique.
 »[...] Pour avoir un gouvernement uni et omnipotent, il faut commencer par avoir une guerre. Si la Révolution veut être délivrée de la réaction et si la République russe veut éviter de s'effondrer par le mécontentement de la asse ouvrière, le gouvernement révolutionnaire doit se fortifier par la guerre.[...]
Un hasard providentiel épargne aux dirigeants de la Russie l'horrible nécessité de provoquer cyniquement une guerre pour sauver le pays . La guerre est toute faite pour eux ,[...] et la Révolution l'a transformée d'une guerre dynastique pan-slave en une croisade pour la liberté et l'égalité dans le monde.
Et c'est dans cette guerre sainte que réside le salut de la Russie délivrée de l'anarchie »

Vandervelde poursuit :  
« C'est en prédicateurs de cette guerre sainte que nous allions sur le front.
Notre voyage ne devait être ni une excursion d'amateurs, ni un simple moyen de satisfaire notre curiosité. Le généralissime Alexeieff qui nous y avait invités entendait que ce fut une véritable mission de propagande (5)
 
De g. à dr. le chef des ACM(6) ,Vandervelde , ?  , Henri de Man (en uniforme) et De Brouckère

Et de décrire les artifices utilisés par ces prédicateurs de mort , au cours des centaines de meetings tenus parmi les troupes russes pour les pousser au combat .

D'abord leur faire croire , avec des contes et légendes à dormir debout , comme à des enfants , que la poursuite de la guerre est la poursuite de leur révolution contre le tsar, alors que dés avant 1914, les gouvernements anglais et français qu'ils défendaient n'avaient pas hésité à s'allier aux Romanov et à signer avec eux des traités secrets de partage du monde.
Et n'était ce pas le même Emile Vandervelde qui, en octobre 1914, devant le refus des 2 fractions parlementaires bolchevik ET menchevik de voter les crédits de guerre à la Douma russe , avait appelé à « suspendre la lutte contre le tsar » ,pourtant 3ème tête du monstre de la légende ci dessous ?!

VANDERVELDE au corps belge en Russie des Auto - Canons Mitrailleuses (6)( Jezerna 12/06/1917)
La tyrannie en Europe est comme ce monstre dont parle une vieille légende. Il avait trois têtes. Chaque fois qu'un héroïque chevalier en abattait une, elle repoussait. Pour le tuer, il fallait les lui abattre toutes les trois. Eh bien ! le monstre du despotisme européen a également trois têtes.
Elles s'appellent Romanoff, Hohenzollern et Habsbourg. Ce sont celles du tsar de Petrograd, du tsar de Berlin, du tsar de Vienne.
Le peuple russe a abattu l'une des trois têtes. Mais prenez garde ! Elle repoussera, si vous ne
tranchez pas aussi les deux autres ! »
Ensuite combattre la fraternisation avec les frères soldats allemands ou autrichiens, qui se répandait dans les tranchées , et qui était encouragée par Lénine et les bolchéviks , encore une fois avec des contes pour enfants...

Les Allemands qui essaient de fraterniser avec vous sont comme le loup qui voulait manger
Chaperon Rouge. Le loup, pour tromper Chaperon Rouge, mit le bonnet de nuit et les lunettes de la grand'mère. Chaperon Rouge lui demanda : Pourquoi as-tu de si grands yeux,
grand'mère ?[etc.etc.] Et le loup dévora la trop confiante enfant. Eh bien ! prenez garde au loup allemand ! Pendant qu'il essaie de vous attirer par de belles paroles, il aiguise ses crocs pour mieux vous déchirer ! »

Et de décrire les « scènes d' enthousiasme inouïes. » :
Meeting de soldats à Tarnopol durant la visite de Vandervelde
«  Il n'est guère de grands meetings qui ne se soient terminés sans que, après des ovations sans fin entrecoupant les discours et appuyées par les musiques militaires jouant la Brabançonne et la Marseillaise, nous ne fussions portés en triomphe par les soldats. Le tout aux cris de «Vive la Russie libre ! Vive la Belgique ! Vive le socialisme ! Vive l'Internationale !» ...
En voyant ces masses de soldats, sous les plis des drapeaux rouges, aux inscriptions «Liberté, égalité, fraternité», «Vaincre ou mourir», «Mourons pour la liberté», «La Patrie est en danger», et aux sons de la Marseillaise, manifester leur volonté de lutter pour la liberté de leur pays et du monde, nous ne pouvions nous empêcher de nous reporter en pensée aux grandes journées de l'épopée française de 1792»

Et c'est là sans doute la mystification  la plus honteuse de la social démocratie belge : transformer cette guerre initiée avec l'autocratie tsariste – avec ses traités secrets de partage notamment du Moyen Orient - cette guerre de brigandage impérialiste , la maquiller en guerre révolutionnaire pour la liberté, comme les armées de la République partant au combat en 1792 contre l' intervention étrangère des prussiens et autrichiens afin de restaurer Louis XVI sur le trône !
Quoi qu'il en soit , les trois prédicateurs quittent la Russie, le 25 juin satisfaits d'eux mêmes et confiants, en paroles du moins, dans la réalisation de leur rêve : une révolution démocratique bourgeoise, installant de manière durable au pouvoir d'une république parlementaire à l'occidentale – comme chez nous- leurs amis réformistes mencheviks et socialistes – révolutionnaires , enveloppés dans le drapeau rouge et collaborant avec « les ministres capitalistes » , et surtout, bonheur suprême, continuant la guerre jusqu'au bout.
Alexandre Kerenski
Las ! Leurs prêches s'avéreront inefficaces ; l'offensive Kerenski, la dernière offensive russe dans cette sale guerre, début juillet 1917 est un échec total, des troupes refusant de monter au front.
La contre offensive des austro- allemands repousse l'armée russe en décomposition , dont les soldats , définitivement, refusent de « vaincre ou mourir » pour les marchands de canon.
Le vent a tourné ; la volonté de paix est  portée politiquement par les bolchéviks qui  deviennent majoritaires dans les Soviets  ; la situation mûrit pour l'insurrection .
Et ce fut Octobre...;et là commence une autre histoire!




LE DECRET SUR LA PAIX

Il apparaît de toute évidence à travers l'histoire de ces huit mois de révolution que la question politique décisive , centrale et unificatrice a été la question de la guerre et de la paix , tant l'aspiration à ce que cesse cet enfer de mort, de faim et de misère au seul profit des puissants, était inextinguible au sein des peuples de l'ex - empire tsariste qui ont compté 3,3 millions de morts civils et militaires et 5 millions de blessés.
Le décret sur la paix , signé par Lénine le 26 octobre (8/11) proclamait :

« Le gouvernement ouvrier et paysan, issu de la
révolution des 24 et 25 octobre, et qui s'appuie sur les
Soviets des ouvriers et des soldats et des paysans
propose à tous les peuples belligérants et à leur
gouvernement, de commencer immédiatement des
pourparlers relatifs à une paix juste et démocratique.
[...] à laquelle aspire la majorité écrasante
des travailleurs et des classes laborieuses, épuisées et
exténuées par la guerre, la paix que les ouvriers et les
paysans russes, après avoir abattu la monarchie tsariste,
n'ont pas cessé de demander de la façon la plus
catégorique, la paix immédiate, sans annexions et sans
contributions.
« Le fait de continuer cette guerre pour permettre
aux nations fortes et riches de partager entre elles les
nationalités faibles conquises, est considéré par le
gouvernement comme le crime le plus grand contre
l'humanité, et le gouvernement proclame solennellement
sa décision de signer immédiatement les conditions
d'une paix,mettant fin à cette guerre, aux conditions
indiquées ci-dessus, également équitables pour
toutes les nationalités sans exception. 
Le gouvernement supprime la diplomatie secrète,
en exprimant devant tous les pays sa ferme décision de
mener tous les pourparlers au grand jour, devant le
peuple et en procédant immédiatement à la publication
complète de tous les traités secrets[...]
« Le gouvernement propose à tous les gouvernements
et à tous les peuples de tous les pays belligérants
de conclure un armistice immédiat...»(7)


Les Izvestia publient le décret sur la paix le 27 octobre 1917 (9/11)
Décret pour la paix « qui ne manque pas de grandeur » comme le reconnaîtra Jules Destrée , quand ministre de Belgique à Petrograd, il en reçoit officiellement le texte de la part de Léon Trotski, commissaire du peuple aux Affaires Etrangères.
En notant avec lucidité : « Les bolchéviks ont promis la paix immédiate, reconnaissons qu'ils font ce qu'ils peuvent pour tenir parole. » (

Et c'est pourtant ce surgissement d'une lueur de paix dans cette longue nuit de malheur et de guerre, dont on parle le moins 100 ans après, entre les commémorations convenues et patriotardes du 4 août 1914 et celle encore à venir du 11 novembre 1918 .
Sans doute parce qu' il met en cause les engagements dans la « grande guerre de classe » de la plupart des gouvernements bourgeois (incluant des socialistes) européens et autres (anglais, français, belge, allemand , autrichien , italien , grec, portugais, ottoman, roumain, bulgare  , américain, japonais , chinois etc) et leur refus ( plus ou moins catégorique selon leur situation militaire du moment) de tout processus de paix.

A suivre... "Jules Destree , infatigable pélerin de la guerre "

(1) sur Arthur TONDEUR voir: ROUGEs FLAMMEs  ARTHUR TONDEUR  ( 1908 - 1999) TEMOIN DE « L'AGE DES EXTREMES »
 https://rouges-flammes.blogspot.be/2014/05/arthur-tondeur-boma-1908-menton-1999.html
(2) texte intégral :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3723396
(3) sur l'intervention de Destrée en Italie : voir ROUGEs FLAMMEs : JULES DESTREE en ITALIE
https://rouges-flammes.blogspot.be/2014/07/1914-1918-uomini-contro-et-un-homme.html  
(4)Jean Stengers : Belgique et Russie, 1917-1924 : gouvernement et opinion publique
Année 1988 Volume 66 Numéro 2 pp. 296-328 
(5)toutes les citations suivantes sont extraites de  Emile Vandervelde « Trois aspects de la révolution russe . 7 mai – 25 juin 1917» :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3723396
(6) sur le bataillon belge d'auto canon mitrailleuses, auquel appartenait Julien Lahaut voir 
(7) texte intégral dans Jules Destrée "Les fondeurs de neige" p184  
A lire aussi sur le POB et la guerre de 1914-1918:
Herwig Lerouge ;Le mouvement socialiste et la Première Guerre mondialeEtudes marxistes n°106
sur la conférence de Stockholm:
Maxime Tondeur :  Minoritaires socialistes — pacifistes, flamingants et révolutionnaires — contre la guerre études marxistes n°112http://www.marx.be/fr/content/%C2%AB%C2%A0des-hommes-contre%C2%A0%C2%BB-deuxi%C3%A8me-partie
sur la mission Vandervelde , voir sur le site de la VRT en néerlandais:  "Socialisten in de bres vóór de oorlog"  17/06/2017: http://deredactie.be/cm/vrtnieuws/14-18/1.3003201

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